Chapitre 30 :


Nous étions plaqués contre un haut mur en béton, cachés dans l'ombre tel deux fantômes. Sonya parvenait pratiquement à arrêter sa respiration pour se plonger dans un silence impressionnant. Pour ma part, je faisais de mon mieux afin d'effacer ma présence. L'elfe avait élaboré un chemin à travers la ville pour éviter les zones les plus peuplées ou éclairées. La règle d'or de notre infiltration était d'être invisibles ! De véritables ninjas ! Nous devions nous fondre dans le décor comme le portait de la Mona Lisa sur les murs du Louvres.

Un couple passa à deux bons mètres de nous, main dans la main. Ils semblaient dans leur petite bulle d'amour, un cocon de tendresse. J'y aurais cru s'ils n'avaient pas été membres de la Secte. J'aurais pu être attendri. Cela me serrait le cœur de constater que des gens aux apparences aussi douce pouvaient se laisser endoctriner par un groupe extrémiste. Sonya resta impassible en les suivant des yeux. Je ne savais pas ce qu'elle ressentait ... De la colère peut-être, certainement pas pas de compassion car elle les tuerait à la première occasion venue.

La demoiselle rigola avant de déposer un baiser sur la joue de son partenaire qui lui répondit par un sourire charmant avant de l'embrasser tendrement. Sonya leva les yeux u ciel l'air de penser : « dépêchez vous bon sang ! on n'a pas que ça à faire ... » Ils ne tardèrent pas à disparaître dans le jardin de la maison cible. J'avais du mal à croire que je me retrouvai de nouveau ici. Ma dernière expérience n'avait pas été des plus joyeuse non plus. C'était finalement assez ironique, c'était ici que tout avait commencé, et que tout continuait.

-Infiltration phase deux ! souffla ma camarade.

D'un mouvement de la main elle initia la manœuvre. Elle jeta un coup d'œil de chaque côté de la rue : la voie était libre. Elle traversa la chaussée sous la lueur jaunâtre du réverbère et sauta le muret pour se cacher derrière un large buisson sculpté dans une sphère parfaite. Á mon tour, je prenais garde à ce que personne ne s'aventure dans la rue pour rejoindre ma camarade. Nous avions longuement travaillé ma discrétion, toutefois je n'étais en rien aussi invisible que le Fantôme. Elle me le fit d'ailleurs remarquer d'un regard dur lorsque j'atterris à ses côtés. Sonya était une toute autre personne lorsqu'elle travaillait. Ses moindres gestes respiraient le sérieux et le professionnalisme.

Nous étions dissimulés à l'abri des regards, aussi bien pour les passants que les habitants de la maison. Son architecture me surprenait toujours, de par sa modernité assez absurde.

-Tu es prêt ? me demanda la jeune femme, soucieuse.

J'opinai d'un mouvement de tête. Nous agissions comme prévu au préalable. Je ne la décevrais pas, je me sentais capable de jouer mon rôle.

-Trouve moi une entrée pour m'infiltrer et je m'occupe du reste, déclarai-je optimiste.

L'elfe opina de la tête et se dégagea de la cachette pour se rapprocher de la maison toujours à couvert des plantes. Je retirai mes vêtements et les rangeais dans un sac à dos. Le froid ne tarda pas à se faire sentir tandis que mes joues s'empourpraient à cause de la gêne. J'avais l'impression de me retrouver nu beaucoup trop souvent ces derniers temps. Je ne tenais pas à avoir un casier judiciaire avec un dossier « exhibitionnisme ».

J'étais anxieux. Il y avait tellement de d'étapes qui pouvaient tourner au cauchemar. La commandante des manœuvres avait planifié notre mission dans le plus de détails possibles, toutefois il restait des zones d'ombres. Des zones d'ombres effrayantes. Heureusement Sonya couvrait mes arrières, j'avais un espoir de m'en sortir. Minime, mais un espoir quand même.


Je calmais mon état général et utilisai mon pouvoir. La transformation se déroula plus facilement que lors des entraînements. Mon objectif et mon instinct de survie influençaient mes capacités. Cet instinct sauvage qui me poussait à vouloir vivre. Je secouai mon petit museau dont le bout du nez était blanc. Les fumets étaient forts : un papillon de nuit, une limace, l'humidité de l'herbe. Je me trouvais transporté dans un voyage olfactif inconnu. Et mes oreilles toutes petites sur le haut de mon crâne aplati me permettaient d'entendre le bruit des rongeurs qui courraient dans la haie, le souffle des oiseaux qui se reposaient dans les arbres. Les êtres humains rataient tout un monde fascinant !

-Sam ! appela l'experte en infiltration.

Je clignais des yeux, deux petites billes noires incrustées à l'avant de ma tête. J'entendais la jeune femme comme si elle criait alors que ce ne devait être qu'un murmure. Ma démarche était encore bancale, je n'avais pas l'habitude d'être dans un corps aussi fin et long, petit aussi. Je rejoignais Sonya, me redressant sur mes pattes arrière, équilibrant ma posture à l'aide de ma longue queue chocolat.

-Adorable, je pourrais presque te prendre dans mes bras sale putois, plaisanta la demoiselle qui pendait une brève seconde tomba son masque d'agent secret pour redevenir ma camarade.

Je dévoilai une rangée de dents tranchantes telles de fines aiguilles, des dents qui avaient l'habitude de déchirer la chaire.

-Petit vison, c'est bon te vexe pas ...

Elle marqua un silence avant de me presser un micro en pastille sur la base de la nuque. La colle de pour fixer l'appareil se mélangea à mes poils avant de toucher ma peau. Je roulais des épaules, dérangé par ce contact gluant. Je m'habituerais vite. J'avais pour mission d'enregistrer toutes les informations utiles pour la suite des opérations.

-Ok, j'ai trouvé une entrée facile au niveau du premier étage. Une fenêtre de la chambre d'ami a été laissée ouverte. Il n'y a personne mais fait tout de même attention. Si les chosent se corsent, j'interviendrais, sinon j'attends comme convenu au point de rendez-vous.

Je lui adressai un signe de la queue avant de lever les yeux vers la fenêtre en question. J'aurais plutôt dû prendre l'apparence d'un gecko à patte ventouse pour atteindre cette hauteur.

Je me démenais maladroitement jusqu'au mur et me glissai sur un pot de fleur pour atterrir sur un premier rebord de fenêtre. Les lumières étaient éteintes mais ma vision de prédateur me permis de distinguais un lave-linge et du matériel de ménage. Il devait s'agir de la buanderie, un lieu célèbre depuis que Lise et Max avaient baptisé l'endroit le soir de la fête. Je préférai ne même pas imaginer la scène à laquelle Elodie était tombée par inadvertance. Je tâtais la surface lisse de la bâtisse surpris de trouver quelques prises dans lesquelles mes griffes se coinçaient. J'entamais l'ascension, je m'habituai encore à ce corps d'acrobate, cependant il me devenait de plus en plus familier. Á vrai dire, ce n'était pas la première fois que je prenais l'apparence d'un mustélidé et j'en connaissais la mécanique anatomique, par contre j'avais peu d'entrainement, ce qui ralentissait l'entreprise.

J'apercevais enfin le bout de l'ascension ! Le rebord était à portée de patte. Je m'arrêtai pour écouter les sons provenant de la pièce. Le silence. Je pouvais procéder à l'infiltration !


Habilement je me dressais sur mes pattes arrière, posant une patte après l'autre sur le carreau silencieusement afin de m'équilibrer, je progressais jusqu'à l'ouverture qui se trouvait dans la partie supérieure de la vitre. Une lame de verre qui s'ouvrait à l'intérieur de la chambre. Mes griffes atteignirent enfin le rebord et se bloquèrent pour m'offrir une prise solide. Il était temps de hisser mon arrière train jusqu'au sommet. La sensation d'avoir une colonne vertébrale aussi longue était étrange. Je contractais mes muscles dorsaux afin de soulever mes pattes arrière, courbant le dos dans une belle arche. Mes petites pattes brunes grattaient sur le verre pour franchir les dix derniers centimètres qui me séparaient de la sécurité d'un sol, évitant ainsi la chute mortelle. 

Une fois installé en équilibre sur le rebord du verre, je jetai un coup d'œil vers le sol. Sonya avait récupéré le sac à dos avec mes affaires et suivait ma progression depuis une nouvelle cachette. Si je n'avais pas eu cette puissante vision nocturne, jamais je n'aurais repéré ma camarade elfe. Elle me voyait en équilibre prêt à pénétrer l'antre du diable. Je me glissais à l'intérieur, tombant sur une commode en chêne. J'avais fait un peu de bruit dans ma chute et même s'il n'y avait personne ici, je préférai filer sous le meuble afin de m'y cacher.


Ventre à terre, écrasé légèrement, je me tenais tout les sens en alertes prêt à faire face au danger. Comme anticipé, un rai de lumière traversa la pièce lorsque la porte s'ouvrit. Je fus aveuglé pendant l'espace d'une seconde avant de distinguer des bottines en cuir noir se promener dans la pièce. Elles s'arrêtèrent devant la commode, juste sous mon museau.

-Il veut nous faire mourir de froid, ce n'est pas possible, soupira une voix féminine aux accents suaves.

On y décelait néanmoins de la naïveté dans cette voix, un vestige de douceur. Clic. La fenêtre venait d'être verrouillée. Mon cœur me remonta dans la gorge quand je réalisais que j'étais à présent coincé. La panique. Cette sensation d'être prisonnier d'un lieu qui serait ma tombe. Là tout de suite, je me sentais comme un vison pris la patte dans un piège de chasseur. Un animal qui luttait pour se dépêtrer tandis que le mécanisme se resserrait lentement mais sûrement pour lui briser les os et le condamner à une mort lente et douloureuse. Je pourrais me débattre mais la nuit finirait par m'être fatale ... J'osais espérer qu'ils ne se servirait pas de ma fourrure pour se faire une écharpe.

Les bottines noires étaient toujours là plantées sous mon nez. Je reculais très lentement, évitant le moindre bruit. Une nouvelle silhouette se dessina dans l'embrassure de la porte, je ne distinguais que ses jambes cette fois-ci : il s'agissait d'une homme.

-Qu'est-ce que tu fais à trainer ? Ils ne vont pas nous attendre éternellement ...

La voix était impatiente et grave. Elle me traversa la peau, résonnant dans mes entrailles avec violence. Danger. C'était quelqu'un d'imposant, d'important, le maître de la cérémonie ? Sa voix m'était familière, et pourtant je ne l'avais jamais entendu aussi menaçante, c'est comme si je n'avais jamais connu cet homme auparavant. Il s'éloigna dans le couloir tandis que je retenais mon souffle absolument pétrifié. La femme soupira avant de saisir un vêtement sur le lit, je ne distinguai que sa couleur bordeaux avant qu'à leur tour, les bottines ne disparaissent à la suite du terrifiant personnage. Je me sentais soudainement soulagé d'un poids énorme, malgré tout la menace était encore réelle. Bien trop réelle pour que je soi détendu.


Une minute, deux, cinq s'écoulèrent avant que je ne m'extirpe de sous la commode où j'avais trouvé refuge. Je m'ébrouais, chassant la poussière de ma fourrure chocolat, je passais même mes petites pattes sombres sur mon museau pour le décrasser. Il fallait que je m'introduise au cœur de la réunion à présent. Quel était le meilleur moyen de rester invisible tout en ayant une idée très précise de ce qui arrivait dans la pièce ? Je m'approchai de la porte entrouverte. Lorsque je sortirai de l'obscurité pour rejoindre la lumière, le jeu commencerait, la partie de cache-cache la plus risquée que je n'avais jamais faite ! 

Je repensais au plan de la maison de Laura. C'est vrai que je n'étais pas exactement frais la dernière fois que j'étais venu ici, je me souvenais malgré tout de la disposition des pièces. Nous avions conclu avec Sonya, d'après la disposition des meubles et l'espace des pièces, que le salon était l'endroit le plus propice à ce genre de rencontre entre les membres de la Secte. Je cogitais à vive allure quand l'idée me vient, il y avait un immense placard où reposaient divers souvenirs de famille, trophées, coquillages, babioles de voyage, cadres photos. Je trouverai une cachette parfaite et cela ne m'exposerait pas aux regards de tous car il s'agissait du mur le plus proche de l'escalier. Bien, il ne restait plus qu'à espérer et aviser si les prémonitions se trouvaient être fausses.

Je glissai le nez à l'extérieur et examinai l'espace vide. Je craignais que mes griffes ne crissent contre le bois lisse qui recouvrait le sol. Mes oreilles prirent le relais sur ma vision pour m'assurer que la voie était libre une fois de plus. Silence à l'étage. Cacophonie au ré de chaussée. J'étais à présent presque sûr que le rendez-vous était au salon. Je tâtais le terrain d'une patte hésitante, normalement le bruit des discussions devrait couvrir le cliquetis des griffes sur le parquet. Je m'élançais alors plus gracieusement qu'auparavant en direction des marches. Arrivé e haut de l'escalier je marquais un arrêt pour analyser la situation une fois de plus. Voie libre. Je descendais les marches l'une après l'autre avec la plus grande discrétion possible. Il suffisait que je m'imagine invisible pour que cela devienne une réalité.

Le groupe fit soudainement silence. Freiné dans mon élan, je finis par m'immobiliser derrière une plante en pot. Le ré de chaussée n'était pas éclairé comme l'étage. Il faisait sombre, vraiment sombre. Seules des bougies illuminaient le lieu dans un éclat lugubre. On se serait cru en Enfer. C'était une minute d'attente effrayante. Je me faisais tout petit. Deux personnes en toges bordeaux passèrent tout près, murmurant des paroles sur un ton religieux. Au moment où ils pénétrèrent la pièce, le groupe entonna un chant, en ce qui me sembla être du latin. « Sumus lucem in tenebram ! Sumus pacis patronos in mundum de diabulorum ! »

Ma chance se présentait ! Leur chant était la couverture parfaite pour moi. Je filais dans la pièce pour découvrir une cérémonie des plus étranges. Tous les protagonistes portaient cette cape à grande capuche bordeaux qui leur couvrait le visage jusqu'à la lèvre supérieure. Je me jetai sur l'étagère et m'y hissai pour prendre de la hauteur. La grande table était loin, de l'autre côté de la pièce. J'entendais bien mais je ne voyais pas suffisamment les détails. Il fallait que je prenne de la hauteur. Je regrettai de ne pas avoir opté pour un gecko finalement, j'aurais eu un avantage. 

Je grimpai sur l'étagère aussi haut que possible, évitant de déranger les tasses en porcelaines exposées ainsi que la statue d'éléphant en bois. J'atteignais le sommet, je surplombais à présent la pièce. Mais je n'étais pas encore assez bien positionné pour espionner les membres de la Secte. Je levai les yeux et remarquai une poutre sur laquelle je devais pouvoir me hisser. Je jaugeais la distance avant de bondir. Les animaux m'étonnaient toujours par leur agilité. J'atteignais la poutre poussiéreuse sans problèmes avant de plisser le nez pour retenir un éternuement causé par les fines particules. C'était moins une ! J'avais failli griller ma couverture. Prêt à continuer, je trottinais en direction de la table. Ici personne ne me verrait, en revanche j'étais placé sur un trône en ce qui concernait mon infiltration.

La discussion avait commencé. Au vu du ton de la conversation, la situation actuelle ne plaisait pas à la Secte.

-On doit frapper fort ! Ils ont massacré Stan et John a disparu. Soit il est mort, soit ils l'ont en otage. Je ne pense pas que nous devrions sous-estimer l'Organisation ! Ils nous traquent. Cette elfe qui nous a glissé entre les doigts est toujours là, et elle en sait beaucoup trop ! marmonna une demoiselle contrariée.

Ses cheveux noirs bouclés s'agitaient avec elle comme pour appuyer la rage de ses propos.

-Calme toi Tanya. Nous aussi avons eu certains de leurs pions. Ils deviennent que nous ne sommes pas sans défenses.

Je tiquais en entendant cette voix ! Non, ... non ... Le père de Lilyan, commissaire de police en chef de la ville. Voilà comment ils s'en sortaient sans soucis à chacune de leur chasse ! Je n'en revenais pas, il y avait des hauts placés ici. Maintenant qu'ils retiraient leurs chaperons, je découvrais de plus en plus de personnalités connues. Une préfète, la mère de Lin Yao. Callum le riche maître d'hôtel. Je retenais mon souffle. Pourquoi ? Que leur apportait ces tueries ? Croyaient-ils vraiment que nous n'étions que de la vermine au même rang que les cafards qui grouillaient à la décharge ? 

J'avais le souffle coupé. C'était beaucoup plus effrayant que ce que j'avais cru au départ. Je pensais qu'il n'y aurait que quelques fanatiques un peu fous, pas les parents de mes camarades de classe ... Et en même temps j'aurais dû m'en douter sachant que le rendez-vous avait lieu chez Laura. Il n'y avait plus que trois personnes avec des capuches sur la tête. Les hôtes, parents de Laura qui se tenaient debout sur le côté, et le personnage qui présidait la tablée. Je ne discernai rien de lui si ce n'était une large cape bordeaux. Dans l'ambiance obscure il me semblait être le monstre le plus dangereux même si jusqu'à présent il avait gardé un silence de plomb. La querelle se poursuivit entre faire profil bas ou bien mener des représailles. J'écoutais sans avoir aucune idée des divers évènements auxquels ils faisaient référence, enfin presque car il fut mention de l'unique événement dont j'étais témoin majeur.

-Nous finissons par nous tromper de cible. Si ce n'est pas malheureux pour la famille Alberto ... leur fille unique disparue en un instant..., je vois leurs visages accablés chaque matin, tout ça par la faute de la secte ou devrais-je dire vous Alexandre, se lamenta une sexagénaire avant de se montrer accusatrice. [Note : Rebecca Alberto – je n'avais pas casé son nom de famille avant dans le roman]

Ce ne fut pas lui qui prit sa défense mais la femme à ses côtés.

-Ce n'était pas de sa faute ! Jamais elle n'aurait fait une chose pareille si elle avait eu conscience du danger dans lequel elle mettait cette petite ! Comment pouvez-vous sous-entendre de telles atrocités au sein de mon foyer Caroline ?! Le mal vous possède-t-il ? Ayez conscience que les responsables de ce désastre courent toujours en liberté, ils sont là dehors ! s'emporta-t-elle en désignant l'extérieur après avoir tapé sur la table avec colère.

Caroline tint le regard de son adversaire, rouge de colère et de honte. Que comprendre de cet échange ? Alexandre n'était certainement pas le « elle » auquel se référait la quadragénaire, je ne questionnais pas son genre pour l'avoir déjà rencontré au lycée lors des fameux rendez-vous parents-élèves ... Le seul « elle » auquel la blonde pouvait faire référence sur un ton aussi défensif était Laura.

-Assez !

Un point cogna sur la table avec violence. C'était la première fois depuis le début de la réunion que j'entendais sa voix, celui du monstre bordeaux. Ferme. Tranchante. Elle n'en demeurait pas moins envoutante. Il n'y avait pas de doute sur l'identité du leader, il tenait toutes les cartes en main.

-Si nous sommes réunis ici ce soir ce n'est pas pour se crier dessus et être en désaccord. Non mes amis, ce soir nous sommes réunis ici pour accueillir un nouveau membre dans nos rangs. Sancti Venatores, nous avons connu des jours difficiles. Les membres de l'Organisation nous mettent de plus en plus de bâtons dans les roues, les créatures s'agitent et nos enfants sont en danger. Heureusement certains comprennent la voie des Sancti Venatores et choisissent de nous rejoindre.

Sa phrase resta en suspens tandis que le silence s'installait. De l'autre côté de la pièce une lueur brillait dans la pénombre, la flamme dansante d'une bougie vacillait à chacun des pas du porteur. L'individu encapuchonné avançait d'une démarche cérémonieuse, il avait travaillé son entrée. La secte avait des codes précis, car chaque membre se tenait à l'identique, dans le silence le plus complet. Alexandre tira une chaise, elle était tout près du chef de table, et sans bruit le membre à devenir posa la bougie devant lui, sur la table et s'installa.

-Nous nous penchons ce soir sur ton cas. Les Sancti Venatores t'ouvrent leurs bras pour t'accueillir parmi eux. Nous oublions tes pêchers, et t'offrons un lendemain meilleur. Nous sommes ceux qui t'accompagneront dans cette vie pour guider tes pas sur la voie de la raison. Jures-tu de vouer loyauté et obéissance à tes frères et sœurs d'âmes ?

-Je le jure.

-Ouvrez-vos cœurs à notre nouvelle recrue Sancti Venatores.

Ils entonnèrent tous, ce qui me paraissait être un chant de guerre plus qu'un air mélodieux. Et enfin j'allais découvrir le visage du nouveau qui portait ses mains fines jusqu'à sa capuche. Ses longs doigts s'enroulèrent sur le tissu bordeaux pour le retirer lentement de sa tête. De belles boucles blondes tomèrent en cascade sur ses épaules. Son visage n'exprimait rien, c'était la première fois que je découvrais Laura avec une expression aussi neutre. Elle aurait pu être une machine sans cœur ni émotions que son expression aurait été la même. Pourquoi ?! Comment ?! J'étais partagé entre la colère brûlante pour ce que ma camarade faisait et le désespoir déchirant de la perdre ainsi. Laura, j'avais du mal à croire qu'elle puisse faire du mal de son plein gré. La douleur m'enserrait la poitrine, me coupant le souffle. Le petit être que j'étais contractait ses muscles, les griffes s'enfonçant dans le bois.

Le maître de cérémonie n'avait pas encore terminé. Il leva la main à hauteur de son visage. Enfin, l'individu dévoila un détail à son sujet. Sa manche large se trouvait au niveau de son coude, la couleur bordeaux de sa toge tranchait avec la pâleur de sa peau. Cette dernière était blanche, fantomatique, on croyait voir un malade. Des reflets vert pâle se dessinait sur son avant bras à la lueur de la bougie. Sous son poignet un tatouage noir rajoutait du contraste entre la blancheur de son être et le reste du monde. 

La marque était singulière, composée de trois parties bien distinctes. Á la base de sa main, une sorte de serpent qui courbait la tête sur la droite, se tortillant sur quinze centimètres. Ce n'était pas détaillé, un dessin d'enfant soigné, qui ressemblait juste à un trait plein. Sur la gauche, en dessous de la tête, un triangle semblable à un croc arqué se détachait de la structure. Á droite, il m'était difficile de décrire la marque, cela me rappelait un sabre fantaisie, dont le manche s'incurvait sur la droite et s'affinait dans une lame très fine qui suivait le serpent pour cesser au même niveau que sa queue. J'en oubliai le reste tant ce personnage me fascinait, il m'avait envouté alors que je n'avais vu que son tatouage et entendu sa voix.

-Pour être un membre de notre famille bienveillante, il faudra que tu nous prouves ta loyauté. Nous avons une tâche très simple à te confier. En accomplissant ce petit travail tu abandonnes ton passé, tu embrasses un futur où tes pêchers seront tous pardonnés.

La voix se faisait plus enivrante, chaque parole entrainante, mais quelle manipulation ! Il usait de la culpabilisation pour influencer la décision de l'adolescente. Alexandre serra la main sur l'épaule de sa femme pour l'empêcher de protester.

-Laura, nous savons que tu partages tes cours avec le jeune Sam Feuerberg, le mal est dans son être. Il apporte le malheur ! Rebecca a été tuée à cause de lui.

Silence. Laura baissait les yeux résolus à ne laisser filtrer aucune émotion. Pour ma part, j'enfonçais mes griffes dans la poutre en me faisant violence afin de ne pas intervenir. Comment ce personnage osait-il m'accuser d'avoir causé la mort de Rebecca ? J'avais fait tout ce que j'avais pu afin de la sauver, même tenir tête à la tigresse qui aurait pu me descendre d'une balle dans le crâne ! Malgré tout ça par ma nature, que je n'avais pas choisi, j'étais tenu comme coupable à leurs yeux.

-Laura pourrais-tu donner rendez-vous à ce garçon ? Il te suffirait de faire en sorte qu'il se retrouve dans un lieu isolé, seul.

La voix mielleuse du maître de cérémonie usait de son ton à merveille afin que ce qu'il demandait à la nouvelle recrue ne semble en rien au carnage qu'engendrerait son action. Cela en était trop pour le père qui haussa le ton.

-Il est hors de question que ma fille s'approche de ce monstre ! Hors de question !

Les membres attablés échangèrent des coups d'œil furtifs, restant muets. Si l'étrange personnage régnait en maître ici, Alexandre devait être le second car personne ne se permettait de lui tenir tête.

-Ce serait fâcheux que les Sancti Venatores ne pardonnent pas les pêchers de Laura, non ? demanda le démon manipulateur.

-Je vais le faire papa. Pour vous. Pour que vous soyez fiers de moi ! déclara-t-elle coupant son père.

Elle avait finalement relevé la tête et fixait son nouveau supérieur droit dans les yeux. Touché, coulé. Laura venait de sombrer. Elle avait mordu à l'hameçon et il n'y avait plus de retour en arrière possible.

-Parfait. Nous te laissons le cham libre pour agir, ne déçois pas ta famille.

L'homme encapuchonné redressa la tête à son tour, je distinguais sa mâchoire fine et une partie de son cou au teint fantomatique. Un pendentif en argent tenait sur un cordon tressé noir, il représentait un dragon qui s'enroulait autour d'une perle de verre rouge sang. Je reculais, oubliant mes griffes enfoncées dans le bois. Un crissement discret résonna dans la pièce. Je sursautai, conscient de mon indiscrétion. Personne ne s'en souciait encore. Mais lui, le seul qui me faisait peur de par ses paroles cruelles sourit froidement avant de s'adresser à son second.

-Nous ne sommes pas seul ! Quelqu'un nous écoute.

La panique gagna aussitôt le groupe qui cherchait l'individu que désignait le chef.

-Trouvez le et tuez le ! annonça-t-il à ses sbires avant de se lever d'un mouvement théâtrale et de quitter la pièce accompagné par Laura et sa mère qui jouaient les escortes.

Il venait de jeter ses ordres à ses hommes, il n'avait plus rien à faire ici. Il n'allait pas tâcher ses belles mains blanches du vermeille de mon sang.

Sonyaj'ai besoin de toi maintenant !    



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Je fais mon retour après un long moment de silence ...

Je peux m'excuser une nouvelle fois du retard, mais bon, je crois qu'il n'y aura plus de régularité dans la sortie des chapitres parce que j'ai finalement publié tous les chapitres que j'avais en réserve, et entre études et boulot j'ai du mal à écrire régulièrement. Mais n'ayez crainte le projet n'est pas terminé. Je vais essayer de me remettre à l'écriture cet été, et j'espère pouvoir vous publier plus de chapitres dans les prochains mois :)

Comme vous pouvez le constater il y a plusieurs détails que vous ne devez pas forcément comprendre. J'ai rajouté des éléments qui ne sont pas encore dans le roman. Des personnages et des situations qui apparaitront lors de la réécriture. J'espère que ce n'est pas trop gênant pour vous, n'hésitez pas à poser des questions si vous vous sentez perdu :3

Bonne lecture sur wattpad ! :D


Petit bonus : voici un vison :3 

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