Chapitre 22 :
Warning : level 3
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Waouf ! Waouf ! Les aboiements agressifs du molosse retentirent dans la clairière. Mon regard terrifié croisa celui du chien. Il aboya de nouveau tandis que je me jetai sur le côté, à l'abri d'un large tronc d'arbre à l'écorce dur. Une corneille s'envola maladroitement en direction du ciel bleu. Mes yeux fermés me permirent de me couper momentanément du monde. Mes oreilles prirent rapidement le relais. Le type fulminait depuis l'intérieur du cabanon, je l'entendais par dessus les aboiements.
Un fracas se propagea dans l'étendue dégagée lorsque la porte en bois claqua contre le mur du cabanon. J'ouvris les yeux et osai un regard en direction de l'homme, toujours bien caché depuis l'arbre en périphérie de la clairière.
-Ferme-la sale con ! vociféra le maitre de l'animal qui continua à beugler des insultes à son chien. 'Tain, tu vas pas gueuler à chaque écureuil qui passe par là !
Le chien aboya une dernière fois avant que l'homme ne lui assène un coup de bâton dans les côtes, juste à côté de son bandage. Il mugit douloureusement avant de se coucher sur un vieux coussin déglingué et se taire. L'horrible personnage dévoila ses dents jaunies dans un sourire de satisfaction déplaisant avant de retourner à l'intérieur. Il avait tous les défauts. S'il n'avait pas été si dangereux j'aurais volontiers fracassé ses dents de mon poing serré.
Le silence était retombé sur la clairière. Je mis fin à l'apnée et inspirai une grande goulée d'oxygène. J'avais eu chaud. Très chaud ! Toutefois le regard suspicieux dont l'homme avait sillonné la clairière m'indiquait qu'il se tramait de drôles d'histoire dans cette cabane.
Le chien était parfaitement conscient de ma présence ici mais son maître n'avait idée de ce qui se préparait. J'imaginais qu'après sa cruelle punition, l'animal ne montrerait pas les crocs de nouveau. J'étais tranquille pendant un moment. J'optais pour contourner la clairière jusqu'au cabanon, me faufilant parmi les buissons touffus d'aubépines et les chênes kermès piquant. Il y avait tout près de la baraque un arbre qui me permettrait de prendre de la hauteur et me protéger au moins des morsures potentielles.
Á pas de loup, je me dirigeai vers le noyer nu sans ses bourgeons printaniers. Je gravis les branches une à une jusqu'à me trouver au dessus de la bicoque en bois. Elle était renforcée par des poutrailles en fer qui semblait lui donner de la stabilité, toutefois la tôle abimée du toit, ne m'inspirait guère confiance. Une lucarne offrait une splendide vue de l'intérieur cependant, pouvais-je me permettre de rater cette opportunité d'assouvir ma curiosité ?
Je devais atterrir dans le silence le plus complet si je ne voulais pas attirer l'attention. J'inspectai alors attentivement la surface où j'allais devoir me jeter. Dans un coin, la structure paraissait solide, malheureusement ce n'était pas le plus proche. J'hésitais. Prendre le risque de passer à travers le toit, ou de craquer la branche sur laquelle je jouais au singe... J'étais perché sur une portion de branche assez épaisse mais elle maigrissait à vue d'œil et elle ne supporterait pas mon poids bien longtemps.
Après avoir évalué les deux situations, j'optais pour une tentative de me glisser le long de la branche. Cette dernière craqua doucement. Ce n'était clairement pas un bon départ ! Je me trouvais dans une position difficile. Je décidai d'arrêter mon parcours à mi-chemin. Le chien s'était levé de nouveau sur ses gardes. Oh, il savait très bien que quelque chose se tramait, mais il avait pour ordre de se taire alors après un couinement agacé mais plus encore discret, il finit par se recoucher bien gentiment.
Une fois la voie libre, je persévérais dans ma route afin d'atteindre le coin que j'avais choisi pour mon acrobatie. Par bonheur la planche résista à mon poids et je pu aisément prendre appuie sur la surface. La tôle n'était pas très stable et extrêmement glissante à cause de la mousse humide. Malgré le soleil d'aujourd'hui, l'ombre des arbres empêchait l'eau de sortir des lycènes, rendant la surface plus glissante qu'une patinoire.
J'évaluais de nouveau la stratégie à adopter à partir de maintant. Le plus intelligent serait de s'accroupir puis s'allonger sur le toit afin de répartir mon poids sur une surface plus importante et éviter de passer à travers et me briser la nuque. De plus la fenêtre n'était pas trop loin, en rampant d'à peine un mètre je devrais arriver à destination.
J'agis avec extrême prudence de peur de me faire remarquer. La tôle grinça faiblement lorsque j'appuyai mon corps contre cette dernière. J'avançais petit à petit, réduisant la distance entre le but de ma quête et moi. Je sentais le toit trembler à chacun de mes gestes. Dans ma tête les pires des films se déroulaient : et s'il tirait à travers le toit et me touchait dans l'estomac me laissant mourir d'hémorragie, et s'il laissait son chien me manger vivant, ... Cette imagination que j'aimerai taire par moment ! Mais d'un autre côté ces idées m'avaient occupé jusqu'à ce que j'arrive à la fenêtre.
Un bruit sourd se fit entendre. Une barre de fer venait de heurter le sol. Je déglutis encore incertain à m'engager dans cette histoire. Je ne pourrais plus revenir en arrière une fois que j'aurais découvert quelles pratiques barbares se déroulaient ici. Un cri résonna de nouveau, suivi d'un gémissement plaintif. Très lentement je me hissai à hauteur du verre sale. Il était bruni par le temps, difficile d'y voir à travers. Une couche de poussière et de saleté encrassait la totalité du carreau. Je plissai les yeux afin de discerner les contours de ce qui se trouvait à l'intérieur. L'affreux me tournait le dos, il tenait dans ses mains rugueuses une lame tranchante dirigée vers sa victime. Une victime très singulière.
La jeune femme était assise sur une chaise en bois sombre, les mains attachées dans le dos, et les pieds liés à ceux de la chaise par une épaisse corde en chanvre. Á la vue de ses ecchymoses et ses cicatrices encore sanglante recouvrant la majorité de ses membres, elle devait passer un sale quart d'heure et ça, depuis des jours !
Ce qui me marquait le plus était ses cheveux, ils tombaient en cascade devant ses yeux, que je ne pouvais apercevoir à cause de sa tête pendant mollement d'un air résigné. Ses cheveux étaient d'un beau bleu pastel. Un bleu qui se rapprochait de celui du ciel de printemps dans les instants suivant l'aube : pale et magnifique ! Ma main au feu que c'était une créature ! L'homme s'approcha d'elle d'un pas lourd, colérique, il enfonça sa main dans sa bouche et agrippa sa langue fermement, la tirant dehors sa lame prête à couper.
-Bordel ! Tu vas parler oui ?! Ou tu veux que je te donne une bonne raison de ne plus le faire ? lança-t-il hargneux.
Elle ne bougea pas, pas même un soupir ou un haut le cœur. Peut-être qu'elle était morte ... quand soudainement sa langue disparue remplacée par une rangée de dents qui mordit sauvagement la main malveillante. Un hurlement de douleur échappa alors du bourreau. Un sourire s'installa sur mes lèvres : bien fait pour lui, il n'a que ce qu'il mérite ! Je fus surpris par cet élan de violence qui traversa mon esprit. Je n'étais pourtant pas du genre à aimer la violence, même si dernièrement je devais admettre qu'une colère s'était éveillée en moi et le feu ne cessait d'être alimenté par les horreurs dont j'étais témoin.
-Salope ! Tu vas me le payer ! s'égosilla le gaillard qui secouait sa main dont quelques larmes rouges en perlaient.
Dans la seconde qui suivi son pied buta contre l'abdomen de la fille, la repliant dans un souffle pénible. Un jet écarlate se déversa sur le sol, juste avant que le dossier de la chaise ne cogne contre le mur. Elle faisait tellement peine à voir ! Je détournai les yeux. Je ne supportais pas cette torture.
-Tu fais moins la fière soudainement ! Et dis moi, ta langue je vais en avoir besoin pour te faire avouer mais tes yeux, personne n'a dit qu'on avait besoin d'une voyante. Tu vas parler ou ... parce que personnellement je préfèrerai que tu continues à la boucler histoire de m'amuser encore.
Á ces mots il sortit un briquet zippo de sa poche qu'il ne tarda d'ailleurs pas à allumer.
-Je compte jusqu'à trois ... Un ... Deux ... Trois.
Silence. Elle avait vraiment perdu sa langue.
-Parfait ! Je n'en attendais pas moins de toi, grogna-t-il parfaitement satisfait de poursuivre la séance punitive. La vermine dans ton genre moi je la méprise !
Son moyen de pression à la main, il frôla d'abord son bras laissant le feu agir. Pas un son. La jeune femme résistait, sans doute se mordait elle la joue pour ne pas hurler. Mais sa résistance atteignait ses limites. Un gémissement bref. Un sourire cruel illumina le visage de l'affreux.
-Tu ressens tout de même quelques choses, passons donc à tes beaux yeux.
Elle essaya de se débattre agitant nerveusement la tête mais il empoigna sa belle crinière ciel et caressa à maintes reprises sa joue avec la belle et dansante flamme orangée. Une plainte insupportable perça alors d'entre ses lèvres. Je ne pouvais plus regarder. Les hurlements déchirants me forcèrent à plaquer mes mains sur mes oreilles, je retenais mes larmes à l'idée d'être à sa place.
Je ne pouvais plus rester impassible et laisser faire ! J'attrapai une pomme de pin sur le toit et la lançai contre la porte. Heureusement que le basket m'avait appris à viser. Je recommençai une nouvelle fois, les cris diminuant de volume. Mon plan marchait mais quelle était la suite ? Le chien aboyait de nouveau comme un fou. J'avais un peu moins de dix secondes avant que le bourreau ne sorte de sa cabane. Réfléchi ! Réfléchi ! Une silhouette dans les bois attira mon attention : une biche élancée. Elle était ma sauveuse et je m'en voulais déjà de ce que j'allais lui faire subir. J'espérai qu'elle parviendrait à s'en sortir. Cinq secondes. Les aboiements rageurs du chien continuaient à résonner dans la clairière.
-Bon courage ! soufflai-je en direction de la demoiselle de la forêt.
Je lançais une pomme de pin tout près d'elle, la précipitant dans un galop effrayé. Le chien avait bien sûr remarqué l'animal. Je croisais les doigts pour que ses instincts de chasseur prennent le dessus. La porte s'ouvrit et le molosse déchainé tira sur sa corde pour courir à la poursuite de la biche.
-P'tain qui c'est ? Une autre taupe ... Cherche ! Cherche ! Si tu trouves, tu tues ! cria-t-il à l'animal tout en saisissant sa laisse.
Ils s'élancèrent dans les bois. J'avais un très bref intervalle pour réagir. J'avais peur de ce que j'allais découvrir. Un corps meurtri aux yeux brûlés. Un cadavre ayant vécu un calvaire. Qui savait ce qui était arrivé à cette pauvre fille à présent. Je bondis du toit sans plus perdre de temps, prenant garde à me réceptionner sur mon genou valide.
La porte était grande ouverte et je m'engouffrais dans l'antre du diable. Elle était là. Assise sur la chaise, la tête basculée en arrière. Ses yeux fermés étaient humides en leur coin, elle pleurait en tentant de retenir ses larmes. Impossible de ne pas sentir cette odeur de chaire brûlée. Elle prenait à la gorge et me piquait les yeux.
Par réflexe je portai ma main devant mon visage pour m'en protéger. C'était l'avertissement de ce que j'allais découvrir. Des peaux rougies et couvertes de cloques se dessinaient sous ses yeux, sur le haut de ses pommettes. Et sur son bras, en inscription brune et brûlée : monstre. Cela confirmait mon hypothèse, il s'agissait bien d'un être surnaturel. J'étais à présent devant elle, essayant de détacher ses pieds, mais les nœuds étaient si serrés qu'ils creusaient ses chevilles. La demoiselle me semblait à présent alerte, elle avait ouvert les yeux et fixait la porte attentivement. Quel soulagement ! Il n'avait pas eu le temps de lui altérer la vue.
-Stan, j'suis de retour ! héla une voix grave à l'extérieur.
Paniqué, j'abandonnai tout pour me réfugier derrière la porte. Je me faisais toujours avoir, pourquoi ils étaient toujours plusieurs ?! ... Un type solide fit son entrée dans le cabanon, il s'avança vers la jeune femme avec un désintérêt forcé, car chacun de ses sens étaient captivés par la créature.
-Alors comme ça Stan n'a toujours pas réussi à te faire cracher le morceau ? Coriace la gamine. Et il t'a bien abimée. C'est dommage ... un vrai gâchis, déclara-t-il en passant la main sur son crâne rasé.
Il avait la carrure d'un marine costaud, un type contre lequel je n'avais aucune chance. Heureusement il semblait tellement intéressé par la demoiselle qu'il observait, que pour l'instant il ne devait pas se douter de ma présence. Pour sa part, la jeune femme l'ignorait ouvertement.
-Si c'était moi, je t'aurais fait cracher le morceau d'une autre façon, dit-il en saisissant son menton entre ses doigts pour la forcer à le regarder.
Sa main glissa le long de sa taille jusqu'à se poser sur sa cuisse. Elle subissait des abus physiques et sexuels ... Mais sérieusement qui étaient les maux du monde ici ?! Les membres de cette Secte étaient plus répugnants les uns que les autres ! Si je ne faisais rien j'allais être au première loges d'un viol au vu des gestes qu'il entamait. Sa main baladeuse remontait à présent le haut blanc déchiré et tâché de sang, il dévoilait un ventre plat couvert de bleus aux teintes violacés. La victime grogna. Un avertissement pour le gaillard.
-Les êtres comme toi vous me dégoutez. Sale créature perfide. Alors que ton apparence devrait être aussi laide que ton âme, tu trompes le monde avec ton joli minois. Je me hais de le trouver attirant. Tout est de ta faute sorcière ! marmonna-t-il avant de la gifler.
Sa main claqua violemment contre sa joue, si fort que quelques unes des cloques éclatèrent sous les doigts du « marine ». Il afficha une mine répugnée avant d'adopter un regard attristé, comme s'il s'en voulait à la vue de la marque rouge sur le visage de celle qu'il se haïssait d'aimer. Toutefois, la jeune femme n'attendit pas qu'il abuse d'elle d'avantage et lorsqu'il approcha de nouveau son visage du sien, elle fracassa son front contre son nez.
Un cri de douleur lui échappa et moi je bondis de ma cachette et saisi la barre en fer au sol pour l'abattre sur son crâne. Il tomba comme une poupée de chiffon. Je lâchai mon arme, surpris, incertain de ma réaction. J'avais peut-être tué un homme. La surnaturelle me regardait les yeux ronds d'étonnement. Je voyais son visage entièrement pour la première fois, et malgré ses iris roses comme un nuage éclairé par le soleil au crépuscule, je la reconnus !
-So...Sonya ?! m'exclamai-je dubitatif.
Elle cligna des yeux avant de tenter de se libérer. Je compris aussitôt que nous devions fuir avant de pouvoir discuter. Je cherchai un outil des yeux pour couper la corde lorsque la paume de ma main cogna le pommeau d'un large couteau de chasse posé sur une table couverte d'objets désordonnés.
-Je vais te sauver, ne t'inquiètes pas ! lançais-je en cisaillant les liens qui retenaient ses jambes.
Sa chaire était abimée et je prenais garde à ne pas la faire souffrir d'avantage. Je m'attelai ensuite à ses poignets liés derrière son dos. Bientôt elle fut libre ! Je me plaçai devant elle, la laissant reprendre ses esprits. Elle caressait ses poignets endoloris dont la peau avait été partiellement arrachée et ornait ses bras de deux bracelets impossible à faire disparaître. Ses yeux se plantèrent sur une chose dans mon dos, et elle se figea.
-Sam ...
Je devinais déjà ce à quoi je devais m'attendre. Lentement, je pivotais pour tomber nez à nez avec eux. Le fameux Stan et son plus fidèle compagnon. Et le molosse qui avait attendu pour me dépecer semblait sourire tandis que de ses babines retroussées, la salive gluante coulait sur ses crocs.
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Coucou ! Me revoilà encore avec un nouveau chapitre ! :D
Je suppose que certains d'entre vous s'attendaient au retour de notre petite sauvage, et éventuellement certains sont surpris de la retrouver là. On ne pouvait pas la laisser de côté trop longtemps notre petite Sonya ^_^
Vous êtes contents de la revoir ?
Quand au warning, j'avoue avoir peut-être surclassé ce chapitre un petit peu mais faisant clairement allusion à de la torture physique, et des abus, je préférai y aller un peu fort.
Merci à tous ceux qui continuent de lire mon roman, ou ceux qui sont juste de passage :3
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