Chapitre 18 :
Une semaine ! Une semaine déjà que l'on pleurait l'adolescente qui avait perdu la vie dans un règlement de compte au parc de l'Étoile. J'avais envie de vomir à chaque fois que je voyais Sonya pleurer dans les bras de camarades de classe venus la consoler. Cette garce fourvoyait tout le monde ! Même Léo qui ne l'appréciait pas plus que moi était venu lui adresser quelques mots de consolation. Á chaque fois que je croisais le regard souriant de Rebecca, dont la photo trônait au milieu du hall, décoré de fleurs, de bougies, de cartes, mon cœur cessait de battre.
Je l'avais vu se faire descendre. Je revoyais encore le sang gicler hors de sa poitrine et se répandre sur le sable blanc du sentier. Sonya m'agrippait la main et m'éloignait, et moi je demeurai bouche-bée, incapable de réagir. Pouf. Une seconde. Il n'avait pas fallu beaucoup plus pour que sa vie quitte son corps. Je n'avais pas pu regarder ses parents effondrés venir déposer sa photo au lycée, et tenir un discours au sujet de la joie de leur fille qui avait vécu pleinement jusqu'à présent. Le temps l'avait cueilli trop vite. Non. Non ! Je ne pouvais pas l'accepter ! Je vivais un cauchemar ! Tout ça c'était Sa faute ! Sonya ne faisait que répandre la mort sur son chemin. Elle n'arrêterait jamais !
-J'ai toujours du mal à y croire ... ce que racontent les journaux à son sujet ... on ne dirait pas Rebecca ... , déclara Ed qui fixait le papier imprimé devant lui.
Nous étions avec Léo au foyer des étudiants, un bâtiment annexe au lycée, installé à une table.
-Ce n'est qu'un ramassis de mensonges ! Les médias déforment toujours la réalité. Quelqu'un leur raconte des bêtises qu'ils s'empressent d'écrire sans en vérifier la source ! m'énervai-je.
Mes deux amis écarquillèrent les yeux devant tant d'hostilité. Ils avaient remarqué que j'avais changé. Je ne parlais plus à Sonya, j'étais constamment en colère, mon monde était bouleversé et j'étais perdu.
-Je ... je ne savais pas que tu ... enfin toi et Rebecca étiez si proches ... , murmura Léo qui ne trouvait pas les mots.
Bien sûr tous autant que nous étions, nous pouvions qu'être choqué par la mort de notre camarade, mais là, moi j'étais esquinté, ils ne comprenaient pas. Seulement si je l'avais aimé ... Ils ne voyaient pas d'autres alternatives. Qui pouvait leur en vouloir ?
-Non, non cela n'a rien à voir ! Mais tu crois sérieusement que Rebecca aurait poignardé une étudiante dans la gorge pour une histoire de drogue ? Oui elle buvait, mais cette fille n'était pas une dealeuse. Attends, tu penses qu'elle aurait le sang-froid au point d'égorger quelqu'un ?!
Je perdais patience, la vérité se trouvait au bout de ma langue. Je n'avais qu'à tout dire et la véritable criminelle serait derrière des barreaux ! J'avais envie de crier. D'avouer. J'ouvrais la bouche : aucun son n'en sortait. J'avais trop à perdre. Les conséquences de la vérité étaient plus importantes que le poids du mensonge.
-Tout le monde à une face cachée Sam ... peut-être qu'on ne la connaissait pas si bien finalement.
Á qui le dis-tu ?! Et moi ? Et Sonya ?! Vous nous connaissez ? Autant se faire tatouer le mot « monstre » directement sur le front !
-Enfin, ça ne veut pas dire qu'on croit les bêtises du journal, forcément, rattrapa Léo qui avait vu mon regard noir, lourd de sens.
-Mouais, je vous le dis, cette fille, Rebecca, c'était une fille innocente, incapable de faire du mal aux autres malgré l'enfer qu'on lui a fait subir durant sa scolarité. Elle se relevait à chaque fois avec un sourire. Et maintenant on continue à lui cracher dessus alors qu'elle est morte !
Je n'en pouvais plus. J'entendis le bruit d'un déchirement. Le barrage qui retenait toute ma colère, ma frustration, venait de rompre. Je saisis le journal et le réduit en charpie avant de réaliser que j'étais une bête de foire. Tous les lycéens du foyer avaient les yeux rivés sur moi. Je perdais pied. Je titubais. Croisai le regard d'Edward.
-Je ... je vais prendre l'air. Seul ! dis-je d'une voix tremblante.
Je courrai à présent, poussai la porte faisant tomber dans ma précipitation une première année. Incapable de m'excuser je continuais ma course, toujours plus vite, toujours plus loin. Je devais m'éloigner de là ou mon cœur allait exploser. Les hommes n'ont pas le droit d'exprimer leurs doutes, leurs craintes, qu'est-ce qu'on est donc censé faire ? S'enfuir et se cacher pour pleurer ? Dans mon cas, je ne pouvais en parler à personne, même si j'avais un psy attitré mué par le secret professionnel. J'avais trop de problèmes pour que quelqu'un parvienne à recoller les morceaux maintenant !
Á bout de souffle je stoppai ma course au milieu du parc, à mi-chemin entre l'école et le stade. Impossible de fuir plus loin. Mon corps entier tremblait. Mon instinct surnaturel prenait le dessus. J'étais seul. Mais si je me transformai ici, j'allais au devant des problèmes. Je tombais, donc contre un arbre, m'appuyant contre l'écorce rugueuse afin de soutenir mon poids. Je me sentais partir, me perdre dans le labyrinthe de mes pensées. Plus rien n'était clair. Je me trouvais au milieu du dédale. Allez sale pouvoir, termine ton travail ! J'étais trop faible pour lutter de toute façon. Je fermai les yeux et abandonnai. C'est à ce moment où je lâchai prise qu'une main saisit mon poignet.
-Pas maintenant ! s'exclama la personne.
J'ouvrais les yeux, comme réveillé par un seau d'eau glacé jeté au visage. La colère avait pris le pas sur mon pouvoir. La rage un moyen de me contenir. Je la foudroyais, dégageant mon bras de son étreinte. Devant ma venimosité, Sonya n'afficha qu'un air las, las de me trainer toujours derrière elle. Et d'ailleurs pourquoi est-ce que j'étais encore en vie alors que Rebecca était dans sa tombe ?! Les questions m'assaillaient de nouveau, douloureuses, comme milles aiguilles qui s'incéraient sous la peau.
-Laisse ... laisse moi ! articulai-je difficilement car mon cœur furieux voulait hurler, tandis que mon instinct me priait de ne pas attirer l'attention.
Elle secoua la tête.
-Sam, il est temps que tu saches la vérité.
-La vérité sur quoi ? Pourquoi tu t'es amusée à revenir au parc et jouer les metteuses en scène. Rebecca tient le poignard, l'étudiante ton flingue, et on masque tout ainsi ! Je ne veux pas savoir Sonya ! Fous moi la paix pour une fois dans ta vie.
J'étais trop furieux contre elle pour que mon esprit s'éclaircisse, pourtant elle me promettait des réponses. La jeune femme rigola, je ne voyais pas pourquoi ? Ma tête était ridicule au point de la faire glousser ?
-Je vais te poser une question Sam, après quoi tu seras libre de m'envoyer bouler comme tu sembles le souhaiter si fort.
Le compte à rebours était lancé jusqu'à son départ.
-Peut-être que pour toi, tous ces crimes se ressemblent, il n'y a aucune différence entre le meurtre de trois jeunes femmes surnaturelles et un homme, mais est-ce que tu as une seule fois pensé à la possibilité qu'il y ait plus d'un assassin ? Je sais que tu m'accuses de tous les torts cependant, je peux te garantir que je suis innocente pour au moins la moitié de ces crimes.
Sa question me frappa de plein fouet. Non évidemment que je ne m'étais jamais posé la question. Pour avoir vu Sonya tuer deux personnes, elle était responsable de tout. Mon esprit n'avait pas une fois cherché d'alternatives à la question, et pourtant, elle disait vrai. Si l'adolescente n'avait pas tué ces gens seule ... un complice ?
-Et alors, tu mens comme tu respires et tu manipules les gens, c'est facile de refourguer la faute sur quelqu'un qui n'est pas là pour se défendre ! Je sais ce que j'ai vu !
-Tu dois être un très mauvais croyant dans ce cas, dit-elle rigolant à sa propre blague, quant à ce que tu dis, oui c'est vrai, ce monstre n'est plus de ce monde pour en parler !
Ses yeux avaient changé, Sonya la cruelle, le retour. Je lisais dans son regard le plaisir d'avoir ôté une vie. Dégoûté de m'être ainsi laissé berné, je secouai la tête.
-Je n'aurais jamais dû te faire confiance, tu n'es qu'une meurtrière ...
Le mot sembla éveiller en elle une colère froide, aigüe, infinie. Elle m'empoigna sauvagement par le col de ma veste et me plaqua contre l'arbre.
-Et ces pauvres filles qui n'avaient fait de mal à personne ? Tu crois qu'elles méritaient qu'on les chasse comme du gibier pour leur coller une balle dans le crâne ? Ce gars, il ne regrettait rien, pour lui, il a simplement éradiqué un mal du pays. Mais c'étaient des vies, créatures ou humaines, c'étaient des vies, mince ! s'exclama-t-elle en me secouant violemment.
-Qu'est-ce que tu veux dire ? ...
Elle soupira, ennuyée par mon manque de réflexion, j'avais bien mon idée sur le sujet, mais je n'y croyais pas.
-Ces meurtres, je sais que tu as remarqué qu'ils visaient essentiellement des êtres surnaturels. Tu connaissais une des trois fées mortes le mois dernier, et inutile de nier, je le sais.
En effet, c'est ce que j'avais constaté, je hochai lentement la tête. Plusieurs assassins. Sonya avait tué celui qui faisait tout ça. Mais cette histoire avait plus d'ampleur, il y avait Des et non Un chasseurs de créatures. Sonya patientait tandis que je remettais les pièces du puzzle en ordre. Je la regardai choqué.
-Oui, il y a des gens qui sont au courant. Ils n'aiment pas ça, mais alors pas du tout. Les créatures sont le mal, Satan possède leurs âmes. Ce sont des groupuscules, des sectes. Une a bien plus d'ampleur sur la région. Elle se contentait jusqu'à présent de réunions pour prier et défaire le mal, mais récemment les attaques radicales sont devenues nombreuses. Cette étudiante qui a voulu te poignarder, à ses yeux tu n'étais qu'un rebus de la nature, inutile, mauvais.
L'adolescente marqua un silence, le plus douloureux que je connaisse, je déglutis. Les regards haineux. Le rejet. Je le savais trop bien. La différence est effrayante. Je m'illusionnai donc à croire qu'un jour on m'accepterait. Un monstre, rien de plus. Mais de qui me moquai-je ? Si je me cachais ainsi, c'est que je n'avais même pas l'espoir qu'on me regarde autrement qu'une bête de foire. Une larme força le barrage des lois non-dites de la « virilité ». Je la chassais au plus vite, même si en l'occurrence ce qui me ferait le plus grand bien aurait été d'accueillir à bras ouverts mes émotions, la peine qui m'assaillait de tous côtés.
-Sam si je sui ici, c'est parce qu'on m'a envoyée te protéger. Tu es en danger, ils savent qui tu es vraiment et ils veulent ta peau.
Heureusement que j'étais déjà posé par terre car mes jambes me lâchèrent d'un coup.
-Qui ça on ? Qui ça ils ? Mais de qui tu parles ?! implorai-je pour enfin obtenir des réponses.
Sonya me regardait avec compassion pour la deuxième fois de sa vie. Elle hésitait. Se mordait la lèvre nerveusement.
-Je ne sais pas si tu as vraiment envie de savoir qui ils sont. Ces gens, tes voisins, des amis, peut-être même de la famille. Crois moi, le moins tu en sais, le mieux ce sera pour toi.
Mais pourquoi ? Mes parents me cachaient la vérité, Sonya ne me disait pas tout, et moi je mentais en permanence. L'honnêteté n'existait-elle donc pas dans ce monde ? Ma tête tournait, je tremblais de nouveau. En soit, que m'apportaient les noms de ces gens ? Je les regarderai avec méfiance, crainte, et si mes amis étaient impliqués, et si ... Je roulais de droit à gauche, perdant connaissance.
-Sam ! Sam ! Pas maintenant ! s'exclama la blonde qui ne tarda pas à me gifler pour me sortir de ma torpeur.
Je sursautais, de nouveau bien conscient de l'atrocité de la situation. Je découvrais la face cachée de la vie que je croyais connaître. Il y avait un monde invisible : celui des créatures, mais pas seulement, les chasseurs de monstres régnaient aussi, imposant une justice déséquilibrée, et surtout loin d'être aveugle. Dans tout ce que disait Sonya, je voulais bien en croire une partie, mais si cette dernière lutait pour sauver les surnaturels, pourquoi achever Rebecca qui était innocente ... Sa mort me hantait chaque seconde de mon existence. Je me raclais la gorge, observant la jeune femme qui me surplombait.
-Pourquoi ... pourquoi Rebecca si tu dis protéger les innocents ? demandai-je, incertain qu'elle daigne m'écouter parler d'elle.
Elle lâcha un long soupir. Comme s'il fallait toujours revenir à elle, c'est pas la seule victime de cette histoire, pensait elle à coup sûr.
-Tu ne comprendrais pas même si je t'expliquai Sam. Ce sont des choses que le commun des mortels est incapable de concevoir.
-Je ne suis pas le commun des mortels et tu le sais bien ! Essaie.
Sonya se mordit de nouveau la lèvre, une espèce de tic nerveux. Je sentais à quel point elle hésitait. Elle finit par hocher la tête.
-Disons que le moins de gens en savent, le mieux c'est.
C'était tout ?! Sa réponse ne me satisfaisait pas, pas du tout !
-Quelle originalité ! Des phrases toute faites ... , rétorquai-je ironique.
Elle leva les yeux au ciel, cette fois-ci elle lâcherait le morceau.
-Toi contrairement à elle, tu es une créature. Tu as vécu toute ta vie en mentant aux autres. Rebecca n'avait pas idée de ce que c'est de porter un secret si lourd. Elle nous aurait trahi au premier coup de pression. On ne pouvait pas se permettre de prendre ce risque. Sam, crois moi, parfois il faut faire des sacrifices, même s'ils se révèlent douloureux.
Je me redressai aussitôt, la rage de nouveau présente en moi, bouillonnante dans mes veines. Elle se prenait pour qui à choisir qui vivait ou mourait ? Elle justifiait ces meurtres par la nécessité. C'était ridicule !
-Ne me parle pas de douleur alors que tu te fichais d'elle, tu te fiches de tout le monde ici. Laisse moi. Ne me touche pas. Ne m'approche pas. Ne sois plus jamais sur mon dos, ne croise plu jamais ma route !
Sur ces mots venimeux je l'abandonnai dans le petit bois, elle me regardait partir avec une expression peinée. Elle hocha la tête : très bien. Au moins nous étions d'accord. Je n'avais aucune idée d'où j'allais, mais il était hors de question que je retourne au lycée.
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Salut à vous ! :D J'espère que ce chapitre vous a plu :) Merci encore une fois d'avoir pris le temps de lire mon roman.
Voici quelques réponses à vos questions, qui je pense risque de soulever de nouvelles interrogations x) Mais bon, avec ça vous pouvez commencer à comprendre ce qu'il se passe, et peaufiner vos hypothèses au sujet de l'intrigue ;)
Que pensez vous donc de tout ça ? La Secte menace le monde surnaturel ? ... Pas de belles perspectives à l'avenir pour les gens comme Sam :/
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