Chapitre 11 ~
Je m'apprêtai à quitter le groupe en trouvant le premier prétexte venu, lorsqu'une demie noix de coco qui contenait un puissant cocktail m'atterrit dans les mains. Je sentais le fruit glisser entre mes paumes moites. Je ne savais ni qui avait donné vie à la boisson, ni ce qui la composait, deux très bonnes raisons d'éviter de la boire. Cependant lorsque mes doigts effleurèrent la peau rugueuse du fruit, je ne réfléchis pas deux secondes avant de porter le liquide à mes lèvres et d'en descendre plusieurs gorgées. Wahou ! C'était vraiment fort ! J'essuyais une goutte qui s'échappait du coin de mes lèvres d'un révère de main maladroit avant de poursuivre la circulation de la boisson « magique ». En moins de deux minutes je réalisai à quel point ce geste était puéril. Le mal était fait. Trop tard pour regretter, je ne pouvais qu'aller de l'avant.
Profitant d'un creux dans la conversation, je laissai mes amis pour me diriger vers l'intérieur. Je trouverai bien un coin tranquille où lire le message. Je cheminai à travers la foule du salon, évitant de percuter les danseurs, ou les personnes en état d'ébriété. La bibliothèque se trouvait dans le coin opposé, un espace vide qui n'attirait personne. Je mis le cap dans cette direction, m'assurant de ne pas être suivi.
Mes mains tremblèrent tandis que je baissais au maximum la luminosité de mon écran. La pièce me parut soudain étouffante. J'étais de plus en plus hésitant. D'un geste hâtif, j'appuyai sur le message pour découvrir le reste.
« Bonjour monsieur Feurnberg,
Je vous envoie votre Contrat signé du Code comme vous me l'avez demandé. Votre requête n'a rien de surprenant étant donné sa spécificité. Vous êtes, vous le comprenez, un cas particulier au sein de la Communauté.
Je reste à votre disposition pour toutes autres informations.
Bien cordialement,
Bastien Cherwood.
Pièce jointe : ContratduCode_SamuelFeurnberg1792 »
Mon doigt pressa le bouton de téléchargement. La barre de chargement s'afficha, toujours trop lente à récupérer les données. Une main me tapota le bras.
-Qu'est-ce que tu fais là tout seul ? demande Laura légèrement inquiète.
Elle craignait peut-être que sa fête m'ennuie.
-Excuse-moi, je m'étais isolé pour envoyer quelques messages à ma famille. Je sais, ça craint un peu ..., expliquai-je alors que je rangeais mon téléphone dans la poche de mon jean.
Elle me souriait de son air innocent et candide de petit chaperon rouge.
-J'ai fait la même chose il y a cinq minutes. C'est la première fois que je ne fête pas le nouvel an avec mes parents, m'avoua-t-elle.
-Pareil, dis-je pour la rassurer.
En temps qu'enfant unique, nous comprenions ce besoin de nos parents de nous couver, cette difficulté à lâcher prise.
-On retourne s'amuser ? demanda-t-elle en indiquant le salon toujours transformé en une jungle humaine.
J'opinai d'un mouvement de tête, impossible de refuser à mon hôtesse la moindre de ses requêtes. Elle me tendit la main. Ses longs doigts fins, presque squelettiques se glissèrent entre les miens. Inutile de lui demander si le piano près de la bibliothèque était le sien. Nous retournions au centre l'agitation.
-Danse avec moi ? demanda-t-elle.
Sa voix n'avait pas son assurance habituelle. C'était la première fois de ma vie adolescente qu'une fille me proposait une danse. Je ne savais pas comment réagir. Laura en revanche, posa la tête sur mon torse. Ses mains guidèrent les miennes jusqu'au creux de ses hanches. Il faisait drôlement chaud dans la foule.
-Je ne sais pas danser.
-Tout le monde sait danser. Détend toi et suis moi. Je te guiderai, promit-elle en poursuivant son entreprise.
Timidement je me lançai à l'imiter. Ce n'était pas ma tasse de thé. Je supportai très mal de me trouver au centre d'une foule où les yeux indiscrets des gens pouvaient se poser sur moi.
Petit à petit, je me sentais, de façon étonnante, plus à l'aise. Au bout de quelques minutes Laura n'avait plus besoin d'être la cavalière, je saisissais le rôle de gentleman et guidais la danse. Danser était bien plus amusant que je ne le pensais.
-Tu danses bien, lança ma partenaire.
J'observai ma magnifique danseuse dont les cheveux blonds bouclés s'étaient placés de leur propre volonté autour de son visage. Je souris en glissant une de ses mèches rebelles derrière son oreille.
-Woooouh je vois que vous avez finalement franchi le pas tous les deux, s'écria Lise qui débarqua sur la piste.
Laura fronça les sourcils en me repoussant rapidement.
-Arrête de raconter n'importe quoi.
Louise qui venait de nous rejoindre souriait très discrètement. Le coin de sa lèvre redressé, elle fixait Laura d'un air réjoui. Je me sentais de trop, comme si j'interrompais la soirée pyjama de trois meilleures amies. Ce qu'elles étaient : les trois L.
-Oh ça va, c'est pas la peine de jouer les prudes, répondit Lise.
-Lise, réprimanda Louise. Tu n'as aucune discrétion, laisse les tranquille.
Laura toisait sa cousine froidement. Je l'avais rarement vu aussi furieuse.
-Allez viens, on va chercher à boire, proposa la petite amie de Léo.
L'étudiante approuva, sans manquer de lancer un dernier coup d'oeil à la blonde. Louise s'excusa avant de s'éloigner suivi de miss-je-me-mêle-de-tout.
Nous ne dansions plus. Laura avait été complètement coupé dans son élan. Je ne savais quoi dire. J'avais été le témoin d'une scène que je n'aurais pas dû voir.
-Ça va ? demandai-je hésitant.
Elle évita mon regard. La foule continuait de danser autour de nous, et nous étions comme figés dans le temps. Ses perles sombres me transpercèrent lorsqu'elle me regarda. Il y avait de la douleur, du doute. Je lui tendis la main.
-Viens on va trouver un coin tranquille.
Je marchai en direction du couloir qui était moins bondé qu'à mon arrivée. On aurait pu croire que le lycée entier avait été invité. Je m'adossai au mur, mon attention portée sur mon amie. Ma main toujours dans la sienne, je caressais ses doigts dans une étreinte délicate.
-Ma cousine me pompe vraiment l'air parfois, marmonna-t-elle dans une tentative de communication.
-Elle a l'air d'être une personne assez, comment dire, agitée, répondis-je.
Lise était mon total opposé, je le savais très bien. Ouverte, extravertie, le genre de personne dont tout le monde veut se rapprocher. Laura était similaire, bien que moins abordable. Elle était gentille, toujours prête à rendre service, mais il y avait comme un fossé entre elle et les autres. Une frontière invisible. Lise en revanche, n'avait pas de limites.
Mon amie rigola à ma remarque, un sourire se dessina sur son visage.
-Je suis soulagée de ne pas être la seule à le penser.
Nous échangions un regard malicieux. Le bruit dans le couloir augmenta au passage d'un groupe d'ados.
-J'ai besoin de m'isoler un peu plus, tu m'accompagnes ?
Ses doigts se resserrèrent un peu plus sur les miens. Je refusais de la lâcher.
Elle gravit les escalier en face du hall d'entrée, moi à sa suite. Ce fut plus pénible que je ne l'aurais cru. Le décor se brouillait devant mes yeux, comme si j'avais du mal à accommoder ma vision. Mes membres manquaient de coordination, il fallait que je me concentre pour suivre Laura.
Nous venions de pénétrer une nouvelle pièce. Un bureau parfaitement rangé se trouvait dans un coin de la pièce. Sur les murs, des posters de stars posant comme des mannequins. Était-on dans une chambre ? J'eu très vite la réponse lorsque je perdis l'équilibre sur le lit. La jeune femme me surplombait, debout face à moi. Je ramenai mes coudes sous mon dos pour me surélever du matelas moelleux. La jolie demoiselle se retenait de rire. Je devais avoir l'air ridicule. Ma tête commençait à me lancer, la boisson que j'avais ingurgité plus tôt avait sa part de responsabilité.
-Ton lit est vraiment confortable, dis-je sans la moindre idée de l'utilité de cette affirmation.
Le regard de l'adolescente avait changé. La colère remplacé par le désir.
-Sam, je ...
Sa phrase resta en suspens. Ses lèvres avaient trouvé les miennes. Je fus d'abord surpris par son geste, mais bien vite je lui retournais son baiser. Laura s'assit à califourchon sur mes genoux tandis que nos lèvres se caressaient tendrement. L'adrénaline était venu me rendre visite. La jeune femme glissa ses mains sous mon T-shirt pour parcourir mon torse. Qui eut crut que l'innocent petit chaperon rouge soit l'envoutante et désirable madame Red ?
Je prenais conscience que le cocktail magique entravait mes capacités cognitives. Je n'arrivais plus à réfléchir. Une seule sensation était présente : l'envie de vomir.
Ma tête bouillonnait et les caresses de Laura n'aidaient absolument pas à retrouver mon calme intérieur. Ses doigts glissèrent de nouveau avec sensualité en direction de ma cuisse, cheminant vers mon entre-jambe.
-Qu'est-ce que...
Il fallait que je mette fin à toute cette folie avant que ne se déroule un malheur. Elle ne voulait rien entendre. D'un baiser enivré, elle me fit taire aussitôt.
Toutes ces émotions me chamboulaient. J'étais de plus en plus nauséeux, il fallait que je me sorte de cette galère. Par un effort surhumain je repris le contrôle un bref instant.
Plus brutalement que je ne l'aurai voulu, j'inversai les positions en couchant Laura sur le dos. Elle rigola, amusée.
-Tu joues enfin le jeu, dit-elle aussi espiègle qu'un enfant qui s'apprête à commettre une bêtise.
Avant qu'elle ne rajoute un mot de plus, je me relevai et titubai vers la porte d'un pas aussi mal assuré que si on avait mis un poulpe sur des patins à roulettes. C'est dire si c'était gracieux et élégant pour la demoiselle choquée. Il me fallut trois tentatives avant de réussir à ouvrir la porte et déambuler vers les escaliers.
- Sam ? interrogea Laura qui était toujours couché sur le lit.
- Je vais vomir, déclarai-je la bouche pâteuse avant de disparaitre.
La panique grandissait en moi aussi vite qu'il ne fallait pour le dire. J'allais être malade ! Ici, devant tout le monde. La honte ultime. Je devais me réfugier quelque part.
Les toilettes ! Je devais les atteindre et vite.
La chute me menaçait tout du long de la descente des escaliers. J'atterris, perdu, dans une foule d'individus.
-Sam, hurla une voix plus ou moins lointaine.
-Sam bouge pas !
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