Chapitre 1 ~

Debout devant la fenêtre de ma chambre, j'observais la rue déserte en contrebas de la maison. Depuis l'étage, j'avais vue jusqu'à l'intersection où se trouvait un arrêt de bus nimbé de lumière blanchâtre. Mon réveil affichait trois heure quarante-sept. Il était tôt, beaucoup trop tôt pour que je choisisse volontairement de me lever.


L'horreur d'un cauchemar m'avait tiré du lit. Encore et toujours cette même vision de terreur. Elle me laissait chaque nuit transpirant de terreur, le coeur tambourinant dans la poitrine. Je ne parvenais plus à finir mes nuits, sans cesse importuné par des images désagréables. Cela faisait maintenant trois semaines que je ne dormais plus. Sans cesse la même histoire : je me réveillais en sursaut entre trois et quatre heure du matin. Les cernes violacées commençaient à s'accumuler sous mes yeux et cela susciterait une curiosité malsaine de la part de mes camarades de lycée. J'aurais des « occupations nocturnes ». Comme si moi, le garçon le moins intéressé du monde, avait ce genre d'idées farfelues. Je vous jure ! Il suffisait d'un rien pour que toute une bande d'adolescents se mettent à s'imaginer les pires histoires.


Á la vitesse d'un paresseux sous sédatifs, je me dirigeai vers la salle de bain qui se trouvait de l'autre côté de la pièce. Un bon verre d'eau me ferait du bien. Cela permettrait peut-être de calmer mon esprit en ébullition. Il tournait à vitesse grand V depuis mon réveil. Après avoir bu le verre d'eau glacée je revins m'asseoir sur le lit. Il faisait froid et sombre. Mes os craquèrent pour m'informer à quel point mon corps désapprouvait ce mode de vie. Le sommeil n'allait pas revenir. Je le savais. Après avoir passé une semaine à tenter de me rendormir après mon mauvais rêve, j'avais perdu tout espoir. J'allais rester éveillé jusqu'à la nuit suivante. Une fois encore je poserai la tête sur l'oreiller pour finir réveillé en nage. Toujours le même problème.


En cette période hivernale, la chaleur qui était apparue suite à ma panique avait totalement disparue, me laissant trembler de froid. Ma couette bien chaude me manquait. Elle avait eu le temps de refroidir depuis que je m'étais levé pour me changer les idées. Le parquet était glacé sous mes pieds, et je n'étais que trop heureux que ma mère ait insisté pour m'acheter ce tapis gris perle, qui malgré son nom charmant, était aussi morne et peu excitant qu'un documentaire sur les cucurbitacistes. Et si vous vous demandez ce dont il pourrait bien s'agir, dites vous qu'il y a des gens dans ce monde qui se battraient pour obtenir des étiquettes de melon. Oui je parle bien de ces petits morceaux de papier inutiles collés à la peau des fruits que nous savourons l'été. Je vous assure que les personnes qui leur portent un intérêt sont bien réelles.


Un fin rayon de lumière filtrait à travers le rideau, plongeant ma chambre dans un spectacle d'ombre chinoise. Je saisis mon haut de pyjama entre mes doigts, il était collé à ma peau sous l'effet de la sueur. J'aurai voulu prendre une douche car j'avais horreur de cette sensation gluante, toutefois mes parents feraient une syncope si je commençais à vivre la nuit. Je leur causais déjà assez de soucis en l'état actuel des choses. Je n'étais pas comme les autres garçons de mon âge, loin du jeune homme conventionnel que l'on peut croiser dans la rue. Du moins si je laissais tomber le masque.


Le silence était pesant. Je me sentais seul au monde, un isolement dont j'avais l'habitude. Un bruit, enfin, provint de l'extérieur. Je me levai de nouveau pour m'approcher des carreaux. La rue était éclairée par un réverbère détraqué qui illuminait l'endroit d'une lumière oscillante. Ce n'était pas rare qu'il s'éteigne carrément et plonge l'allée dans le noir complet pendant quelques secondes. Une atmosphère digne des films d'épouvante les plus lugubres.


Tout me paraissait calme, ce qui était normal, peu de gens s'amusaient à arpenter la ville en plein milieu de la nuit. La seule chose qui bougeait dans un coin d'ombre était un sale cabot miteux qui fouillait les poubelles. Pauvre bête décharnée, elle n'avait franchement l'air de rien.


L'animal avait élu domicile à cet endroit depuis quelques temps. Il était mon camarade d'infortune dans cette misère. Je l'aurais bien tiré de là, seulement ma mère n'aimait pas les animaux. Lorsqu'il redressa la tête, nos yeux se croisèrent. Il avait dû m'entendre bouger, ou poser la main sur la vitre. Notre échange ne dura pas. Je n'étais même pas certain d'être celui qui perturbait l'occupation du chien. Il regarda les restes sur le trottoir puis comme si de rien était l'animal reprit son chemin de la façon la plus naturelle au monde.


Les animaux, bien que parfois dans un état pitoyable, vivaient libres, loin des charges des lois humaines. Je les admirais pour cet aspect là de leur existence. Nous, aussi libre que nous nous pensions, étions soumis aux conventions sociales partout autour de nous.


La silhouette disparaissait au coin de la rue, j'étais sur le point de me retourner lorsqu'une ombre aux traits humains se dessina sur la maison d'en face. Surpris par cette apparition soudaine, je me frottai les yeux. Mais il n'y avait plus rien. L'allée était vide, dépourvue d'une quelconque forme de vie. Pas un chat, pas un chien. Personne. Je devais être fatigué, je rêvais hors du lit.


****


Le temps passait lentement. Il allait bientôt être 5h45, ce qui signifiait que j'allais pouvoir prendre ma douche. J'abandonnai sans regrets mon devoir de physique quantique, qui m'agaçait au plus haut point,. Dans mon avenir je n'envisageais pas d'être ingénieur alors tant pis si je laissais de côté cette matière au profit d'une autre. Mon pyjama vola sur mon lit tandis que je refermais la porte de la salle de bain derrière moi. Malgré la fatigue j'étais encore assez vif pour l'instant. Mon corps me rappellerait brutalement la réalité de mon état physique plus tard dans la journée, il n'y avait pas de doute.


La douche me fit un bien fou ! L'eau chaude, qui ruisselait le long de mon corps, chassait la moiteur de ma peau, me laissant frais et en « forme » pour la journée à venir. En forme était un bien grand mot. Je me sentais toujours épuisé mais bien sûr devant les autres aucuns symptômes, hormis mes cernes marquées ne se manifesteraient. Après une bonne dizaine de minutes sous la douche je coupai l'eau. J'aurais pu y rester plus longtemps mais le gaspillage n'était pas vraiment mon idéal. Rapidement je me séchai avant d'enrouler ma serviette de bain autour de ma taille. Placé devant le miroir de l'évier, je jetai un coup d'œil à ma mine. Ma main glissa dans mes cheveux brun foncés plutôt court. Ils étaient tout en pétard après ma douche. Heureusement cela ne durerait pas, il suffisait d'un coup de peigne rapide pour les ordonner. Bien sûr je l'avais déjà deviné, mais de belles poches noires ornaient mes yeux afin de témoigner de mes courtes nuits. Et évidemment l'immanquable: mes yeux ! 

C'étaient eux qui avaient mis la puce à l'oreille de mes parents à mon sujet, ils étaient magnifiquement remarquables ! Trop à mon goût. De leur couleur brillante et argentée ils ne pouvaient qu'attirer l'attention de la manière la plus désagréable qui soit. J'avais longtemps tâché de me convaincre qu'ils étaient juste gris, un peu plus lumineux que les autres gris, toutefois avec l'âge j'avais compris qu'ils ne ressemblaient en rien aux yeux des autres. Heureusement pour moi les lentilles de contacts existaient et lorsque je sortais, mes yeux devenaient d'un beau bleu ciel qui captivait tant mon entourage. Je haïssais mon regard autant qu'il me fascinait lui-même. Qui aurait cru qu'un simple petit détail puisse engendrer des catastrophes aussi grandes autour de moi ?


Je me détournai de la glace pour ne plus voir mon regard, il me perturbait aujourd'hui, sans doute la fatigue que j'y lisais ne me plaisait guère. Je retournai dans ma chambre et enfilai un caleçon, suivit d'un jean noir. Je m'arrêtais un instant devant l'armoire pour choisir un T-shirt. Après une brève hésitation, j'optais pour celui à manches courtes, vert, avec au centre de la poitrine le logo de Green Lantern de DC comics. Habillé, je filai jeter des livres dans mon sac : physique, math, et philosophie. J'espérai que tout y était pour aujourd'hui, dans le pire des cas j'étais certain qu'on voudrait bien me prêter un livre s'il m'en manquait. Je sortis de ma chambre, sac sur le dos, attrapant mon sweat-shirt gris acier au passage. Il me restait encore du temps à tuer avant de devoir partir au lycée. Je pouvais jouer à un jeu vidéo bien sanglant, cela aurait sans doute la faculté de me réveiller.

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