Dénouement, ou presque

Adèle était abasourdie. La jeune fille se dirigea vers la petite salle de bain qui jouxtait la pièce, tourna la clé et se passa de l'eau glacée sur la figure. Elle entendit tout le petit monde quitter la chambre. Son reflet capta son attention. Une belle bosse ornait l'arrière de son crâne, à l'endroit où on l'avait cognée. Son teint, qui aurait du être joliment hâlé par le soleil d'Espagne était maintenant un peu verdâtre et une ecchymose –qu'elle avait récoltée durant ses entraînements en combat corps-à-corps– s'étalait sur sa mâchoire. Sur son front, quelques boutons d'acnés. Elle ouvrit son sweat et souleva le bas de son Tee-shirt. Là aussi, ses côtes saillantes étaient pleines de bleus. On aurait pu la prendre pour une enfant battue. Car à ce moment-là, malgré son mètre soixante dix, Adèle était redevenue une toute petite fille. Elle aurait voulu se blottir dans les bras de ses parents, de son oncle ou même d'Aria. Aria. La jeune fille se recroquevilla sur le carrelage blanc et aseptisé. Sa tante était bel et bien une meurtrière. Hugh le savait-il ? Pouvait-elle lui pardonner ? Après tout elle avait fait ça pour protéger Evanne. Et Evanne était une enfant. Elle commençait tout juste à apprécier la compagnie rugueuse de la Métamorphe. Et maintenant, elle apprenait qu'Aria était... une meurtrière. Non, il n'y avait pas d'autre mot. Le Chien était-il seulement son unique victime ? Et puis, Emma, sa meilleure amie depuis trois ans, était une Métamorphe. Un membre des Dragons en plus. Emma. La fille qu'elle avait toujours protégée. Une dragonne. Tout cela n'avait aucun sens.

Soudain, une araignée se glissa sous la porte et commença à se diriger vers son visage. Adèle hurla, se leva d'un bond, et grimpa sur les toilettes. Des larmes de terreur coulaient sur ses joues. Elle vit la bestiole s'avancer vers elle et... se volatiliser dans un brusque éclair de noirceur. A sa place se tenait un garçon d'à peu près son âge, au visage doux et aux yeux vairons. Elle le fixa longuement du haut de son promontoire, puis, elle descendit, desserra les dents et décrispa chacun de ses muscles avant de le jauger du regard. Il était incontestablement mignon. Un rictus moqueur ornait ses lèvres, et quelques mèches de cheveux châtains très clairs retombaient sur son front. Si elle devait se battre, la carrure frêle de l'autre lui promettait un bel avantage. Cependant, quelque chose dans son apparence la gênait, comme si un mauvais souvenir cherchait à se frayer un chemin jusque dans son esprit. Mais oui ! Il était...

« Heu... désolé. Si je t'ai fait peur je veux dire. La porte était verrouillée et la seule chose que j'aie trouvée pour passer... c'était l'araignée. Je m'appelle Aloïs, enchaîna-t-il plus sûr de lui, et d'ailleurs, je crois que tu as déjà rencontré ma sœur, ajouta-t-il en pouffant. Franchement, sur ce coup là, vous auriez pu faire un effort !

- LE FRÈRE DE LA LILIPUTIENNE ! cria Adèle en se frappant le front. Hum, pardon. Au passage : ne refais plus jamais ça. Ne me refais plus jamais le coup de l'araignée. Vraiment.

- Oui, oui je suis désolée. Je ne pouvais pas prévoir ton arachnophobie.

Il avait de plus en plus de mal à réprimer son air moqueur. Le fait que son interlocutrice serre les poings et le regarde comme s'il projetait de lui sauter dessus au moindre moment d'inattention n'y était pas pour rien.

- Et sinon ça t'arrive souvent de t'incruster dans la salle de bain d'inconnus ?

- J'avoue que c'est une première.

- Qu'est-ce que tu fais là ?

- Je suis curieux. Quand j'ai appris que l'amie de la fille du Dragon était là, j'ai foncé. Et puis, Evanne m'avait dit que tu étais... étonnante. Et c'est le cas. Tu sais, ta copine, Emma, elle est arrivée. Enfin bref, dit-il en ouvrant la porte qu'il avait déverrouillée, j'y vais !

La lumière se retira de nouveau, et à la place du garçon se tint un renard, qui déguerpit aussitôt, sans qu'Adèle puisse poser plus de questions.

Emma

Elle ne savait pas vraiment où l'avion avait atterri. Elle se trouvait maintenant avec sa ravisseuse qui s'efforçait d'animer la conversation, dans une voiture. Le trajet dura une bonne heure. Elles zigzaguaient sur de petites routes de campagne, et arrivèrent dans une petite crique, où les attendaient un petit bateau à moteur. Anja gara la voiture, balança son sac à main sur son épaule et saisit le bras d'Emma, l'entraînant vers l'eau. D'un bond gracieux, la femme se propulsa sur le bateau, qui tangua dangereusement. La rousse, quand à elle, préféra enlever ses chaussures et relever le bas de son pantalon pour faire les quelques pas qui la séparaient du bateau. Dès qu'elle fut installée, Anja démarra en trombe. Emma commença à apercevoir un autre bateau au large.

« C'est là-bas que nous allons ? demanda-t-elle en pointant le yacht du doigt. »

L'autre lui répondit d'un signe de tête affirmatif.

Elles arrivèrent à la hauteur du deuxième navire. Anja siffla bruyamment entre ses deux doigts, et une tête coiffée d'un képi blanc rehaussé de doré apparut par-dessus le bastingage. L'homme à qui appartenait la tête leur lança une échelle de corde. Une échelle de corde ? Pour la première fois depuis qu'elle avait quitté l'hôtel, Emma paniqua. Toute sa fatigue et sa peur lui retombèrent sur la tête d'un seul coup. Pourtant, quand Anja l'invita d'un geste à passer devant, elle hésita seulement quelques secondes. Au moins, si elle passait devant, en cas de chute, sa ravisseuse la retiendrait. Quoique, vu son poids, ce ne serait pas très efficace. Elle laissa échapper un gloussement nerveux, puis s'agrippa aux barreaux et se hissa, jusqu'à atteindre le bord, qu'elle enjamba. L'homme la salua d'un signe de tête, qu'elle ignora fièrement.

Il les guida ensuite dans un dédale de couloirs. Emma remarqua avec surprise que les lieux étaient plutôt luxueux, et décorés avec raffinement. Ils arrivèrent enfin devant une porte en chêne.

« Maintenant, souffla Anja d'une petite voix émue, ta vraie vie commence. Bonne chance ! »

Elle entra. La pièce n'était pas très grande, mais meublée, encore une fois, avec un bon goût certain. Une femme élégante, avec de longs cheveux roux flamboyants semblables aux siens, fumait. Elle d'était figée en entendant la porte s'ouvrir, et ses yeux se remplissaient à présent de larmes incontrôlables. A la plus grandes surprise d'Emma, elle se jeta sur elle pour l'enlacer. Cette femme semblait tellement fragile, secouée de sanglots comme une petite fille fautive, qu'elle n'eut pas le courage de la repousser. Après ce qui lui sembla être une éternité, elle la lâcha, et s'écarta gauchement.

« Pardonne-moi mes élans. Je... commença-t-elle, d'un air contrit.

- Qui êtes-vous ? Et qu'est-ce que je fais ici ?

- Je suis Bianca Thomson. Enfin... Ta vraie mère.

- Mais... Enfin... Comment ?

- Quand tu étais bébé, commença-t-elle d'une voie sombre, tu m'as été enlevée. Une femme que je comptais parmi mes ennemis encore hier t'a arrachée aux griffes de ton ravisseur, pour te confier, comme je l'ai appris récemment, à Cloé Lebotier. Tu ne te souviens probablement même pas de moi, dit-elle mélancoliquement. Au fait, je ne devrais pas commencer par ça. Tu es une Métamorphe Emma.

- Une quoi ?

Emma était totalement désemparée. Cloé n'était pas sa mère, son père n'était probablement pas son père, et maintenant on lui annonçait qu'elle était une « Méta... quelque-chose ».

- Hum. C'est délicat. Je peux te prouver ce que je vais te dire. N'ait pas peur. Donc, tu es une Métamorphe. Moi aussi, Anja aussi, et la plupart des gens qui travaillent sur ce bateau aussi. Nous pouvons nous changer en animal. En n'importe quel animal de notre choix en fait. D'ailleurs, je peux t'affirmer que tu es beaucoup plus puissante que bon nombre de Métamorphes.

- Pourquoi ? demanda Emma, en essayant de trouver un moyen de s'échapper de cet endroit. De s'éloigner de cette folle. Car c'était de la folie n'est-ce pas ? Tout cela ne pouvait pas être vrai ? Pourtant, il était vrai qu'Anja était passée d'un adorable chiot, à une jeune femme sans scrupules.

- Parce-que tu es ma fille. Tu es du clan des Dragons.

- Et qu'est-ce que cela signifie ?

- Tu peux –et moi aussi– te transformer à volonté en Dragon. Indéfiniment, et sans danger. En quantité d'autres animaux aussi d'ailleurs. Prends une chaise, et assieds-toi.

Emma s'exécuta sans poser de questions. En deux jours, son seuil de tolérance à la bizarrerie s'était considérablement élevé. Cependant, elle ne put retenir un cri de surprise quand, en un éclair, sa soi-disante mère se transforma en chat au pelage orangé, puis en mouette, puis en serpent. Enfin, elle s'arrêta et dit :

« Je ne veux pas prendre le risque de me transformer en Dragon ici. Du moins pas entièrement. »

Pourtant, elle saisit une rose dans un des vases qui décoraient la pièce, et, fermant les yeux, elle souffla une flammèche qui embrasa la fleur qu'elle tenait dans sa main.

« Voilà mes preuves, maintenant tu peux me croire. »

Les mots refusaient de sortir de la gorge de la jeune fille. Elle se leva, se balança d'avant en arrière quelques secondes, hésitante, puis se jeta au cou de sa mère. 

Sa mère.

Voilà voilà pour ce chapitre tant attendu (peut-être pas en fait) mais bon, j'espère qu'il vous aura plu. Ce n'était pas trop niais ? 

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