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À force de vagabonder dans tous les sens, j'avais complètement oublié d'où étais-je arrivée. En face de moi, se trouvaient d'innombrables chemins et je me retrouvai bloquée. Je sifflai à l'aide de mes doigts pour envoyer l'écho de ma voix à un seul destinataire.

Une minute plus tard, j'entendis le cri persan de mon corbeau calédonien qui planait rapidement dans l'air en fonçant vers moi. C'était le seul être vivant qui m'avait suivi à distance durant mon déménagement. Il était d'une intelligence rare et étant persuadée qu'il pouvait m'aider, je quémandai :

Peux-tu me donner la bonne direction pour rentrer chez moi ?

Je ne voulus pas faire trop attendre oncle Harold. Il termina d'avaler une bestiole et se déposa à mon épaule en pointant son bec vers le passage juste en face de moi. Cette espèce d'oiseaux pouvait concevoir des outils et les utiliser, je l'avais rencontré dans un bois assez reclus de mon ancienne ville et je le considérai comme un ami, quoi qu'en dise tante Joanna sur cette relation dite insensée.

je m'enfonçai dans la forêt et suivis ses directives. De loin, je perçus les maisons cachées par les arbres puis je fis une pause en voyant d'adorables animaux se pointer devant moi. Je m'adossai contre un vieux chêne en tendant ma main vers les timides. Deux lapins claquaient des dents nerveusement puis ils mirent chacun une patte dans ma paume.

Un loup apparut entre deux arbres et fonça droit vers moi sans que j'eusse le temps de réagir. Il m'avait fait peur et se colla à mon côté sans même faire attention aux lapins qui se nichèrent dans mes bras en rentrant leur tête. Je trouvai bizarre qu'ils n'aillent pas s'enfuir quand soudain, une forme se matérialisa à côté du loup.

Le renard aux deux queues ouvrit grand la gueule et je vis effrayée, du feu qui allait sortir de sa gueule à tout moment. Ses yeux d'un vert étincelant me fixèrent, il détourna le regard du loup et vint à ma rencontre. C'était le même que j'avais vu mercredi.

Je soufflai, soulagée de ne pas être en train de rôtir sur place et le loup disparut. J'avais assisté à une scène de chasse et j'étais heureuse de ne pas avoir vu de massacre, bien que ce soit la chaîne alimentaire. Il mit prudemment une patte après l'autre pour ne pas écraser mes jambes et fixa les lapins avec convoitise.

— Pas touche, murmurai-je sereine.

Une voile invisible recouvra le renard roux, il disparut lui aussi sous mes yeux ébahis. Des animaux sortirent des buissons et me contournaient comme si j'étais une proie mais heureusement, je les savais végétariens. Les deux lapins ressortirent leur tête et avaient cessé de trembler. Un chat au pelage blanc vint s'asseoir sur mes jambes et lâcha à mon étonnement, un lapereau de sa gueule.

Les bêtes semblaient terrifiées mais l'agitation avait cessé une dizaine de secondes après et certains s'en allèrent. Le chat avait rendu le bébé aux parents, c'était émouvant et je ne pus m'empêcher de le remercier :

— C'est très attentionné de ta part, merci.

Je remarquai que l'oiseau s'était établi sur une branche quand je levai mon regard en hauteur. Je caressai le chat qui ronronnait à mon contact puis il s'en alla précipitamment dans la nature. Le corbeau revint poser ses pattes à mon épaule. Je desserrai ma prise pour libérer les deux lapins et le lapereau puis vit un mouvement suspect à ma droite. Je ne pus m'empêcher de leur dire :

— Allez-y et prenez soin de vous.

Quelqu'un m'avait observé et la couleur blonde à la lumière de soleil que je vis du coin de l'oeil me suffit à comprendre qui c'était. De peur qu'il me questionne, je me relevai en me mettant dos à Milo et chuchotai à l'oiseau de partir.

En me retournant, je saluai mon voisin et marchai vers la maison d'un pas rapide afin d'éviter la remarque que je parlais aux animaux mais pas aux gens, ni à lui. Personne ne pourrait me comprendre de toute façon. Mes meilleurs moments du vivant de mes parents étaient les balades. Le contact avec les bêtes de la nature me semblait apaisant. Revigorant.

— Tu as une voix magnifique.

Je m'arrêtai à côté de lui en rougissant mais j'arquai les sourcils, que faisait-il dans la propriété de mon oncle ? Personne n'avait jamais entendu ma voix, hormis tante Joanna, il y a déjà deux semaines. Et il avait osé s'immiscer ici sans accord, je ne comprenais pas.

Je le remerciai d'un signe de tête et lui fit signe de me suivre. J'ouvris la porte et filai prendre du papier. Harold se pencha vers moi au moment où j'avais fini d'écrire et me répondit à la place de Milo :

— Je l'autorise à aller s'y balader de temps à autre. Et toi, jeune fille ? Tu as loupé le repas du midi et tu ne me préviens pas.

Je sursautai et la papier lentement tomba au sol, il m'avait fait une peur bleue. Il tourna la tête vers l'entrée de la porte quand le voisin affirma :

— Je vais m'en aller monsieur, bonne journée.

— Attends, sais-tu ce qu'elle a fait durant tout ce temps ? s'enquit-il.

— Pas vraiment, je venais juste de la croiser en compagnie d'animaux. Bonne soirée à vous.

Milo s'en alla en refermant après lui. Je croisai le regard inquisiteur qui me demanda des réponses immédiatement. Je ne le pensais pas si stricte à vrai dire mais j'écrivis brièvement ma journée. "J'ai voulu faire une promenade mais une jeune fille m'a invité avec ses soeurs, au niveau de la rivière. J'ai accepté et je suis désolée, je n'ai pas vu le temps passer. Et pour ce qu'il a dit, quand je suis revenue, j'ai croisé des animaux ce qui m'a fait retarder. Pardon !"

Il se gratta la barbe en me souriant :

— Tu es quittes pour cette fois seulement parce que tu t'es amusés. Je te fais confiance et à l'avenir, tu ne me refais pas ce coup.

J'acquiesçai et me demandai si je devais lui parler de cette drôle de créature mais je me résignai, j'avais du travail en retard pour l'école qui m'attendait en haut.

Mon oiseau tapotait sur le carreau, c'est vrai qu'hormis dans la forêt, je ne l'avais plus vu depuis une semaine. C'était un solitaire qui d'ailleurs, s'était entichée de moi. Je lui ouvris et en volant dans ma chambre, il fit valser les feuilles qui tombèrent sur le sol.

Sans que j'eusse le temps de réagir, il se mit à prendre avec douceur les feuilles pour les redéposer sur mon bureau, bien qu'un peu chiffonné.

Je m'endormis tard dans la soirée à même mon bureau, entrant dans un sommeil paisible pour une rare fois. Le corbeau s'en alla à un moment et je sentis un frisson parcourir ma peau. Après avoir refermé ma baie vitrée, je tombai lourdement dans mon lit, le sourire aux lèvres.

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