Mon oncle s'empressa de m'appeler après que quelqu'un eût sonné à notre porte. Étant resté en pyjama depuis plusieurs jours, j'enfilai une robe jaune légèrement dentelée vers l'avant et après m'être vêtis d'un long manteau noir, d'une sacoche et d'un béret, je descendis en trombe au rez-de-chaussée.

Il dut entendre mes pas dans l'escalier et une fois la dernière marche franchise, il me poussa vers Milo un peu brusquement :

— Allez, du balai !

je fis les yeux ronds en me retournant mais il se contenta de me regarder avec un sourire narquois. La porte se referma aussitôt, j'étais dos à mon voisin, étant encore un peu déprimé depuis la mort de mon corbeau. De plus, j'hésitai à utiliser un sort interdit et punissable par la loi pour un usage spécial. Pour combler le tout, je pensais sans cesse à Milo ainsi qu'à mes réactions face à lui.

Je connaissais ses sentiments envers moi alors je pris confiance et lui fis un sourire sincère. Maintenant qu'il savait ma vraie nature, celle d'enchanteresse, je pouvais communiquer par télépathie avec lui.

— Alors, que-ce qui t'amène à vouloir me voir ? quémandai-je gaiement.

Nous avions commencé à marcher dans la forêt et il me regarda la bouche mi-ouverte, l'air sérieux puis me répondit avec assurance :

— Je voulais voir comment tu allais mais contrairement à ce que je pensais, tu es radieuse.

— Je suis désolée, toute cette histoire est de ma faute. J'espère qu'ils ne t'ont rien fait de mesquin ?

— Ce n'est rien. Non, ils comptaient justes m'utiliser comme appât à la base mais heureusement que tu m'as rattrapé. J'ai eu la trouille de ma vie, souffla-t-il rassuré.

Près de la rivière, je saluai Lucy et la présentai à Milo. Après cette rencontre brève et quelques explications, je saisis la main gauche de mon voisin et le fis courir durant deux petites minutes. Je venais de faire un choix.

— Si je fais un truc illégal, tu ne diras rien, promis ?

— Pas de problème mais je me demande bien ce que ça peut être. ça m'étonne à vrai dire, tu es plutôt sérieuse comme fille habituellement.

— C'est un tour de magie très ancien, un rituel. Le corbeau mort est un ami très cher. Il m'a été d'une si grande aide et même si c'est égoïste, je veux qu'il vit encore !

Il garda le silence tandis que j'étalai les cendres dans ma paume droite en m'asseyant. Quand je sortis une lame de ma poche, je vis Milo frémir mais se retenir d'agir. Je fis couler quelques perles de sang en serrant les dents jusqu'à m'en faire mal la machoir puis mélangeai le tout avec mon index. Je prononçai en même temps une incantation puissante et une forme se mouva dans ma main alors que je fermai les yeux pour être concentrée au maximum.

De longues minutes passèrent et lorsque je ressentis une chaleur étouffante, j'ouvris les yeux, stupéfaite. J'avais réussi et des larmes de joie coulèrent sur mon visage. Mon corbeau s'était mué en un magnifique phénix. Il bougea ses ails avec vivacité et je pris les mains de Milo qui tremblait un peu. Je déposai le grand oiseau dans le creux en lui susurrant :

— Tu n'as rien à craindre. Cette créature peut lire dans mon coeur comme dans un livre ouvert.

— Je ne suis donc plus un élément indésirable ? lança-t-il confiant. Tu peux restituer un animal mort, c'est incroyable...

Je déposai le phénix devant moi en le caressant. J'avais les mains moites comme jamais auparavant mais je me retournai vers Milo en lui dévoilant mon visage rougeâtre et lui répondit avec conviction :

— Loin de là. Je t'aime comme tu m'aimes. Et j'espère ne pas me tromper sur tes sentiments, confessai-je hésitante.

J'avançai doucement mon visage près de lui pour observer sa réaction mais bien que surpris, il me devança et déposa ses douces lèvres sur les miennes. Ses mains s'insinuaient sous mes cheveux et je gardai les miennes toutes sales sur mes genoux en me délectant de sa passion. Le phénix qui venait de naître s'assit entre nous, je sentis ses pas maladroits sur mes jambes. Lorsque je mis un terme à ce moment exceptionnel, les prunelles vertes de Milo luisaient de bonheur.

— Je n'aurai pas cru que tu fasses le pas en premier, chuchota-t-il en riant. Mais je suis content, c'est une chouette surprise.