Aujourd'hui était un jour très spéciale. Je n'avais jamais côtoyé autant de gens en une seule journée et voilà encore qu'un garçon vint à ma rencontre. Il s'assit sans même me demander l'autorisation, j'attendis cela au moins par simple convention mais cet individu me fixa un instant de ses yeux bridés puis détourna le regard. Ses yeux d'un vert profond et ses joues creuses lui donnait l'air d'une personne timide.

J'aimai observer le paysage mais seule. Je voulus quitter le banc pour rejoindre la salle un peu en avance car sa présence insistante me gênait mais il me retint de sa voix grave :

— Euh non, tu pars déjà ? Je t'ai fais peur peut-être, excuse. Je me suis dit que ce serait sympa de souhaiter la bienvenue à la nouvelle.

Après m'être tenue immobile, je me rassis vivement et voulut lui annoncer les couleurs. Tandis qu'il fixa son bras, je mis mes mains à ma gorge en ouvrant légèrement la bouche. En relevant son regard, le rouquin ne semblait pas comprendre alors je fis un signe de croix que je portai à mon cou ce qui le laissa songeur :

— Tu es muette ? Je crois que j'ai mal compris.

Je levai le pouce en l'air mais il le prit comme une information qui avait peu d'importance. Il acquiesça vaguement et poursuivit avec un semblant de naturel :

— Tu as fais connaissance avec des gens ici ?

Je haussai les épaules. Il était vrai que j'avais parlé avec quelques personnes mais il n'y avait pas vraiment de feeling. Toute ma vie ou presque, j'avais vécu dans la solitude. Tant que je pouvais obtenir la paix, je m'en contenterai.

Je l'écoutai tout en me délectant de la magie dans l'air. On ne pouvait rien apercevoir mais ça me procurait une sensation d'apaisement. La récréation était un moment ou humains et êtres de magie pouvait se rencontrer. Mon ancienne école ne mixait pas les espèces. Cependant, les classes étaient divisées car ils n'avaient pas les mêmes matières en commun.

Moi étant une enchanteresse, je ne pouvais pas rejoindre la classe que j'aurai dû intégrer. Qu'on me traite comme un élément hostile et dangereux ne me convenait pas, au détriment qu'on me prenne pour une humaine insignifiante voir faible comme l'avait fait Iwan.

Mes parents m'avaient inscrit à des cours particuliers de magie en dehors de l'école élémentaire que j'avais arrêtés à leur mort. Ils voulaient absolument que j'aille dans une école dite basique, sans magie, telle était leur volonté.

Le garçon me coupa de ma contemplation des créatures et me proposa tout en balayant ses cheveux vers l'arrière, comme s'il était nerveux :

— Si tu veux, ça me dérange pas que tu viennes manger avec moi ce midi. À toi de voir.

Son intention était délicate alors j'acceptai, il fallait que je me force à aller de l'avant malgré mes doutes, mes peurs et mes craintes. Je ne reproduirais plus les erreurs que j'ai commises désormais.

— Tu es triste ?

Je me surpris à le détailler, piquée au vif par son interrogation pertinente. Il me l'avait demandé avec un sérieux déconcertant mais je me contentai d'affirmer ses dires, ne voulant pas commencer à mentir.

Je réajustai mon bandeau à motif floral pourpre pour me distraire. Une odeur de gazon m'effleurait les narines, j'appréciai toujours cette douce odeur très présente de l'été. Hormis que nous étions à la moitié du printemps. Je remarquai d'un coup d'oeil qu'il portait un gilet ainsi qu'un jogging à cette période de l'année. Il faisait chaud pourtant. Il entrouvrit la bouche alors je reportai mon regard brunâtre sur lui.

— Oh désolé, c'est bien trop indiscret. Je crois que je vais m'éclipser et si tu es toujours d'accord, je t'attends près du panneau qui a dû te faire tout drôle ce matin j'imagine. Oups et aussi, je m'appelle Neven.

Bizarrement aujourd'hui, je rencontrai seulement des personnes bienveillantes ce qui m'intriguait. De nature angoissée, je fuyais à chaque altercation qui pouvait se présager.

Prenant ma confiance à deux mains, je lui fis une révérence et le saluai avec un sourire timide et partis la première. Neven restait pétrifié, j'avais oublié que de nombreux élèves aller et venaient alors je ne pus m'empêcher de marcher à toute allure vers ma classe.

J'entendis des mots qui me blessèrent alors que ça ne le devrait pas. Un chuchotement m'était parvenu, un groupe de personnes me trouvait une allure d'aristocrate. Il y avait une sorte de dégoût mais je ne pris pas le temps de m'arrêter. Savoir qui était cette personne m'importait très peu.

Milo me lança un regard désolé quand je m'assis au deuxième rang mais les mauvaises habitudes étaient durs à perdre. Rancunière, je l'ignorai totalement. Je voulais bien faire des efforts mais je tenais à rester sur mes gardes. Sans même être épaulée durant ma scolarité, je subissais alors avec des amis, je n'osai pas m'imaginer les problèmes.

J'avais déjà eu des amis, cela datait de l'époque où mes parents étaient vivants. Lorsque j'étais petite, l'école respirait la pureté qu'on ne pouvait plus trouver une fois censée être devenue plus mature. Parce que la vie fonctionne ainsi, semée d'épreuves plus ou moins variées.