33
Il s'approcha dans ma direction la conscience tranquille inscrite sur les traits de son visage. Mon corps tout entier tremblait et mon coeur battait rapidement. Celui-là même qui m'avait laissé vivre dans la peur en proférant qu'il reviendrait me chercher ne m'avait donc pas menti. Des tas de questions me venaient à l'esprit, tels qu'elles s'évaporaient quand il me salua :
— Bonjour Esméralda. Nous n'avions pas eu l'occasion de bavasser la dernière fois. Viens, assieds-toi, me pria-t-il.
Il s'étala sur l'herbe en posant ses paumes de bras verticalement au sol.
— Pourquoi avez-vous torturé mes parents ? quémandai-je en m'asseyant à un mètre de lui.
— Ils nous avaient volé des objets magiques de grandes valeurs, tout simplement. Bref, le mal est fait. Oh, tu as donc retrouvé la parole.
J'arrachai un à un des brins d'herbe que je découpai en multitudes de morceaux. Je me mordis involontairement la lèvre avec une dent pointue mais j'oubliai vite ce petit incident. Ma voix si douce se chargeait d'une émotion que j'avais apprise à détester. La haine pouvait être dangereuse et très envahissante, j'en avais fais les frais quand je m'étais rebellée après la mort de mes parents contre quiconque veille m'influencer.
— Vous n'avez pas une once d'empathie ? Ma jeunesse à été détruite par vos actes alors que me voulez-vous à la fin ? dis-je avec un semblant de calme.
— Pas te tuer si c'est pour te rassurer. Plutôt t'utiliser. On a eu du mal à te trouver mais heureusement, ma fille chérie l'a fait pour moi.
— Willow ? hésitai-je en écarquillant les yeux.
Il acquiesça. Son attitude sereine m'irritait tandis que je bouillais intérieurement. Je me relevai, mon visage tordu par la colère et le mal que je ressentais à revoir ce monstre à l'apparence semi-humaine. C'était donc un sorcier lui aussi ?
Sa queue fine, les marques noires à son cou, les griffes en guise de doigt, les oreilles pointues et sa peau rigide, tout était identique, dix ans sont passés depuis le drame.
— Nous avions juré à tes parents de faire payer leurs forfaits en passant par toi. Leur mort avait été bien calculé dans le but de se venger. Je ne sais pas encore clairement ce-
Je me relevai tremblante, une mèche de cheveux cachait partiellement mon visage et je lui assenai un coup de pied dans ses côtes. Il jura en me prenant une cheville. Mon dos claqua fortement sur le sol tandis qu'il enlevait la poussière sur son t-shirt devant moi.
Lorsque je vis les yeux de l'homme dévisager quelqu'un derrière moi avec un sourire malsain, je me retournai et vis que Milo se rapprochait de nous. Stupéfaite, je lui hurlai de s'en aller :
— Dégage, je t'en supplie ! Ce n'est rien de bien méchant, juste un règlement de comptes. Reste en dehors, ordonnai-je fermement.
Ma voix me fit défaut, ma gorge me serrait trop pour émettre le moindre son et je me rendis compte un instant plus tard avoir communiqué par télépathie avec lui.
Un rectangle de feu se forma et Milo se retrouva facilement piégé, seul le milieu de terrain où je me retrouvai n'était pas affecté par ce sort. Cette créature m'était totalement inconnue. Lors de mes recherches étant petite, je n'avais rien trouvé malgré mes efforts acharnés et dirigé par la vengeance.
— Je t'avais dit de n'amener personne, tu aurais dû surveiller tes arrières.
Je reculai peu à peu tandis qu'il s'approcha de moi à pas rapide. Je pivotai et courus droit dans les flammes. À la frontière entre l'air et la fumée, je croisai le regard paniqué de mon voisin alors qu'il ne pouvait plus bouger, au risque de se faire brûler.
— Non...pitié, arrêtez ! hurlai-je au bord des larmes.
J'assitai à une scène presque similaire qui me rappela avec douleur la mort de mes parents. Chaque détail précédant leur destin funeste me revint à l'esprit.
Dans ma maison familiale de l'époque, je vivais une vie paisible et colorée de tous les bons sentiments qu'on pouvait ressentir. L'amour, l'amitié, la joie.
En une fraction de seconde lors d'une nuit horrible, ma vie fut anéanti. Les flammes avaient gagné du terrain à une vitesse fulgurante dans le salon et les poutres s'effondraient ici et là. Au milieu se trouvaient deux individus au corps mi humain.
La femme me regardait avec une expression féroce sur le visage puis lorsque j'avais reporté mon attention sur mes parents encerclés par la fumée, ils furent carbonisés de bas en haut sous l'ordre de celle-ci :
— Brûle-les entièrement Zero, hurla sa femme Judith.
— Bien.
Leur visage s'était décomposé devant mes yeux, j'étais impuissante et vulnérable. Les cris s'éteignirent, leurs paupières se désintégrèrent et je ne pouvais détacher mon regard larmoyant d'eux. Ils n'avaient pas eu la force de me dire adieu, ni moi. J'avais vu avec dégoût leurs yeux rouges perdre de leur splendeur.
Le monsieur m'avait murmuré avant de partir qu'ils reviendraient un jour et depuis, je vivais l'esprit toujours accablé. Impossible d'oublier le prénom des deux tueurs : Zero et Judith. Ils m'avaient menacé de s'en prendre aux gens que j'aime si je voulais dévoiler la vérité de l'incendie.
Dans mon mutisme se cachait la peur. Seul moi possédait la vérité et personne n'avait réussi à me faire parler dès lors, concluant à un simple incendie cette véritable boucherie marquante.
J'avais pleuré intensément la mort de mes parents durant de longs mois, qui fut interminable pour mes proches.
Afin d'être discrète pour préserver mon statut d'enchanteresse, je fis des mouvements de mains vers le bas pour modifier la trajectoire du vent puis traversa cette chaleur abominable. J'entourai les épaules de Milo en le faisant ressortir si rapidement qu'il tomba à terre. Son corps roula vers le bas de la pente mais je réussis à rattraper sa main et le déportai un peu plus haut, à l'abri des regards.
Tout le monde se trouvait dehors mais de leur angle de vue, ils ne pouvaient pas nous apercevoir. Il se frotta les yeux, la fumée épaisse l'empêchait de bien voir. J'inspirai le moins de dioxyde de carbone possible et gardai une main à son épaule en cherchant le monstre du regard.
Je fus surprise de voir un témoin caché entre deux buissons, Neven. J'espérai qu'il n'eut pas tout entendu même si savoir que quelqu'un serait dans la confidence me soulagerait.
Milo était tombé lourdement sur le sol et se mit à tousser, les membres à moitié paralysés. Je détachai son écharpe et nouai un noeud de façon que la laine recouvre le bas de son visage.
Neven vint me donner un coup de main et aida Milo à se déplacer un peu plus loin pour éviter de recevoir des morceaux carbonisés qui virevoltaient dans l'air. Il baissa la tête :
— Finalement, cette soirée devient une catastrophe. Désolé.
Il partit sur ses derniers mots mystérieux. Toujours énervée, je soutins Milo puis contournai le bâtiment afin que personne ne nous voit dans cet état. Oncle Harold était censé venir nous chercher à deux heures du matin alors qu'il n'était que minuit.
Milo passa son doigt à mes lèvres, c'était une sensation étonnamment agréable aussi bien que malaisante mais lorsqu'il l'enleva, je vis qu'il avait enlevé les gouttelettes de sang. Son regard se perdait vers flammes qui diminuaient d'intensité.
Heureusement, mon voisin ne me demanda aucune explication, trop sonné par la brutalité de l'évènement et nous marchions durant une heure pour retrouver nos domiciles. Je jetai des coups d'oeil en permanence derrière moi. Habituellement, il parlait avec franchise sans réfléchir ce qui m'étonna de lui. Sa respiration était très audible de près et ses membres tremblaient convulsivement.
Je me mis à pleurer si soudainement qu'il sursauta. J'indiquai en mettant un doigt à sa bouche de ne rien dire à son père car ce dernier était ami avec mon oncle. Pour autant, il n'en démordit pas :
— Pour le moment, bouche cousue mais je voudrais que tu me parles de tes problèmes. Tu en as le droit, ajouta-t-il.
Il remit de l'ordre dans ses cheveux en bataille puis enleva le plus de saleté possible sur ses vêtements. Je croyais que Milo allait rentrer mais il me tapota le dos pour me réconforter. Sa gentillesse me toucha en plein coeur. J'essuyai mes larmes, me trouvant pathétique de pleurer mes défunts parents.
Ses doigts frôlèrent les miens puis il les capturait au niveau de son torse. Enroulant ses deux mains autour de la mienne, il tenta de sourire un instant mais les traits redescendirent aussitôt.
Sa bouche entrouverte tremblait mais le moment n'étant pas propice pour parler, il rejoignit son domicile en me souhaitant bonne nuit.
Harold sortit de son atelier en entendant le bruit de la porte principale. Je filai droit dans ma chambre en feignant un bâillement pour esquiver les questions de mon oncle.
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