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Quelqu'un déboula en trombe dans l'escalier. Des yeux émeraudes firent leurs apparitions tandis que le corps du jeune homme blond restait caché par un bout de l'escalier. Il me fixait tout joyeux puis sauta deux marches pour arriver juste devant moi.
J'étais quelque peu déstabilisée car il faisait une tête de plus que moi et mon oncle lui souriait de toutes ses dents quand le fils du voisin rebraqua son regard vers moi. Je lui fis une référence rapide après avoir lissé ma longue jupe.
La peur affluait en moi, je ne me sentais pas prête à recroiser des adolescents de mon âge après tout ce calvaire. La tentative de viol d'anciens camarades de classe était encore toute fraîche dans ma mémoire. Je ne pouvais pas contrôler ce sentiment de méfiance, pas maintenant. Il me tendit une main en se présentant :
— Milo.
Je détournai le regard vers mon oncle en lui suppliai des yeux de quitter cet endroit, bien que ce soit impoli de ma part. D'un geste de la main, je lui demandai discrètement le droit de partir mais il secoua la tête en rétorquant :
— Il est dans la même classe que toi Esméralda et j'aimerai bien que Milo te fasse visiter la ville.
Une main s'insinua dans ma paume et je fus amené vers la sortie sans avoir le temps d'exprimer quoi que ce soit, comme si j'étais indésirable. Je fixai le bras de Milo puis détachai subitement ma main de la sienne, en soupirant par la peur que cet inconnu venait de me provoquer.
La fine écharpe noire entourant son cou alors qu'on entrait bientôt dans une saison chaude lui donnait un certain charme. Il camoufla le bas de son visage dedans et ria nerveusement :
— Oh, mille excuses ! Je ne voulais pas t'offusquer.
Je détendis les traits de mon visage et essayai de me fier à ce que dictait mon coeur. Pour l'instant, il semblait être un jeune homme respectueux et le regard qu'avait posé mon Oncle Harold sur lui m'obligea à le suivre.
Mes cheveux détachés balayèrent l'air lorsque je secouai la tête, en essayant de lui faire comprendre que ce n'était pas très grave. Le contact de sa peau avec la mienne avait simplement ravivé le souvenir des mains baladeuses d'Iwan. Il esquissa un sourire énigmatique puis commença à marcher en me faisant signe de le suivre sur le chemin sablonneux.
— À ce soir monsieur Harold, je vous la ramènerai sans une goutte d'alcool dans son sang, promis.
— Eh dam oui ! Tu as intérêt jeune homme, hurla mon Oncle.
Je me promenai en suivant ses pas dans le silence, ce que j'appréciai mais seulement après quelques minutes écoulées, il le brisa pour satisfaire sa curiosité. J'étais dans une position peu confortable, la crainte d'être rejetée et moquée ne faisait qu'accroitre.
— Je fais des études d'automobile et d'ailleurs, c'est cool d'avoir la nouvelle camarade de classe comme voisine. Et toi, quel chemin as-tu pris pour tes études ?
Stressée, je palpai le lobe de mon oreille. Ma voix me faisait défaut et pourtant, de nombreux médecins m'avaient prouvé que j'étais bien capable de parler. Il pencha légèrement sa tête et j'eus une pleine vue sur son nez pointu, cet inconnu s'excusa une deuxième fois :
— Suis-je bête ! Tu ne veux pas parler. Ah pardonne-moi, je suis une tête de linotte.
J'aperçus sur le chemin des tas de plantes, fleurs et arbres en tous genres. Mon oncle lui avait donné quelques informations sur moi. Je lui tirai doucement son t-shirt en baissant la tête et tentai de lui donner une réponse en montrant cette étendue de verdure. Il réfléchit de longues secondes et à mon bonheur, j'eus réussi à me faire comprendre :
— Oh, un métier médical, c'est ça ?
Je hochai vivement la tête en remettant de l'ordre dans ma courte franche puis enlevai mon béret noir sous cette chaleur croissante. Griller sous le soleil tout en portant des couleurs sombres était loin d'être agréable mais tel est la volonté du terrible Harold. Il aurait pu me prévenir à l'avance pour cette balade.
— C'est passionnant de pouvoir guérir avec ce que nous offre la nature, bon choix Esmé.
Mon regard se reporta pour croiser ses pupilles. Son visage prit un teint amusé et il haussa ses fins sourcils avec dédain :
— Es-mé-ral-da, quatres syllabes, trop long pour un feignant. Puis les surnoms, ce n'est pas mal non plus. Quoi, c'est un si grand crime que ça ?
N'ayant pas l'habitude de côtoyer un personnage si spécial d'entrée de jeu, je préférai ne rien lui répondre puis j'aperçus de nombreuses maisons faites de magnifiques briques rouges.
Autrefois, il y a déjà bien longtemps, la vie rimait à ramasser de l'argent en travaillant et ce système a été aboli au nom de l'égalité. Désormais, il suffisait de choisir une filière, de se spécialiser et de travailler pour vivre dans le confort. La monnaie n'existe plus.
J'accélérai le pas puis l'attendis pour savoir par où allait-on commencer. Que quelqu'un extérieur à la sphère familiale me parlait tranquillement sans être dérangé par mon silence me laissait perplexe. Étais-je tombé au mauvais endroit auparavant ? Je préférais rester prudente, en espérant de tout mon coeur avoir une vie plus charmante que la précédente.
La respiration de Milo vint me sortir de mes pensées, il me fixait droit dans les yeux et passa d'un sujet à un autre en prenant le chemin en pavé vers la droite :
— Joli grain de beauté sous l'oeil. Je vais te présenter mes endroits préférés puis quelques bagatelles utiles, dit-il en dénigrant ses derniers propos.
Je lui emboitai le pas tandis qu'il bailla une fois que j'arrivai à ses côtés. Étais-je si ennuyante que ça où était-il fatigué ? Je me refroidis dubitative, peu de personnes voudraient se coltiner une fille -dite- muette et même si c'était blessant, j'avais assez de jugeote pour les comprendre.
Les arbres créaient un abri face le soleil au niveau des trottoirs et à mon bonheur, nous nous engagions dans une de ces allées. Un à un, il me présenta son bar préféré, de multiples salles de sports dont une piscine ainsi que des restaurants en traînant tranquillement les mains dans les poches, comme si c'était une ballade amicale. J'aurai plutôt cru que cela était une corvée. Enfin, ça l'aurait clairement été si j'étais à sa place. D'un geste vague d'une de ses mains, il me montra de nombreux petits commerces artisanaux.
— Bon là, c'est tout ce qui est essentiel. Oh, je vais te montrer les établissements scolaires ! Attends, à moins que tu veuilles faire des courses dans les magasins avant ?
Je secouai négativement la tête, bien que cette visite m'importait peu, je respectais la volonté d'oncle Harold. Je me disais qu'il ne devait pas être au courant de la situation antérieur ou alors, tante Joanna ne lui avait pas donnez-les détailles importants pour oser me balancer dans l'inconnu, obligée de suivre cet adolescent. Milo poursuivit :
— J'ai bossé toute la matinée et tu vas devoir prendre les transports pour aller en cours. Vu que c'est loin, je te propose un petit footing ?
J'écarquillai grands les yeux en observant les toits des magasins puis détourna le regard. Il ne me laissa même pas le temps d'émettre mon avis qu'il s'échauffa les muscles en plein milieu de la grande place. Milo partit sans prévenir et lança un coup d'oeil dans ma direction et avec enthousiasme, il répondit à mon air interrogateur :
— Eh bien, si tu n'es pas malade ou souffrante, on peut y aller. Hop, Hop, Hop !
L'envie de me perdre dans une des villes qui jonchaient la grande cité centrale de l'île n'était pas dans mes intentions alors je déboulai à toute vitesse pour me retrouver à ses côtés. Nous rentrions déjà dans la zone scolaire mais il semblait que notre école se trouvait loin puisqu'il nous fallut cinq bonnes minutes pour arriver à destination.
Je soufflai un grand coup, mon visage devait probablement avoir pris un teint rougeâtre. J'eus une bouffée de chaleur liée à l'effort qui se dissipa petit à petit. Mes jambes pesaient lourd, me voir courir était rare car mon endurance demeurait faible.
— Et voilà, nous sommes au centre du secteur de l'éducation. Et le bâtiment blanc incrusté presque entièrement de vitres est celui où se déroulent les cours communs. Par contre, je ne sais pas lequel correspond au domaine médical. Heu...où est le panneau d'indication déjà, réfléchit-il.
Il scruta mes pupilles brunâtres tandis que je pris le risque de supposer en montrant du doigt qu'un rectangle au loin pouvait être ce fameux tableau, n'étant pas sûr de bien voir. Milo s'avança de quelques pas et affirma d'un signe de tête que je ne m'étais pas trompé. Je le suivi et vit son doigt pointé sur un des bâtiments schématisés, qui représentait le secteur dont mon futur métier en faisait partit.
Je recourbai mon dos et pliai une partie de ma jupe, une révérence en signe de remerciement. Il pouffa de rire et pourtant, ce geste peu commun m'avait été appris par mes défunts parents et je continuai de le faire. Il n'y avait rien de drôle à cela même si ça paraissait démodé aux yeux des élèves. Se moquer de moi, c'était le péché mignon des vermines comme Iwan et sa bande alors je me reculai de Milo, vexée.
Je repris le chemin du retour en détournant le regard de lui qui s'apprêtait à parler mais il se résigna lorsqu'il croisa mon regard. Les bras croisés, je marchai tranquillement comme si j'étais seule aux alentours, même si j'entendis les pas significatifs de Milo se rapprocher.
— Je suis désolé, je n'avais aucunement l'intention de te blesser.
Il prit de l'avance sur moi et posa son lourd regard désireux de réponse sur moi. Je soupirai tout en hochant les épaules pour le pardonner de son acte qui devait sembler insignifiant pour lui. Milo reprit sa démarche habituelle.
Je remarquais que le soleil était déjà bien avancé, la soirée devait être proche et je me souvenais très bien qu'une surprise m'attendait là-bas, chez mon oncle Harold.
Arrivée après plusieurs dizaines minutes de marche, le futur camarade de classe m'indiqua qu'ils devaient encore être en train de parler chez son père et m'invita à entrer. Je le suivis dans ce qui ressemblait à un long couloir puis en laissant mon regard dévier à gauche, je vis leurs regards posés sur moi. Harold se releva rapidement, l'au revoir était tellement court que je me retrouvai dehors un instant après.
— À demain vous deux, et bonne rentrée à la demoiselle !
Je saluai le père et le fils puis lorsqu'ils disparurent chez eux, mon oncle venait déjà de s'éclipser à l'intérieur de sa demeure. Je le suivis en prenant soin de refermer la porte. Il ne me fallait pas plus que voir ses iris pétillants pour comprendre qu'il avait hâte de me faire découvrir cette fabuleuse surprise. Mais d'ailleurs, quand allais-je reprendre les cours ? Demain déjà ?
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