Chapitre 7 - Aveux

Ses mains glissent dans les miennes tandis que j'inspire profondément.

Je ne comprends pas pourquoi je m'obstine autant à comprendre ce qui se passe. La sécurité, je l'ai recherchée pendant des années, et nous ne le sommes toujours pas avec Aaron, mais mon travail prend trop le contrôle de ma vie. J'ai toujours voulu sauver tout le monde, ne plus voir d'autres personnes mourir devant, ou à cause de moi. Je veux, depuis leurs apparitions, protéger le monde de mes pouvoirs. Je veux compenser le mal que j'ai fait il y a de cela vingt ans. En conclusion, devenir médecin était logique.

Clint me scrute avec compassion tout en serrant ses doigts autour des miens. Il a bien vu que je m'inquiète de notre sort. Avec tout ce qui se passe en ce moment, qui n'aurait pas peur ?

-Quand finis-tu ton service ? Demande-t-il en buvant une gorgée de son café.

-Tard. J'ai une séance d'antibiothérapie de prévue et j'ai un tas de paperasses pour la sortie de plusieurs patients.

Suite à ma réponse, il fait une pause en regardant le plafond. Il réfléchit. Un vieux souvenir de quand nous étions enfant refait surface. Un moment où nous devions trouver une solution pour cacher à nos parents que notre chat avait déchiqueté une souris sur leur lit. Clint avait la manie de faire les cents pas en regardant le plafond, ce qui nous a valu une idée parmi l'inquiétude de se faire disputer. Au final, nous avons simplement décidé de mettre un oreiller dessus. Je concède que ce n'était pas une solution particulière intelligente puisque cela avait aussi tâché l'oreiller, mais ce qui comptait était que Clint avait eu une idée.

Nous mettons rapidement fin à la conversation car Clint reçoit un coup de fil qui le force à retourner travailler. Je finis donc mon repas seule, ce qui n'est pas une mauvaise chose car j'ai l'impression d'être en overdose sociale.

Une fois rassasiée, je retourne à mes occupations. Sarah, la patiente atteinte d'un BPCO s'est réveillée mais a subi par la suite les aléas et la fatigue de l'antibiothérapie. Un peu plus tard dans l'après-midi, je repasse par le couloir de la cancérologie où cette fois la salle de jeu des enfants est bruyante. Je m'arrête sur le pas de la porte et observe les enfants gigoter. Certains regardent les dessins animés à la télévision, d'autres s'essayent à la lecture malgré leur jeune âge. Je porte mon attention sur une petite fille qui peint. Son visage blême fait ressortir ses yeux azur tandis que ses mains et son front sont couverts de peinture verte. Je m'approche lentement car j'ai appris au fil du temps qu'elle était sensible aux personnes brusques. Lorsque je rentre dans son champ de vision, elle tourne la tête vers moi et me souris.

-Bonjours Hailee. Dit-elle en se remettant à peindre.

-Salut Milly. Tu peins toujours autant de légumes à ce que je vois. Déclaré-je en observant sa toile.

Le cadre est rempli. Pas un seul morceau de tissu blanc ne ressort. Une assiette de petit-pois y est peinte avec la plus grande minutie. Au début, je pensais moi-même être en mesure de dessiner cela, trouvant l'idée de peindre des légumes totalement absurde. Puis quand je m'y suis essayée, je compris enfin que tout ne résidait pas dans la simplicité de la forme, mais dans la précision des détails. Evidemment, j'ai abandonné rapidement, n'étant pas du tout une artiste. Et le plus dingue dans l'histoire, c'est qu'elle n'a que huit ans !

-Ça va mieux depuis ton accident ? Me questionne-t-elle en s'arrêtant de peindre et en se plantant devant moi, attendant une réponse.

Je hoche la tête en souriant. Milly est vraiment une gamine impressionnante. En plus de s'inquiéter pour moi, un médecin parmi tant d'autres qu'elle a pu rencontrer, elle résiste contre la maladie qu'on lui a diagnostiquée quand elle avait deux ans. Une leucémie aiguë qui l'a vite conduite à connaître les couloirs de l'hôpital comme sa poche. Ses parents sont tous deux politiciens, et ont donc l'argent nécessaire pour payer le meilleur cancérologue du pays, qui se trouve travailler dans mon établissement (un homme très remarquable). Avec tout l'argent qu'ils ont dépensé pour tenter de sauver leur fille, on pourrait croire qu'ils l'aiment plus que leur propre vie, mais c'est un leurre. Depuis maintenant dix-huit mois, ils ne lui rendent plus visite, sous couverture d'être en voyage d'affaires. Mais à ce que je sache, il ne faut pas un an et demi pour régler les problèmes de la Nation, d'autant plus que je les ai vus aux infos il y a quelques jours alors qu'ils étaient à Washington. On dirait que cela les tuerait s'ils venaient embrasser leur fille entre deux avions.

Quand je suis arrivée dans le service -il y a quatre ans- Milly était déjà dans l'établissement. Si je l'ai rencontré, c'est uniquement parce que j'adore les enfants. Quand j'ai appris qu'il y avait une aile entière de l'hôpital dédiée à la cancérologie infantile, je m'y suis précipitée. J'ai fait tout mon possible, et c'est encore le cas aujourd'hui, pour leur rendre la vie moins difficile en participant -quand j'en ai le temps- aux lectures communes et en leur faisant des pâtisseries. C'est une des rares activités en dehors du travail que je réussis à peu près bien.

Dans tous les cas, personne ne devrait avoir à subir des maladies aussi destructrices, encore moins des enfants. Milly est probablement la plus forte de tous parmi ces gamins, c'est elle qui est là depuis le plus longtemps, pendant que d'autres partent, tous condamnés.

-Oui, ça va mieux. Ne t'en fais pas.

Je reste plusieurs minutes jusqu'à mon prochain rendez-vous avant de me diriger vers les salles de consultations.

***

Mon stylo fait une courbe sur le papier blanc, réécrivant ma signature pour la énième fois depuis le début de la journée. Une fois ma pile d'ordonnance terminée, je dépose mes papiers dans le vestiaire, attrape mon sac à main et sors de l'hôpital. Les rues sont sombres, la chaleur est accablante bien qu'il soit déjà vingt-deux heures. Je marche vers le parking dans le noir, éclairée très faiblement par le lampadaire à l'entrée du parc de stationnement. Je me stop à quelques mètres de ma voiture, prudente.

Deux hommes rôdent autour de celle-ci, ce qui ne fait qu'augmenter ma méfiance. Les battements de mon cœur s'accélèrent, ce qui me donne l'impression que mon cœur va sortir de ma poitrine tant l'adrénaline parcourt mes veines à toute vitesse. Je ne devrais pas avoir autant la trouille, après tout je contrôle le métal. S'ils veulent me faire du mal avec une arme à feu, ou même avec une arme blanche, je pourrais les arrêter. Enfin si je ne suis pas figé par la peur. Je plonge ma main -tremblante- dans mon sac pour en sortir mes clés -ainsi que, discrètement, un couteau suisse. Une vague d'énergie me traverse tandis que grâce à elle, je fais léviter le couteau furtivement au-dessus de nos têtes. Je m'approche d'un pas mal assuré et chancelant.

-Excusez-moi messieurs, je dois prendre ma voiture pour rentrer chez moi.

Ils se mettent face à moi, dans leurs habits chics. Leur peau foncée, associé au costume, rend leur silhouette monotone et semblable à des spectres. Simultanément, ils plongent leur main dans leur veste pour en sortir quelque chose. Je n'attends pas qu'ils tentent de me tuer -ou de m'enlever, ou de me faire du mal- que je dirige, d'un geste de la main, le petit couteau sous la gorge de l'un d'eux. À distance raisonnable, j'appuie un peu la lame, une perle de sang s'échappe de la coupure et coule le long du cou de cet inconnu.

-Si l'un de vous tente quoi que ce soit, j'égorge l'un et je poignarde l'autre. Est-ce bien clair ?

Le bluff ce n'est vraiment pas mon truc, mais dans cette situation où j'ai le contrôle de mes assaillants et de mes pouvoirs -sans déraper- je crois que je n'ai pas vraiment le choix. Mais je ne compte pas les tuer, j'en ai trop peur. Je ne suis pas assez forte pour refaire cela. Je ne le supporterai pas cette fois.

En réponse à ma question, ils lèvent tous deux leur main en signe de capitulations. Dès lors je me détends.

-Maintenant, expliqué-je en m'avançant lentement vers ma voiture. Vous allez reculer de quelques pas, et me laisser rentrer chez moi.

-Mademoiselle Barton, se risque l'homme qui n'a pas la lame sous la gorge.

Intriguée par le fait qu'il sache mon nom, je fronce les sourcils en relâchant un peu la pression sur le cou du deuxième homme. Je lui demande alors comment il connaît mon nom, mais tout ce qu'il fait est de glisser lentement, avec mon assistance, sa main dans sa veste pour en sortir un portefeuille. Il ouvre celui-ci et me montre une plaque.

-Je suis l'agent Matt, nous sommes du SHIELD.

J'observe plus en détail la plaque. L'hologramme de l'organisation y est inscrit. Je les scrute avec appréhension.

-Et que me voulez-vous messieurs ? Demandé-je tout en gardant le contrôle sur eux.

-Nous venons vous chercher pour votre rendez-vous avec monsieur Fury. Annonce celui dont la vie est menacée par ma minuscule arme.

C'est alors que ma conversation de ce midi avec mon frère me revient en mémoire. Il m'avait dit que je pourrais converser avec son supérieur.

-Pourquoi si tard ? Je suis épuisée, j'ai faim et demain une grosse journée m'attend.

-Monsieur Fury n'est libre que ce soir. Vous savez, ce n'est pas facile d'être à la tête d'une boîte de renseignements internationaux.

Je baisse mon bras, ayant une crampe gênante, tandis que le couteau revient dans ma main en fendant l'air. Je soupire, exaspérée de leurs horaires pourris. Ils n'attendent même pas ma réponse que l'agent Matt me prend les clés des mains. Ils montent dans ma voiture, à l'avant, ne me laissant plus que les places à l'arrière.

Je lève les yeux au ciel, et monte à mon tour.

-Je peux conduire vous savez. Ce n'est pas pour rien que l'on m'a donné le permis. Râlé-je en m'installant à l'arrière.

-Nous savons mademoiselle, mais c'est la procédure.

Nous sortons du parking.

-Et... Je suis désolé de vous avoir entaillé le cou. M'excusé-je en baissant les yeux.

-Ce n'est rien mademoiselle. Moi aussi je me serais méfié à votre place. C'est vraiment impressionnant ce que... Vous savez faire. J'en avais entendu parler par votre frère, mais je n'y croyais pas vraiment. Comme on dit, il faut le voir pour le croire.

Je décide d'ignorer sa remarque, ne comprenant pas pourquoi ils sont aussi admiratifs d'un pouvoir qui peut tuer et faire tellement de mal autour de nous. Cela n'a absolument rien d' « extraordinaire », c'est terrifiant. Après seulement quelques minutes de routes, la voiture s'arrête.

-La tour Stark ? Demandé-je surprise. Fury veut aussi voir Tony ?

Prononcer son prénom me donne la nausée, et l'idée de retourner dans le bâtiment à son effigie me retourne l'estomac. Pourquoi ceux qui sont susceptibles de pouvoir aider le monde sont purement et simplement de gros cons ?

-Ce sont les armes de Stark dont vous voulez parler, alors autant le convoquer aussi.

Je sors de la voiture et fais quelques pas pour atteindre les portes de la tour. J'entre dans l'immeuble tandis que les deux agents restent à l'extérieur. Dans l'ascenseur, j'ai une brève conversation avec Jarvis sur le pourquoi le patron de mon frère veut me voir ici, et maintenant. Les portes s'ouvrent sur le grand salon, j'en ai encore le souffle coupé par la beauté de la salle, mais je me rappelle rapidement que cette beauté est due à un commerce peu recommandable, ce qui me fait grimacer. Je me positionne face aux baies vitrées et observe la vue. New York la nuit, c'est vraiment magnifique. Toutes ces lumières confirment le surnom de cette ville magique : la ville qui ne dort jamais.

Sur ma droite, une porte automatique s'ouvre sur mon frère.

-Sérieusement Clint. Vingt-deux heures.

-Je sais, désolé.

Il me fait signe de le rejoindre et d'entrer dans une pièce plus petite que le salon. Une grande table en verre, accompagnée de ses chaises, prend quasiment la totalité de l'espace. Une petite télévision est suspendue au-dessus de la table. Le directeur Fury est au bout de celle-ci et vient me serrer la main.

-Bonsoir mademoiselle Barton, navré que ce rendez-vous est lieu si tard et... dans cet environnement.

À sa manière de regarder les alentours avec dédain, j'en déduis que lui non plus n'aime pas vraiment ce bâtiment, c'est comme un rappel afin de ne pas oublier que cette architecture n'est que le fruit d'un égocentrisme pitoyable. Je fixe son cache-œil qui ne cesse de me donner la chair de poule autant que de m'intriguer. Un léger frisson me parcourt alors que je me demande comment il a pu se faire cela. Une question à laquelle je n'aurais probablement jamais de réponse.

Alors que je pars m'asseoir sur une des nombreuses chaises de la salle, qui ne serviront certainement pas toutes, je scrute la pièce. L'absence de Stark ne m'étonne pas vraiment, mais cela ne m'empêche pas de poser la question :

-Où est Stark ?

En guise réponse, Fury hausse les sourcils, comme si la réponse était une évidence, puis mon frère explique qu'il est encore dans son atelier. Que c'est habituel étant donnée l'urgence de la situation, puisque Stark est « un emmerdeur jusqu'au bout ».

Je lève les yeux, exaspérée par son comportement puéril, mais ne dis rien de plus. Cela ne serait que lui apporter plus d'attention qu'il n'a déjà. Malgré tout, je me souviens l'avoir vu faire cela à la télévision lorsqu'il était face à Justin Hammer. Le Premier ministre voulait faire d'Iron Man une propriété de l'armée américaine. Je prends une grande inspiration en fixant le badge de ma blouse et j'attends patiemment, tout en baillant, que notre hôte daigne se montrer.

La porte s'ouvre sur une femme, et quand je me rends compte de qui elle est, j'écarquille les yeux en fronçant les sourcils et me lève d'un bond. Je serre les dents en reconnaissant ses cheveux roux, courts et bouclés ainsi que ses lèvres pulpeuses et sa poitrine tout aussi généreuse.

-Vous.

Elle m'offre un léger sourire et prononce une insignifiante excuse et tandis que je m'apprête à lui dire ce que je pense, Clint me devance :

-Tu connais l'agent Romanoff ?

Mon regard se porte sur mon frère dont la mine est assez confuse, voire inquiète.

-En effet. Pourquoi le stand de tir ? La questionné-je en me tournant vers elle, prête à recevoir une excuse bidon parmi tant d'autres. Vous vouliez savoir si je savais me débrouiller avec un fusil de fête foraine ?

À son tour, elle hausse les sourcils hautainement.

-C'est vrai que c'est comparable avec une véritable arme à feu sur le terrain, cela m'a vraiment donné envie d'aller me battre dans des conflits qui ne sont pas les miens. Ajouté-je sarcastiquement.

-Le directeur Fury m'a demandé de prendre mes marques auprès de vous, afin de déterminer si vous aviez le mental pour être un de nos agents. Disons que j'ai voulu prendre contact avant de commencer ma mission. Explique-t-elle en s'asseyant face à moi. Vous devez intégrer le SHIELD, votre but serait atteint et tout le monde y gagnerait.

-Nom de dieu ! Je ne suis pas là pour trouver du travail, ou pour atteindre un but, je veux juste comprendre ce qui se passe dans ce pays.

Au même moment, Stark entre dans la pièce, tout sourire avec sa barbe minutieusement rasée et son t-shirt unicolore plein de graisse.

-Pardonnez mon retard, entame Stark fièrement, un homme aussi sérieux que moi ne peut pas se permettre de lâcher son travail comme ça.

L'exaspération m'envahit lentement, comme pour pâtir de la connerie même de cet homme orgueilleux. Il n'a dit qu'une seule phrase et tout le monde dans la pièce semble déjà agité. Aaron aussi est là, sur les talons de son mentor, cherchant à devenir invisible. Quand nos regards se croisent, il fronce les sourcils, la mine confuse.

-Hailee ? Qu'est-ce que tu fais là ?

-Et toi ? M'étonné-je en soupirant.

-J'ai besoin de lui. Intervient le milliardaire d'un regard noir. Ça le concerne tout autant que nous.

-En quoi cela le concerne-t-il ? Il n'a rien à faire là.

-Ce n'est pas comme s'il était mon ingénieur en chef, voire même le seul. Explique Stark sarcastiquement. Ce n'est pas non plus comme s'il construisait avec moi ces mêmes armes qui détruisent lentement notre pays. Alors il reste !

De ma place, je sens Aaron s'enfoncer dans son siège afin de disparaître pour qu'il ne soit plus le sujet principal. Il n'a jamais vraiment aimé être le centre de l'attention. Il considère que d'être sous le feu des projecteurs vous enferme dans un cercle vicieux où vous êtes piégé, où vous êtes le centre des jugements et des critiques, et en soi il n'a pas tort. Son regard parcourt la salle, et quand son regard passe sur la chevelure rousse de Natasha, ses yeux s'assombrissent. Lui aussi l'a reconnu.

-Oh, c'est bon Stark. Ne faites pas celui qui passe du jour au lendemain de l'égoïste et égocentrique au philanthrope et gardien de paix. Toute cette merde, c'est de votre faute ! Braillé-je totalement hors de moi.

-C'est vrai que vous êtes une sainte ! Sauver des vies, c'est ce que vous faites de mieux, n'est-ce pas ? Ma voie c'était la mécanique et ça ouvre plusieurs portes, dont l'armement. Vous vous occupez de votre job et moi du mien !

Le directeur interrompt immédiatement nos querelles, d'une voix grave balayant toute rébellion.

-L'heure n'est pas aux chamailleries. Mademoiselle Barton, vous vouliez discuter de ces missiles ? Ne me faites pas perdre mon temps.

Je suis figée sur place tant son autorité et sa façon de rendre une pièce silencieuse m'impressionne, ce qui me fait me sentir complètement ridicule. En même temps, comment réussir à exercer ce travail correctement si on n'a pas une certaine domination des choses. Je réfléchis quelques secondes sur le comment je dois m'exprimer puis commence en bégayant :

-Monsieur... J'ai pris en compte ce que Clint... enfin je veux dire l'agent Barton, Stark et les informations à la télévision ont dit sur les missiles. J'y aie réfléchi pendant des heures, à sans cesse remuer tous ces renseignements dans ma tête, sans jamais réussir à trouver de solutions et...

En vérité, cela me fait bizarre de devoir appeler mon frère « agent ». Il est juste Clint pour moi. S'il n'était pas devenu agent du SHIELD, je ne l'aurais jamais revu, et il serait simplement rester le garçon qui s'attirait des ennuis, mais cette organisation... Je trouve qu'elle le rend impersonnel, comme si le jeune homme que je connaissais avait disparu désormais.

-Allez droit au but Hailee. Ordonne Fury, toujours aussi impassible.

Mes joues virent au rouge tant il m'intimide. J'aperçois même un rictus satisfait sur les lèvres de Tony. Ce qu'il peut être puéril.

-D'après les infos, les missiles sont vieux d'une vingtaine d'années ce qui remonte à l'époque où Howard Stark était à la tête de Stark Industries.

Je jette un coup d'œil à l'ancien gérant de l'entreprise qui s'est figé à l'entente du nom de son géniteur. Même si c'est un abruti fini, lui aussi a été un enfant, et le monde entier sait que le grand Tony Stark avait des relations assez étroites avec son père. Pas que sa vie ait été un véritable désastre non plus, loin de là, mais ne pas avoir l'attention de son propre père, savoir qu'il ne lui a jamais dit qu'il était fier de lui... Ce n'est jamais facile, même pour un gars comme Stark. Ça a d'ailleurs fait polémique sur les réseaux sociaux.

-On sait aussi que Stark n'a rien avoir là-dedans, sans quoi il aurait été totalement stupide d'utiliser ses propres armes contre son pays. Il n'y aurait même pas eu de mobile si c'était lui. Donc le plus plausible est un rebelle qui tente de déstabiliser les États-Unis.

-Bravo, vous avez trouvé ça toute seule ? Ajoute Stark ironiquement. Je vous croyais plus bête que cela mademoiselle Barton.

Je lui lance un regard surpris, n'en pouvant réellement plus de ces remarques absurdes et enfantines. Il change de position sur sa chaise puis il fait un signe de mains comme pour attendre une suite.

-Et puis quoi ? Vous allez me dire que ce « rebelle » a réussi à voler de vieux modèles de missiles avant la destruction des derniers prototypes, qui soit dit en passant datent de l'âge de pierre et qui ne sont plus utilisés depuis près de quinze ans ? À quoi ça sert ! S'énerve-t-il. Pourquoi ne pas prendre ceux qui feront le plus de dégâts ?

-Parce qu'ils sont traçables. Intervient Natasha. Cela trahirait sa position.

-Traçables et contrôlables à distance via un ordinateur. Je vous croyais moins bête que cela monsieur Stark.

Suite à cette phrase que j'ai reprise de ses propres mots en n'en changeant quelques-uns, il m'offre un regard exaspéré par mon manque de politesse vis-à-vis de son génie. Certes, c'est quelqu'un de très talentueux sur le plan mécanique, mais il n'est bon que là-dedans, et dans rien d'autre.

-Et puis, entre nous, dis-je en m'adressant à Fury qui me fixe de son seul œil valide. Que ce soit des missiles d'il y a vingt ans ou d'aujourd'hui, cela reste des armes de destruction.

-Vous êtes trop naïve Hailee ! Nous ne sommes pas dans un film où celui qui trouve la réponse la plus irrationnelle au problème devient le héros. Nous sommes dans le monde réel. Reprend Tony. Faut arrêter d'aller au cinéma si c'est pour vous donner des idées pareilles.

Je prends le temps de réagir aux propos de Tony. Mes poings se serrent tout comme ma mâchoire. S'il savait que l'inimaginable était dans cette pièce, ils ne diraient jamais une chose pareille.

-Tu n'aurais pas dû dire ça. Intervient doucement Aaron en attrapant l'épaule de Tony et en le forçant à se rasseoir.

-Vraiment, Tony ? Et vous croyez que ça -d'un geste de la main, le stylo qui est placé devant le directeur se met à léviter- cela fait partie du monde réel ? Dis-je le plus calmement possible, alors qu'au fond de moi tout bout.

Le silence prend place. L'atmosphère est devenue pesante dès lors que le regard du milliardaire s'est posé sur le stylo volant. Sa bouche est ouverte, signe d'un ahurissement total. Natasha semble émerveillée, sa bouche s'écarte de manière à laisser apparaître un petit sourire niais. Quant à Aaron, je le vois cacher ses yeux avec sa main en soupirant, comme si j'avais fait la plus grosse erreur de ma vie. Clint et Fury sont impassibles, l'on dirait que ce qui se passe n'est qu'une routine pour eux, alors que moi-même je me surprends d'avoir montré ce dont j'ai le plus peur. Mon pouvoir s'apparente un peu à un parasite, qui te colle à la peau, dont tu ne peux pas te débarrasser et dont tu n'as absolument pas le contrôle. Le mot parasite est peut-être fort, et semble inapproprié, mais c'est bien cela, une vermine qui tire profit de ce que tu peux lui offrir, biologiquement parlant, et peut-être psychologiquement. Parce que même s'il ne ronge pas ma peau ou mes os, la peur de ne pas réussir à le contenir quand il le faut est aléatoire. Malgré toutes ses années où j'ai appris peu à peu à le manipuler, ce n'est pas pour autant que j'ai acquis sa maitrise complète, et c'est ce dont j'ai le plus peur.

-Tony. Ajouté-je toujours aussi calme. Si je vous dis quelque chose d'aussi irrationnel, c'est parce que je le suis moi-même.

Il n'en croit pas ses yeux, ceux-ci sont écarquillés en grand, et je n'aurais probablement pas vu qu'il était stressé s'il ne suait pas à grosses goûtes. À la manière dont il s'est figé, j'ai cru qu'il faisait une crise cardiaque, et puis sa respiration s'est faite bruyante, ses mains se sont mises légèrement à s'agiter. Mais je dois bien admettre que je réagirais comme lui si j'étais à sa place.

-C'est... C'est impossible. Bégaie-t-il.

Je fais tournoyer le stylo dans tous les sens, lentement et agilement. Ma main suit le mouvement de l'objet lestement. Je pourrais le tordre pour qu'il comprenne bien que ce n'est pas une illusion, mais je crois que je vais m'en tenir à le faire bouger, j'aurais trop peur d'être responsable de la mort du grand Tony Stark. Je me concentre sur le stylo, un très beau stylo d'un métal bleuté, surement qui coûte très cher.

-Vous me faites marcher, ricane-t-il soudainement. Vous avez caché un capteur magnétique sans quoi ce serait impossible.

Il regarde en dessous la table, puis part tâter les murs à la recherche de ce fameux capteur.

-Arrêtez de tout ramener à la technologie ! M'agité-je. Vous avez bien une armure avec plein d'options plus cinglées les unes que les autres. Le SHIELD est une entreprise d'espionnage vieille comme le monde, alors pourquoi pas une gamine qui sait jouer avec les métaux ?

Clint attrape mon poignet, ce qui me force à lever mes yeux vers lui. Il a les sourcils froncés et la mine sévère. Il me fait un signe de la main vers le bas pour me calmer. J'inspire un grand coup. Lui dire les choses de cette manière ne l'aidera pas à retrouver un état émotionnel stable, il est trop perturbé par ce que je lui ai montré pour penser clairement.

-Tony... Vous vous souvenez de notre conversation d'hier ? Vous m'avez demandé comment j'avais fait pour voir les initiales de Stark Industries sur le missile alors qu'il allait trop vite ? Eh bien je l'ai simplement stoppé avec ça.

Stark se met à faire les cents pas dans la pièce, encore trop ébranlé. Natasha, elle, s'est rapproché de Fury et le fixe en attendant surement qu'il agisse, ce qu'il ne fait pas. On dirait qu'il attend que quelque chose se passe, quelque chose qui va tout remettre en question.

-Et si c'était elle, la terroriste ? Avec son pouvoir super-bizarre. Elle manipule le fer et autres matières métallique, donc mes missiles et ensuite elle essaye de me faire porter le chapeau !

À la manière dont il parle de moi à la troisième personne, comme si je n'étais pas dans la pièce, j'ai l'impression qu'il va me frapper. Mais je ne sais toujours pas quoi penser de lui. Il semble si fragile maintenant, serait-il vraiment innocent dans cette histoire ?

-Quoi ? Non ! J'essaye autant que vous de comprendre ce qui se passe !

Tony, maintenant rouge de colère, fond sur moi, les poings serrés, prêt à se battre. À peine ai-je le temps de le voir face à moi, une lueur de rage dans les yeux, que Natasha sort son arme à feu et la pointe en direction du milliardaire. Je sens mon sang frapper contre mes tempes et mon cœur paniquer.

-Si vous la touchez, ou ne serait-ce que l'effleurer, je vous mets une balle dans le genou.

Il lui balance un regard haineux, l'envie de tout mettre sens dessus dessous lui traverse brièvement l'esprit avant qu'il ne s'écarte de moi.

-Ecoutez Stark, nous faisons tout pour qu'Hailee rejoigne nos rangs. Si elle était à l'origine de toute cette merde, on ne se donnerait pas autant de mal, mais on l'arrêterait.

Il passe ses mains dans ses cheveux, signe d'un stress intense et d'une confusion extrême.

-Tony. Je peux vous assurer que je n'y suis pour rien. J'ai été victime d'une de ces attaques et je fais tout mon possible pour comprendre le pourquoi du comment et d'y trouver une solution. Je ne suis probablement pas la mieux placée pour résoudre des problèmes de cette envergure, mais ce qui compte est que j'essaie de me rendre utile au lieu d'accuser le premier venu qui me tombe sous la main.

Suite à ma tirade, je sens Tony se détendre quand ses poings se desserrent. J'adresse un hochement de tête significatif à Natasha pour la remercier de l'avoir empêché de faire une bêtise. Aaron, qui avait retenu son souffle, expire longuement et quant à Clint, il prend la parole pour nous ramener sur le sujet principal.

-Bref. Ça ne nous avance pas plus que cela. Admettons que ce soit un terroriste, pourquoi attaquer les Etats-Unis ? Nous n'avons plus de conflits directs depuis la Guerre Froide. À moins qu'il n'ait une politique raciste...

-Pardon ? Intervient le directeur Fury. Barack Obama est probablement le meilleur Président que le pays ait connu depuis le début du 20ème siècle.

La salle redevient silencieuse, l'atmosphère elle aussi redevient pesante, mais je me risque à ajouter :

-Moi, ce qui m'inquiète le plus c'est qu'il ait choisi Stark comme fournisseur.

Alors que le débat allait reprendre de plus belle, un des agents qui m'ont conduit jusqu'ici entre dans la pièce, affolé.

-Que-ce passe-t-il ? Demande Fury en fronçant les sourcils.

-Vous devriez regarder les infos.

Un simple regard entre le Colonel et la jeune rousse et celle-ci s'empare de la télécommande et allume l'écran plat au-dessus de la table en verre, sur la chaine d'un journal télévisé. Un grand désespoir me submerge tandis qu'une vision chaotique s'offre à nous. Les images du Capitol et de la Maison Blanche, à feu et à sang, défilent sur l'écran. Ne laissant plus que la pièce où nous nous trouvons dans un silence où seules les sirènes de pompier aux infos résonnent dans un écho terrifiant.



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