Chapitre 6 - Rendez-vous

Dans les bras l'un de l'autre, nous restons enlacer comme cela plusieurs minutes, essayant de nous retrouver, de récupérer un certain self-control. Ce fut une journée épuisante et pour l'instant, la seule chose dont j'ai réellement envie, c'est d'aller dormir. Aaron embrasse mon front, m'attrape la main et m'attire dans notre chambre. Je passe brièvement par la salle de bain, afin de me brosser les dents, puis pars m'étaler sur le lit. Mon homme me propose de grignoter quelque chose avant mais je refuse d'un gémissement. J'ai l'estomac trop retourné pour avaler quoique ce soit.

Cette histoire me chamboule totalement, et toute ma motivation pour éclairer le problème diminue petit à petit. J'ai peur. Peur que cela recommence. Peur de partir en guerre contre un ennemi inconnu. Peur pour ma vie et celle de ma raison de vivre. Si Aaron m'écoutait à ce moment-là, il me dirait : "C'est normal que tu aies peur, si ce n'était pas le cas il faudrait s'inquiéter". Et dans un sens, il n'aurait pas tort. C'est pourquoi je dois parler de cela à Clint, puisque c'est un agent de cette organisation qui a un nom trop long pour que j'arrive à m'en souvenir. Je pense qu'il sait des choses que je pense nécessaire de savoir. Après tout, il cherche à me recruter.

Je sens Aaron se glisser à côté de moi, sous les draps. Il dépose un léger baisé sur mon épaule puis m'enlace tendrement. Je ferme les yeux tandis que son souffle balaye la peau nue de mes épaules, puis nous sombrons tous les deux dans un sommeil assez agité.

***

-0,5 mg d'épinéphrine ! Crié-je à une infirmière.

Dès lors que je commence le massage cardiaque de ma patiente, Sasha recherche une seringue et une ampoule d'adrénaline dans les casiers de la chambre. Elle se rapproche de la perfusion et injecte le liquide, les mains tremblantes.

-0,5 mg d'épinéphrine, répète-t-elle quand celui-ci coule dans les veines de la patiente.

Mon regard se porte sur le moniteur qui montre les pulsions cardiaques, mais elles ne sont plus présentent, ce qui a le don d'augmenter notre stress. La pièce est en panique, Sasha prépare le chariot d'urgence pendant qu'une autre infirmière fait sortir les parents complètement affolés de la malade.

-Ça ne marche pas ! Hurlé-je en attrapant une paire de ciseaux.

Munie de ceux-ci, je découpe la tunique de la petite et dégage son torse frêle de tout tissu. J'arrache les palettes des mains de Sasha, pressée par le temps, puis les frotte entre elle pour bien repartir l'électricité et les positionne de chaque côté du buste.

-On commence à 100, soufflé-je, le cœur battant.

Sasha règle alors le défibrillateur, nous nous écartons du corps afin de ne pas recevoir le coup de jus et une secousse part. Le corps de la fille se soulève violemment et retombe non sans rudesse, totalement immobile.

-Augmente à 200.

Mon esprit est en alerte et des gouttes de sueurs se forment sur mon front et inonde le col de ma chemise. Je ne laisserai pas une petite fille qui n'a pas encore eu le temps de découvrir la vie mourir entre mes mains, c'est hors de question. L'électricité traverse une nouvelle fois le corps de la patiente, un bip répétitif et presque régulier retentit dans la salle. Son cœur se remet à battre. Je me détends, mon rythme cardiaque se calme à son tour, puis j'essuie d'un revers de manche l'eau qui s'était accumulé sur mon front. Je jette un regard à Sasha et souris, soulagée que cela ait marché. Elle aussi n'était pas très optimiste quant à la survie de la gamine.

Après avoir bien vérifié que la jeune fille n'aura plus de problème, je note ce qui s'est passé ainsi que toutes les actions que nous avons effectué avec Sasha, puis j'établis mon diagnostic. Je me presse d'aller voir les parents pour leur faire un résumer de la situation. Ils sont assis sur les sièges de la salle d'attente et le père est dans tous ces états.

-Monsieur, Madame, votre fille est hors de danger pour le moment. Dis-je avec les plus d'encouragement possible.

Ils se détendent un peu mais reste tout de même sur leurs gardes quant à ce qui vient. Ils savent que leur fille possède un problème respiratoire, et même si elle était traitée pour, ils n'avaient pas la certitude que cela la guérirait.

-Elle a fait une réaction allergique aux corticoïdes que nous lui avons donnés pour traiter son asthme chronique. Il a évolué en BPCO, autrement dit une bronchopneumopathie chronique obstructive. Bien que pour le moment elle aille bien, sa maladie s'est aggravée.

La mère se prend la tête dans les mains puis se lève brusquement et commence à faire les cents pas tandis que le père se remet à pleurer. Jusque-là, j'avais eu de la chance. Tous les cas que j'avais reçus depuis un mois, c'est-à-dire six, étaient soignables ou alors c'était le médecin –celui qui s'occupait de ma formation- qui leur annonçait ce genre de chose. Comme il a récemment pris un congé maladie, je suis obligée de faire son travail entièrement. Cela me permet aussi de faire mes preuves, mais c'est assez dur à annoncer.

J'essaye de faire ressortir les vieux souvenirs de ce que j'avais appris sur la BPCO quand j'étais à la fac pour, ne serait-ce, que retarder la morte imminente de la petite.

-Mais il est toujours possible de retarder le développement de la maladie. Bien que votre enfant soit asthmatique, il faudrait tout de même qu'elle face du sport pour contribuer à faire baisser l'hyperventilation. On peut toujours lui faire suivre l'antibiothérapie ou lui donner un bronchodilatateur un peu plus puissant que le premier. Le mieux serait la deuxième option car ce n'est pas chimique mais l'antibiothérapie est plus efficace. C'est à vous de choisir.

Après avoir hésité, ils décident de suivre mon jugement -qu'ils qualifient de « professionnel ». Nous passons quelques minutes à remplir les ordonnances et à prévoir les séances d'antibiothérapie, puis ils s'installent au chevet de leur fille -encore inconsciente- et veillent à ce qu'elle ne manque de rien jusqu'à son réveil.

Il est maintenant quatorze heures et je pense que je mérite une pause déjeuné. Je parcours les couloirs de l'hôpital afin de me rendre à la petite cafétéria de l'établissement en passant par l'aile de cancérologie. La salle de jeu est silencieuse car une infirmière fait la lecture aux enfants malades. Chacun est assis en tailleur -pales et chauves- et écoute avec attention leur lectrice. J'arrive à la buvette et celle-ci est bondée, les places vides sont invisibles tant il y a de monde. Presque tous les médecins mangent à cette heure-là car les services se font tard, certaines urgence prennent plus de temps que d'autre ce qui nous mène à une cafétéria surchargée. Après avoir rempli mon plateau de nourritures, je pars m'installer à la table de Sasha qui est avec un homme, placé dos à moi. 

Elle est arrivée dans le service il y a quelques semaines comme stagiaire et elle a du mal à se fondre dans la masse, mais il semblerait qu'elle arrive enfin à discuter avec quelqu'un (autre qu'avec moi). Le petit espoir que cela soit un infirmier ou un médecin s'évanouie lorsque je découvre que c'est Clint, et j'ai de plus en plus de peine pour Sasha.

-Bonjour Hailee, me dit-il en souriant

-Bonjour Clint, répondis-je en faisant de même.

Nous discutons pendant une vingtaine de minutes -tout en mangeant- de comment j'avais retrouvé, par miracle, mon frère perdu jusqu'à ce que Sasha doivent partir pour son examen. Bientôt, elle passera en deuxième année afin de devenir infirmière. Alors qu'elle disparaît derrière les portes battantes, je me retrouve avec Clint. Je décide de ne pas tourner autour du pot et d'aller directement où je veux en venir. Cela serait presque de l'irrespect si je passais par toutes les banalités d'une conversation pour en arriver au problème.

-Est-ce que toi et tes collègues avez parlé avec Stark ? Commencé-je.

-Pour les missiles ? Brièvement, il dit qu'il ne sait rien.

-Et tu en pense quoi, toi ?

Il me fixe droit dans les yeux, essayant probablement de deviner mes pensées, ce qui se passe dans ma tête. Mais il sait que je ne lâcherai pas l'affaire. Il me doit bien cela.

-J'ai épluché le dossier de Stark toute la journée, toutes ses conférences de presse, ses galas. J'ai suivis tous ses déplacements, ses conversations téléphoniques depuis six mois, toutes les vidéos rendues publique avant et après avoir appris que ses armes servaient des terroristes, et j'ai observé son comportement.

-Et ? Demandé-je en attendant la suite. Qu'est-ce que tu en déduis ?

-Disons qu'il est devenu plus... sérieux et sincère maintenant qu'il l'a appris. Continue-t-il. Mais je ne pense pas que cela vienne de lui. Il a déjà eu affaire à ce genre de situation il y a quatre ans en Afghanistan. Tu sais, avant qu'il ne ramène son armure de là-bas.

Je hoche la tête, montrant que j'avais saisi ce qu'il voulait dire. Si j'ai bien compris ce qu'il me dit, Stark ne m'a pas menti. Il n'est donc pas à l'origine de ces attaques, enfin pas directement.

-Mais tu ne peux pas simplement te basé sur ce qu'il a vécu par le passé. C'est d'ailleurs pour ça que tu as passé ta journée à vérifier chacun de ses faits et gestes depuis six mois. Alors comment as-tu su qu'il ne mentait pas ? Demandé-je sans réellement comprendre comment il avait fait.

-Entrainement professionnel du SHIELD, nécessaire pour devenir un agent de terrain. Ils m'ont appris à remarquer certains détails, mimiques, tiques... Lesquels sont le mensonge et lesquels la vérité.

-D'ailleurs, ça fait combien de temps que tu y travailles ?

Je n'avais pas encore réalisé que nous n'avions pas parlé de son travail. Cette profession se dit protectrice du monde alors que nous ne la connaissons pas. Ils peuvent très bien être une menace ou même à l'origine de ces actes terroristes. En y pensant, je commence à douter de l'authenticité de mon frère. Et s'ils étaient venus pour mes pouvoirs ? S'ils étaient ces terroristes, je leurs serait probablement utile. L'homme en noir l'a lui-même dit. À cette pensée, je me raidis, soudainement mal à l'aise.

-J'ai été remarqué par le SHIELD peu de temps après ma majorité. Commence-t-il en baissant les yeux. Quand je suis parti de ma famille d'accueil, je n'avais pas d'argent, et l'on m'avait assuré que l'armée payait bien. Là-bas, j'y ai suivi un entrainement de sniper. Quand je suis revenu au pays, l'argent manquait toujours, mais ma vision s'était développé, à tel point que je ne rate plus aucune de mes cibles, et elle m'a servi à faire des petits boulots malhonnêtes...

Il semble déçu de cette période de sa vie, et quand j'entends la fin de sa phrase, je me fige. Déjà enfant, Clint avait la manie de s'attirer des ennuis. J'ai un vague souvenir, un peu avant la mort de nos parents, qu'il était revenu à la maison accompagné d'un policier. Papa avait beaucoup crié ce soir-là et Clint s'était fait disputer mais la raison de tout ce bruit dans la maison m'échappe.

-Ta vision ? Demandé-je en essayant de comprendre où il voulait en venir.

-Oui. Je te fais une démonstration. De notre place, j'arrive à voir le nom sur l'étiquette du médecin près des toilettes, c'est Ashton Remy. M'explique-t-il en faisant un signe de tête derrière moi.

Je me retourne et cherche le docteur Remy du regard. Quand je l'aperçois, il est bien à côté des toilettes, à environ vingt-cinq mètres et de profil, ce qui rend son badge illisible et encore plus difficile à voir de notre place. Ma bouche s'ouvre en grand face à ce don de la nature. C'est un truc de dingue. Mais s'il y a bien une chose dont je suis sûr –présentement-, c'est que ce n'est pas son entrainement militaire qui a développé sa vision. Il a surement cette capacité depuis la naissance, puisqu'après tout, je contrôle le métal et à moins que nous ne soyons pas vraiment frère et sœur, nous avons des gènes en commun.

-Enfin passons sur ce « pouvoirs » acquis. J'essaye de me mettre à ta hauteur, mais je suis encore loin, plaisante-t-il en me faisant sourire. Je suis devenu un tueur à gages, pas très connu des postes de police. S'il y a bien une chose que j'ai retenu de mon séjour dans l'armée, c'est la discrétion. Et puis un jour, on m'a offert le plus gros contrat de ma vie. Quelque chose de vraiment énorme. La victime était un banquier. Ce mot peut paraître simple et banal mais il était très important car le prix pour l'assassiner était trop impressionnant pour que cela ne soit rien. Avec sept zéros, je ne pouvais qu'accepter. Puis j'ai découvert trop tard que le banquier en personne était celui du SHIELD, et afin d'éviter que cet homicide ne soit commis, ils m'ont proposé du travail. Ma précision leur était "indispensable", disaient-ils. Et puis ils me promettaient un salaire fixe, très généreux pour toute une vie. Depuis, je vis bien et j'aide mon pays.

-Tu dis que tu aides ton pays, mais comment ? Ça consiste en quoi exactement, le SHIELD ?

-Nous sommes proche de la CIA ou du FBI, d'ailleurs nous collaborons beaucoup depuis quelques années. En mutualisant les informations de toutes les plus grandes organisations secrètes de la planète, nous sommes mieux armés, mieux informé et nous sommes arrivés à un stade où le SHIELD peut être considéré comme la boite de renseignements la plus qualifié et la plus efficace du monde.

J'ai vraiment du mal à y croire. C'est trop impensable, impossible. On n'est pas dans ce genre de film où les agents secrets vivent parmi nous et nous sauvent les fesses sans qu'on le sache. Comment peuvent-ils être aussi discrets depuis plusieurs années ? S'ils gèrent des problèmes de l'importance de ces attaques, c'est totalement utopique. Cela n'existe pas. Face à mon visage perplexe, Clint enchaine :

-Tu as du mal à me croire, n'est-ce pas ?

-J'ai envie, mais c'est vraiment dur là.

-Parce que jouer avec les métaux sans avoir à les toucher, juste avec la pensée, c'est commun ? Hailee, nous vivons dans un monde étrange où nous n'avons pas réponse à tout. Pourquoi tu sais faire cela ? Comment ? Ce genre de chose n'est pas censé exister et pourtant tu es là, devant moi. Alors pourquoi pas une agence secrète ?

Il n'a pas tort. Si je peux faire ce que je fais, pourquoi n'y aurait-il pas le SHIELD ? Mais comme je le pensais il y a quelques instants, le SHIELD est peut-être une arnaque. Je ne sais plus quoi penser.

-Le SHIELD ne gère pas les petits trafics de drogue, mais les problèmes importants comme celui de Stark. Et nous avons besoin de toi, Hailee.

Besoin de moi ? Pour quoi faire ? Je ne suis pas un agent, je ne sais pas différencier le mensonge de la vérité, je n'ai pas une vision surhumaine. Je peux juste bouger des objets en métal. À ce que je sache, je ne me téléporte pas, je ne peux pas ralentir le temps, ni l'accélérer, je ne peux pas non plus me régénérer. Et si ce genre de don existait, je pense que nous en aurions entendu parler.

-Je ne peux pas vous aider.

-Bien sûr que si ! Tes capacités sont incroyables ! Utilisent les pour le bien de tout le monde, tel est ton but non ?

-Clint, tu es là pour discuter avec moi ou bien pour m'enrôler dans une secte ? J'aime mon travail, je sauve des vies. C'est tout ce qui m'importe.

-Tu en sauveras bien plus si tu rentres au SHIELD. Devient un agent de terrain, et tu en préserveras bien plus en quelques semaines que tout au long de ta vie ici.

-Je ne sais pas me battre, je ne suis pas souple, je n'ai pas d'endurance, pas de souffle. Je n'ai jamais utilisé d'armes à feu, ou d'armes tout court. Je suis faite pour être dans un laboratoire, pas sur le front.

Il ne semble pas comprendre que j'aime ce que je fais. Mon avenir est dans la médecine, pas dans les renseignements.

-Nous avons des laboratoires avec les meilleurs médecins, chercheurs, généticiens, chirurgiens... Tu pourras jouer sur les deux tableaux, mais mon supérieur te souhaite sur le terrain quand il le faut.

Son supérieur ? Est-ce cet homme avec le cache-œil ? C'est à lui qu'il faut que je m'adresse. S'il est à la tête de cet organisme, il doit avoir toutes les informations dont j'ai besoin pour m'investir dans ce combat contre le terrorisme. J'ai besoin de savoir si cela va se reproduire et pourquoi, des réponses que mon frère ne peut pas me donner.

-Je veux lui parler. Je veux parler à ton supérieur.

-Tu fais le bon choix.

-Je ne vais pas bosser pour vous, le SHIELD ne m'inspire pas confiance. Mais vous savez des choses, et je veux comprendre pourquoi il y a ces attaques.



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