Chapitre 4 - Cauchemar

Lorsque j'ouvre les yeux, je ne vois que du blanc. Je peux bouger mes bras, mes jambes comme je le souhaite, je suis libre de mes mouvements, mais je ne peux rien faire de concret. Une silhouette se dessine au loin et grandit au fur et à mesure qu'elle s'approche de moi. Ses yeux verts me scrutent et son sourire en coin, à peine perceptible, me laisse perplexe. Il n'a pas beaucoup changé depuis la mort de nos parents, il est juste plus vieux et semble avoir beaucoup appris de ses expériences sociales. Il paraît épanoui, sûr de lui. Ma présence n'a pas l'air de le choquer, ni moi d'ailleurs, comme si nous n'avions pas été séparés ces dix-neuf dernières années. Le sourire de mon frère me plonge dans d'agréables souvenirs, remontant à bien loin maintenant, avant qu'il ne se change en un horrible rictus, puis il déclare :

-C'est de sa faute.

Je fronce les sourcils et entrouvre la bouche, surprise par son changement brutal d'humeur, et un peu égarée.

-La faute de qui ? Demandé-je en essayant de comprendre.

-À papa. C'est de sa faute si tu vas nous détruire.

Mon visage n'affiche plus que de l'effroi, apeuré qu'une telle chose puisse arriver. Mais comment ? Pourquoi ? Je ne comprends pas pourquoi il me dit cela, ni même pourquoi il est là alors que cela fait bien trop longtemps que je n'ai pas vu son visage qui me faisait tant rire, que je n'ai pas entendu sa voix qui m'apaisait lorsque je faisais des cauchemars. Ici, il m'enfonce dans un trou béant de questions, me faisant perdre la tête, au point d'en avoir la migraine. Ma vision se trouble et je vois que Clint se retourne pour partir jusqu'à disparaître totalement. Je crie son nom, le priant de rester pour qu'il m'explique mais il n'est plus là et ma tête tourne éternellement. Le blanc que je vois change de couleur pour faire un dégradé, jusqu'à obtenir une teinte orange sable.

Le décor change complètement et je me retrouve sur une dune. J'aperçois, dans mon champ de vision, une petite montagne rocheuse balayé par le vent sableux. Il fait très chaud et je sens la sueur, désagréable, sur mon visage. Le soleil est très haut dans le ciel, ce qui me fait plisser les yeux et mettre mes mains en casquette. Pas d'eau à l'horizon. Pas de mer, de rivière, mais au loin une ville d'où se dégage de la fumée. J'en déduis que je suis dans un désert, du moins ce qui s'en rapproche le plus. Un vent ardent soulève une vague de grains de sable et vient me fouetter violemment les jambes. Je me baisse pour frotter là où j'ai mal et me rends compte que je suis dans une sorte de combinaison noire, plusieurs lames sont accrochées à ma ceinture et un pistolet dans son étui, entour ma jambe droite. Mes cheveux sont retenus en deux longues tresses qui partent du haut de ma tête. Je transpire énormément et me fige quand j'entends sa voix m'appeler :

-Hailee ?

Je me retourne lentement et aperçois Aaron à quelques dizaines de mètres. Ma bouche est légèrement ouverte pour faciliter ma respiration saccadée sous cette chaleur accablante. Je fais quelques pas dans sa direction, puis me stop quand je distingue qu'il porte un gilet sans manches, de la dynamite l'enveloppant. Dans un grésillement, j'entends une voix inconnue, masculine. Elle provient de mon oreille droite.

-Hailee, écarte-toi de lui.

C'était un ordre, mais cela sonnait plus comme un avertissement. Je n'écoute pas cette suggestion plus que raisonnable, qui se répète inlassablement avec plus de fermeté, et retire l'oreillette avec énervement. J'ai les larmes aux yeux. Mon instinct me dicte de courir vers lui, de l'aider, mais je reste immobile, interdite. Aaron fait deux pas en arrière et son visage émet plusieurs émotions : tristesse, désespoir... Il ouvre la bouche pour parler et avec la distance qui nous sépare ses paroles sont presque inaudibles :

-Hailee... Je...

Un bruit assourdissant se propage dans ma chair et la vision qui s'offre à moi me déchire le cœur. Son corps n'est plus que lumière, sable et sang, et mon cœur n'est plus que noirceur, débris irrécupérables et mort. La fin de sa phrase ne pourra jamais être entendue, ce qui éveille en moi une haine, une rage indescriptible tant elle est terrifiante, envahissante. Alors je m'effondre sur le sable chaud dans un cri de fureur. L'amour de ma vie venait de mourir sous mes yeux.

En un clignement de paupière, j'ouvre les yeux sur une chambre blanche et verte, celle d'un hôpital. Une douleur me tiraille la gorge, mon cœur bat à toute vitesse et encore une fois je transpire, mais pour une raison différente. Tout se stresse accumulé en un cauchemar, éclate en quelques secondes et la panique monte rapidement. Mes yeux font hâtivement le tour de la pièce, et je vois Aaron dans l'embouchure de la porte, inquiet, qui appelle une infirmière. Ils arrivent en courant pendant que mon dos se cambre et que mes poumons s'oppriment. Ma trachée m'empêche de respirer et cela me brûle le buste sur toute sa superficie. Mon calvaire continue tandis que ma respiration n'est, réellement, plus présente. Mes yeux se ferment dus au manque d'oxygène, mais je perçois toujours mon contact avec le lit d'hôpital, j'entends toujours le bruit des battements de mon cœur qui s'affolent sur le moniteur. La paralysie s'étend à tout mon corps, des convulsions me prennent. Alors que je bouge dans tous les sens, des mains m'agrippent et me stabilisent, puis une aiguille -très fine- me transperce le thorax pour atterrir dans mes poumons, les libérant. Je peux enfin respirer et les convulsions cessent. Lorsque le calme revient, je sens la main d'Aaron se glisser sous mes doigts et mes yeux sont toujours fermés.

-Les poumons, ainsi que la trachée de votre femme se sont contractés au point de provoquer un arrêt respiratoire, explique l'infirmière à mon fiancé. Mais nous avons arrangé la situation en fabriquant une ouverture pour l'air grâce l'aiguille. Ne vous inquiétez pas, elle est hors de danger à présent.

Intérieurement, je suis soulagée que la douleur se stoppe, ainsi que de savoir qu'elle ne reviendra pas. Mes yeux, toujours clos, m'entraînent dans un sommeil profond et cette fois sans rêve.

***

La migraine est terriblement acerbe tandis que je cligne maladroitement des yeux, sourcils froncés, afin de me réveiller. Ma tête tourne un peu, c'est comme si j'étais dans pouce-pouce, suspendu au-dessus du vide, à deux doigts de plonger dans le néant, mais à la fois assez autonome pour ne pas sombrer. J'inspire lentement et profondément, et le souffle d'Aaron vient caresser mon cou. Il est assis à côté de mon lit d'hôpital mais il est à demi allongé sur le matelas, son front collé au mien.

-Tu m'as fait si peur, chérie.

Je ne réponds pas, car mon silence semble plus éloquent que de parler pour ne rien dire. J'avais eu peur moi aussi. De la mort. De son chagrin. De sa solitude. Si j'étais décédée, je ne sais pas ce qu'il aurait fait. Peut-être que ma mort l'aurait poussé à faire une bêtise que je n'aurais pu empêcher, où simplement qu'il aurait fait son deuil pendant plusieurs mois. En tout cas, c'est ce que j'aurais fait s'il était à ma place, et je ne sais pas vraiment si c'est ce qu'il aurait fait, ou si c'est ce que j'aurais aimé qu'il fasse, dans cette situation. Je ne voulais pas le laisser seul, alors j'ai lutté, de toutes mes forces.

Je ne lui suis pas indispensable, mais lui m'est indispensable. Après ma mort, je me serais retrouvée seule, sans lui. Je n'aurais pas supporté son absence, alors je me serais probablement renfermé sur moi-même, dans le noir des limbes de la mort.

Il dépose un léger baisé sur mon front et me caresse les cheveux. Ce geste affectif me réconforte à tel point que tout ce que je viens d'imaginer sur ma possible mort s'évanouie. Il ne faut pas que je pense à ça. Je suis vivante, et lui aussi. Il faut que nous profitions au maximum de notre vie ensemble, ne pas s'attarder sur ce que peut se passer et vivre comme si chaque jour de notre vie était le dernier.

Je pose un doigt sur mes lèvres en grimaçant, tentant de lui faire comprendre qu'il m'est impossible de parler. Ma langue fait des siennes. Mon homme part à la rechercher d'une infirmière qui, lorsqu'elle se présente à moi, m'explique que c'est une paralysie temporaire de la langue, qu'elle est probablement venue avec mes convulsions. Un bip, lassant et agaçant, se répète en harmonie avec les battements de mon cœur. J'essaye alors de me remémorer les derniers événements précédant mon arrivée aux urgences : le missile, l'explosion, mon cauchemar, ma douleur.

Sa mort, à lui.

Je cherche un moyen de communiquer avec Aaron et aperçois mon téléphone sur la table de chevet. Je m'en saisis, faiblement, et j'écris rapidement en mémo : "Je t'aime" à la seule personne de ma vie qui compte. Aaron sourit aussi faiblement que moi, puis embrasse à nouveau mon front, plus longuement, plus intensément. Une larme touche mon visage, mais ce n'est pas la mienne. Il se détache alors de moi et me fixe comme si j'allais disparaître, essayant presque d'apprendre par cœur les traits de mon visage qu'il connaît déjà si bien. Je remarque alors qu'il a les yeux injectés de sang et lui demande s'il va bien via le téléphone.

-Ne t'inquiète pas pour moi chérie, je vais mieux maintenant que tu es réveillée.

Je tente, médiocrement, de me glisse un peu plus sur la droite afin qu'il puisse avoir un peu de place à côté de moi. Il s'y allonge, nous restons dans le silence, accompagné des conversations lointaines des infirmières dans les couloirs et du bruit du moniteur cardiaque.

-L'infirmière a cru que tu étais ma femme, confie-t-il dans un petit ricanement rauque et nerveux. J'ai bien cru que ça ne se réaliserait jamais.

J'attrape sa main et la sers afin de bien lui prouver que cela arrivera, que je suis toujours là, bien vivante. Nous fermons les yeux afin d'écouter les infirmières travailler.

***

Quand je me réveille pour la troisième fois, je me sens légèrement mieux, bien que quelques nausées persistent. Je balaye la chambre du regard. Un homme est assis dans le fauteuil en face du lit et aucune trace d'Aaron. Une inquiétude qui n'était pas présente en moi se manifeste quand l'homme se lève doucement et vient se placer à mon chevet. Il me fait assez peur et me perturbe de bien des façons : sa longue sorte de cape en cuir noir qui lui arrive jusqu'aux pieds -lui formant un blouson- qui le rend plus robuste, plus imposant qu'il ne l'est déjà. Ses épaisses bottes qui lui arrivent mi mollet, assorties à la cape, le grandissent de quelques millimètres. Quant à son cache-œil, avec sa peau chocolat, il le transforme presque en pirate des temps modernes. Je remarque aussi qu'il a une arme accrochée à sa ceinture, dès lors j'avale difficilement ma salive.

-Bonsoir, mademoiselle Barton.

Je ne réponds pas, d'une part car ma langue n'est pas encore en état de fonctionner un minimum, d'autre part car il me fout la trouille, me paralysant de peur. La question « Qui êtes-vous ? » me brûle les lèvres, mais je ne peux rien dire. Son « bonsoir » me déstabilise aussi, voire plus, car je ne me repère plus dans le temps. Je regarde brièvement par la fenêtre et m'aperçois qu'il fait nuit noir. Aaron est probablement rentré prendre une douche et dormir un peu, ce qui me rassure et m'affole à la fois. Il est en sécurité et non devant cet homme plus qu'étrange, et je suis seule avec lui, immobile. Je prends mon téléphone sur la table de chevet et lui pose ma question. Il fait quelques pas dans la pièce et ramène le fauteuil près du lit.

-Je travaille pour une agence appelée Direction de l'application de la Logistique des risques Stratégiques d'Espionnage, autrement dit SHIELD. C'est une agence d'espionnage et d'acquisition d'informations planétaires. M'explique-t-il, très sûr de lui.

Mes yeux sont grands ouverts et des sueurs froides se font ressentir dans mon dos. Qu'est-ce que les fédéraux font ici ? Ont-ils découvert mes pouvoirs ? Que je savais pour les missiles de Stark ? À ce moment précis, je regrette de ne pas pouvoir parler, afin de m'expliquer, de me justifier pour ne pas avoir d'ennuis.

-Je m'appelle Nick Fury. Je suis le directeur de cette organisation.

La panique me gagne tandis que je cherche une échappatoire, bien que je sache qu'il n'y en a aucune. Je regrette presque qu'Aaron ne soit pas là pour nier tout cela, n'étant pas au courant de ce que j'avais vu. Il m'aurait défendu, il m'aurait protégé. Mais qu'aurait-il fait face à un homme surentraîné ? Il ne sait même pas se battre. Par l'intermédiaire du téléphone je lui demande ce qu'il fait ici. Sa réponse m'alarme d'autant plus :

-Tu as des capacités qui nous seraient utiles, très utiles.

Il avait laissé tomber le vouvoiement pour me montrer qu'il me connaît. Comment est-il au courant ? Peut-être m'a-t-il vu lors de l'attaque près de l'hôpital. Je ne suis pas loin d'éclater en sanglots. Je n'ai jamais voulu de ça, il faut que je lui explique que ce n'est pas de ma faute.

-Je sais qui vous êtes, Hailee. Fille cadette de Thomas et Emily Barton, née le 14 mars 1988. Après l'assassinat de vos parents, vous et votre frère aîné, Clint, avez été séparés et placés en famille d'accueil. Vous avez eu une vie difficile, comme tout enfant sans parents...

J'ai l'impression d'étouffer, de mourir asphyxier par tous ses souvenirs qui reviennent, comme un tourbillon infernal. J'écris le plus vite possible sur le téléphone afin qu'il cesse de raconter ma vie. Le vivre fut déjà assez dur. Il continue jusqu'à ce que je ne puisse plus encaisser :

-Le corps de l'assassin a été retrouvé sur place avec vos parents. La police pensait à un suicide mais vous et votre frère saviez très bien que ce n'était pas le cas.

Des larmes roulent sur mes joues comme des perles. Si je n'étais pas aussi faible, je me serais jeté sur lui, telle une sauvage en rogne. Je l'aurais surement frappé, de toute la force disponible dans mes petit bras. Je n'aurais peut-être même pas réussi à le toucher s'il est aussi bien entraîné que je le pense. Ensuite il m'aurait arrêté et mis en prison pour tentative de meurtre. Je sens alors des sensations dans la langue et j'articule:

-Stop...

Il se tait, me laissant divaguer dans mes souvenirs douloureux, puis reprend :

-Ecoutez, je n'ai pas l'intention de vous torturer. Je veux juste que vous sachiez que je vous connais, de A à Z. Et si je sais tout cela, c'est parce que votre frère travaille pour moi. C'est d'ailleurs un de nos meilleurs agents.

Extrêmement frustrée, je le regarde comme si c'était de sa faute, comme si tout était arrivé à cause de lui. Mais ce n'est pas le cas. Je regrette de tout mon cœur, la seule fois de ma vie où j'aurais dû fuir, de m'être battu pour mes parents, d'avoir tué cet homme, cet assassin. Ce n'était pas à moi de le tuer, il aurait dû répondre de ses actes comme n'importe quel criminel. Mais... Mon jeune âge et ma colère ont pris le dessus. Je voulais qu'il paye pour ce qu'il a fait à mes parents, et ce qu'il allait faire de ma vie.

Le dénommé Nick Fury fait un signe vers la porte, où des épis de cheveux blond foncé dépassent, puis un autre homme entre et mon cœur s'emballe.

Le flot de mes larmes redouble tandis qu'il est immobile devant moi, ses yeux semblent fatigués par une course psychologique. Il est là, devant moi, sans rien à me dire. Pas même un "tu m'as manqué petite sœur", non. Je sers mon téléphone tellement fort que mes mains prennent la forme des contours puis lui lance en pleine figure, prise d'une rage incontestable. Il me regarde, perdu, tout en se massant la joue.

-Tu m'as laissé ! Lui crié-je d'une voix rauque et pleine de désespoir.

Il s'approche de moi et m'enlace durement, m'empêchant de le frapper. Son geste est pourtant affectif. J'éclate en sanglots et le sers plus fort dans mes bras. Nous passons plusieurs minutes dans cette position et le directeur du je ne sais plus quoi fait les cent pas. J'avais tellement espéré le revoir, dans les jours qui suivirent notre séparation. Je l'avais attendu pendant des mois, six longues années jusqu'à ce que je m'y fasse enfin. Jusqu'à ce que je comprenne enfin qu'il ne viendrait jamais.

-Je suis désolé. Dit-il simplement, la voix défaillante.

Il n'a vraiment pas changé, physiquement. Même sa voix est la même qu'il y a vingt ans. Je suis agrippée à lui, j'ai peur qu'une nouvelle fois nous soyons séparés. Je veux pouvoir retomber en enfance, comme avant la mort de nos parents, quelques instants. Pour me souvenir du bon vieux temps. Clint me repousse doucement et essuie une larme sur ma joue, puis il déclare :

-Hailee. Je ne t'abandonnerai plus jamais, c'est promis.

Je hoche la tête doucement, sans réellement faire attention à ses paroles. Je le fixe, intensément, comparant le visage de l'adolescent de mon souvenir avec l'homme qu'il est devenu à présent. Clint place ses doigts sur le bas de mon cou, un endroit sensible qui, lorsqu'il appuie, me fais perdre la réalité.

***

Un peu moins de deux semaines après que je sois sortis de l'hôpital, j'ai beaucoup négocié avec mon patron afin de pouvoir reprendre le travail rapidement, ma vie se résumant à Aaron, manger, dormir, travailler. Clint passe quasiment tous les jours depuis son retour, ce qui me fait très plaisir, mais aussi très étrange. C'est comme si je réapprenais à le connaître, ses goûts d'il y a vingt ans ayant bien changé. En ce qui concerne Aaron, il ne semble pas à l'aise en sa présence, après tout ce que j'ai pu raconter sur lui. Mais en réalité, ce n'est pas la faute de Clint. Il n'avait que quinze ans quand nous avons été placés en famille d'accueil et comme il n'avait pas la majorité, il ne pouvait pas faire grand-chose. Il est vrai qu'une fois ses dix-huit atteints, il aurait pu, même il aurait dû, tenter de me retrouver. Mais que faire d'une enfant de huit ans et surtout comment la retrouver ? Comment l'élever ? Ce n'est pas une chose facile pour un jeune adulte. Mais l'enfant que j'étais ne pouvait pas comprendre cela, elle ne savait pas cela et pensait simplement que son frère l'avait abandonné, mais la vérité, c'est qu'il n'avait pas le choix. Du moins, pendant les premières années.

En ce qui concerne cette, soi-disant, organisation d'espionnage planétaire, je ne sais pas grand-chose. Et afin d'en savoir plus sur cette offre que monsieur Fury m'a faite, il faut que je l'accepte. Sauf que je n'ai pas vraiment le temps de m'engager dans une manifestation anti-terroriste ou de devenir une espionne, parce que j'aime mon travail. Sauver des vies, c'est un rêve d'enfant.

Aussi, il ne me fallut pas longtemps avant de prendre rendez-vous avec Tony Stark, par l'intermédiaire d'Aaron. Bien que son travail de milliardaire héroïque lui prenne plus de temps qu'il ne faudrait, j'avais réussi à obtenir un café. Dès qu'il avait su que je voulais le voir autrement que parce qu'il était le boss de mon amoureux, notamment pour parler des missiles, il avait accepté, mais bien trop rapidement. Mes tentatives précédentes pour le rencontrer avaient été vaines car il avait toujours trop de choses à faire : gala, soirée, conférence de presse. Mais là, il semblait intéressé par le problème, ou concerné.

Après plusieurs dizaines de minutes de route, nous apercevons, Aaron et moi, les immeubles de New-York dont l'Empire State Building qui domine la ville. Il pleut aujourd'hui, comme la plupart du temps, mais il y a déjà moins de monde que les jours ensoleillés. Les rues new-yorkaises sont dynamiques et provoquent des embouteillages (pour changer). Lorsque nous arrivons enfin à destination, nous nous garons dans un des nombreux parkings de Manhattan pour nous rendre à la tour Stark. Comme je m'y attendais, il n'y a pas de personnel à l'entrée pour nous accueillir, surement trop impersonnel pour Tony Stark. En revanche je suis surprise d'entendre une voix robotisée résonnant sur les murs.

-Bonjour monsieur Morris, bonjour mademoiselle Barton. Monsieur Stark vous attend pour le café. Il m'informe aussi que vous devez vous rendre à l'atelier, monsieur Morris. Monsieur Stark a des projets pour vous.

-Merci Jarvis, nous montons, dit mon homme en arrivant dans l'ascenseur.

Le trajet pour arriver jusqu'au « café » est aussi long que de notre maison jusqu'au boulanger tant il y a d'étages dans ce bâtiment, et lorsque l'ascenseur s'immobilise, il s'ouvre sur une pièce gigantesque. Je ne sais pas si je dois dire « salon » ou « double salon », car la pièce est tellement immense que je n'en vois pas le bout. J'exagère, mais tout est si lumineux, le carrelage est magnifique, je me demande même si ce n'est pas du marbre. Il y a des baies vitrées partout. Tony Stark se lève d'un canapé en cuir beige, en ouvrant ses bras :

-Aaron, tu es en retard mon pote ! Observe-t-il d'un air jovial, un sourire narquois plaqué sur le visage.

-Il y avait des bouchons ! Riposte mon amoureux.

-Il faudrait sérieusement penser à emménager dans le coin. Binghamton, c'est un peu loin.

Ils se font l'accolade amicalement en se tapotant les épaules, puis Tony Stark se tourne vers moi et devient soudainement plus sérieux.

-Enfin Aaron, soyons plus sociables devant une femme ! Elle mérite un peu plus d'attention.

-Elle en a bien assez ! Blague-t-il en m'attirant à lui.

Je lui tends une main afin de terminer les salutations. Ma poigne est plus dure qu'habituellement car je suis un peu énervée de toute cette propagande. Il faut se rappeler qu'il n'y a pas si longtemps, Tony Stark était le plus grand vendeur d'armes du pays, et sachant que les missiles de l'attaque dans le Queens n'étaient autres que les siens, je n'ai que faire de sa politesse. Tout ce que je veux, c'est comprendre pourquoi ses armes ont détruit la rue dans laquelle je travaille. Je n'en ai parlé à personnes, pas même à Aaron. Personne n'est au courant que, très probablement, les différents bombardements viennent tout droit des usines de production de Stark Industries. Mais la question, c'est pourquoi ? Après avoir un peu discuté entre hommes, Aaron retourne vers l'ascenseur avant de descendre à l'atelier dont Jarvis a parlé. Dès lors, je me retrouve seule avec Tony. Bien qu'un peu embarrassée du silence qui pèse, je commence à parler :

-Il était temps que l'on se voit, monsieur Stark.

- Oh Hailee, je t'en prie, appelle-moi Tony. Laisse ces banalités pour quelqu'un d'autre, je ne suis pas exigeant ! Me sourit-il.

Je fais en sorte d'être le moins ironique possible lorsque je lui rends son sourire. Nous nous installons sur les canapés -face à face et à distance raisonnable- et Tony nous sert un café. Il boit une gorgée tandis que je ne touche même pas à la tasse.

-Merci pour la soirée au Wolgang's Steakhouse.

-Ça m'a fait plaisir ! C'était une soirée importante, n'est-ce pas ?

Mon faux sourire se transforme en un rictus mauvais, mais il ne semble pas plus atteint que cela par ma mauvaise humeur.

-En effet, lui répondis-je froidement. Mais ce n'est pas pour parler de ma demande en mariage que je suis là, mais de ce que j'ai vu lors du bombardement.

-Eh bien, vous semblez vous être levée du pied gauche. Aurais-je fait quelque chose de mal ? Demande-t-il d'une voix pleine de faux sentiments.

Je lève les yeux au ciel puis regarde partout sauf cette personne désinvolte en riant ironiquement. Pourquoi faut-il que les gens soient aussi cons lorsque des choses pareilles se produisent ? Il croit que parce qu'il est Iron man, il peut se comporter de la sorte sans penser aux conséquences que cela a sur les autres autour de lui, même lointain.

-Vous plaisantez j'espère ?

-Oh Hailee, je sais que je peux être hilarant, mais non, je ne plaisante pas.

-Quand j'étais dans le Queens, vous savez, avant que le missile n'explose à quelques mètres de moi, expliqué-je en tentant de contenir ma colère. J'ai vu à quoi ressemblait le missile, et les initiales de Stark Industries y étaient imprimées. Alors ne me dites pas que vous n'avez rien fait !

Tony Stark me regarde, dans un premier temps, avec étonnement puis devient stoïque. Son visage se durcit et sa mine devient extrêmement sérieuse, comme jamais je ne l'avais vu, même à la télévision. Il prend une gorgée de son café et me demande :

-Et vous pensez que toutes les autres attaques viennent de Stark Industries ? Vous devriez savoir que je ne produis plus d'armes. De plus, je les fabriquais et les vendais. Je n'appuyais pas sur le détonateur. Tout ce qui concerne les cibles, les dates de lancement et le reste, c'est l'armée qui s'en charge. Donc vos accusations sont fausses, ma chère.

Je suis assez surprise par son calme soudain. Je me détends légèrement, ne sachant pas vraiment quoi penser. Stark a un don pour mettre les gens dans sa poche, je l'ai vu le faire de nombreuses fois à la télévision, parfois en direct, mais il semble tellement... désarçonné ? Ce qui ne lui ressemble pas. Mais si ce n'est pas lui, qui est-ce alors ?

-Quand une entreprise d'armes ferme, elle détruit ses armes jusqu'au dernier, non ? Alors comment cela se fait qu'il y en a encore et qu'elles ont frappé New-York ?

-Moi qui ai toujours réponse à tout, je dois avouer que je n'en ai aucune idée.



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