Chapitre 23 - Secrets

Elle est allongée sur la table de préparation tandis que plusieurs hommes s'affairent autour d'elle. Elle ne semble pas plus perturbée que cela, et à dire vrai, cela inquiète assez Thomas qui ne cesse de l'observer de loin pendant que les médecins -engagés par Howard- s'occupent de lui installer des cathéters. Il comprend qu'elle a pris l'habitude de voir autant de personnes autour d'elle, mais elle reste sa petite fille adorée. Celle qu'il cherche à protéger par tous les moyens, car il sait que les choses vont changer, qu'elles vont empirer, et le chaos est à leurs portes. Il faut qu'elle ait un moyen de se défendre contre ce qui risque d'arriver, car Vladimir a un comportement de plus en plus suspect. À cause du trinitrotoluène qu'il ne cesse de s'injecter, modifié et remodifié, Thomas se demande comment il fait pour être encore en vie, étant donné que tous les cobayes qu'ils avaient utilisés pendant les expérimentations ont tous fini par mourir. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les recherches ont été stoppées, et la persévérance illégale de Stefanski est l'argument principal qui fait qu'Hailee est ici. Parce que si Stefanski arrive à survivre, pourquoi pas Hailee ? S'il arrive à obtenir le pouvoir dont il a besoin, Thomas sait éperdument qu'il aura toutes les cartes en mains pour l'évincer, ainsi que Howard. Vladimir a toujours voulu être à la tête d'un monde qui l'a trop longtemps piétiné. Et quand on est aussi bousillé que lui, la motivation et la vengeance sont souvent en tête des listes. Et quand il en aura fini avec Stark Industrie, il s'en prendra probablement à Tony, Clint et Hailee. Mais les deux garçons sont trop lucides pour participer volontairement à une expérience qui pourrait les protéger comme les tuer, Howard en a conscience lui aussi. C'est pour cela qu'ils comptent sur la petite Hailee pour arrêter les futurs projets de Stefanski.

Thomas se rapproche de la table où se trouve Hailee et se penche doucement au-dessus de sa fille qui sourit immédiatement. Malgré tout ravi qu'elle ne se sente pas danger ici, il lui rend son sourire tandis qu'elle se relève pour venir enlacer son père.

Il sait très bien que cette expérience n'est pas sans risque, et bien qu'elle ait pour but de protéger sa famille, elle a aussi pour but de protéger la Terre entière. Les risques pour sa fille sont tellement minimes face aux risques qui menacent la planète.

Le père, ému par l'amour que lui porte sa fille malgré tout ce qu'il lui fait subir, attrape ses fines mains qu'il embrasse en retenant ses larmes.

-Ecoute chérie, commence son papa en reniflant bruyamment. Je vous aime plus que tout au monde, toi et ton frère.

Une boule se forme dans sa gorge. Elle n'a que trois ans. Comment sa petite fille pourrait comprendre ce qu'il tente de faire pour elle ? Pour Clint ? Pour tout le monde ? Comment être sûr que, si l'expérience réussit, elle saura ce qu'elle a à faire ? Comment être sûr qu'elle saura utiliser sa capacité comme Thomas souhaiterait qu'elle s'en serve ? Il n'y a aucun moyen de le savoir, c'est pourquoi, malgré son jeune âge il espère que ce moment restera à jamais graver dans sa mémoire.

-Tout ce que j'ai fait, tout ce que je ferai par la suite, est dans ton intérêt mon poussin, dans celui du monde entier. J'essaye de te donner un moyen de te défendre contre le monde qui va se transformer et qui risque de prendre un chemin bien sombre. Il faut que tu illumines l'obscurité afin de pouvoir faire revenir la clarté dans ce futur monde. Il faudra que tu le sauves, mon poussin.

Elle l'écoute attentivement, sans réellement comprendre le sens de ces paroles.

-Mais saches que, au grand jamais, je ne fais cela pour te faire du mal, ou pour provoquer ta solitude, ton désespoir, ou ta peine. Tu entends mon poussin.

La fillette sourit, ayant compris la globalité de la tirade de son père.

-Moi aussi je t'aime, papa.

***

Je tapote sur le clavier avec une grande vitesse, les yeux grands ouverts face à l'écran d'ordinateur qui me pique la rétine depuis un bon paquet d'heures. Cela doit bien faire six heures que j'ai le cul posé sur une chaise d'un extrême inconfort, à fouiller chaque dossier du SHIELD que cette organisation m'autorise à observer pour mon grade. Il ne fait aucun doute que si j'étais deux ou trois grades plus haut, mes recherches seraient moins infructueuses et moins pénibles à faire. Alors je regarde chaque vidéo satellite, je vérifie chaque caméra de surveillance, que j'ai le droit de visionner, dans le monde pour le retrouver. Le café n'a d'ailleurs plus d'effets, et pourtant je me suis forcée à en boire un paquet pour ne pas me laisser aller à la somnolence, mais il faut croire que le café me déteste autant que je le déteste. Et même si mes yeux ont très envie de se fermer, même si la fatigue menace de m'envahir, je garde les yeux grands ouverts, quitte à paraître ridicule quand des personnes passent près du bureau où je suis installée.

Une chose à laquelle je pense depuis que j'ai appris qu'Aaron était parti pour Washington, c'est à sa sécurité. Et penser à cela est probablement une des innombrables raisons pour laquelle je n'arrive plus à travailler correctement. J'espère qu'il est à l'abri, parce que Stefanski est de nouveau libre, et peu importe où il se trouve, il aurait plus que raison de s'en prendre à mon fiancé, si on se met à penser comme lui. Alors, quand j'en ai assez de fixer des caméras et des images satellites, qui sont inutiles tant ce mec est rusé, je me mets à faire les cent pas en me bouffant les ongles et en priant pour qu'Aaron ne soit pas en danger.

Quand j'ai fini de m'inquiéter comme une gamine, parce que je sais qu'il est entouré d'une armée d'agents du SHIELD pour le protéger -parce qu'ils ne se risqueraient jamais à le laisser mourir sous leur surveillance, sans quoi je détruirais l'organisation à moi toute seule- je retourne sur ma chaise et je reprends les recherches avec un brin en plus de motivation.

Je porte un gobelet en plastique à mes lèvres et un liquide aigre s'insinue entre celle-ci, me faisant grimacer d'horreur. Qui a eu l'horrible idée de créer cette boisson ? Mes yeux font des allers-retours entre la droite et la gauche de l'écran à la recherche d'un quelconque indice que le SHIELD aurait -par heureuse et hasardeuse erreur- mal rangé et qui n'est destiné qu'à des agents possédants un niveau supérieur au mien. En réalité, le SHIELD a tellement d'informations qu'il se pourrait qu'ils aient le moyen de le retrouver sans même le savoir. Mais quand on ne sait pas par quel coin de la planète commencer quand on poursuit un fugitif, c'est assez compliqué de s'y retrouver. Mais un onglet attire mon attention.

« Dossier Barton »

Je fronce les sourcils avant d'attraper la souris, de balancer mon gobelet dans la mini poubelle à mes pieds et d'entrer dans le fichier. Mes yeux s'écarquillent dans un premier temps, laissant place à la surprise et la confusion, puis ma bouche s'entrouvre pour laisser place au dégoût. Je sens la bile remonter dans ma bouche tandis que des dizaines d'images s'affichent les unes après les autres, le mot « Confidentiel » plaqué en rouge sur tous les dossiers qui s'ouvrent. Le visage de mes parents -barrés- puis celui de Clint et le mien apparaissent. Des documents annexes les accompagnent et ma mâchoire se contracte quand je comprends finalement ce que c'est.

D'après les rares cours que j'ai reçus à l'Académie sur le travail administratif, je reconnais malgré tous les contrats d'assassinat sur l'ensemble de ma famille et je vois rouge quand le nom de Stefanski figure dans l'encadré de l'employeur. Une photo de l'assassin émerge, mon sang se glace, je me sens dérivée dans le passé à un moment que je préfèrerais laisser derrière moi mais qui ne cesse de refaire surface. Ces yeux gris, ces rides aux coins de ceux-ci, je ne les ai vu qu'une seule fois, et pourtant je les reconnaîtrais entre milles. Voir le visage entier de l'assassin me donne envie de me gifler, parce que malgré tout, ce qui ressort chez lui sont ses yeux. Mauvais, maléfiques, mortels. Tout ce qu'il y a de plus létal.

Je ne peux pas empêcher mes larmes de s'échapper, comme j'aurais voulu que ma famille échappe à cette boucherie, à ces années de douleur et de solitude. Je trouve aussi un contrat pour Howard Stark. Mes mains tremblent avec une telle force que toute la salle vibre avec moi. Chaque fibre métallique tremblote à l'unisson avec mon amertume et tout le reste de mon corps. Mes dents claquent entre elles, mon cœur est transpercé par des centaines d'éclats de verre qui s'insinuent dans mes artères avant d'être expédiés vers tous mes organes.

Mes parents ne méritaient pas de mourir. Pas comme ça. Pas maman. Même si papa et Howard ont fait beaucoup de mal autour d'eux, cela reste mon père et celui de Tony. Un père qui m'a donné la vie, qui -après maintes tortures- m'a conféré des pouvoirs d'une grande puissance et -finalement- d'une grande utilité. C'est la justice qui aurait dû décider de leurs sorts, pas un gars parmi tant d'autres à qui ils ont fait du mal.

J'essaie de me calmer, de reprendre un rythme cardiaque plus ou moins normal, mais je suis totalement prise au dépourvu et sanglote comme jamais. Mais tout cela, toute cette discorde qui il y a en moi, tout cela est à cause du SHIELD.

Je commence à en avoir assez qu'ils se fichent de moi, à me faire la morale pour des choses qu'eux-mêmes ne respectent pas. Je ne dois rien leur cacher, mais par contre eux ils ont le droit de me cacher des choses primordiales sur ma vie, ma famille. Je leur ai assez fait confiance, eux qui disaient que je leur étais indispensable, que je pouvais leur faire confiance, ils n'ont fait qu'abuser du peu de foi que j'avais en eux.

Je sors sans plus attendre de la salle informatique et parcours les longs couloirs, que désormais je ne connais que trop bien, avec précipitation. En à peine quelques minutes, je me retrouve dans le bureau de Fury, et quand je déboule, je le retrouve immobile devant la baie vitrée qui donne sur les terrains d'entrainement extérieur. Il est toujours vêtu de sa longue cape, ce qui me fait me demander s'il finira par la laver un jour. Je secoue la tête pour chasser ses pensées futiles tandis que mon regard se pose sur le reflet du directeur sur la vitre. La lumière de la lune réfléchit sur son visage sombre et impassible, comme toujours.

-Vous êtes de vrais enfoirés au SHIELD.

Il n'esquisse pas un seul mouvement, il n'arque même pas un sourcil pour prétexter d'être faussement insulté.

-Vous parlez de ne rien se cacher, mais vous n'êtes pas foutu de suivre vos propres règles.

Toujours face à l'horizon, sa bouche fait une petite moue :

-Dans le gouvernement, il y a le président. Il est au sommet de la pyramide, il sait tout. À l'étage du dessous, il y a les chefs d'Etats qui s'occupent uniquement de leur Etat. Plusieurs étages plus bas, au rez-de-chaussée, il y a les secrétaires. Ceux qui ne savent rien, qui n'entendent rien. Ceux qui n'interviennent pas dans la prise de décision gouvernementale. Ils ne sont pas très utiles, mais nous en avons besoin quand même, parce que nous ne pouvons pas gérer les affaires primordiales et les trivialités. C'est à cela que servent les secrétaires, s'occuper de la trivialité pour décharger les épaules de leurs supérieurs.

Il se retourne avec une mine sérieuse, mais j'y décèle un brin d'amusement.

-Vous êtes une secrétaire, Hailee, et je suis le président. Tout ce que vous savez, je dois le savoir. Tout ce que je sais, vous n'avez pas à le savoir. Et encore, vous êtes une privilégiée.

Je serre les dents avant de laisser mes mains s'écraser sur le bureau en verre, faisant ressortir toute la fureur qui m'anime.

-Sauf que je ne suis pas n'importe quel secrétaire, Nick. Je sais régénérer mes cellules et maîtriser le métal. Je suis une catégorie au-dessus. Et puis ça me concerne ! Bon dieu, ces six derniers mois se sont basée sur de l'ignorance, ma vie entière s'est basée sur de l'ignorance, et vous n'avez pas jugé bon de me le faire savoir ! Je suis votre carte-mère, Fury. Si vous ne m'inspirez pas confiance, cela pourrait vous revenir dans la figure, et vous pourriez amèrement le regretter.

Mon insolence est sans limite, mais c'est son irrespect qui l'a provoqué. L'appeler par son prénom n'est probablement pas la meilleure des idées, mais je ne vois pas quelles représailles je peux craindre de sa part. Si je le voulais, je pourrais raser cette base. Qu'il n'essaye pas de se trouver une excuse parce que sinon il ne passera pas la nuit.

-Depuis quand vous êtes au courant, que c'est Stefanski qui a fait tuer mes parents et ceux de Stark? Grondé-je, en essayant de garder mon calme.

Il s'apprête à répondre, mais d'un geste de la main, je l'envoie sur les roses :

-Non. Enfaite, ne dites rien. J'ai entendu mon quota de conneries pour l'année.

Je tourne les talons et m'éclipse le plus rapidement possible du bureau d'un menteur. J'arpente une nouvelle fois les couloirs avant de m'acheminer vers la chambre que l'on m'a attribuée à mon arrivée à la base. À peine ai-je passé le seuil de la porte que celle-ci claque et que je me mets à faire les cent pas. C'est devenu une habitude, de faire les cent pas, qu'il faudrait faire disparaître, mais pour l'instant, je n'ai qu'une pensée et c'est de faire payer Stefanski pour le meurtre de mes parents, pour le meurtre de ma mère. Fury n'aurait jamais dû me cacher une chose pareille, c'est beaucoup trop important.

Important. Un mot que le SHIELD ne semble pas connaître, ou alors ils n'en comprennent pas bien le sens.

Je n'arrive pas à me calmer, et si je ne le fais pas, je sais que je vais partir en vrille. Mes pensées sont totalement ivres d'un meurtre que je ne peux pas commettre, étant donné que je n'ai aucune information sur l'endroit où il peut être, et cela me met en rogne. C'est la goutte de trop qui fait déborder le vase de tout le stresse qui m'accable depuis six longs mois.

-Hailee ?

Je me stoppe dans mon éternelle marche pour me tourner vers la porte. Clint est dans l'embouchure avec une mine réservée.

-Tout va bien ? Me demande mon frère en refermant la porte derrière lui.

Je fais quelques pas en arrière quand il se rapproche. C'est Fury qui l'envoie. C'est son espion, comme il l'a toujours été. Il l'envoie pour me dissuader de faire tout à ma sauce, mais cela ne fait que prouver que le SHIELD a aussi peu confiance en moi que j'en ai en eux. L'association de cet organisme et moi, c'est comme un mauvais assemblage. Comme deux binômes de travaux pratiques incompatibles.

-Tu étais au courant, pas vrai ?

Il continue d'avancer tandis que je recule, et me voir aussi méfiante à son égard le fait froncer les sourcils et ouvrir la bouche.

-Au courant de quoi ?

Son visage semble déçu de me voir aussi distante, mais c'est moi qui suis frustrée dans l'histoire. Il tente d'attraper mes mains, mais je les écarte. S'il cherche à utiliser mes sentiments et ma naïveté pour me calmer, il se met le doigt dans l'œil.

-Hailee ?

- J'ai découvert que papa et maman avaient été assassinés sur la demande de Stefanski. Le SHIELD gardait des photocopies des contrats d'assassinats dans les archives, alors arrête de faire comme si tu ne savais pas !

Il voit bien que je ne plaisante pas, alors il cesse immédiatement de prendre les pincettes avec moi, il a bien compris que cela ne servait plus à rien.

-Hailee, ce n'est pas important.

J'écarquille les yeux tandis qu'un court silence s'impose et pèse comme un lourd et terrible secret enfin dévoilé.

-Ah oui, c'est sûr que la mort de papa et maman n'est pas importante. Dis-je avec le plus de mauvaise foi. C'est un peu à cause d'eux si on a fini par être séparé, qu'on a tous les deux vécu une enfance de merde jusqu'à ce que le temps panse nos plaies.

-Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. Tente-t-il de se défendre. C'est que ce soit lui qui les ait tués qui n'a pas d'importance. Ils sont morts depuis presque vingt ans, et on ne peut rien y faire.

-Mais c'est important ! C'est parce que Stefanski les a fait assassiner si on a eu une vie pourrie.

-Non, c'est à cause de papa qui n'a pas eu l'audace de le tuer en premier.

Mon coup de poing part sans que je puisse le retenir, mais il mérite tellement plus qu'un coup de poing pour ce qu'il vient de dire.

Malgré l'entrainement intensif que j'ai suivi pendant près de six mois, Clint pare mon coup aisément -comme s'il l'avait vu venir- tenant mon poing fermement dans le creux de sa main. Je grimace en tentant de le frapper à nouveau, mais aussi doué qu'il est et aussi lente que je suis, c'est comme si le moindre de mes gestes étaient calculés d'avance.

-C'est comme si tu te fichais de leurs morts ! M'écrié-je en continuant à essayer d'atteindre mon frère, plus qu'énervée par sa désinvolture vis-à-vis du sujet. Comment peux-tu dire une chose pareille après ce qu'il a fait à maman ? Elle n'avait rien demandé !

Nous arrêtons de tourner en bourrique tandis que je reprends doucement mon souffle.

-Je ne m'en fiche pas. Je suis simplement passé à autre chose. Ça fait vingt ans, Hailee ! Et même après vingt ans, on est toujours hantés par ce jour-là ! Même après toutes ces années, ce jour-là revient à la surface en même temps que Stefanski. Il faut simplement que ça cesse. Alors, on va le retrouver et on va l'enfermer dans la prison la plus sécurisée de la planète. Ne te fais pas de soucis là-dessus. Gronde mon frère.

-Il est hors de question qu'il reste en vie. Il n'en a plus eu le droit dès le début des expériences qu'il a menées.

-Dans ce cas-là, papa méritait de mourir depuis le premier jour où il a commencé ces expériences, lui aussi. Ce n'est pas à toi d'en décider.

Je serre les dents. Papa n'était pas un sain, mais il n'a pas envoyé de missiles sur toute la planète, lui.

-Stefanski a eu le droit de mort sur maman et sur tous les autres morts qu'il a fait depuis l'an dernier, tu ne me crois pas assez naïve pour lui permettre de vivre comme un prince dans une prison de haute sécurité ?

-Tu es loin d'être naïve, tu es juste aveuglée par la colère.

-Je vais le tuer. C'est une promesse. Insisté-je, les yeux brillant d'une lueur dépravée. Lentement, d'une manière tellement sadique et perverse qu'il me suppliera de l'achever.

Suite à mes propos monstrueux -qui me surprennent moi-même- une ampoule s'allume dans mon esprit. Une idée brillante et digne de l'intelligence de mon fiancé, quoiqu'un peu moins technique. Je jette alors un dernier coup d'œil déçu vers mon frère avant de me diriger vers la sortie, mais Clint me retient par le bras.

-Hailee, où est-ce que tu vas ?

-Je vais chercher cet enfoiré.

Sa poigne se fait plus ferme après ma réponse, signe qu'il est prêt à m'en empêcher par n'importe quel moyen, par la force s'il le faut. Mais ce qu'il n'a pas compris, c'est que ma détermination est tellement forte que ni lui, ni personne d'autre n'arrivera à m'en dissuader. Je suis prête à lui laisser des ecchymoses et du sang plein la figure pour qu'un homme qui tue tout le monde se retrouve six pieds sous terre.

-Tu ne sais même pas où il est.

J'esquisse un sourire moqueur et goguenard et lui crache un « Vraiment ? » plein de sous-entendu. Je vois les traits de son visage se tendre tandis qu'il dégaine son pistolet à toute vitesse. Il pointe le canon vers moi, d'une main tressaillante. Probablement qu'il ne s'attendait pas à devoir en arriver là. Je reste sans bouger, sans esquisser le moindre geste, si ce n'est de rouler les yeux.

-Je ne te laisserai pas faire. Le SHIELD s'en chargera et il payera pour tout ce qu'il a fait.

-Clint. Tu pointes une arme en métal sur quelqu'un qui peut le manipuler, tu ne crois pas que c'est une mauvaise idée ? Le prévins-je au cas où il agirait sans réfléchir.

-Tu dois rester en dehors de tout ça, Hailee.

-Tu ne crois pas que tu aurais pu y réfléchir avant de me faire entrer au SHIELD ?

-Hailee ! Je t'en prie ne fait pas de conneries ! M'implore mon frère, ses tressaillements se faisant de plus en plus fort.

Papa est mort en bon scientifique qu'il était. Maman n'aurait jamais dû subir les actes de son mari, c'est pourquoi je vais la venger. Elle, et tous les autres morts que Stefanski a laissés derrière lui.

De ma main gauche, j'attrape le canon du pistolet, de mon autre main, le poignet de mon frère. L'arme est directement séparée de Clint. Je l'attire à moi et le tiens en joue, canon pointé sur sa tempe. Il ne s'attendait pas à ce que je sois aussi rapide, et moi non plus d'ailleurs, parce qu'il tangue et peine à garder l'équilibre. Dans le même laps de temps, j'ordonne au pistolet de ne plus être létal, et le chargeur tombe à terre dans un tintement. Clint tente de reprendre le dessus, mais d'un coup de crosse assez violent, j'assomme celui de mon sang qui s'écroule lourdement sur le sol, inconscient.

Je recule de quelques pas et porte ma main à ma bouche pour étouffer un soupir horrifié face à ce que je viens de faire. Paniquée, je vérifie ses constantes et regarde l'endroit où j'ai frappé. Après avoir vérifié ses réflexes involontaires, je soupire de soulagement. Mais le temps manque, et qui sait quand Vladimir passera à l'action, et où il agira.

Alors je fais du mieux que je peux pour porter la lourde carcasse de mon frère jusqu'au lit où je l'allonge avec un peu de difficulté. J'attache ses mains au cadran du lit en tordant celui-ci.

-Tu devrais être de mon côté, Clint. Murmuré-je en quittant la pièce.

Pas besoin de perdre plus de temps, je pars à la recherche de Tony, car je sais qu'il sera en mesure de m'aider. Clint ne sera pas longtemps dans les vapes, mais je ne pense pas qu'il se sortira de ma petite prison de sitôt, car il est certain qu'il ne pourra pas se sortir de là tout seul, et le temps que le SHIELD comprenne qu'il est dans mes appartements, je pense que j'ai assez de temps devant moi pour retrouver Stefanski et partir m'en occuper personnellement. Après tout, il a toujours voulu un face à face avec moi.

Je débouche sur le « garage » de la base où la plus grande majorité des techniciens, ingénieurs et mécaniciens sont regroupés, je ne suis donc pas étonnée d'y trouver le génie, penchée sur une table de montage. Je le remercie intérieurement de ne pas être reparti à New York, parce que ce dont j'ai besoin est ici, et le faire sortir de la base sans alerter Fury serait trop risqué.

Quand il m'aperçoit, je lui fais un signe de tête qui l'invite à arrêter ce qu'il fait pour qu'on puisse discuter d'une urgence de renommée mondiale. Il pose ses outils avant de me suivre vers un endroit un peu isolé où nous pourrons parler en toute discrétion. Une fois à l'abri des regards, je tente le tout pour le tout :

-Est-ce que tu pourrais trouver un moyen de localiser le hangar de la vidéo, celle du boitier ? Demandé-je en vérifiant que nous n'avons attiré le regard de personne.

Je pense que cet endroit est symbolique pour Stefanski. C'est ici que j'ai reçu mes pouvoirs, quoi de plus exaltant pour ce psychopathe que de confronter le fruit de ses expériences à l'endroit même où il a été créé ?

Tony plisse ses yeux, essayant probablement de connaître mes pensées. Malgré tout, il hoche la tête avant qu'il ne m'incite à le suivre jusqu'à un ordinateur. Il pianote rapidement tandis que je vérifie à nouveau que personne ne nous surveille puis je regarde l'écran.

-Bingo ! S'exclame Tony. Ils ont fait une copie de la vidéo. Je me serais mal vu aller leur demander le boitier.

Je ne fais pas attention à sa remarque et le somme de se presser. Clint n'arrivera peut-être pas à se dégager tous seul, mais si Fury le fait suivre jusqu'au toilettes, alors ils sont déjà au courant de mes intentions, et ce n'est plus qu'une question de temps avant qu'ils ne tentent de m'arrêter.

La vidéo s'affiche et se déroule comme une pellicule. Le son n'y est pas, et dieu merci parce que j'aurais frappé quelqu'un si j'avais entendu une nouvelle fois le cri de hargne de la gamine que j'étais. Une barre de progression s'affiche soudainement et augmente relativement vite.

-Tu vas le chercher, pas vrai ?

Je hoche la tête doucement.

-Personne d'autre n'est au courant ?

-Clint, mais je me suis occupée de lui. Reste plus qu'à espérer que personne ne l'a découvert.

Tony fait de gros yeux.

-Qu'est-ce que tu as fait ?

-On se détend. Lui assuré-je en me penchant vers l'écran pour regarder la barre de progression continuer de monter. Normalement, il est encore dans les vapes. Ne fais pas comme si son sort t'intéressait, Stark.

-Ça me surprend juste de toi. Je ne pensais pas que tu pouvais être déterminée au point de frapper ton frère.

-C'est lui qui ne m'a pas laissé le choix. C'est un idiot quand il ne faut pas qu'il le soit.

Le milliardaire se tourne vers moi avec sa chaise roulante de bureau, un doigt sur la bouche et un air perplexe sur le visage.

-Je ne sais pas les raisons pour lesquelles tu ne veux pas que cela remonte aux oreilles de Fury, mais si tu crois que je vais te laisser y aller toute seule, tu te trompes.

Son visage est désormais aussi impassible que celui de Fury, je sens une détermination de fer dans sa voix, et même si je préfèrerais ne jamais le dire à voix haute de peur de flatter beaucoup trop son ego, j'ai besoin de lui. J'ai beau avoir une grande capacité, si je ne l'utilise pas à bon escient, je risque de me fatiguer plus vite qu'il ne le faudrait. Je ne pourrais jamais me battre sur plusieurs fronts en même temps, et Iron Man saura m'alléger.

-En réalité, je comptais t'emmener. De gré ou de force, mais je vois que ce ne sera pas nécessaire de t'y obliger.

-Tu n'es pas la seule à lui vouer une haine incommensurable. Et puis il a utilisé mes armes, ce connard.

-Tout le monde a utilisé tes armes, Stark.

Il s'apprête à répliquer quand l'écran se met à clignoter. Nous nous hâtons de découvrir l'endroit où se cache ce meurtrier. Nos sourcils se froncent quand nous voyons le nom du pays où il se trouve, et même si nous ne connaissons absolument pas cet endroit, Tony se lève immédiatement pour rejoindre l'un des boxs où son armure est précieusement rangée tandis que je retourne vers ma chambre -où mon frère est toujours- pour enfiler la tenue que le SHIELD m'a décernée.

Le Wakanda.

***

Tony a installé une sangle à son armure pour qu'il puisse me transporter, car prendre un Quinjet serait beaucoup trop risqué. Ils sont traçables, alors que l'armure de Tony ne l'est pas, et il y a bien veillé. Nous survolons désormais le pays d'Afrique que l'on appelle le Wakanda. Du peu que nous avons vu depuis que nous avons passé la frontière du Soudan du Sud, ce n'est que sable et sécheresse. D'immenses dunes sont à perte de vue, ainsi que plusieurs pentes rocheuses que le sable caresse. Je ne connais pas la superficie du pays, mais pour l'instant ça ressemble plus à un désert inhabitable.

J'avoue ne pas être extrêmement callée niveau géographie, mais je n'avais jamais entendu parler du Wakanda.

L'air me fouette le visage avec assez de violence, et même si je trouve cela d'un ridicule sans nom, je remercie Tony d'avoir eu l'excellente idée de me donner des lunettes d'aviateur qui me collent au visage. J'ai refusé immédiatement quand il me l'a proposé, mais il avait un petit sourire sournois plaqué sur ses lèvres qui signifiait « Ce sera drôle puisque t'aura l'air d'une mouche, mais c'est pour ton bien ».

Je regarde en bas, après m'être dis maintes fois de ne pas le faire, et je sens déjà ma tête tournée et le vertige faire effet. Finalement, Tony atterrit doucement sur le sol sableux, me permettant ainsi de dégager l'horrible sangle qui me coupait le ventre. Je fais quelques pas en avant et reprends mon souffle. Les hauteurs ont le don de me mettre mal, mais quand l'air commence à manquer parce qu'on est trop haut dans le ciel, on a de quoi être heureux d'être sur la terre ferme.

Pendant le même laps de temps, Tony sort de son armure pour ranger la sangle qui a permis de me transporter et sortir de nombreux gadgets de diverses cachettes de celle-ci. Il me tend un tout petit objet, une fois que je ne me sens plus vaseuse, que je place dans mon oreille sans plus attendre et nous testons les communications.

-Je t'ai pris des kunaïs. Clint m'a dit que tu savais t'en servir.

Je hoche la tête en prenant les trois morceaux de métal, bien aiguisés, et les accroche à ma ceinture. Je repense rapidement à mon test, durant lequel ces kunaïs m'ont servi à bloquer les portes du laboratoire pour empêcher les gardes du corps de m'atteindre, mais aujourd'hui ils ne serviront pas qu'à ça.

-J'ai aussi pris ton Beretta 92. Déclare-t-il en attachant le pistolet dans son étui autour de ma jambe droit. Mais avec ta capacité, une balle peut servir plusieurs fois.

Pendant qu'il est en train de vérifier les derniers détails de son armure, je balaye du regard les alentours.

-Tu es sûr que c'est ici ? Demandé-je, incertaine.

-Jarvis me l'a confirmé.

Nous avons atterri à quelques dizaines de mètres d'une ville qui semble assez petite et inhabitée. À la limite du village, le sable s'étend littéralement à perte de vue, comme si c'était l'unique ville du pays. Pas une seule voiture ne rentre ou ne sort de l'agglomération. Personne n'est dehors, c'est comme s'ils avaient pressenti notre présence et qu'ils s'étaient tous planqués afin d'éviter de subir les conséquences des combats qui vont suivre.

-Stefanski a probablement des otages, il faut faire attention contre qui on se bat. Annoncé-je en fixant les rues désertes.

Il hoche la tête avant de me tendre une sorte de bâtonnet noir surplombé d'un bouton.

-C'est un nouveau dispositif laser à énergie dirigée, le dernier prototype sur lequel travaillait Aaron. Il t'en a fait un exemplaire. Je sais qu'il y a mis toute son âme, sa sueur et son énervement, donc évite de te couper d'accord ? Aaron s'en voudrait énormément.

La simple entente du nom de mon fiancé fait naître un sourire sur mes lèvres et apaise mes pensées meurtrières. S'il était avec moi, présentement, je sais qu'il serait capable de me dissuader de faire ce que je compte faire. Mais il n'est pas là, c'est pourquoi je reste sur mes intentions. Car Aaron doit être protégé de Stefanski, il est ma plus grosse faiblesse et je ne peux pas me permettre de laisser le terroriste m'enlever la seule chose qui me permet de vivre heureuse.

Une fois que les dernières vérifications sont terminées, que nous sommes fin prêts pour le combat qui sera peut-être notre dernier -parce qu'il ne faut pas se voiler la face, ça ne sera pas de la tarte- nous avançons vers l'entrée de la ville où Jarvis nous assure que le hangar de la vidéo est à l'intérieur.

-Tu sais qu'il nous attend. M'avertit le milliardaire, son armure recouvrant la totalité de son corps mis à part sa tête.

L'air est chaud et étouffant, le vent est ardent, le bruit du sable se frottant sur le sol est presque significatif de ce qu'il restera de cette ville après la bataille.

-Il a fait assassiner mes parents, et ton père par la même occasion. Je ne suis pas prête à le laisser vivre plus longtemps qu'il n'en a le droit.

J'essaye de trouver la surprise sur son visage, mais il faut croire qu'il n'y avait que moi qui n'étais pas au courant de cette histoire. Son regard est plein de haine.

-Tu as trouvé les contrats, souffle-t-il, une boule dans la gorge, le regard désormais perdu vers l'entrée de la ville à quelques mètres de nous.

Je ne réponds rien, ne sachant pas vraiment quoi lui dire. Le simple fait que je sois la seule mise à l'écart en ce qui concerne ces contrats ne fait qu'accroître mon envie de me défouler. Je crois percevoir une larme couler sur la joue de mon ami -chose dont je ne suis absolument pas sûr- avant que son casque ne vienne couvrir entièrement sa tête.

-Allons lui faire sa fête.

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