Chapitre 11 - Il était présent

''J'assumerais ma responsabilité, comme je l'ai fait ces dix-neuf dernières années."

Je reste figée, fixant désormais le vide. Cette phrase résonne en moi comme si elle était impossible. La confusion afflux chacune de mes veines et me fait sombrer dans le doute. Est-ce qu'il est en train d'insinuer qu'il a veillé sur moi durant toutes ces années ? Ou bien qu'il a surveillé l'évolution de mes pouvoirs ? Etait-ce pour le SHIELD ? Ses mots ne sont-ils que mensonges depuis nos retrouvailles ? Tant de questions qui tourbillonnent dans mon crâne et qui restent sans réponse tandis que je me sens alors horriblement mal. Je sens mes trips se tordre comme si l'on m'avait poignardé dans le ventre, comme un acte de trahison. Inconsciemment, Clint n'arrête pas de me faire des signes pour que je m'éloigne de lui. Il se montre, à plusieurs reprises, étrange ce qui me donne envie de mettre de la distance entre nous, car je ne sais jamais réellement s'il est de mon côté ou non.

Ne pouvant pas rester avec des questions en suspens, je descends alors les escaliers et m'approche de la table où ils sont tous deux avachis. Je sens Aaron se raidir à mon arrivée tandis qu'il se redresse sur sa chaise comme s'il avait fait une connerie, mais ce n'est pas lui le fautif dans l'histoire. Clint aussi se redresse, presque en même temps que mon fiancé mais ce que je retiens de son attitude, c'est sa soudaine perte d'assurance, lui qui est si affirmé d'ordinaire. Je vois son regard fléchir et regarder ses pieds avant qu'il ne le ramène sur moi. Je pose mes mains sur mes hanches de manière intransigeante, attendant qu'il tente de se justifier, de mentir peut-être pour essayer de sauver sa peau de mon regard assassin.

-Tu ne crois pas que j'ai le droit à des explications ? Demandé-je en essayant de contenir la colère qui se coince dans ma gorge.

Mon frère prend une grande inspiration avant de se lever pour me faire face.

-Je ne devais avoir aucun contact avec toi.

-Tu ne devais avoir aucun contact avec moi, répété-je faussement impressionnée. Et pourquoi ça ? Tu préférais surveiller mes pouvoirs à distance ? Tu avais peut-être peur qu'en te revoyant je fasse de nouveau un mort, comme avec nos parents ?

Il ouvre la bouche pour parler, mais la rage me prend de telle manière que la gifle part toute seule, le forçant à se taire. Et alors, son visage passe de l'embarras à la neutralité, la même que celle de Fury. Son visage n'exprime plus aucune émotion, probablement qu'il se sent vexé d'avoir été giflé, mais je me sens trahi par mon propre sang. Moi qui croyais qu'il avait fait tout ce qu'il pouvait pour me retrouver et qu'il avait finalement réussi, alors qu'en fait il m'a retrouvé depuis le début. Il n'y a littéralement aucun signe parmi son expression qui puisse me permettre de me retrouver dans ses pensées, de savoir si je peux encore me fier à lui. Le SHIELD fait vraiment un travail remarquable, ils ont réussi à le rendre aussi impassible, froid et impersonnel qu'un mur dénué de peinture.

-Je veillais à ce qu'il ne t'arrive rien.

-Ah oui, c'est sûr que me montrer que tu me protèges et que tu ne m'oublies pas est un crime. Craché-je avec dédain. Qu'est-ce qui t'empêchait de venir me parler, me rassurer, hein ?

L'ambiance douce et décontractée de la soirée laisse place à une ambiance pleine de haine et de consternation. En même temps, il ne fait rien pour s'expliquer. Comment peut-il simplement en dire si peu à sa sœur qui lui fait une confiance aveugle depuis le début ?

-Tu ne crois pas que j'aurais voulu qu'on passe du temps ensemble ? Tu crois que ça n'a pas été dur pour moi aussi, quand nous avons été séparés ? Je t'ai retrouvé, après être devenu agent du SHIELD. C'est Fury qui m'a aidé à te retrouver, mais la seule condition qu'il demandait en échange de pouvoir garder un œil sur toi, c'était de ne pas réapparaître dans ta vie. Il pensait qu'en revenant tu perdrais le contrôle de tes pouvoirs, à nouveau. Pendant un temps, j'ai même pensé démissionner pour pouvoir te parler, mais je savais qu'un jour ou l'autre, le SHIELD serait obligé de faire appel à toi, et j'étais persuadé que tu aurais besoin de moi à ce moment-là, que je pourrais te retrouver pour de bon. Pas avant, au moment opportun. Tu avais trop de chemin à faire avant que je ne revienne.

Je sens mon visage devenir rouge, la chaleur se propage partout dans mon corps et je commence à étouffer. Je n'arrive pas à y croire. Toute ma vie, j'ai pensé que je ne reverrai plus jamais mon frère, qu'il était passé à autre chose et qu'il fallait que j'en fasse autant, puis j'ai cru qu'il avait cherché tout ce temps à me retrouver pour que la vérité soit finalement qu'il s'est abstenu de me récupérer. Je m'étais habituée à son absence, mais le revoir dans ma vie ne m'a pas paru étrange. Mais maintenant que je sais qu'il était présent sans même que je m'en doute, dans l'ombre, j'ai envie de le repousser, de l'éloigner de moi. Notre séparation a été pour moi une épreuve extrêmement difficile, j'ai vraiment cru que je n'arriverai pas à passer le cap, mais j'y suis arrivée et j'étais enfin comblée. S'il partait à nouveau, ce serait moins compliqué que la première fois.

Aaron se colle à moi pour me réconforter tandis qu'une larme roule sur ma joue.

-Wow, alors le moment opportun, ce n'est pas pour mon bien-être, mais pour le SHIELD. Grimacé-je en essuyant mon visage humide. En fait, je ne suis qu'une arme, c'est ça ?

-Tu n'es pas une arme, Hailee. Tu es ma sœur, tu es celle qui va tous nous sauver grâce à ton don.

-Je ne peux pas accepter ça. J'avais besoin de toi et alors que tu avais l'occasion de me récupérer, tu as préféré ton boulot à ta famille !

Son expression change en une fraction de seconde et son visage s'illumine d'une rage incontestable. Son nez et ses sourcils se froncent immédiatement, son front se plisse et son regard passe de l'indifférence à l'aigreur en un instant. Alors que j'ai l'effrayante impression qu'il va me frapper, son poing s'écrase sur la table avec violence.

-Tu ne peux pas dire ça ! Clame-t-il, fou de rage. J'ai toujours tout fait en fonction de la famille ! Si ma femme et mes enfants ne sont dans aucun dossier, c'est pour les protéger ! Si je ne suis pas venu te chercher, comme un prince charmant, c'était pour te protéger de toi-même !

Son visage s'empourpre et ses yeux se noient de larmes.

-Je n'avais pas besoin d'un prince charmant ! Braillé-je dans la même situation de colère que lui. Juste d'un frère !

Nous sanglotons tous deux tandis que le silence prend place parmi nous. J'ai envie de pleurer encore durant des heures et de m'enfuir à l'étage pour faire un gros câlin à ma nièce qui semble si chaleureuse. Laura n'est toujours pas redescendue, et je pense que c'est un choix de sa part, et je l'en remercie. Pleurer, je l'ai fait toute ma vie, Aaron en a connu des larmes et l'idée de me laisser m'emporter contre Clint me donne envie de me gifler. J'espère que les enfants n'ont rien compris à notre dispute, car je sais qu'ils ont tout entendu.

Je sens Aaron prendre de la distance avec moi ce qui attire mon regard. Son visage à lui est surpris, déçu.

-Tu n'avais pas besoin de prince charmant, et bah je t'en prie pour mes loyaux services. Maintenant que t'as un frère, c'est le moment que je te laisse retourner à ta petite vie de Barton.

-Aaron. Larmoyé-je en attrapant sa main, ne comprenant pas sa réaction. Tu sais bien que ce n'est pas ce que je veux dire.

Il me repousse brusquement, offensé par mes paroles. Ce repas de famille tourne à la catastrophe, et je me sens lasse de tout cela. Pourquoi faut-il que tout dans ma vie finie dans la mort ou la déception ?

-En attendant, tu étais bien contente d'en avoir un. Déclare-t-il froidement en s'éloignant.

Je regarde affreusement mon frère, lui faisant comprendre que tout ceci n'est pas uniquement de ma faute, puis me lance à la poursuite d'Aaron qui a passé la porte d'entrée. Je le rejoins à l'extérieur où il fait noir malgré le lampadaire qui éclaire faiblement le perron et la lune qui joue son rôle de reflet du soleil. Il fait relativement froid, et je regrette de ne pas nous avoir pris de veste, Aaron étant très sensible aux températures extrêmes. Il continue d'avancer alors que la lumière se fait de moins en moins présente au fur et à mesure que nous nous éloignons du lampadaire.

-Aaron, arrêtes-toi, lui ordonné-je. Tu vas attraper froid.

Il se stoppe, je vois sa silhouette faire demi-tour avant qu'il n'attrape mon poignet et ne me ramène plus près de la lumière, me permettant alors de voir son visage. Cette dispute ressemble étrangement à celle sur les raisons qui le faisait détester Clint, après l'attaque du Queens.

-Tu viens d'avouer que tu aurais préféré avoir un frère qu'un copain ! Est-ce que tu te rends seulement compte du mal que ça fait d'entendre ça ?

-Mon intention n'était pas de te faire du mal, je te le jure. Mais il s'est comparé à un prince charmant, chose qu'il n'est pas. J'avais besoin d'un frère, avant ta rencontre. Maintenant que je t'ai toi, je n'ai pas un besoin irrépressible d'un frère, j'ai besoin de toi. Tu n'es pas un prince charmant, Aaron, tu es l'amour de ma vie, celui que j'aime par-dessus tout !

-Eh bien tu as une drôle manière de le montrer.

Il regarde partout sauf vers moi. J'attrape ses mains et cherche son regard avec insistance. Il ne sait pas tout de ce que j'ai vécu avant son arrivée dans ma vie. Je ne crois pas qu'il ait réellement conscience qu'il a été un tournant dans ma vie, un évènement positif parmi des dizaines de désastres sociaux. Je m'apprête à répliquer quand son téléphone se met à sonner. Il le sort de sa poche et regarde rapidement tandis qu'une photo de Stark apparaît sur l'écran. Aaron rejette l'appel et range son mobile. Ce milliardaire a vraiment le chic pour nous pourrir la vie.

-Tu n'es pas un prince charmant, Aaron. C'est vrai que tu m'as repêché à la petite cuillère, il y a onze ans de cela. Et c'est parce que tu m'as vu brisé que je t'ai laissé m'aider, regarde où on est en après tout ce temps. On est fiancé, et on s'aime à la folie. Tu n'es pas mon prince charmant, tu es mon fiancé.

-Et quelle est la différence ?

-Un prince charmant n'existe pas. C'est un personnage parfait inventé de toutes pièces pour faire rêver, pour donner de l'espoir dans une histoire trop idéale pour être réelle. Un fiancé c'est quelqu'un de réel, quelqu'un qui a des qualités, des défauts, des problèmes. Nous ne sommes pas dans un monde parfait, mais dans un monde cruel. Et sans toi, je n'aurai jamais survécu dans un tel monde.

Cette fois-ci, c'est mon téléphone qui sonne, ce qui me fait irrémédiablement lever les yeux au ciel. Pas besoin de regarder qui c'est pour savoir que c'est Stark, mais je sors tout de même le téléphone pour faire stopper la sonnerie.

-Mon cœur, reprends-je en posant une main sur sa joue. Je suis contente que Clint soit de nouveau dans ma vie -même si actuellement j'ai plus envie de lui foutre mon poing dans la figure, mais clairement, ce n'est pas lui que je vais épouser.

Les traits de son visage se détendent un peu, tandis que son regard se fait moins oppressant et accusateur. Il sourit légèrement à l'idée que je puisse épouser Clint. Je rejoins son sourire, un peu timide malgré notre complicité habituelle. Je pose mes lèvres sur les siennes et je suis contente qu'il ne me repousse pas. Le baiser est délicat et tendre, plus souple que l'ambiance dernièrement. Ma main trouve la sienne tandis que j'enroule mon bras valide autour de son cou. Nous nous enlaçons un court instant avant que Clint ne nous interpelle depuis le perron.

-Hailee, Tony au téléphone.

Je roule des yeux en même temps que mon fiancé, ce qui nous fait rire doucement, puis nous nous avançons, bras dessus bras dessous, vers la maison. Ce mec est une vraie sangsue qui vous pompe le sang jusqu'à ce qu'il obtienne ce qu'il veut. Quoique je ne peux pas lui reprocher d'être obstiné. Une fois passé le seuil, pour la seconde fois de la soirée, j'attrape le téléphone que me tend mon frère.

-Tony, vous ne pensez pas que si les deux premières fois que nous ne vous répondons pas, c'est parce que nous sommes occupés ?

-Venez à Malibu.

Surprise par son invitation soudaine, et sans raison, je ne peux que demander :

-Pourquoi ?

-J'organise une fête, venez avec Aaron et votre frère. Je vais provoquer notre fauteur de troubles.

-Tony, reprends-je en soupirant. Il est minuit. Vous ne pouviez pas appeler plus tard ? Nous sommes à un repas de famille.

-Justement. J'ai besoin de toute la famille. Vous trois, vous devez avoir atterris à Malibu ce soir au plus tard. La fête sera à vingt-deux heure. Demandez au deuxième Barton de rameuter le SHIELD. Faites une valise pour trois jours, mon jet décolle à sept heures.

Et il raccroche.


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