Chapitre 8

Je ressers ma poigne sur la lanière de mon sac et avance rapidement dans le cimetière. La mélodie de guitare parvient à mes oreilles. J'hésite à m'arrêter pour l'écouter puis me rétracte, j'ai d'autres choses à faire.

Non sérieusement, faut vraiment être taré pour jouer de la guitare seul dans un cimetière. 

Comme chaque jour, la musique s'arrête lorsque je passe devant lui, je lui lance un regard bref mais le  détourne vite avant que je ne croise ses yeux magnifiquement bleus. 

-Et, attends, on peut parler ? 

-Parler de quoi ? 

-Je ne sais pas, viens.

J'arrête de marcher et me retourne vers lui. Disons qu'en fait, je n'ai pas vraiment d'autres choses à faire. je m'approche doucement puis le regarde se décaler sur le banc pour me faire une place. J'hésite avant de m'asseoir mais le fait quand même. Je garde mon sac sur mes genoux, le serrant contre ma poitrine, comme si c'était un moyen de protection envers cet inconnu. 

-Tu es plus blanche que d'habitude je trouve. 

J'hausse un sourcil et le méprise doucement des yeux. 

-Tu as mal quelque part ? Il continue. 

-Au ventre. J'invente en roulant des yeux.

-Je pense savoir pourquoi. 

-Écoutes, si toi aussi tu vas me sortir le "est-ce que tu manges ?" ou le "pourquoi tu ne manges pas ?" je te jure que je t'arrache les yeux parce que j'en ai ras le bol des gens qui ne s'occupe pas de leurs oignons. Laissez moi tranquille à la fin ! 

Il sourit, me dévoilant ses dents parfaitement alignés.

-Pourquoi tu ne manges pas ? 

-Je vais te...

-Sérieusement Ellen. Il me coupe et perd son sourire. Pourquoi tu ne manges pas ? 

-Pourquoi tu joues de la guitare solo dans un cimetière ?

-On ne pose pas une question par une question. Affirme-t-il en s'affaissant contre le dossier du banc. 

-Je n'ai pas envie d'y répondre.

-Moi on plus je ne veux pas répondre à cette question.

-Parfait comme ça on est quitte. 

Il roule des yeux et écarte ses bras le long du bois du banc, passant derrière moi. Je me rapproche du bord pour éviter qu'il me touche et roule des yeux à mon tour.

-Alors... Parlons d'autre chose, parles moi de...

-Non. Je le coupe. Je veux bien qu'on discute mais on ne parle ni de moi et toi tu ne me raconte pas ta parfaite petite vie de psychopathe qui joue de la guitare dans un cimetière.

-Oh, donc pour toi je suis un psychopathe parce que j'aime jouer de mon instrument dans un lieu peu commun ? 

-Plutôt ouais. J'ajoute en resserrant mon sac contre ma poitrine. 

-Tu sais, j'ai constaté des choses chez toi. 

-Du genre ? J'hausse un sourcil. 

-Tous les soirs je te vois venir ici seule. Si tu passe par le cimetière c'est que tu veux éviter la ville et les gens. Ce qui confirmerait mon hypothèse dans laquelle tu n'aimes pas les gens car ils jugent trop vites, ils insultent et ont des préjugés. 

Je plisse doucement les yeux, perturber de sa façon de lire si vite en moi. 

-Mais t'es la première à juger les autres sans même les connaitre. Tu ne peux pas reprocher aux gens quelque chose que tu fais toi même.  

Je lâche un "oh" de surprise, il n'a pas osé dire ça ?

-Comment... Comment peux-tu savoir tout ça ?

-T'es prévisible, c'est tout. 

J'ouvre la bouche pour l'insulter mais je ne dis rien, il a raison, je me permets de le juger sans le connaître, je baisse les yeux et joue avec la couture de mon sac. 

-Bon, et si on recommençait depuis le début. On fait connaissance, et puis après on pourra se faire un vrai jugement l'un sur l'autre. 

-Bonne idée. Je souris doucement. 

Je me recule sur le banc et m'assois en tailleur, posant mon sac au sol. Je dois arrêter de me montrer méfiante avec lui, peut-être est-il très gentil ? 

-Comme tout commencement, j'aimerais savoir ton prénom. Tu ne me l'as toujours pas dis.

-Pourquoi est-ce si important ?

-Parce que toi tu sais que je m'appelle Luke, et là il y a déjà une inégalité entre nous. 

Je pouffe doucement et replace une mèche de cheveux rebelle derrière mon oreille.

-D'accord, je m'appelle Ellen. 

-Et qu'est-ce que tu aimes faire Ellen ? 

-Je n'ai pas vraiment de chose que j'aime, et toi, Luke ?

-J'aime jouer de la guitare et chanter. Ce sont mes passe-temps favoris. 

-Tu sais chanter ? Je m'exclame. 

-J'ai dis que j'aimais chanter, pas que je savais chanter. Rectifie-t-il. 

-Tu me fais écouter ? 

-Je viens de te dire que je ne savais pas chanter.

-Et ! Tu as dis tout à l'heure qu'on ferait nous même nos jugement de l'un et l'autre, alors laisse moi te dire si oui ou non tu sais chanter. 

-D'accord. 

Je retiens un énorme sourire, je ne dois pas trop m'ouvrir à lui. Il se penche pour prendre sa guitare qui était posée dans son étui et commence à gratter quelques notes. 

-Que veux-tu que je chante ? 

-N'importe. Ta chanson préférée par exemple. 

Il ferme les yeux, cherchant sûrement une chanson puis joue des notes. Je reconnais rapidement cette chanson, ce qui me fait esquisser un petit sourire. Lorsqu'il entame les paroles, je ne peux m'empêcher d'écarquiller mes yeux. 

Je bloque mes iris sur ses lèvres, qui bougent et ondulent au rythme des paroles. Lorsqu'il pousse la dernière note et joue les derniers accords, il ouvre les yeux et se tourne vers moi.

-Wow... Je murmure.

-Ce qui veux dire ?

Ce qui veut dire que t'as un talent fou, ta voix est vraiment magnifique et... Wow ! 

-Eum... Je me racle la gorge. Tu te débrouille bien. 

Il glousse puis repose sa guitare avant de se rasseoir correctement. Sans le vouloir, je plante mes iris dans ses yeux bleus et je me sens tout d'un coup gênée. Mes joues se mettent à me chauffer, je le sens. Je pose mes mains sur celles-ci puis secoue ma tête pour quitter ses yeux.

-Je devrais y aller, ma mère va encore péter un câble si j'arrive en retard. 

-Déjà ? Me sourit-il. Tu ne veux pas rester encore un peu ?

-Non je ne peux pas.

Il continue de me sourire, cherchant mon regard. Quand il m'attrape enfin, je bloque une nouvelle fois sur ses yeux. Je détourne une nouvelle fois les yeux et me lève.

-Par pitié Luke, arrête avec ce sourire.

-Quoi ? Il a quoi mon sourire ? Dit-il, écartant un peu plus ses lèvres. 

-Il m'exaspère. 

Je me tourne et avance vers la sortie du cimetière.

-Tu ne me dis pas au revoir ? Cri-t-il derrière moi.

-Au revoir ! Je cri à mon tour en levant un bras en l'air. 

Je l'entends rire puis je passe le portail, travers la rue et rentre chez moi. Tout est calme, dans la cuisine, je trouve un mot accroché sur le frigo : "Ellen, on est sorties en ville, on va rentrer tard. Mange sans nous.". J'arrache le papier et le met dans la poubelle. J'ai l'impression d'être à l'hôtel ici, je suis juste là pour squatter une chambre, pas pour faire partie d'une famille. 

Mylène

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