Chapitre 1

Respire Ellen, il suffit de poser un pied devant l'autre, rapidement, et de se concentrer sur ta musique et non sur ce qui t'entoure. Fermes les yeux. Juste quelques secondes, le temps que cette vieille dame au manteau rouge arrête de te regarder.

Je souffle bruyamment et augmente le son de mes écouteurs dans mes oreilles avant de réajuster mon sac à dos sur l'épaule. Cette ville, je ne l'a connais que trop bien, j'y vis depuis que je suis née. Je ne l'ai jamais quittée, mais j'attends avec impatiente de pouvoir le faire, je ne peux vraiment plus la voir. On dirait une ville de papier, remplit d'habitants en papiers, et je l'ai connait tous, un par un : où ils habitent, leur vie de famille, leur travail... Mais eux aussi, ils me connaissent. Enfin, si on peut dire ça comme ça.

Mes New Rocks claquent sur le béton de l'avenue principale, si fort que j'en ressent les vibrations dans mes jambes. J'ignore tout le monde, continuant seulement mon chemin pour rentrer chez moi. Je peux comprendre que les gens me regardent, je suis entièrement vêtue de noir et mes cheveux sont verts foncés, mais ils pourraient arrêter de me dévisager de cette manière, quelques secondes suffiraient.

Je tourne dans la rue à gauche, tout en observant le panneau qui indique que le cimetière se trouve dans cette direction, et pousse l'immense portail noir, le faisant grincer. Je monte une petite pente et commence à marcher entre les différentes tombes que je commence à connaître par cœur, bientôt je pourrais même les citer à l'envers.

Je coupe ma musique et retire mes écouteurs, voulant profiter du calme de cet endroit, c'est quand même paisible ; lugubre, mais paisible.

Ce parfait silence est soudain coupé par une douce mélodie de guitare. Je m'arrête, fermant les yeux pour écouter pleinement ce doux air puis me mets à la recherche de l'inconnu qui en joue. En avançant un peu, je discerne une silhouette masculine, assise sur un banc. Je m'arrête, silencieuse et l'observe pincer ses cordes dans un geste souple et doux. Je remonte à son visage et scrute ses cheveux blonds , relever en une houppette. L'homme a les yeux fermés et joue avec un anneau noir qu'il a à la lèvre.

Je m'avance encore un peu, voulant mieux entendre mais la chaînette pendue à ma hanche émet un bruit, stoppant automatiquement le son de la guitare. Je grimace légèrement, triste de ce silence, et reporte mon regard sur l'inconnu.

Ses yeux, que je discerne d'un bleu azur intéressant, sont grands ouverts comme deux billes parfaitement rondes, et me scrute comme si j'étais une martienne. Mais bon, ça, j'y suis habituée.

Ses iris descendent le long de mon corps, jusqu'à mes pieds puis remonte au niveau de mes cheveux. Une sensation d'oppression me gagne et, gênée, je passe l'une de mes mains dans ma tignasse verte, me retourne et continue mon chemin sans même lui adresser la parole. Lorsque j'arrive à l'autre bout du cimetière, je passe le portail et traverse la rue pour enfin arriver devant chez moi.

Je prends trois bonnes inspirations avant de m'aventurer sur le petit chemin de pavés, me guidant jusqu'à la porte d'entrée, comme si j'étais assez débile pour ne pas la trouver. Je pousse la paroi de bois et pénètre dans ma maison. Je glousse légèrement devant l'ironie de cette décoration, trop de meubles, trop de bougies, trop de lumières, trop de cadres photos de ma petite sœur, trop de... Trop de superficiel.

Je pose mon sec dans le bas des escaliers et retire mon manteau que je jette dans le placard prévu à cet effet et observe ma mère se dandiner en approchant de moi, elle prend son air renfrogné et croise ses bras sur sa chemise parfaitement repassée.

-Toi. Commence-t-elle.

-Moi ?

-Arrêtes tout de suite ce ton ironique, je suis ta mère, pas ta copine.

-Ouais, 'fin ma mère, t'es plutôt ma génitrice, rien d'autre.

-Calmes-toi tout de suite ! Cri-t-elle.

Je roule des yeux et commence à monter les escaliers, mes New Rocks toujours aux pieds.

-Et pourrais-tu cesser de porter ces... Ces choses qui te servent de chaussures ?

Une fois en haut, je lui réponds un vague "C'est ça ouais" et m'enferme dans ma chambre. Ah, ma mère, l'exact contraire de ce que je suis. Avec elle, tout doit être absolument parfait, il faut être irréprochable et bien élevé, enfin, lorsqu'on est en public car chez nous les Wellingam, rien n'est plus important que le paraître et l'image que l'on renvoi. Ma mère a toujours essayer de m'inculquer cette espèce de valeur familiale, mais je n'ai jamais voulu coopérer, ma sœur elle par contre, elle a vite compris le système "Fais ce que maman te dis, sois comme maman te dis et tu auras tout ce que tu voudras", mais ça ne marche pas avec moi. Ce n'est pas facile d'être le vilain petit canard de la famille, surtout lors des grands repas où mes grands-parents, tantes, oncles et cousins sont là, je suis toujours mise à part, reniée ou méprisée, mais je m'en fiche. Pour rien au monde je ne deviendrais des bourges comme eux.

Je ne comprends pas pourquoi ils ne peuvent pas juste m'accepter comme je suis, oui je suis gothique, oui j'aime le metal et oui je choisirais plus facilement un rouge à lèvre noir plutôt qu'un rose mais pourquoi les gens me mettent-ils à l'écart pour si peu ? Suis-je si différente ? Et puis, ça fait quoi d'abord, que je sois différente, c'est grave ?

Mais ça, ce n'est pas une nouveauté, l'être humain a peur de ce qui et différent. Voilà pourquoi chaque matin je me bats avec moi-même pour ne pas observer toutes ses personnes me juger et me dévisager, ou pourquoi à chaque trajet dans le bus je me retiens d'en frapper deux ou trois pour tous ces petits surnoms méchants qu'ils m'attribuent.

Je ne pourrais jamais être tranquille dans cette petite ville où tout le monde se connaît et où tout le monde a un idéal de l'être humain, et où à partir du moment où tu ne rentre pas dans cet idéal, tu es qualifié d'étrange et de différent.

C'est pourquoi je veux partir d'ici, partir loin, loin de tout ça.

Mylène

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