𝔖𝔦𝔵𝔦𝔢̀𝔪𝔢 𝔐𝔢𝔰𝔰𝔢 : Magie révélée

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˚*•̩̩͙✩•̩̩͙*˚ PDV : Katsuki Bakugo d'Ébène ˚*•̩̩͙✩•̩̩͙*˚


Quand j'étais petit, mes parents avaient pour habitude de me raconter des pans de leur passé. Ayant vécu la majeure partie de leurs vies dans le monde d'en haut, ils ont toujours voulu m'aider à me forger mon propre avis à ce sujet – afin que je ne me laisse pas influencer par les rares connards réfractaires des souterrains, sans doute.

J'y suis né. Je les aime avec une telle force, un tel acharnement, que j'ai d'emblée souhaité y devenir Protecteur pour contrer les saloperies de la Légion Blanche. C'est ma maison, mon foyer, l'endroit où mes parents se sont sentis suffisamment en sécurité et libres pour m'avoir.

Du coup, le fait que ce Shoto Himura, qui n'a même pas encore reçu la bénédiction de Lilith, soit si vite intégré à notre communauté me fout grave les boules. À croire que je suis le seul à m'inquiéter de ce soi-disant miracle!

Quand Deku et lui sont ressortis de la petite grotte de recueillement de Toshinori, ce dernier s'est extasié comme le niais qu'il est sur leurs liens fabuleux qui, selon lui, auraient été créés par les Déesses Elles-mêmes. Il s'est persuadé en deux minutes chrono que le peu de magie contenu dans les fragments du ciel et de la terre les ont aidées à concevoir les sang-mêlés...

Pourquoi eux et pas deux autres gars moins manches? Peu importe, visiblement.

« Détends-toi, je t'en prie. » me souffle alors Ochaco en me filant un coup de coude dans les côtes.

« Depuis quand t'es si violente, toi? » gémis-je en frottant le point d'impact.

« Depuis que tu as décidé de te comporter comme un immense crétin des forêts. »

« Mais laisse ces pauvres sangliers tranquilles, merde! »

Furieuse, elle tente de me frapper à nouveau. Je l'esquive puis m'empare de ses mains, que je sens trembloter dans les miennes. Ses iris noisette brillent d'une ferveur que je lui ai rarement vue, tandis que ses joues se colorent progressivement. Elle aussi croit que les ascendances de Deku et du glaçon tiennent de la volonté divine...

Autour de nous circulent nos camarades, vêtus comme le veut la tradition de vêtements sombres. Chacun s'installe progressivement sur les longs bancs placés face à l'autel central, déjà garni d'offrandes – magiques ou non – à la Reine des Profondeurs. Les chuchotements, les soupirs et les frôlements des tissus parviennent à apaiser un court instant mes pulsions violentes, qui parcourent mes veines depuis notre départ des quartiers de Toshinori. C'est un mélange efficace et rassurant qui m'empêche au dernier instant de péter un scandale.

Les flammes qui composent en grande partie mes pouvoirs font souvent fluctuer mon humeur – or, à cause des nouvelles recrues, elles se montrent plus fougueuses qu'à l'accoutumée.

« Vous vous laissez embobiner beaucoup trop facilement. » soufflé-je en caressant les doigts de mon amie.

« Et toi, tu refuses de croire en l'évidence. » rétorque-t-elle sans pour autant se dégager. « Tu es tellement traumatisé par ce qui s'est passé que tu en deviens stupidement borné... »

« Ne parle pas de lui comme s'il n'était plus qu'un banal souvenir! »

Le feu de ma colère me brûle instantanément. Comment peut-elle parler de lui d'une façon si détachée? Ne ressent-elle donc plus cette douleur affreuse qui ébouillante pourtant chacun de mes nerfs dès qu'on le mentionne?

« Je suis désolée. » s'excuse-t-elle de suite, un air catastrophé altérant son beau visage. « J'ai été maladroite. Tu sais que je l'aime autant que toi. »

C'est à mon tour de perdre le contrôle de mes membres : je me mets à frissonner, ses derniers instants encore beaucoup trop nets dans ma mémoire.

« Katsuki... Tu ne penses pas que, si Shoto était du même camp que le meurtrier d'Eijiro, Deku l'aurait perçu? »

Elle affiche une expression si pure, si sincère, que je serais presque tenté de baisser ma garde.

« Tu le connais, il est incapable de discerner le mal chez une personne. » marmonné-je. « Il aurait le chef de la brigade Endeavor sous les yeux qu'il serait encore foutu de lui dire bonjour. »

« Ne parlons pas de lui ce soir, s'il te plaît. On va assister à quelque chose de beaucoup trop beau pour que ce soit gâché par le nom de ce monstre... D'accord? »

Comme si je pouvais lui refuser quoi que ce soit! Si je m'écoutais, j'irais lui décrocher chaque minuscule étoile du ciel, pile sous le nez d'Ève.

Je me contente d'acquiescer, soucieux malgré moi de la laisser profiter de ce moment qu'elle semble avoir attendu toute sa vie. Elle qui, comme moi, est née dans ces souterrains, ne désire rien de plus que d'assister aux retrouvailles des deux sœurs...

Et moi, alors? Pourquoi je n'arrive pas à partager ces vœux?

Quand ma foi est-elle passée de brasier ardent à braises mourantes?


˚*•̩̩͙✩•̩̩͙*˚ PDVMomo Yaoyorozu d'Albâtre ˚*•̩̩͙✩•̩̩͙*˚


J'ai l'impression de rêver.

Là, à mes côtés, sont réunis nos ennemis de toujours, assis bien sagement devant un autel dépourvu de tout sacrifice humain ou animal, décoré de fleurs séchées et de lueurs apaisantes qui virevoltent lentement.

Cette modeste chapelle est noyée d'une lumière magique agréable qui m'enveloppe avec une bienveillance terrifiante. Elle donne presque vie aux illustrations finement réalisées sur les vitraux, me présentant ainsi une vérité à laquelle je ne m'étais encore jamais confrontée – tellement éloignée de la nôtre que j'en crierais presque au sacrilège. Leurs couleurs sont comme des coups de poignard répétés, une souffrance mentale que je ne peux ignorer et qui appelle mes larmes.

Qu'est-ce qui m'arrive? Serais-je devenue une traîtresse en à peine quelques pas?

« Momo? »

Je bondis de ma place, surprise par le grand individu au visage à moitié masqué qui me surplombe. D'une envergure incroyable, doté d'une chevelure blanche et d'ailes d'une teinte chair intrigante, il m'observe sans me juger et s'assied, attendant patiemment une réponse.

« Tu n'es pas la seule à avoir réagi de la sorte, si ça peut te rassurer. » continue-t-il d'un ton réconfortant. « En fait, tous les d'Albâtre sincères qui t'ont précédée se sont retrouvés dans un état similaire. »

Je reconnais ses yeux d'un noir de jais, plus profonds encore que les miens, qui ne renvoient rien d'autre qu'une bonté authentique.

Qu'Ève me vienne en aide...

Où est la cruauté sans cesse clamée par le Clergé, par nos collègues? Où sont les jarres débordantes d'un sang prêt à être versé sur l'âme défaillante de Lilith?

Où est la peur sourde que j'ai pourtant éprouvée lors de chacune de nos précédentes missions?

« J'ai conscience que ta position n'est pas facile. » reprend mon voisin tout en accordant son attention au blond maigrichon en soutane qui rejoint l'autel. « Mais crois-moi, après cette Messe, tout deviendra plus clair. »

Non.

Je crois en Ève plus qu'en quiconque. Elle est ma guide dans le noir païen, ma raison d'avancer dans ce monde divisé, une partie intégrante de mon être qui m'accompagne depuis ma naissance... Je refuse de mettre Sa parole en doute. Si je suis là, c'est pour Elle.

Ils ne m'auront pas.

« T-tu es l'un des Assistants, c'est bien ça? » murmuré-je, poings serrés pour m'empêcher de hurler.

Dès que mon meilleur ami a été emmené avec le garçon aux cheveux verts, je me suis évidemment lancée à sa recherche. Personne n'a su me renseigner quant à leur destination – ou n'a voulu, plutôt. J'en serais morte d'inquiétude si mon interlocuteur actuel n'était pas venu m'informer. Il m'a trouvée en panique près de l'entrée des souterrains, incapable d'aligner deux mots cohérents. En y repensant, j'ai tellement honte...

Il faut dire que je ne m'attendais pas à un tel événement! J'ai d'abord cru à une malédiction, mais mes réflexions m'ont vite amenée à cette fameuse potion médicinale que Shoto se doit d'avaler une fois par semaine... Et s'il avait oublié de la prendre avant notre arrivée ici? Et si son état de santé s'était soudainement aggravé à cause du manque pendant la nuit?

Puis je me suis ressaisie : les symptômes des deux "malades" étaient identiques.

« Je n'en sais pas beaucoup plus que toi, mais je peux au moins te dire qu'il va bien et qu'il se repose. Il sera présent à la Messe de ce soir, nous le retrouverons là-bas. D'accord? »

Les mots de mon nouveau compagnon m'ont apaisée, étonnamment. S'il s'agissait d'une question de pouvoirs, Shoto aurait forcément eu l'avantage, de toute façon... En tant que d'Albâtre protégé par la Mère Céleste, il gagnerait à coup sûr face à un serviteur d'Ébène!

« Oui. Je m'appelle Mezo Shoji. » me confirme alors mon accompagnant.

Je ne peux voir ses lèvres sous le tissu de son masque, mais je devine un sourire dans ses paroles. Je le trouve assez touchant, et c'est suffisant pour me provoquer une nouvelle montée de panique – que je maîtrise, cette fois.

Je suis une soldate de la Légion, capable de décrypter les émotions humaines avec la précision surnaturelle des Yaoyorozu. Je n'ai pas le droit de laisser les miennes dévaster mon esprit. Je suis une soldate au service d'Ève, j'ai le contrôle, j'ai le contrôle...

« Soyez les bienvenus, mes amis. »

D'un coup, le silence se fait dans la salle. Derrière l'autel, le squelette ambulant de tout à l'heure nous renvoie une vague de joie que je ne peux que ressentir avec une intensité proche de l'insupportable. Est-ce seulement humain d'exposer ses ressentis avec une telle puissance? Une capacité potentielle due à la magie de la Reine, peut-être?

« Nous voilà réunis pour une nouvelle Messe Noire. » poursuit-il en ouvrant les bras pour englober tous ceux présents. « Ce soir, mes amis, elle ne sera pas comme les autres... Elle sera même la plus importante de toutes. »

Des murmures étonnés se répandent à travers la pièce. Ce mot d'accueil sème le trouble...

Je commence enfin à comprendre que l'absence de Shoto est précisément ce qui rend ce moment si spécial.

« Aujourd'hui, les sœurs divines nous ont accordé le plus grand des honneurs. » reprend le Grand Prêtre – qui d'autre? – sans se départir de l'immense sourire qui creuse davantage ses joues anguleuses. « Elles ont en effet guidé un jeune homme jusqu'à nous... »

Shoto!

« Il est le parfait alter ego de notre cher Izuku. »

Le brouhaha se profile. C'est forcément notre visiteur de ce matin...

« Il est aussi un sang-mêlé. »

Ma vision change et se brouille.

Quoi?

Je redoute la suite comme la pire des calamités.

« Ils sont la représentation physique des fragments du ciel et de la terre. Il est donc plus qu'envisageable que... le troisième accepte de se lier à eux. »

Dès lors, seul être apte à dissiper la brume, je le vois. Il se fraye un chemin dans le bruit, les mouvements brusques et les prières – m'a repérée aussi, puisqu'il m'adresse un de ses rares sourires. Que suis-je censée comprendre?

À son côté se tient le fameux Izuku. Je peine à déterminer ses traits, mais suis au moins certaine d'une chose : il n'a d'yeux que pour Shoto. Il ne les pose sur personne d'autre, à aucun moment. Je ressens jusque dans mes os la dévotion entière et sincère qui émane de lui, teintée d'un soulagement qui me donnerait presque envie de pleurer.

C'est comme si j'assistais à la destruction de sa solitude et, malgré toutes mes craintes et mes interrogations, je ne peux que trouver cet événement magnifique.


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