𝔓𝔯𝔢𝔪𝔦𝔢̀𝔯𝔢 𝔐𝔢𝔰𝔰𝔢 : Magie impure

C'est la première fois que je m'intéresse sérieusement au ship TodoDeku!

Je vais faire de mon mieux pour créer un univers à la hauteur. ❤️


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« L'absolution n'existe pas, Shoto. »

Tandis que je remue doucement ma potion, les mots de mon père résonnent dans mon crâne. J'ai beau les avoir entendus et détestés des centaines de fois, je crois que je n'arriverai jamais à m'en défaire.

« Ils ne méritent pas notre pitié. »

La couleur de ma mixture, oscillant entre vert et bleu, me semble correcte. Je mets de côté la lourde cuillère en cuivre et étain qui m'a aidé à obtenir ce résultat, et entreprends de nettoyer mon plan de travail – un réflexe méthodique que je tiens de ma mère.

« Cette mission est une chance inespérée. Momo et toi allez accomplir la volonté d'Ève... Je suis si fier de toi. »

Une odeur que je ne connais que trop bien s'est répandue dans la cuisine, portée par les fines volutes de l'ébullition. La peinture pourpre des murs en est presque affadie. C'est assez satisfaisant de voir les goûts douteux de mon paternel gâchés par la recette que je me dois d'exécuter chaque mois.

« Dès qu'ils auront rejoint leur chère Lilith dans l'abîme, tu ne seras plus obligé de te cacher. »

Je ricane malgré moi en éteignant la gazinière puis m'empare de mon chaudron afin de le poser sur l'ilôt central. Comme si ces mensonges constants étaient de ma volonté... C'est toujours un plaisir de l'entendre débiter de telles inepties.

« Fais-le pour ta mère, d'accord? Elle mérite que tu réussisses cette infiltration sans aucune fausse note. »

Étonnant comme il parvient systématiquement à se servir de maman pour justifier ses pires décisions. Mais, même si je suis lucide quant à cette hypocrisie, je suis beaucoup trop attaché à elle pour risquer de le décevoir d'une façon ou d'une autre. Je n'ai jamais eu le choix. Il sait sur quelles ficelles tirer pour me forcer à faire ce qu'il veut.

Les fins récipients sélectionnés pour mes doses hebdomadaires patientent non loin, immaculés. La lumière jaune ternie par l'abat-jour se reflète sur leurs courbes, m'appelant presque. Le simple fait de devoir les remplir m'épuise mentalement.

Néanmoins, je m'y attelle et effectue la manœuvre à l'aide d'une petite louche et d'un entonnoir. Le liquide épais glisse à l'intérieur avec une lenteur dégoûtante, que ne parvient pas à contrebalancer sa texture homogène et parfaitement lisse. Mon savoir-faire et ma maîtrise ne m'aident pas à apprécier cette vision – surtout quand je songe aux moments où cette horreur va dévaler mon gosier. Ce n'est pas une question de goût, ni même de composition ou de teinte... Non, c'est l'effet occasionné qui me débecte.

Ma tâche terminée, je m'empresse de reboucher les fioles avec soin et de les ranger dans la boîte que je prévois d'emporter. C'est presque un soulagement d'en fermer le couvercle, de ne plus les voir. Je me tourne ensuite vers l'évier et y conduis mes ustensiles, déterminé à effacer toute trace du méfait accompli. Les corvées de ce genre ne m'ont jamais incommodé, au contraire : j'aime avoir les mains occupées et le cerveau en veille.

Alors que j'essuie la vaisselle avec un torchon, je sens une vibration dans la poche de mon jean. Avant de m'en soucier, je m'assure de l'état de la pièce et, satisfait de sa propreté, me dirige vers le salon. Absorbé par mon téléphone, je m'efforce comme à l'accoutumée de ne pas regarder la décoration excessive choisie par mon paternel – quand je repense à celle, douce et chaleureuse, de maman, ce gâchis m'emplit à chaque fois d'une colère froide que je n'ai pas le droit de laisser s'exprimer. Qui sait ce qu'il serait capable de faire si j'osais me rebeller?

La notification que j'ai sous les yeux me rassure : y lire le prénom de ma meilleure amie me sort un peu de l'esprit les événements éprouvants qui s'annoncent.

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Un rictus timide étire mes lèvres quand je verrouille mon smartphone et le lance dans le canapé. Je suis vraiment heureux que cette peste richissime fasse partie de ma vie.

« Shoto? »

La voix grave et puissante qui me parvient étouffe aussitôt ma bonne humeur.

Il est rentré.

« Je suis là. » répondis-je platement.

« J'ai à te parler. » déclare-t-il en me rejoignant.

Masse de muscles écrasante, Enji Todoroki est encore plus monstrueux quand il revêt son uniforme de chef de brigade. Sa crinière écarlate, sa paire d'yeux saphir et la cicatrice qui ravage le côté gauche de son visage certifient à ceux qui ne le connaissent pas qu'il est bien le sorcier d'Albâtre redoutable par excellence.

« Je t'écoute. » lâché-je sans le saluer.

Il soupire en remarquant mon manque évident d'implication, mais me fait la faveur de ne pas s'y attarder. Il a abandonné il y a peu le projet de me soumettre complètement.

C'est pour maman que je refuse de céder. J'obéirai à ses ordres, je le suivrai dans ses plans délirants, mais jamais je ne lui vouerai le moindre respect.

Qu'il commence par la délivrer, on verra après.

« Nous avons eu la confirmation que nous attendions. » m'explique-t-il alors. « Le Clergé valide notre initiative et nous autorise à employer tous les moyens nécessaires pour détruire ces raclures de l'intérieur. »

Ma respiration se bloque un court instant dans ma trachée. Je devrais y être habitué, pourtant.

« Parfait. » opiné-je simplement sans ciller.

Enfoiré.

« C'est ce que nous espérions. » poursuit-il. « Les gars de la brigade sont ravis, tu t'en doutes. Nous comptons sur vous deux pour... »

« Pour accomplir la volonté d'Ève, je sais. » le coupé-je, incapable de supporter une énième fois son foutu discours.

« J'ai conscience que c'est dur pour toi. »

Il s'approche de quelques pas, restant tout de même à une distance raisonnable. À cause de lui, les contacts physiques quels qu'ils soient provoquent dans l'entièreté de mon métabolisme une réaction de rejet impossible à réprimer. Il sait que, s'il ose ne serait-ce que m'effleurer, j'exploserai littéralement.

« Mais rappelle-toi : dès que cette dernière planque sera anéantie et le fragment sauvé, Rei pourra nous rejoindre. Dès que le lien avec la Reine des Profondeurs sera coupé, elle redeviendra normale. C'est pour elle que nous faisons ça. »

« Je sais. » répété-je.

J'appréhende la suite, cruellement inévitable.

« Shoto... Tu vas guérir, je te le promets. » m'assène-t-il d'un sourire. « Tu n'auras plus besoin d'ingurgiter cette potion. »

C'est maintenant.

« Tu seras libéré de ta monstruosité. »

J'inspire un grand coup. Si seulement je pouvais lui faire regretter ses actes en affranchissant cette part de moi qu'il déteste tant... Je n'ai jamais pu l'utiliser, n'en ayant pas gagné l'autorisation, mais suis néanmoins persuadé qu'elle me rendrait enfin apte à lui enfoncer ses insultes jusque dans l'estomac.

Quand il a découvert l'ascendance de ma mère, il est devenu complètement fou. Sorcière d'Ébène, sœur de sang de nos ennemis jurés, elle a réussi pendant des années à lui cacher ce pan de son passé à grand renfort de sortilèges complexes et de potions de son cru. Elle l'aimait sincèrement, mais connaissait déjà trop bien sa haine farouche de ses semblables : elle a donc renié son héritage pour lui. Elle a fermé les yeux sur ses crimes, sur sa gestion barbare de sa brigade d'élite. Pour ça, elle a même trompé les radars de la Légion Blanche, mettant en avant sa silhouette d'une pâleur d'ivoire – idéale pour en amadouer les représentants les plus dangereux.

Puis mes magies se sont révélées.

Mon géniteur a de suite compris quand elles se sont affrontées dans mon organisme de gamin de douze ans, provoquant une tempête de sorts chaotique... ainsi que l'évolution irréversible de mon apparence. Maman n'a pas eu l'occasion de se défendre : il l'a envoyée en prison dans l'heure, l'y a bloquée avec des chaînes neutralisant ses pouvoirs. Il m'a interdit de la voir, de lui écrire, de penser à elle.

Il s'est mis à détester mes particularités, l'ambivalence de mes traits.

Nous vivons dans un monde où les différences sont synonymes de parjure. Mes cheveux bicolores, rouge paternel à gauche et blanc maternel à droite, lui ont dès lors remémoré la souillure de mes gènes. Le pire étant, selon lui, mes iris vairons, l'un bleu et l'autre gris, répétant inlassablement ce schéma insupportable. Tout en moi lui rappelle la trahison de son épouse.

« Shoto... » m'interpelle-t-il à nouveau, visiblement agacé par mon absence de réaction. « Ève te protégera pendant l'infiltration et t'accueillera à ton retour, comme toujours. Tout redeviendra comme avant si tu crois en Elle et Lui reste fidèle. »

J'acquiesce et récupère en silence mon téléphone. Je passe devant lui sans un dernier regard et vais m'enfermer dans ma chambre, dégoûté par ses paroles. La tentation de me jeter dans mon lit à une place et d'enfouir ma tête dans l'oreiller jusqu'au lendemain est forte, mais je décide plutôt d'ouvrir la fenêtre afin de me rafraîchir. La vue sur la forêt qui borde le manoir, plongée dans l'encre à cette heure, m'aide à prendre le recul dont j'ai besoin.

La Mère Céleste m'observe-t-Elle d'où Elle est? Elle qui est censée porter la tendresse en Son sein nous soutient-Elle réellement dans ce projet?

Ève est la sœur aînée de Lilith. D'une beauté incomparable, dotée d'une magie plus pure que le diamant, Elle Lui a offert le monde par amour. Cependant, gagnée par l'avidité, Lilith a vite eu besoin de plus et entreprit donc de Lui voler Ses pouvoirs : ce fut la première tentative d'assassinat. En guise de punition, Ève fendit le sol en deux et y propulsa Sa cadette. Incapable de tuer, Elle L'y a laissée depuis.

Deux religions ont émergé suite à cette crise majeure : d'un côté, les sorciers d'Albâtre, et de l'autre, ceux d'Ébène. En hommage à l'ingénuité de leur Mère, les premiers choisirent la blancheur de la roche ; les seconds, dans le but de célébrer la force de caractère de leur souveraine, préférèrent la noirceur et la solidité du bois de l'ébénier.

Aujourd'hui encore, nous sommes engagés dans ce conflit ancestral qui me paraît interminable. En tant qu'ensorceleur du camp des gentils, je ne devrais pas ressentir une telle impression. Au contraire, je devrais être ravi de servir la cause de la Déesse.

Mais, honnêtement, j'ai des choses bien plus importantes à gérer qu'une bête dispute fraternelle.

Les d'Ébène sont presque finis, de toute façon. Il n'en reste plus qu'une poignée, selon les informations de la Légion Blanche, l'armée créée pour défendre l'honneur d'Ève. La plupart ont d'ailleurs été réduits en charpie par la brigade Endeavor, dirigée par mon père. Officiellement, j'en fais partie en tant que membre des forces tranquilles – espion reconnu pour sa discrétion et son stoïcisme.

Officieusement, je ne suis qu'un imposteur, un autre Shoto Todoroki... Né d'une union sacrilège entre un d'Albâtre et une d'Ébène, honte absolue soigneusement dissimulée.

Si bien que personne ne connaît la cicatrice cramoisie, pourtant similaire à celle de mon géniteur, qui marque mon visage depuis la confrontation de mes magies. Personne ne sait qu'il m'impose la transfiguration, l'effacement des couleurs de ma mère, au moyen d'une potion de métamorphose.

Demain, pour la première fois en plus de huit ans, je vais laisser ce personnage derrière moi.

Demain, lorsque j'intégrerai l'ultime groupuscule de la Reine des Profondeurs, je serai aussi opalin que Rei Himura d'Ébène.


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