𝔑𝔢𝔲𝔳𝔦𝔢̀𝔪𝔢 𝔐𝔢𝔰𝔰𝔢 : Magie suspecte
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˚*•̩̩͙✩•̩̩͙*˚ PDV : Izuku Midoriya d'Ébène ˚*•̩̩͙✩•̩̩͙*˚
Il a quitté le dortoir il y a plus de trente minutes pour aller nous chercher à manger, mais je n'entends toujours pas le bruit de ses pas dans le couloir menant à ma chambre.
Est-ce que m'inquiéter est approprié? Qu'est-ce qui me prend d'imaginer le pire dès que je le perds de vue? Le simple fait qu'il s'éloigne de moi suscite des sueurs froides le long de ma colonne vertébrale – comme si c'était l'ultime fois. Je n'ai pas encore réellement pensé à toutes les réactions étranges qu'il déclenche depuis notre rencontre, mais je sais au moins qu'elles ne sont pas normales. On s'est connus dimanche dernier, par Lilith!
Je lâche un soupir exaspéré. Si je m'écoutais, je serais déjà en route vers les salles d'entraînement dédiées aux Protecteurs et à leurs disciples, juste pour chouiner mon incompréhension dans les bras de Kacchan... Quel Assistant prometteur je fais!
Mes pensées sont trop en pagaille pour que je reste tranquillement assis sur mon lit. Je le quitte donc et rejoins mon bureau en bois clair situé à l'opposé, calé contre un angle. Le fouillis qui le jonche ne me rebute pas : je le pousse sans ménagement à même le sol en n'en conservant qu'une feuille presque vierge et un stylo mâchouillé en fin de vie, avant de m'installer sur la chaise assortie qui m'a soutenu sans céder au fil des années.
Voilà. Je suis en position. Prêt à extirper le foutoir monumental tapi dans ce coin difficilement accessible de ma tête.
J'adore écrire. Pour tout : étudier les textes religieux, imaginer des prières à la Déesse, rédiger les lettres dictées par Toshinori... Et pour m'épancher. Même si Kacchan est mon grand frère de cœur pour lequel je donnerais mon âme sans aucune hésitation, je dois admettre que je ne peux pas tout lui dire. Il y a des choses dont je n'ai jamais parlé à personne – pas par appréhension, mais parce que je suis inapte à les exprimer à voix haute.
Je fais tourner machinalement mon crayon entre mes doigts. Je regarde les lueurs vert pastel du plafond se refléter sur le plastique, hypnotisé. C'est un acte si banal que je serais capable de gribouiller sans réfléchir à la construction de ma phrase. J'écris comme je pense – et ce n'est pas qu'une question de style.
Il m'a trouvé. Je n'arrive pas à extirper ces mots de mon crâne.
L'environnement paisible et un chouïa enfantin que représente ma pièce me permet de me perdre dans les fines lignes noires. La pointe glisse tant bien que mal sur le papier légèrement chiffonné, formant de petites bosses sous mes doigts.
Je n'ai jamais cessé d'espérer. On m'a souvent dit que j'étais unique en mon genre, mais il m'a prouvé que non. Et c'est merveilleux. Il s'est placé devant moi et s'est accroupi, sans hésiter. Je suis sûr d'avoir aperçu un soulagement similaire au mien dans ses yeux gris! Je le connaissais déjà trop pour que ce soit une erreur. Je l'ai vu comme il m'a vu.
Pourquoi ai-je soudain envie de pleurer?
Je me suis rapidement rendu compte que j'étais piégé. Je ne sais pas s'il l'a fait intentionnellement, mais il a volé une partie de moi lors de cette première rencontre. Le plafond creusé de la grotte se serait abattu sur nous que je n'aurais pas ressenti le quart de l'impact terrifiant du moment.
Il n'y a certes rien de honteux à laisser ses émotions s'exprimer au travers des larmes, mais j'aimerais tellement être plus fort que ça!
Pourtant, je l'ai attendu toute ma vie, non? Alors, d'où sortent ces craintes qui m'empêchent d'accéder à la sérénité que je pensais atteindre grâce à lui?
Je n'ai pas envie de mettre ça au clair, mais... Je n'ai pas le choix.
Il me cache quelque chose. Je le sais, je le ressens. C'est plus fort que moi-même.
Une première goutte salée vient s'écraser sur les lettres précédentes.
Il n'est pas celui qu'il prétend être. Son identité est erronée. Il est plutôt doué pour la camoufler, mais notre lien terrasse ses mensonges.
Je peine à discerner ce que j'écris... Mais je dois terminer!
Je vais l'aimer. C'est déjà en train de se passer. Mais il faut absolument que je découvre qui il est... Dans tous les cas, je suis perdu. Je ferai en sorte que personne d'autre que moi n'ait à souffrir, d'accord? Ça se passera peut-être bien... J'espère vraiment.
... Dans quoi je m'embarque?
Je n'attends pas et lâche le stylo dans le vide, ma magie prête à agir. L'argentée désigne la puissance de l'esprit.
Mes tracés s'effacent progressivement du papier. Ils se rejoignent en une petite sphère grise et brillante, dans laquelle je discerne nettement mon écriture. C'est assez satisfaisant de la regarder s'agiter de la sorte en rebondissant sur les parois – ce que je n'ai pas le temps ni l'envie de faire aujourd'hui.
Une fois l'aspiration terminée, je recueille mes pensées dans le creux de ma main et, sans attendre davantage, prononce le nom complet de Toshinori Yagi. Elles résonnent certainement déjà dans sa tête, récitées par ma voix mentale.
C'est le sort sinistre utilisé par ma mère peu avant l'exécution de mon père par la Légion Blanche. Elle m'a avoué lui avoir transmis tout son amour... et demandé de se servir de sa magie violette pour le jour où elle le retrouverait.
Laisse la porte de ton étoile ouverte pour moi.
˚*•̩̩͙✩•̩̩͙*˚ PDV : Shoto Todoroki d'Albâtre ˚*•̩̩͙✩•̩̩͙*˚
« Tu es complètement fou. »
Le regard paniqué de Momo en dit long sur la sincérité de sa réaction. J'ai l'impression de lui avoir confié mon envie de rejoindre le noyau terrestre en maillot de bain – ce qui, évidemment, resterait bien moins sérieux que mes dernières paroles.
Parce que je ne plaisantais pas.
« Peut-être un peu? » tenté-je.
Mauvaise manœuvre : l'ambiance est trop tendue.
« Bon, d'accord. J'arrête. » dis-je en levant les mains en signe de paix. « C'est pas le moment de faire des blagues. »
« Non, en effet. »
Son expression se durcit. Si elle continue, elle va se retrouver avec un genre de monosourcil.
« Écoute, je suis pas fier. OK? Je sais juste pas comment t'aider à avaler le morceau. »
« Oh, et du coup, tu choisis d'activer ton mode connard. Intéressant. »
« Donc t'as pas appris à gérer ton côté drama queen ces derniers jours. Je note. »
« T'es un enfoiré, Shoto. »
« C'est de famille, je te dis. »
Visiblement, ce sont les mots de trop : elle fond en larmes en une seconde.
« Momo, je suis désolé! » paniqué-je. « Je voulais vraiment pas te faire culpabiliser ou quoi que ce soit! Je t'assure que c'était encore de l'humour bidon! »
Elle ne m'écoute plus.
Je n'ose plus bouger.
Je me déteste pour ce que je viens de faire. Être le responsable de la douleur de ma meilleure amie est l'un des pires rôles que j'ai eu à jouer dans ma carrière de soldat.
Et si je me mentais? Et si je m'étais monté la tête tout seul quant à la réaction de mon père? L'aurait-il vraiment appris si j'avais osé me confier? Aurait-il eu assez de haine en lui pour s'en prendre à la fille unique des Yaoyorozu?
Oui. Bien sûr que oui.
Putain.
Il a enfermé maman.
Je sais.
Il lui a fait du mal.
Je sais.
Et il te fait du mal.
Je sais!
« Je t'aime, Momo. »
Je ne suis pas du genre à pleurer, mais là, j'en ai une telle envie que je pourrais en hurler.
Pourquoi je n'arrive pas à exprimer distinctement ce que je ressens?
« Tu es l'une des rares personnes qui me sont essentielles. Tu le sais, hein? »
Ses iris onyx semblent enfin me remarquer. Je suis anéanti de la voir dans cet état.
« Mais, écoute-moi bien : même si j'avais imaginé que mes décisions te rendraient si mal par la suite, je les aurais prises malgré tout. »
Elle renifle et sanglote. J'ai envie de tout brûler.
« Ta sécurité m'est infiniment plus précieuse que mon honnêteté. »
Ses mains tremblantes essaient de contenir le flot, mais celui-ci n'en finit pas de déborder. Je ne supporte pas d'en être à l'origine.
« Je veux juste que tu sois heureuse. Je souhaite le meilleur pour toi et, s'il faut que je sorte de ta vie pour préserver la tienne, alors... »
Une douce chaleur émane de ma poitrine. Je la mets sous le coup de l'émotion et l'ignore. Il y a tellement plus important qu'une bête anomalie organique!
« Je le ferai. »
Elle esquisse un geste dans ma direction. Sa voix se bloque à de multiples reprises dans sa gorge – elle qui aime tant me brailler dessus! C'est un foutu scandale qu'une femme aussi merveilleuse qu'elle soit triste.
« Sh-Shoto... » souffle-t-elle avec difficulté. « N-ne pars pas... »
Je m'empare sans hésiter de ses doigts et les entremêle aux miens. Elle a un léger sursaut, que je comprends totalement : c'est la première fois que je l'autorise à me toucher.
La chaleur monte d'un cran et commence à devenir dérangeante.
« J'ai besoin de toi. » poursuit-elle d'un timbre oscillant entre détermination et tiraillement. « T-tu es un sale con, m-mais je t'aime aussi. »
Un sourire stupide s'installe d'office sur mon visage. Je ne cherche absolument pas à le cacher, trop heureux d'entendre une telle déclaration. Pour autant, je n'ajoute rien et l'invite tacitement à se livrer si elle le désire.
« J'ai été bouleversée lors de la Messe Noire... » reprend-elle en serrant ma main de plus en plus fort. « Mais je serais hypocrite d'affirmer que tu es le seul responsable. »
Ce point brûlant dans ma poitrine ne fait que s'étendre. Je suis littéralement en train de cuire de l'intérieur...
Quoi?
« J'ai peur... Tellement peur. Parce que j'ai senti la présence de Lilith comme je sens la tienne quand tu es derrière moi. Elle était là, Shoto! Juste en dessous... Et je n'arrive pas à intégrer ça! »
Je suis mon propre bûcher, c'est ça?
« On m'a appris tant de choses fabuleuses sur Ève, sur Sa gentillesse, Sa douceur... Mais pourquoi laisse-t-Elle Sa sœur mourir sous la terre? Si Elle est la toute-puissance incarnée, pourquoi fait-Elle ça? »
Qu'est-ce que je peux faire pour concilier cette putain de flamme intérieure et mon rôle de meilleur ami? Je veux être là pour elle!
« Elle souffre tellement... Les d'Ébène ne peuvent pas mentir. C'est impossible. Je te jure sur ma vie n'avoir jamais ressenti une douleur comparable... »
Souffrance? Douleur?
« Je la porte depuis ce jour-là. Je ne sais pas gérer un amas d'émotions pareil, personne ne m'a appris! Et je ne sais pas non plus quoi faire pour que ça s'arrête... »
J'ouvre la bouche sans savoir quoi dire mais, avant que mon cerveau n'ait le temps de lui transmettre des paroles censées :
« Je t'en prie... Ne souffre plus. »
Et le feu accumulé, d'un vert vif, se jette sur ces quelques syllabes, s'enroule autour... et fonce droit sur Momo. Le tout se passe si vite qu'aucun de nous deux n'a la possibilité de réagir.
Tandis que je reprends peu à peu conscience de mon environnement, jusque-là en partie occulté par cette sensation intense, j'entends une personne à l'entrée de la salle demander aux autres de sortir. Je ne lui accorde pas mon attention, trop préoccupé par la santé de ma camarade. Elle paraît sonnée, mais pas plus mal en point.
« Shoto? »
« Est-ce que vous avez vu ça? » murmuré-je.
« Je suis arrivé au meilleur moment. »
« Q-qu'est-ce que je lui ai fait? »
« Tu l'as soignée. »
Hein?
Perturbé, je me tourne vers l'individu qui se tient derrière moi sans lâcher ma brune.
Il est vêtu des mêmes fringues ordinaires que lors de notre dernière conversation. Pas de soutane, donc pas d'apparition publique prévue... Il a quitté sa chambre dans l'unique but de me trouver.
Et je comprends.
« La magie verte. » m'apprend-il platement.
J'aurais dû me douter qu'il ne serait pas dupe bien longtemps – il a touché mon âme et mon cœur, après tout. Il sait que je n'ai pas été honnête avec lui.
Je vais devoir réparer ce tort-là aussi. Parce que c'est lui. Et je n'ai vraiment pas envie que notre chemin commun soit ravagé maintenant alors que nous nous sommes enfin trouvés.
Mais est-ce qu'il voudra encore de moi quand il apprendra que je suis le fils du tortionnaire numéro un de ce siècle?
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