𝔇𝔬𝔲𝔷𝔦𝔢̀𝔪𝔢 𝔐𝔢𝔰𝔰𝔢 : Magie magnanime
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˚*•̩̩͙✩•̩̩͙*˚ PDV : Shoto Todoroki d'Albâtre ˚*•̩̩͙✩•̩̩͙*˚
La chapelle d'Ébène est pleine à craquer. Pour une raison que j'ignore, tous les membres de la communauté ont souhaité assister à mon petit discours – même ceux qui, d'habitude, ne sont pas particulièrement fervents.
Bon nombre d'entre eux ne connaissent pas encore mon nom d'emprunt, mais ils sauront tous le véritable à la fin de la cérémonie.
« Soyez les bienvenus, mes amis. »
La voix profonde du Grand Prêtre imprègne l'assemblée d'une ambiance solennelle que je déteste d'emblée – déjà que ce n'est pas facile! J'ai limite l'impression d'être sur le point d'annoncer l'apocalypse...
Et s'ils se liguaient contre moi? Je sais d'avance que je n'aurai aucune chance contre un nombre si conséquent de sorciers. Je ne connais même pas ma seconde magie!
« Nous voilà réunis pour une nouvelle Messe Noire. » poursuit Toshinori. « Ce soir, mes amis, je vous demande d'accorder toute votre attention au jeune homme qui se tient devant vous. Il a fait preuve d'un grand courage en nous révélant sa vérité, et j'ose espérer que vous accepterez de l'écouter à votre tour. »
Plus j'y pense, et plus je m'imagine aisément au fond du caveau. Pourquoi fallait-il que j'hérite de cette fichue magie verte? Outre le fait que son fonctionnement m'est toujours inconnu, je doute d'être apte à me défendre en envoyant de stupides flammes de guérison sur une foule en colère...
Momo, qui a tenu à m'accompagner, se presse doucement contre mon bras. Malgré l'épaisseur de mon pull malmené par les récents événements, je ressens sa chaleur telle une preuve rassurante que, non, je ne suis pas seul. Je ne l'ai jamais été.
Et je regrette de ne pas m'en être rendu compte plus tôt.
« Qu'est-il arrivé à ton visage, gamin? »
Je sursaute et remarque Kai Chisaki au premier rang, installé négligemment sur l'un des bancs. Ses iris ambrés sont quasi inexistants, mangés par ses pupilles d'un noir intense. C'est comme si je plongeais dans le regard perçant d'un félin.
Je ne pense pas me tromper en affirmant qu'il ne me veut pas que du bien.
« Justement... Ça fait partie du spectacle. » annoncé-je.
J'inspire, j'expire. Je n'autorise pas mon corps à trembler. Je n'ai pas le droit de flancher, pas alors qu'Izuku s'est endormi d'épuisement dans les quartiers de son mentor. J'entends encore ses sanglots, ses hoquets, ses murmures désespérés – c'est trop, tellement trop.
« S'il vous plaît, ne m'interrompez pas. Je vous jure que je serai honnête et que je ne vous cacherai rien. »
Et je parle.
Je parle plus que je ne l'ai jamais fait, sans tergiverser, droit au but. Le plus dur est de ne pas baisser la tête face à ces regards inquisiteurs et, pour la plupart, de plus en plus accusateurs. Comment ne pas les comprendre? Je ne suis pas n'importe quel d'Albâtre, après tout.
Les mots n'en finissent plus de couler, au point que je n'ai même plus besoin d'y réfléchir. C'est déjà la troisième fois que je me confie sur mon ascendance et mon passé, sur mes aptitudes militaires et notre projet initial. C'est sinistre, mais ça en devient plus facile.
« La mission imaginée par mon père et le Clergé était de détruire définitivement ces souterrains... Bien sûr, après avoir volé le troisième fragment. » terminé-je enfin.
« Un des textes sacrés qui circulent chez nous mentionne le fait que vos pouvoirs ne sont dus qu'à une sombre machination de Lilith. » intervient alors ma meilleure amie. « Il suffirait donc de restituer la relique à Ève afin de mettre un terme aux dernières générations d'Ébène... Mais nous nous doutons maintenant qu'il ne s'agit que d'un prétexte pour camoufler et justifier les manœuvres violentes de la Légion. »
Qu'est-ce que j'aime cette femme, par les Déesses! Elle n'a pas hésité à prendre le relais pour me laisser un peu de répit. Encore une ligne à inscrire dans mon livre de reconnaissance éternelle...
Qu'elle ne consultera jamais, au nom de ma tranquillité mentale.
Un silence lourd de sens s'abat sur l'ensemble de la chapelle. Contrairement à la semaine précédente, l'arrangement de celle-ci a à peine eu le temps d'être peaufiné : l'autel est peu garni et les lueurs surnaturelles sont dispersées. Mezo, seul homme religieux encore en piste quelques heures plus tôt, n'a évidemment pas été en mesure d'accomplir des miracles sans l'aide de ses collègues.
J'ai presque envie de m'excuser auprès de lui pour ça.
« Je suppose qu'on peut au moins vous remercier pour votre sincérité... » intervient-il justement, brisant la glace épaisse qui commençait à se former.
Jusque-là camouflé derrière la table sacrée d'offrandes, il s'est avancé pas à pas pour nous dominer de l'envergure de ses ailes. J'ignore d'où cette caractéristique physique étonnante lui vient, mais je n'en suis pour autant pas particulièrement choqué : j'en ai en effet croisé des similaires dans le peu de lieux explorés depuis notre arrivée. Ces individus ont-ils été modifiés génétiquement par les anciennes expériences farfelues de leur Déesse? Au fond, je crois que la réponse m'importe peu. Ils n'en restent pas moins essentiels que tous les autres.
« Si notre Grand Prêtre m'y autorise, j'aimerais m'exprimer au nom de la communauté. » ajoute-t-il.
Je n'arrive pas à le quitter des yeux, même pour découvrir la réaction du blond filiforme – je peux néanmoins deviner son approbation, compte tenu du hochement de tête reconnaissant que lui adresse son Assistant.
« Shoto, Momo. » reprend Mezo.
Nous préférons le laisser poursuivre. Une énième intervention de notre part n'aurait aucun intérêt au vu de la situation tendue.
L'œillade d'un noir de jais de notre interlocuteur se veut inflexible quand il déclare :
« Seule la Reine des Profondeurs peut désormais vous juger. Bon nombre d'entre nous ont sans doute envie, voire besoin, de vous fustiger quant à vos erreurs. Mais, en tant que fidèle et humain... Je suis conscient de mon incompétence et de ma faiblesse d'esprit. »
Quand ai-je cessé de respirer?
« Martyrs, pouvez-vous avancer? Nous allons procéder à l'Oblation. »
Sans attendre, les trois concernés quittent leurs places et rejoignent l'espace délimité par les tapis noirs défraîchis. L'Assistant s'est déjà dirigé vers la pochette de velours soigneusement posée à l'écart et qui, je le sais maintenant, contient le précieux athamé utilisé pendant le rite sanglant.
« Himiko, Tenko et Kai. » proclame Toshinori en arrière-plan, fidèle au poste. « Nous vous remercions infiniment pour le don que vous faites à notre Reine. Grâce à vous, Elle sera en mesure de nous accompagner quelques jours de plus. »
« Oh putain. » chuchote Momo en attrapant ma main.
« Ça va aller. On sait ce qu'il en est, maintenant. »
Elle serre fort, parcourue de frissons. En mon for intérieur, le même conflit a lieu : convictions initiales et nouvelles connaissances refusent de s'accorder. Il faut sûrement que je m'habitue à cette sensation, en tant que sang-mêlé.
Les bruits sont assourdis par notre stress commun. Je souhaite sincèrement que le mien n'ajoute pas une charge psychologique trop lourde à mon amie.
« Tu ne t'en es jamais aperçu? Ce que tu ressens émane littéralement de toi. »
Le sang coule dans le calice en argent. L'histoire de Lilith est racontée par Son Grand Prêtre au fil des gouttes qui rejoignent leurs compagnes, rythmée par le son humide si caractéristique du liquide. Ma vision ne parvient pas à se fixer correctement sur les gestes de Mezo. Tout m'apparaît dédoublé, teinté d'un rouge qui me fascine autant qu'il me rebute.
J'assiste aux prémices de mon propre procès.
Et j'ai terriblement peur de perdre.
« Elle va nous accepter, hein? » essaie de se rassurer ma brune en tremblant encore davantage.
« Je ne sais pas. » avoué-je franchement. « La décision Lui revient. On peut juste espérer que mon statut entrera en ligne de compte... »
Quand l'ultime plic retentit, ma tête semble sur le point d'exploser.
Quand Toshinori s'empare du vase, mes poumons refusent de traiter la moindre inspiration supplémentaire.
« Nous Te rendons hommage, Reine. Puisse le don de Himiko, Tenko et Kai combler Tes besoins. »
Quand l'hémoglobine se déverse sur le sol, je me mords la lèvre tellement fort que je sens le goût de la mienne imprégner ma langue.
« Nous gardons la foi et T'offrons notre amour. Nous attendons impatiemment le jour de Ton retour. »
Et quand Lilith recueille le cadeau de Ses enfants, je ferme les yeux.
S'il te plaît, aime-moi.
Je n'ai jamais cessé de le faire, Shoto.
Mes paupières se rouvrent d'elles-mêmes. Suis-je le seul à avoir entendu cette voix féminine à l'écho tendre?
Vous êtes Mon fils et Ma fille, peu importe l'identité de vos parents.
Momo fond en larmes, sans prévenir et sans retenue. Dans l'assistance, des cris de pure piété résonnent et se rejoignent à travers la salle.
De mon côté, je suis complètement paralysé. Je suis en train de devenir fou, je n'ai aucune autre explication. Pourquoi la Déesse prendrait-Elle la peine de parler à des traîtres? Des espions à la solde de la Légion, du Clergé... de mon père?
Les torts sont partagés. Une guerre ne peut être menée par un simple groupe, et ce serait une erreur que de les poser sur vos seules épaules.
« Et les conséquences de nos agissements? Le nombre de d'Ébène qui sont morts à cause de nous? Ça Vous est égal? »
Je crois discerner des protestations choquées mais ne parviens pas à m'arrêter. Qu'est-ce qui m'arrive?
« J'en ai marre de ces conneries, Vous m'entendez? » braillé-je en lâchant Momo.
Je suis balayé d'une tornade furieuse qui me force à m'exprimer d'une façon ne me ressemblant absolument pas. On essaie de me raisonner, de me faire taire – je repousse ces tentatives minables à grand renfort de coups mal placés. Je ne peux pas à la fois engueuler une divinité et me débarrasser de connards moralisateurs, merde!
« Vous faites tous comme si nous étions déjà pardonnés! Comme si nous n'avions aucun lien avec les massacres qui ont eu lieu ces dernières années! Je suis le putain de fils d'Enji Todoroki, bordel! Il vous faut quoi de plus? »
Moi aussi, je suis capable de jouer mon Katsuki et de balancer quinze insultes à la minute si j'en ai envie!
« Pourquoi vous ne me détestez pas? Vous ne voyez pas à quel point je suis mauvais à l'intérieur? À quel point ma part d'Albâtre m'a bouffé? »
Je suis fatigué.
« Pourquoi je suis le seul ici à être conscient de ça? »
Je suis tellement fatigué.
« Détestez-moi comme il me déteste! Comme je me déteste! »
Je voudrais que maman soit là.
« Je vous en prie, arrêtez de prétendre que je suis digne de votre clémence! »
Mon hurlement a le mérite de faire naître un long et terrible silence. Je m'aperçois alors des torrents salés qui dévalent mes joues, de la douleur croissante qui me creuse les paumes à mesure que mes ongles s'y enfoncent. Je viens de comprendre à quel point je me hais, et mon corps ne supporte apparemment pas cette idée.
Shoto.
Je gémis. Je ne veux pas L'écouter.
Quoi que tu penses, sache que Je n'ai jamais cessé de te considérer comme un de Mes fils.
« Arrêtez ça! »
Nos volontés, à Ève et Moi, se sont alliées malgré Nous et vous ont créés, Izuku et toi. Vous êtes Nos espoirs et ceux de tous les sorciers. Le fait que tu aies participé à certaines des pires batailles n'y change rien.
« S'il vous plaît... »
Te souviens-tu de ce que t'a appris Izuku? À propos des six magies?
« Q-quoi? »
Ton sang est ta force. Todoroki ou non.
« Les éléments vont avec la lumière, l'esprit avec les astres, la guérison avec le sang. »
Izuku maîtrise l'argentée et la violette, les deux complémentaires.
Mais alors, si j'ai hérité de la verte, ça veut dire que...
« L-la rouge? »
Je l'ai conçue malgré Moi comme la plus puissante de toutes. Tu en auras besoin pour renverser l'ordre établi et créer la paix à laquelle ce monde aspire. Izuku sera ton allié le plus précieux...
Je n'ai plus de mots.
... Si. Juste un.
Tu es une belle personne. Sers-toi de ces fautes passées pour avancer et mener tes amis à une nouvelle ère. Je vous aime, et Je crois que Ma sœur n'en pense pas moins. Elle est Mon alter ego également, tu sais?
« I-Izuku... »
Retrouve-le. Il a besoin de toi autant que tu as besoin de lui.
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