𝔗𝔯𝔢𝔦𝔷𝔦𝔢̀𝔪𝔢 𝔐𝔢𝔰𝔰𝔢 : Magie douce

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˚*•̩̩͙✩•̩̩͙*˚ PDV : Izuku Midoriya d'Ébène ˚*•̩̩͙✩•̩̩͙*˚


D'aussi loin que je me souvienne, je crois n'avoir jamais aperçu le ciel de l'extérieur. La seule surface tangible qui s'est toujours tenue au-dessus de ma tête est l'argile de nos précieux souterrains.

Oh, bien sûr, j'ai déjà parcouru les astres grâce au don reçu de Lilith et de mes ancêtres! Mais, pour autant, je ne connais pas l'émotion qu'on ressent en contemplant la course des nuages au travers d'un climat capricieux.

À quoi ressemble la société du dehors? Pourquoi n'ai-je jamais eu l'opportunité de m'y promener et d'en découvrir les secrets? Est-ce juste que j'en sois privé simplement parce que je ne suis pas un sorcier au sang pur? Parce que la bête perspective de fouler l'herbe et de sentir le vent sur ma peau pourrait me coûter la vie?

Plus j'y songe, et moins j'ai envie de passer le reste de mon existence bien caché sous terre. Et qu'on ne vienne pas me dire qu'il s'agit là de pensées sacrilèges! Je sais pertinemment que Lilith ne m'en tiendrait pas rigueur – Sa bonté et Sa compréhension du genre humain nous protègent d'une éventuelle sentence divine tout droit sortie d'un mauvais roman.

« Tu comptes faire la gueule encore longtemps? » m'apostrophe alors une voix que je reconnaîtrais n'importe où.

Kacchan. Évidemment.

« Qu'est-ce que tu fabriques là? » m'enquis-je sans quitter des yeux les fleurs cultivées dans cette partie de notre maison.

Maman la décrit toujours comme une serre. Quand elle était adolescente et encore autorisée à vivre en paix dans le monde d'en haut, elle adorait soigner divers végétaux dans le jardin de ses parents. Grâce à sa magie argentée, elle était en effet en mesure de leur insuffler des mots tendres et de les encourager à croître, grandes et belles... C'est sans aucun doute l'un de ses souvenirs que je préfère écouter.

« J'ai peur que tu te fasses bouffer par les plantes carnivores de Shiozaki. » grogne mon meilleur ami en s'approchant bruyamment.

Ses lourdes bottes renforcées frappent le sol avec la délicatesse d'un char d'assaut.

« Elle s'appelle Ibara. » le corrigé-je.

Sorcière de la terre, cette femme est la ferveur incarnée. Je l'apprécie beaucoup, même si ses transes religieuses m'effraient parfois...

« Ouais, si tu veux. »

« C'est un fait, Kacchan. »

« Deku... »

« Quoi? »

Je tends la main vers une des roses blanches soigneusement entretenues par ma mère. Puisqu'elle ne dispose d'aucun pouvoir spécifique lui permettant de produire de la nourriture ou de réparer certaines surfaces, elle gravite sans cesse entre éducation et floriculture. Sa patience lui confère les statuts de professeure et jardinière – ce qui rend connues les couleurs et la bonne humeur qu'elle offre quotidiennement aux autres.

« Reviens avec nous, OK? Tu manques au groupe. »

Les senteurs diverses dégagées par mes compagnes du jour me feraient presque tourner la tête, si le sérieux et la crainte sous-jacents dans la voix du blond explosif ne me tourmentaient pas autant. Même si je n'ai pas l'intention d'exaucer son souhait, je m'en veux de lui infliger de telles inquiétudes.

« J'ai besoin d'encore un peu de temps. » soufflé-je en caressant les tulipes joliment plantées le long du sentier aménagé qui zigzague entre les parterres.

« Je sais que c'est tentant au vu de ta situation, mais tu ne peux pas te cacher ici indéfiniment, mon chéri. »

Je m'arrête, sous le choc d'avoir entendu le timbre d'une des âmes que je chéris le plus. Est-ce Kacchan qui l'a invitée?

« M-maman? » chouiné-je en me tournant enfin vers eux.

Ils se tiennent en retrait, visiblement prêts à sortir si je le leur demande. Leurs sourcils sont froncés par l'anxiété, et je crois apercevoir quelques larmes troubler les iris émeraude qu'elle m'a transmis. J'ai d'emblée envie de courir vers elle et de la serrer fort dans mes bras – autant pour la consoler que pour m'apaiser, moi.

« Je sais que c'est dur, mon amour. » acquiesce-t-elle en osant esquisser un premier pas dans ma direction. « Mais, comme l'a si bien dit Katsuki, tu nous manques à tous... »

« V-vous me manquez aussi... »

« Je comprends totalement le fait que tu aies besoin d'être seul avec tes pensées. » poursuit-elle. « Cependant, cela fait déjà trois jours... Tu n'imagines pas combien il est malheureux depuis la dernière Messe. »

Je me tends d'un coup. Elle continue d'avancer sans y prêter la moindre attention – un genre de courage dû à son instinct maternel, sûrement?

« Je déteste devoir te le dire... Mais vous êtes beaucoup trop liés l'un à l'autre pour que tu lui imposes une telle distance. Il n'est pas n'importe qui, et je suis persuadée que tu en as conscience. »

Je veux un câlin.

« Les Déesses vous ont désignés, pas vrai? Leurs magies et Leurs espoirs coulent dans vos veines. »

Ochaco et Kacchan m'ont raconté sans trop de détails le déroulé de la cérémonie. Je n'ai pas osé leur avouer que les mots de Shoto et de Lilith ont résonné dans l'entièreté de mon crâne... La Reine des Profondeurs a agi à dessein, dans le but de me faire réagir positivement, comme à mon habitude.

Mais la souffrance de mon alter ego m'a fendu le cœur au point que j'en suis tombé dans les vapes. Je n'ai pas pu supporter l'idée qu'il se haïsse – pas alors que je l'aime déjà tant.

« Mon chéri... » répète maman en m'atteignant.

Dans son dos, je repère Kacchan qui s'éclipse discrètement. J'en profite pour ouvrir grand les bras, entre lesquels la femme de ma vie se blottit sans attendre. Elle m'enlace de son affection, et je frissonne de ses sanglots incontrôlés dus aux mille ressentis contradictoires qui la bousculent.

« Je t'aime, maman. » lui dis-je, ma vision embuée également. « Merci d'être venue. »

« Je serai toujours auprès de toi, Izuku. » répond-elle en levant sa bouille ronde afin de poser une paume sur ma joue. « Mais, je t'en prie : ne laisse pas cette passion-là t'échapper par peur de ne pouvoir la supporter. Accepte-la avec ses conséquences et ses révélations, d'accord? »

Une larme solitaire dévale son visage à peine marqué par les années. Elle est merveilleuse.

« Il est autant bourreau que victime... » murmuré-je.

« Comme nos Protecteurs. » approuve-t-elle. « Comme chacun d'entre nous. »

Je pose mon front contre le sien, étrangement rasséréné – le plus puissant des pouvoirs de maman.


Je n'ai pas bougé. Elle est sortie de la grotte.

Je tends l'oreille et entends ses pas et ceux de Kacchan s'éloigner. Mon palpitant s'emballe – il devine ce qui arrive.

Ils ne sont pas venus qu'à deux. C'est d'une telle évidence, maintenant! Ils me connaissent bien et ont déjà paré à toute tentative de fuite. Je suis bloqué ici...

Et je le ressens. Beaucoup trop fort.

Mes côtes vibrent à m'en déchirer le torse.

Mon sang circule à une telle vitesse que je crains de m'y noyer d'un instant à l'autre...

« Izuku? »

Je vais mourir de sa simple présence.

« Sh-Shoto. » soufflé-je, terrassé.

« Je peux partir. Tu n'as qu'à me le demander. »

La potion dont il nous a parlé a définitivement cessé de faire effet, révélant ainsi la brûlure immense que son père l'a forcé à cacher depuis ses douze ans. Ses yeux vairons, eux, n'ont pas tant changé : il s'en dégage toujours une force et une finesse que je crois n'avoir vues que chez lui. Et ses cheveux... Leur texture est identique.

Il est le même. Ses caractéristiques physiques me sont familières, quoi qu'on en dise.

Au final, ce n'était qu'une banale question de couleurs, pas vrai? Il est Shoto. Mon Shoto.

« Reste... S'il te plaît. »

Ma voix ne tremble plus. Malgré les réactions brouillonnes et anormales de mon organisme, mon cerveau, lui, parvient à garder le contrôle. Je sais ce que je veux, et je saurai m'expliquer si quelque chose ne me plaît pas.

Je n'ai plus le droit, ni l'envie, de fuir.

« Merci. » dit-il en amorçant un premier mouvement vers moi.

« Viens. » l'encouragé-je.

Ma volonté n'altère pas le tonnerre qui résonne dans mes tempes.

« Je suis désolé. »

« J'ai cru comprendre, oui. » le taquiné-je timidement. « Mais tu n'as pas à t'excuser encore. »

« Je t'ai menti. Pas longtemps, certes... Mais ça ne change rien. »

Le voilà. Il est juste à quelques centimètres, auréolé de chèvrefeuilles d'un rouge délicat. Cette teinte s'accorde parfaitement à la gauche de sa chevelure bicolore, sans pour autant s'y fondre. Il ne s'en rend peut-être pas compte, mais il est magnifique... Et je regrette tellement que son salopard de géniteur l'ait forcé à cacher ça.

« On ment tous. C'est presque une obligation en temps de guerre. » tenté-je de le rassurer. « Mais Lilith a raison : tu n'en demeures pas moins une belle personne. »

Ses yeux s'écarquillent.

« C-comment tu sais? Qui te l'a raconté? » s'alarme-t-il.

Craint-il que je lui rappelle sa panique, sa propre haine envers lui-même qui se sont déversées devant la communauté? Il n'y a pourtant aucune honte à en parler, bien au contraire!

« La Reine m'a transmis ce moment, disons. Et... ça m'a fait un mal de chien. »

« P-pourquoi? Tu n'as pas eu... peur? »

« De quoi? De ta souffrance? Du fait que tu te détestes au point de supplier les autres de le faire aussi? »

« Oh putain... »

La détresse le ronge à nouveau. Ses lèvres s'entrouvrent sans qu'aucune syllabe intelligible n'en sorte, d'emblée happée par l'ouragan qui semble le ravager autant que celui qui sévit dans mon propre corps.

Je décide de m'approcher encore. Le bout de mes doigts s'attarde sur des delphiniums, si hauts qu'ils atteignent mon bassin. Sûrement l'un des sorts d'Ibara, tiens...

« C'est à moi de faire mon mea culpa. » osé-je. « J'ai été le pire complice possible, et j'ai sincèrement honte en y repensant. »

« Tu rigoles? Comme si je pouvais t'en vouloir... »

Je suis si près que je peux détailler le grain de sa peau, le fin plissé de sa brûlure. Ses cils sont d'une longueur étonnante, et je me surprends à souhaiter les sentir chatouiller mes pommettes lors d'une étreinte.

« Tu as beau avoir été membre de la Légion Blanche et obéi aux ordres de tes supérieurs, je ne suis plus capable de te repousser et de balayer ce qui nous unit. » poursuis-je en jouant nerveusement avec la forme approximative de ma soutane froissée.

J'ai tant été bouleversé ces derniers temps que je n'ai pas fait attention à l'état de mes affaires. Mais est-ce que ça a une réelle incidence, là, de suite?

Non. On s'en fiche.

« Je regrette de t'avoir tout fait porter. Tu n'es pas le méchant de l'histoire, pas du tout. Tu as fait ce qui te paraissait le plus sûr pour ton entourage et toi-même. Et je ne peux pas te le reprocher, parce que je sais que j'aurais agi de la même manière. »

« Izuku, je... »

Je pose timidement deux phalanges sur sa bouche. Cette conversation n'a plus aucun sens compte tenu de ce qui progresse entre nous. Est-ce une intervention divine? Nos magies qui réagissent à nouveau afin de nous rapprocher?

Est-ce que cette évolution n'est pas trop précipitée, au final?

« J'ai terriblement envie de t'embrasser. » chuchoté-je faiblement. « C'est mal, pas vrai? »

Il repousse mon poignet avec un flegme mesuré. Quelques plaques rosées s'épanouissent sur ses joues et sa respiration s'accorde au rythme de plus en plus rapide de la mienne.

« Pourquoi ça le serait? » me questionne-t-il sur le même ton.

« On ne se connaît pas depuis assez longtemps... »

« Tu penses? »

« O-oui... »

« Pourtant, je t'ai attendu toute ma vie. »

Et ses lèvres se posent sur les miennes, à la fois trop lentes et trop vives.

C'est mon premier baiser.

Il est doux, chaud... et terriblement addictif.

Paupières closes, je ne réfléchis plus et passe une main derrière sa nuque fraîche, craignant d'être détaché de lui. Je ne peux pas, je ne veux pas le perdre. Il est ce moi pour lequel j'ai patienté sans relâche. Le meilleur de ce que je suis.

Et je l'aime.

Bon sang, que je l'aime.


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J'ai adoré écrire ce chapitre tout doux! 💕

Bon, par contre, je préfère prévenir :
ça va de nouveau être le bordel dans le prochain... 🫡

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