Chapitre 2 : messagers de lumière


Le réveil éclaboussait encore de ses rayons les yeux humides d'Aurélie. Elle ne savait pas pourquoi mais l'idée de ne pas intéresser Jimmy lui faisait beaucoup de peine. Ils ont peu discuté mais sa vue l'avait à chaque fois mise en émoi. Une impression de chaleur et de sécurité qu'elle ne se rappelait pas avoir ressentie auparavant.

Elle se leva, prit une douche bien chaude, se changea et mit sa tenue de tous les samedis matin : une combi à queue de lapin ainsi que les chaussons assortis. Le samedi matin est son moment détente... Un rituel cocooning auquel elle ne dérogeait jamais. Elle se changerait à midi avant d'aller à la galerie pour jouer les hôtesses.

À 4h30, elle ouvrit le dernier livre acheté chez le libraire, Pensées de Blaise Pascal. Elle notait tout ce qui l'intéressait pour ne pas oublier. Elle avait ainsi accumulé des boîtes de chaussures aux multiples couleurs pour classer ses notes. Elle les avait nommées pour mieux les retrouver : "Couleurs du ciel", "cœur brûlant' et "lectures" étaient ses boîtes préférées. Celle qu'elle n'aimait pas ouvrir était "Ombres". Pas moins de vingt boîtes décoraient ainsi son salon. Toutes ses notes y étaient méthodiquement classées. Elles étaient sa mémoire des dernières années.

Avait-elle pris des notes lorsque Jimmy l'avait invitée ? Elle encorna sa page et se leva précipitamment pour prendre son petit bloc-notes. Elle y lut : "Vendredi 12 juillet : invitation chez Jimmy pour bonjour"

« "Pour bonjour" qui aurait l'idée d'écrire une chose pareille ? » se demanda-t-elle.

Elle retourna, désabusée, à son livre s'en voulant d'avoir mal noté.

À 6:00 heures, après avoir relevé une dernière citation « je vois bien qu'il y a dans la nature un être nécessaire, éternel et infini » elle encorna une nouvelle page, relut ses notes et les mit de côté dans le carton étiqueté "philosophie et pensées en tout genre".

Comme tous les matins, et Dieu peut en témoigner, Aurélie prit un copieux petit déjeuner. Elle détestait les bruits de mastication des inconnus ou simplement de collègues durant la pause déjeuner. Elle ne mangeait donc que chez elle et devait tenir jusqu'au soir. Chaque samedi, c'était pain, fromage frais et pastèque. Un autre ingrédient ou changer les menus la plongeait dans l'angoisse.

Ensuite, elle consacrait trente minutes pile à préparer méthodiquement sa journée, lisant et relisant son agenda, scrutant les post-it semés dans son appartement.

Enfin, elle pouvait débuter son plus grand rituel du samedi matin : déplier son chevalet pour passer une heure dans l'intimité avec ses pinceaux qui lui révélaient tous ses sentiments. Ses œuvres représentaient généralement ses peurs : des ombres sur toiles blanches, des ténèbres grises, plus ou moins sombres, parfois noires mais toujours effrayantes.

Il était enfin 8:00 heures quand Aurélie contempla le message de ses pinceaux. Elle observa sa peinture, stupéfaite par ce qu'elle voyait. Une lumière qu'elle ne se rappelait pas avoir remarquée. Ici pas de gris. Pas de noir non plus. Que du blanc lumineux, un soleil éclatant sur un fond bleu ciel. Un halo de lumière tout en rondeur éclairait un visage angélique tout en sourire. Elle aima immédiatement ce qu'elle avait sous les yeux. Surnaturel et magnifique... on aurait dit un Apollon, la lumière d'un chérubin en plus...

On sonna à la porte. Aurélie étonnée...

« Un samedi si tôt, ça ne peut pas être Robin. Il sait qu'il ne doit pas me déranger le matin. »

Elle resta figée devant la toile. On sonna une deuxième fois.

« Ah oui, il faut ouvrir. »

Elle prit un torchon pour s'essuyer les mains et son visage barbouillés de peinture. Elle fixa à nouveau ce portrait qui la fascinait tant. Une troisième sonnerie retentit.

« Ouvrir... le faudrait-il vraiment ? »

Derrière la porte se trouvait l'ange du tableau, Jimmy. L'homme le plus beau qu'elle n'ait jamais rencontré. Elle resta béate devant lui et la blancheur qui l'habillait. De la pointe de ses mocassins au col de sa chemise, en passant par son bermuda et sa ceinture en cuir, tout était d'un blanc immaculé.

- Bonjour Aurélie. Je ne te dérange pas j'espère, dit-il de sa voix si suave qu'elle fit fondre notre amie.

Aurélie ne savait que répondre et resta plantée, le sourire bêta d'une groupie devant son idole.

- Je peux entrer ? la pria-t-il.
- Euh...
- Je tombe mal, j'imagine. Tu n'es peut-être pas seule ?
- Euh...
- Je voulais te remercier pour ton cadeau d'hier. J'aurais mille fois préféré le recevoir de tes propres mains.
- Je suis désolée... j'étais souffrante... Enfin, je crois... bégaya-t-elle un peu gênée.
- Je peux entrer ?
- Oui, pardon.

Aurélie s'écarta pour le laisser entrer. Elle ne comprenait pas cet effet qu'il exerçait sur elle. De son charme à sa voix, tout en lui l'attirait...

- Tu peins ? s'exclama-t-il en apercevant le chevalet. Tu peux me montrer ce que tu fais ?
- Euh...ben...non... enfin oui !

Elle n'eut pas le temps de comprendre ce qui se passait qu'elle se trouva immédiatement, timide et gênée, à côté de Jimmy qui détaillait le portrait.

- Mais c'est moi ! C'est très ressemblant... s'extasia-t-il avec cette voix si caressante qui le caractérisait.
- Euh... oui...
- Tu es douée. Je ne t'ai pas vue m'observer, fit-il remarquer en se tournant vers Aurélie pour mieux la comprendre. Son sourire illuminant ses yeux.
- Je n'ai besoin que d'un simple regard ! répliqua-t-elle avec assurance.

Jimmy fut surpris par la réaction affirmée d'Aurélie. Dans son élément elle n'était plus la même personne : ses angoisses s'envolaient, son regard pétillait de malice, elle resplendissait.

- Tu m'as peint avec un halo de lumière. C'est particulier.
- Je ne peins que ce que je vois. Habituellement, ce sont des ombres que je peins. Même chez les enfants les ombres sont grises. Pour toi, je n'ai pas vu de gris.
- Tu as vu la lumière. Je suis impressionné. Je ne te pensais pas aussi avancée.
- Pardon ? Je ne comprends pas.
- Excuse-moi. Je réfléchissais à voix haute.

Elle fixa, ébahie, son voisin. À ses côtés, elle se sentait exister et, apaisée, le flou qui entourait sa mémoire se dissipait peu à peu.

- Tu ne voudrais pas me montrer tes autres toiles ?
- Elles sont toutes à la galerie !
- Tu exposes. C'est génial !!! Tu arrives à en vivre ?

Elle prit quelques secondes pour réfléchir, consciente de ce qu'elle ne pouvait avouer.

- Je... Je vis plus grâce aux photos... balbutia-t-elle.
- Tu es photographe aussi...
- Non pas exactement. Je suis mannequin. Je pose aussi pour des cours d'art.
- Laisse-moi deviner. Nue.
- Tu es déçu ?

Honteuse, elle n'osait plus le regarder dans les yeux. Elle regardait ses chaussons à grandes oreilles et redoubla de honte d'être habillée ainsi : sa combi à tête de lapin la rendait ridicule devant la classe divine de cet homme.

- Tu es très belle. Je peux comprendre qu'on t'offre un job pareil mais tu vaux beaucoup plus.
- Je ne sais rien faire. Répondit-elle avec une faible voix en continuant à regarder le sol.
- Tu peins magnifiquement.
- Je ne dessine que des ombres. J'en ai pourtant peur. Mais toi tu es si différent. Lumineux. Avec toi...
- Oui ?

Jimmy l'encourageait à aller au fond de sa pensée. Il fallait qu'elle trouvât seule ses réponses. En regardant ce nouvel ami, rempli de bienveillance, son sourire réchauffa son cœur terrorisé, et brûlant de l'intérieur.

- Aurélie ?
- Je suis désolée.
- De quoi as-tu si peur ?
- De ne pas me rappeler demain notre conversation d'aujourd'hui. D'avoir peur de te regarder dans ton halo de lumière. De te détester parce que tu ne voudrais pas m'aimer... De ne pas être à la hauteur de ta perfection... Et d'être ridicule.
- Tu ne l'es pas. Loin de là.

Jimmy prit les mains d'Aurélie entre les siennes. Elle voudrait se blottir dans ses bras pour s'unir à lui. Suffoquant, une brûlure intérieure l'envahit.

- Tu es gentil de me dire tout ça mais je dois me préparer à aller travailler. Et je suis loin d'être prête.
- Tu dois y être pour quelle heure ?
- Treize heures.
- Il n'est même pas neuf heures. Si tu es d'accord, nous pourrions bruncher ensemble...
- En fait j'ai déjà mangé à six heures, le coupa-t-elle.
- Et à midi ?
- J'aurais oublié d'ici là, oublie-moi, c'est mieux pour toi.
- Même si je le voulais, jamais je ne t'oublierai !

Émue, Aurélie dévisagea son voisin à la recherche d'un signe contredisant sa déclaration. Elle n'en trouva pas. Une nouvelle sensation de chaleur, mélange de feu et de bien-être, emplit son cœur... Elle savait que c'était Lui mais ne savait pas pourquoi...

- À quelle heure pars-tu ? relança-t-il.
- À midi trente.
- Je reviendrai donc dans 2 heures avec de quoi faire à manger. Si tu le veux bien.

Aurélie acquiesça de la tête. Le sourire emplit chacune de ses cellules.
Jimmy l'embrassa tendrement sur la joue et partit en lâchant doucement ses mains, la laissant à ses rêveries...

*

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