Le lieu de nos secrets @lilicorn07
Thème => les 2 personnages se rencontrent
dans un lieu ( une bibliothèque, un
café, ou peut-être une salle inutilisée
depuis longtemps...). Ils sont très
différents dans le sens qu'aux yeux des
gens ils ont rien en commun et que du
coup ils ne s'entendront jamais. Mais
ils ont des passés douloureux et aller
dans ce lieu leur permet d'être un peu
en paix. Petit à petit leur relation se
développe
******************
Dans la lumière blafarde d’une salle de colle, où l’odeur de craie usée et de tables mal nettoyées semblait éternelle, Caleb poussa la porte avec nonchalance, ses baskets traînant sur le sol. Il avait l’habitude d’être là, sanctionné encore une fois pour une bagarre dans les couloirs ou une remarque insolente lancée à un prof. Rien de nouveau. Mais cette fois, il n’était pas seul.
Assise près de la fenêtre, Elena relevait timidement la tête. Elle était là pour une raison bien moins révoltante : un oubli, un carnet d’exercices qu’elle n’avait pas rendu à temps. Elle ne venait jamais dans ces endroits, elle évitait les regards, les ennuis, les gens comme lui. Mais ce jour-là, leurs mondes allaient s’entrechoquer.
Caleb la regarda d’un œil distrait, comme s’il l’avait vaguement croisée quelque part. Rien en elle ne retenait l’attention : son sweat trop large, ses cheveux tirés en arrière, sa manière de regarder par la fenêtre comme si elle rêvait d’être ailleurs. Pour lui, elle était invisible. Pour elle, il était tout ce qu’elle voulait éviter : bruyant, agité, imprévisible.
L’heure de colle s’étira dans un silence pesant, rythmé seulement par le grattement du stylo d’Elena et les soupirs las de Caleb. Mais alors qu’il s’ennuyait, son regard fut attiré par quelque chose sur le bureau d’Elena. Un objet. Un petit porte-clés usé, à la forme d’un ourson en bois, attaché à son trousseau. Il fronça les sourcils, une sensation étrange remontant en lui. Ce porte-clés… il le connaissait.
« C’est quoi ça ? » lâcha-t-il brusquement, brisant le silence.
Elena sursauta, n’ayant pas l’habitude qu’on lui adresse la parole. Elle suivit son regard et réalisa qu’il fixait son porte-clés. Ses doigts se crispèrent dessus.
« Rien… juste un vieux truc », murmura-t-elle en baissant les yeux.
Mais Caleb se redressa, ses souvenirs s’entrechoquant dans sa tête. Ce porte-clés, il l’avait fabriqué lui-même, il y a des années, dans un atelier scolaire. Il l’avait donné à une fille… une fille qui était tout pour lui à l’époque. Avant que tout parte en vrille. Avant la mort de sa mère, avant les foyers, avant qu’il devienne ce qu’il était aujourd’hui.
« Où t’as eu ça ? » insista-t-il, son ton plus sec.
Elena hésita. Elle sentait quelque chose dans sa voix, une urgence qu’elle ne comprenait pas.
« Tu… tu me l’avais donné », répondit-elle enfin, presque en chuchotant.
Caleb resta figé. Il plongea son regard dans le sien, et c’est là qu’il la reconnut enfin. Ses traits avaient changé, elle avait grandi, mais il y avait quelque chose dans ses yeux, dans cette manière discrète de se tenir, qui lui rappela la petite fille qu’il connaissait autrefois. Elena, sa meilleure amie, son pilier dans un monde déjà bancal.
« Elena… » murmura-t-il, comme si prononcer son nom réveillait tout un pan de sa vie qu’il avait enfoui.
Elle hocha la tête, le regard embué d’une émotion qu’elle ne comprenait pas encore. « Oui… c’est moi. »
Les mots restèrent suspendus entre eux, comme un fil tendu entre leur passé et leur présent. Tout avait changé. Lui, devenu ce garçon rebelle et incompris, qui traînait sa douleur comme une armure. Elle, devenue une ombre discrète, effacée dans la masse, fuyant l’attention.
La sonnerie les libéra de ce moment étrange, mais ils ne bougèrent pas. Ce fut Caleb qui brisa à nouveau le silence :
« On devrait… parler. Enfin, si tu veux. »
Elle acquiesça doucement. « D’accord. »
Les jours suivants, ils commencèrent à se retrouver, toujours dans cette salle de colle, même quand ils n’y étaient pas assignés. Ils parlaient de tout et de rien, mais surtout de ce qu’ils n’avaient jamais dit à personne. Caleb lui raconta sa colère, son père absent, sa mère qu’il avait perdue trop tôt. Elena lui confia ses propres douleurs, son sentiment d’invisibilité, ses rêves abandonnés.
Petit à petit, un lien se recréa. Ce n’était plus comme avant, c’était plus fort, plus fragile à la fois. Avec elle, Caleb pouvait baisser sa garde. Il n’avait pas besoin d’être le dur à cuire, il pouvait juste être lui. Avec lui, Elena se sentait vue, reconnue, importante.
Un jour, alors qu’ils étaient assis sur un muret, à l’écart du lycée, Caleb observa longuement le porte-clés qu’elle tenait toujours précieusement. « T’aurais pu le jeter, tu sais », dit-il avec un sourire en coin.
Elle secoua la tête, son regard brillant. « Jamais. C’était tout ce qu’il me restait de toi. »
Il sentit son cœur se serrer, mais d’une façon douce, presque apaisante. Il posa sa main sur la sienne, hésitant. « Merci de m’avoir gardé… même si j’étais pas là. »
Ils restèrent là, silencieux, mais ce silence n’avait rien de pesant. Il était chargé de tout ce qu’ils ressentaient, de tout ce qu’ils ne savaient pas encore mettre en mots.
C’était le début de quelque chose. Une amitié retrouvée, un amour naissant. Un lieu où leurs secrets pouvaient enfin respirer. Et pour la première fois depuis longtemps, ils se sentirent un peu plus légers.
Le train s’arrêta dans un grincement métallique, et Caleb descendit lentement, ses baskets usées foulant le quai froid et humide. Il n’avait jamais été nerveux, ou du moins, il s’était convaincu qu’il ne l’était pas. Mais là, chaque pas semblait peser une tonne. Ses mains restaient fourrées dans les poches de son blouson, mais ce n’était pas à cause du froid. C’était pour cacher ce léger tremblement qu’il ne comprenait pas.
Il la vit immédiatement. Elle se tenait là, à quelques mètres, ses bras croisés comme pour se protéger du vent glacial, une mèche de cheveux se collant à son visage. Ses yeux cherchaient dans la foule, et quand ils se posèrent sur lui, il sentit quelque chose se briser en lui. Elle sourit, un sourire doux, presque hésitant, mais ses yeux brillaient d’une lumière qu’il ne voyait nulle part ailleurs.
Il s’avança, son rythme lent, presque calculé, alors qu’elle restait immobile. Ce n’était pas la première fois qu’ils se voyaient depuis qu’il avait déménagé, mais cette fois était différente. Ce n’était pas une visite volée, pas un moment arraché à leurs emplois du temps. Cette fois, il était là pour de bon.
Quand il arriva devant elle, il s’arrêta à quelques centimètres, juste assez proche pour sentir son parfum léger, un mélange de livres anciens et de quelque chose de floral qu’il ne savait pas nommer. Il ouvrit la bouche pour parler, mais aucun mot ne vint. Il la regarda, vraiment regarda, et il se demanda comment il avait pu passer autant de temps sans elle.
Elle finit par briser le silence, sa voix tremblant légèrement. « T’es vraiment là. »
Il hocha la tête, incapable de répondre autrement. Ses yeux glissèrent sur elle, captant les petits détails : la façon dont ses doigts jouaient avec l’ourlet de son pull, son souffle léger formant de la buée dans l’air froid.
« Ouais, je suis là », murmura-t-il finalement, sa voix rauque, presque cassée.
Elle hocha la tête à son tour, comme si elle avait besoin de se convaincre. « C’est… bizarre. Je veux dire, t’es venu tellement de fois, mais là… ça a l’air… »
« Différent », termina-t-il pour elle.
Elle releva les yeux vers lui, et il sentit une tension presque palpable entre eux. Pas une tension gênante, non, c’était autre chose. Une sorte de courant silencieux, un murmure qui semblait dire tout ce qu’ils n’osaient pas formuler.
Il tendit la main, presque sans réfléchir, et effleura une mèche de cheveux tombée sur son front. Ce fut un geste lent, hésitant, mais elle ne bougea pas. Elle le laissa faire, ses yeux fixés sur lui. Quand ses doigts frôlèrent sa peau, il sentit une chaleur inattendue, comme si le froid de l’hiver avait cessé d’exister.
« Tu me crois maintenant ? » demanda-t-il doucement, son regard plongeant dans le sien.
Elle haussa légèrement les épaules, un sourire à peine perceptible sur ses lèvres. « Je crois que oui. Mais tu sais, je vais avoir besoin de preuves. »
Il ne put s’empêcher de sourire, un sourire qui n’avait rien de moqueur cette fois. « Des preuves, hein ? »
« Hum-hum », répondit-elle en hochant la tête. « Parce que j’ai du mal à croire que toi, Caleb, le gars qui se défile tout le temps, puisse vraiment vouloir… rester. »
Son ton était léger, mais il percevait quelque chose de plus profond derrière ses mots. Une peur, une vulnérabilité qu’elle tentait de masquer.
« Elena », murmura-t-il en avançant d’un pas, réduisant encore l’espace entre eux. Il sentait son souffle, léger et irrégulier. « Je suis là parce que je veux être là. Je suis fatigué de courir. Fatigué de fuir. Avec toi, c’est… c’est différent. »
Elle baissa les yeux, mais il posa doucement deux doigts sous son menton pour l’obliger à le regarder. Elle leva enfin son regard vers lui, et il sentit son cœur s’emballer.
« Avec toi, je peux respirer », continua-t-il, sa voix plus grave. « J’ai l’impression d’être… quelqu’un de bien. Pas ce que les autres voient. Pas ce que je pensais être. »
Elle resta silencieuse, mais ses yeux parlaient pour elle. Ils brillaient d’une intensité qui lui serra la gorge.
« T’es sûre de ça ? » murmura-t-elle finalement.
Il ne répondit pas tout de suite. Au lieu de ça, il glissa sa main jusqu’à la sienne, effleurant ses doigts du bout des siens avant de les entrelacer doucement. Sa peau était froide, mais ce contact lui donna une étrange sensation de chaleur.
« Plus sûr que je ne l’ai jamais été de ma vie », dit-il enfin.
Elle serra doucement sa main, et il sentit quelque chose céder entre eux, un barrage invisible qui les avait retenus jusqu’ici. Ils restèrent là, immobiles, à se regarder, à se tenir la main, comme si le monde autour d’eux avait cessé d’exister.
Et puis elle fit un pas en avant, réduisant la distance qu’il n’avait pas osé franchir. Elle posa sa tête contre son torse, et il sentit son souffle chaud à travers les couches de vêtements. Son cœur battait si fort qu’il était sûr qu’elle pouvait l’entendre.
Il referma ses bras autour d’elle, hésitant d’abord, puis plus fermement. Ce n’était pas grand-chose, juste une étreinte dans le froid, mais pour lui, c’était tout.
« Tu sais quoi ? » murmura-t-elle contre lui.
« Quoi ? »
Elle leva les yeux, un sourire timide sur ses lèvres. « Je crois que moi aussi, je peux respirer quand t’es là. »
Cette phrase resta gravée en lui, comme un écho qu’il garderait à jamais. Parce qu’en cet instant, il comprit que pour la première fois, il avait trouvé sa place. Et cette place, c’était avec elle.
Le soir tombait, et ils marchaient côte à côte, leurs pas résonnant doucement sur le trottoir humide. Caleb n’avait pas lâché sa main depuis qu’ils avaient quitté la gare, et elle non plus. C’était comme si ce simple geste, ce lien si fragile mais pourtant si fort, était tout ce dont ils avaient besoin.
Ils arrivèrent devant son immeuble, un bâtiment modeste qui lui ressemblait : discret, mais accueillant. Elle tourna la clé dans la porte d’entrée et l’invita à monter. Ce n’était pas la première fois qu’il venait ici, mais cette fois, c’était différent. Cette fois, il n’avait pas à partir dans quelques heures.
La petite pièce où elle vivait était presque inchangée : une bibliothèque débordant de livres, des photos épinglées au mur, et ce plaid doux qu’elle avait toujours sur son canapé. Caleb s’assit sans un mot, et elle s’installa près de lui, ses jambes repliées sous elle. Ils étaient si proches que leurs épaules se frôlaient.
Le silence s’étira, mais il n’était pas gênant. C’était un de ces silences où les mots ne sont pas nécessaires, où le simple fait d’être ensemble suffit. Pourtant, Caleb sentait que quelque chose devait être dit, quelque chose qui lui brûlait les lèvres depuis des mois.
« Tu sais », commença-t-il, sa voix hésitante, « y a des fois où je me demande comment t’as fait pour pas m’abandonner. »
Elle tourna la tête vers lui, surprise. « Pourquoi j’aurais fait ça ? »
Il haussa les épaules, fixant ses mains jointes. « Parce que je t’ai pas facilité la tâche. J’ai été un con, souvent. J’ai disparu, j’ai fait n’importe quoi… Et toi, t’étais toujours là. Même quand j’étais à des kilomètres, même quand je faisais des conneries. »
Elle posa doucement sa main sur son bras, et il releva les yeux vers elle. « Caleb… t’as jamais eu besoin d’être parfait. Pas avec moi. J’ai toujours vu autre chose en toi. Quelque chose de vrai. »
Il la fixa, ses mots résonnant en lui comme une vérité qu’il n’avait jamais osé accepter. « Et si je te dis que c’est toi qui m’as changé ? Que sans toi, j’aurais jamais cru qu’un futur était possible ? »
Elle sourit, mais ce n’était pas un sourire léger. C’était un sourire chargé d’émotion, de cette compréhension silencieuse qu’elle avait toujours eue pour lui.
« Alors, c’est parfait », dit-elle doucement. « Parce que toi, t’as changé ma vie aussi. Tu m’as appris à sortir de l’ombre, à croire que je pouvais être plus que ce que les autres voyaient. Avec toi, je me sens… vivante. »
Il n’y avait plus rien à dire. Tout était là, dans leurs regards, dans la façon dont leurs mains s’effleuraient, dans ce courant silencieux qui les liait. Caleb se pencha lentement, ses mouvements hésitants, comme s’il avait peur de briser ce moment. Et quand leurs lèvres se rencontrèrent, ce fut doux, presque timide, mais chargé de tout ce qu’ils avaient traversé, de tout ce qu’ils n’avaient jamais dit.
Ils restèrent ainsi, enlacés, comme si le reste du monde n’existait plus. Pour Caleb, c’était plus qu’un simple baiser. C’était un ancrage, une promesse silencieuse que, cette fois, il n’y aurait plus de départs, plus de fuites.
Les jours qui suivirent furent simples, mais remplis de ces petites choses qui faisaient leur histoire. Ils apprirent à vivre ensemble, à s’adapter l’un à l’autre. Elena l’encourageait à reprendre ses études, à croire en lui, tandis qu’il l’aidait à se libérer de ses peurs, à voir sa propre valeur.
Il trouvait du travail, elle avançait dans ses projets, et ensemble, ils construisaient ce qu’il n’avait jamais cru possible : une vie où il se sentait enfin chez lui.
Un soir, alors qu’ils étaient allongés sur le canapé, ses bras autour d’elle, Caleb murmura, presque pour lui-même : « Je pensais pas que je méritais ça. Mais avec toi… j’ai l’impression que tout est possible. »
Elle tourna la tête vers lui, ses yeux brillants dans la lumière tamisée. « Tu mérites tout ça, Caleb. Et plus encore. Parce que tu m’as appris qu’on peut toujours se relever, peu importe combien de fois on tombe. »
Il sourit, un sourire sincère, et serra un peu plus fort ses bras autour d’elle.
Ils n’étaient pas parfaits, ni l’un ni l’autre. Mais ensemble, ils étaient tout ce dont ils avaient besoin. Et pour Caleb, c’était tout ce qu’il avait toujours cherché.
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