Chapitre 17
Cela fait maintenant 2 semaines que je suis deux entraînements par jour. C'est assez éprouvant, comme l'avait prédit Harry, mais je ne lui dis pas. Sinon je sais qu'il va vouloir que je baisse le rythme, et je n'en ai pas envie. Et je fais des progrès à une vitesse folle.
Je sors du réfectoire et part chercher un livre dans ma chambre. C'est mon nouveau rituel, je prends un livre, trouve un endroit où m'installer et y passe l'après-midi. Je finis souvent par choisir la petite salle commune. Il y fait plus chaud, et on y trouve toutes sortes de livres. Du théâtre à la dystopie, en passant par la poésie, les romances, les drames... On y trouve de tout, et je crois que c'est une des raisons pour lesquelles je l'aime tellement. Elle est aussi peu fréquentée et calme, ce qui me plait particulièrement. Et cette salle est très différente du reste des souterrains... Elle est pleine de couleurs chaudes, aux antipodes de la pierre que l'on voit partout. Elle est cosy, chaude, elle sent le neuf et le vieux en même temps. Très différent de l'odeur constante de terre humide et de pierre. Elle est pleine de tapis, de canapés et fauteuils confortables, quelques tables par-ci par-là. Et ces plaids, chauds et doux disséminés un peu partout. Tous ces critères font de cette petite salle ma préférée de tout le repère.
En y allant, je découvre un étroit couloir, qui passe presque inaperçue. Il est plutôt bien dissimulé, dans un renfoncement de la roche, ce qui explique que je ne l'avais pas vu jusqu'à maintenant. Par curiosité, je décide de l'emprunter pour voir où il mène. Il y a à peine la place pour une personne. Mes épaules raclent les murs de part et d'autre de moi, tout le long de mon avancée.
J'arrive dans une salle pleine de monde et d'écrans. Il y a pas mal d'agitation. Des ordres fusent, les voix se mélangent. Je ne comprends pas tout de suite où je suis. Je m'en rends compte une fois que je vois des images de l'extérieur et des sorties du repère, ainsi que tous les claviers et les tablettes pleines de boutons dont j'ignore l'utilité.
Je suis dans la salle de contrôle. Je n'ai jamais su où elle se trouvait. Et maintenant, je me sens comme un intru.
Au début, personne ne me remarque. Je reste plantée là, juste devant le couloir, à observer la salle et les gens. Un jeune garçon, d'environ 14 ans, passe devant moi sans me voir et s'arrête brusquement. Il se tourne vers moi et me dévisage un instant. Il ouvre la bouche pour parler.
- Qu'est-ce que tu fais ici? il me demande. Tu cherche quelqu'un?
- Je... Non enfin je suis arrivée ici par hasard et... Enfin tu vois...
Je balbutie en voyant un des écrans. C'est impossible. Je ne comprends rien.
Il s'apprête à répliquer mais une main se plaque sur son épaule, et une voix que je connais bien intervient.
- C'est bon Matthew, je m'en occupe.
Le jeune Matthew regarde Harry et hoche la tête en repartant vaquer à ses occupations. Je lève la tête vers Harry et j'allais lui offrir un sourire reconnaissant quand j'ai vu l'air sévère sur son visage. Il m'a pris le bras et m'a poussée dans le couloir, me suivant de près. Je n'ai trop rien osé dire sur le moment. Une fois ressortis de l'étroit couloir, il m'a traînée à travers les souterrains, prenant un chemin que je ne connais pas. Je me débat comme je peux, essayant de me libérer de sa poigne, n'arrivant qu'à me faire mal, et lui faisant resserrer sa prise sur mon bras. Je me plains, lui demande de me lâcher, sans succès. Il finit par me pousser dans une pièce inconnue et non éclairée. Harry referme la porte et allume la lumière. Je découvre une petite chambre, cependant un peu plus grande que la mienne. Il y a un seul lit double, sur ma droite, avec une table de nuit de chaque côté. Il y a de vieux draps, le lit est défait. Une grosse commode se trouve sur ma gauche. Un bureau est dans le coin juste sur ma gauche. Ça sent l'encens et le caramel, même si une légère odeur de pierre persiste. C'est en voyant les photos un peu partout que je comprends. Je suis dans la chambre d'Harry.
Je me tourne vers lui, m'apprête à parler puis me rétracte en voyant son expression. Neutre. Horriblement neutre. Inexpressive. J'essaie de pénétrer ses pensées, en vain. Je me rabat donc sur ses émotions. Il est en colère. Et pas qu'un peu. Mais pas que. Je ressens autre chose, qu'il enseveli sous cette colère. De la frustration. Une pointe de douleur.
Je vois son masque neutre se fissurer légèrement lorsqu'il prend la parole. Sa voix vibre de colère, même s'il s'efforce de parler posément.
- Je veux que tu me dise ce que tu faisais là-bas.
- Je... Ce n'était pas volontaire...
- Ah oui? Tu pense vraiment que je vais te croire? Tu passe tout ton temps dans ces couloirs, et aujourd'hui tu te retrouve "par hasard" dans la salle de contrôle. Une salle assez bien dissimulée pour passer inaperçue, et tu pense vraiment que je vais croire que c'était un accident?
Je le fixe, ne comprenant pas sa colère. Je n'ai rien vu, je n'ai rien fait. Et pourtant il m'en veut, il pense... Quoi? Il a l'air de penser que je l'ai fait exprès, que je n'ai fait que la chercher depuis mon arrivée. Mais je n'ai rien fait. Je suis tombée dessus par hasard. Je n'ai jamais chercher à la découvrir. Et pourtant c'est ce qu'il croit.
- Harry, calme toi, tu n'y est pas du tout. Je suis tombée dessus par hasard, en me rendant à la salle commune. Jusqu'à aujourd'hui je suis toujours passée devant sans le voir. Mais là je ne sais pas, j'ai été comme attirée. Ce n'était pas prémédité, je me suis retrouvée par hasard là bas. Je n'ai jamais cherché à y être.
Il me fixe un moment et soupir, je le vois se détendre un peu. Il s'avance vers moi et me serre dans ses bras. Son odeur de caramel m'assaille. Et autre chose aussi. Une légère émotion, me laissant un sentiment âcre. Je ne l'identifie pas immédiatement. J'ai beau réfléchir, je n'arrive pas à l'identifier. Alors je me laisse aller. Et je sens, au fond de moi, je sens la provenance de cette émotion. C'est de la peur et du stress. Il n'avance pas dans ses recherches, il s'inquiète pour Jonas.
Il m'embrasse sur la joue avant de s'excuser.
- Désolé... Je n'aurais pas dû douter. Mais il s'est passé tant de choses, et les recherches ne donnent rien... Je suis un peu sur les nerfs. Je n'aurais pas dû m'énerver.
Je plonge mon visage dans son cou, respirant son odeur. Il me serre plus fort contre lui. Je me recule un peu pour observer son visage. Il est vraiment mal-en-point. Ses yeux sont las, fatigués. Il a de grosses cernes. Depuis quand n'a-t-il pas dormi correctement? Il fait peine à voir. Il est au bout du rouleau. Je pose une main sur sa joue.
- Tu devrais te reposer, je lui dis d'une voix douce, tu as l'air épuisé.
Il ferme les yeux et se laisse aller contre ma main.
- Je ne peux pas... Je dois continuer les recherches. Surveiller s'il y a du nouveau.
- Tu dois te reposer. Tu n'en peux plus, regarde toi... C'est quand exactement la dernière fois que tu as dormi?
Il se tait un moment. Je vois qu'il se pose vraiment la question, et qu'il hésite à me répondre.
- C'est bien ce que je me disais.
Je le pousse doucement vers son lit.
- Allonge toi, et dors un peu. Tu en as besoin.
Il proteste un moment puis finit par céder.
- À condition que tu reste avec moi, me dit-il avec un sourire en coin.
Je souris et accepte. Je m'allonge et me blottis contre lui. Il me serre dans ses bras et m'embrasse les cheveux. Il ne met pas longtemps avant de s'endormir. Je reste plusieurs heures à le veiller avant de repartir. Je le couvre avec le plaid avant de sortir et de me diriger vers la salle d'entraînement.
Quand j'arrive, un groupe de jeunes sortent des vestiaires. Ils me dévisagent tous en passant. Ils sortent de la salle en chuchotant. Je les regarde sortir, plantée à côté de la porte. J'entends une voix derrière moi.
- Ils ne te connaissent pas, c'est pour ça.
Je me retourne et découvre Grace me fixant, appuyée au mur opposé. Je ne répond pas et m'assois contre le mur en attendant Brandon. Elle me fixe encore quelques minutes et se poste au milieu de la salle. Elle me fait signe de la rejoindre. Voyant que j'hésite, elle s'impatiente.
- Bouge toi, plus vite on aura commencé plus vite on aura terminé.
Je me lève, dubitative. Je m'approche et l'interroge du regard. Je la vois sourire en coin avant de me répondre.
- Brandon ne peut pas venir. Il m'a demandé de m'occuper de toi à sa place. Il savait que je serais la seule personne qui n'allait pas te ménager.
Elle ne me laisse pas le temps de réagir que je me retrouve en une seconde à fixer le plafond. Ça a été si vite, je ne m'y attendais pas, et le choc est tellement violent qu'il me coupe la respiration pendant un instant. Elle s'est déjà relevée et s'est éloignée, me tournant le dos. Je me relève à mon tour comme je peux. Elle se tourne vers moi, une lueur animale dans les yeux. Je comprends qu'elle ne me fera vraiment pas de cadeaux. Si c'est déjà difficile avec Brandon, là c'est carrément impossible. Je n'ai aucune idée de l'état dans lequel je vais repartir d'ici. Elle revient à la charge, toujours plus rapide. Elle ne me laisse pas un instant de répit. Elle continue, encore et encore. Essayer d'éviter ses coups ou de riposter est un exercice impossible tant elle est agile et rapide. Elle me hurle de me concentrer et d'utiliser mes pouvoirs, sans s'arrêter une seconde. Je ne comprends pas comment ils pourraient me servir, comment je pourrais éviter ses coups. Et elle continue de m'attaquer et de me crier dessus. Et d'un coup je ne contrôle plus rien. Je ferme les yeux alors qu'elle se jette à nouveau sur moi. Au dernier moment, je me décale d'un pas, lui attrape le bras, et la met au sol. J'ai un genoux sur sa poitrine et une main sur sa gorge, elle me fixe avec un sourire. Mais je vois dans ses yeux de la surprise. Je sens sa poitrine se soulever et s'abaisser au rythme de sa respiration. Elle est à peine essoufflée. Je me relève rapidement et recule de plusieurs pas, effrayée par ce que je viens de faire sans m'en rendre compte. Je ne me contrôlais plus, mon corps a agit de lui même. Je n'ai pas eu le temps de penser à ce que j'allais faire, j'étais déjà sûr elle, faisant pression sur sa gorge. Je me fais peur. Peur, parce que j'étais prête à appuyer encore, à lui broyer la trachée. J'allais resserrer ma prise sur sa gorge quand j'ai repris mes esprits. Je suis horrifiée par ce que j'allais faire. Grace se relève et me dit que c'était parfait, que je dois continuer, qu'on va recommencer. Mais je ne l'écoute déjà plus, j'ai déjà tourné les talons et me précipite vers la sortie. Je cours, cours encore pour m'éloigner d'elle, de cette salle, de tout. C'était sans compter sur le fait que Grace est bien plus rapide que moi. Elle me rattrape rapidement et me plaque contre le mur.
- Je peux savoir ce que tu fais? Où tu crois aller comme ça? On a pas fini.
Je tente de me dégager, en vain, elle est plus forte que moi.
- Laisse moi partir Grace. Je ne peux pas continuer.
- Et pourquoi? Hein dis moi, pourquoi? Tu crois que je ne sais pas ce qu'il vient de se passer? Tu as perdu le contrôle, je l'ai vu, je l'ai senti. J'ai vu dans tes yeux ce que tu allais faire, et je l'ai lu dans ton esprit. Oui, dans ton esprit, insiste-t-elle devant mon air surpris. Tu as baissé ta garde en perdant le contrôle. Tu pensais avoir le dessus sur moi, que tu aurais pu aller au bout? Je ne t'aurais pas laissée faire. J'aurais pu me relever dix fois, et tu tuer à peu près le double. Mais tu avais réussi à ressortir ton potentiel et je voulais voir à quel moment tu reprendrais le contrôle. Et tu l'a repris assez vite, ce qui montre que tu es forte. Mais crois moi, jamais tu n'aurais pu me tuer. Je t'aurai neutralisé avant même que tu ai entamé une tentative. Ça te fais peut-être peur. Mais c'est moi qui t'ai poussée à faire ça. Si je t'ai autant attaquée, c'était justement pour qu'on en arrive là. Je testais ta force mentale. Et tu as réussi le test. La prochaine étape c'est d'être consciente de ta force et de la contrôler. Donc maintenant tu vas y retourner et continuer à t'entrainer. C'est clair?
Je hoche la tête et elle me lâche. Je la suis dans la salle d'entraînement et on recommence. Encore et encore. C'est toujours pareil. Elle m'attaque, et je dois tenter de la contrer. Il y a toujours un moment où je perds le contrôle, même si je fais très attention et essaye de l'éviter. Elle le sait, et à chaque fois elle me crie de ne pas repousser ma force, de l'accepter. Ça dure des heures. Elle ne me laisse aucun répit, m'attaquant sans relâche. Je suis épuisée comme jamais.
Elle me laisse enfin repartir, juste à temps pour le dîner. Je suis affamée. Je me dirige donc vers le réfectoire, prête à avaler tout ce qu'on me proposera. J'y retrouve comme d'habitude Harry et Julie, accompagnés de Brandon. Je vais me servir et me dirige vers leur table. Je m'assois lourdement sur une chaise à côté de Harry. Brandon est en face de moi et me fixe. Je l'ignore et commence à manger. Personne ne dit rien pendant un moment.
- Ma pauvre Chloé, tu as l'air épuisée, me dit Brandon avec un sourire.
Je lui jette un bref regard et retourne à mon assiette. Il revient rapidement à la charge.
- Tu es sûre que ça va? Ton entraînement n'étais pas trop dur?
Je soupire sans entrer dans son jeu. Il continu encore pendant un moment, et j'ai failli lui répondre plus d'une fois. Harry se racle la gorge et je lève les yeux vers lui. Je le vois offrir un regard noir à Brandon, qui se tait mais ne perd pas son sourire amusé. Je presse un instant la main de Harry sous la table pour le Remercier, avant de me remettre à manger. Il a déjà repris sa discussion avec Julie. Brandon participe un peu, sans toutefois cesser de me fixer en souriant. Je finis rapidement mon repas et me dirige vers ma chambre après avoir reposé mon plateau. Je m'effondre comme une masse sur mon lit, sans même allumer la lumière. Je suis si épuisée que je m'endors presque immédiatement.
Je suis réveillée peu après par un accès de lumière dans ma chambre et une voix prononçant mon prénom. Je m'attends d'abord à trouver Harry à la porte de ma chambre, mais c'est une silhouette féminine qui m'observe. Je me redresse d'un coup, soudain parfaitement réveillée. Ma chambre étant plongée dans l'ombre, seul le peu de lumière du couloir me parvient. Elle est à contre jour, donc je ne distingue pas son visage. Je reconnais cependant vaguement une silhouette élancée, fine mais forte. Je suis incapable de la restituer, mais je sais l'avoir déjà vue.
- Qui êtes-vous? j'ose enfin demander.
La femme soupire.
- Tu ne devrais même pas avoir à me poser cette question...
Devant la réponse évasive de l'inconnue, je me décide à allumer la lampe de chevet. La pièce se retrouve soudain inondée de lumière, et je vois enfin la personne face à moi. La première chose que je remarque, ce sont ses yeux vert émeraude, identiques aux miens.
Je remarque ensuite les rides marquant son visage. Elles sont encore légères, mais là, avec la fatigue, elles sont accentuées. Puis ses cheveux châtain clair, pour le moment encore dénués de blanc.
Lucie fait un pas de plus dans la pièce, et je me lève d'un bond, sur la défensive. Je sens sa douleur que je ne lui fasse pas confiance, mais je l'ignore. Elle est blessée, et... Et quoi? Je n'arrive pas à mettre le doigt sur cette émotion. Elle est très légère, tellement qu'elle passe presque inaperçue. Lucie tend une main vers moi avec un regard implorant. Je pars me poster de l'autre côté du lit, sans lui tourner le dos une seconde. Elle rabaisse son bras et je sens sa déception. Je décide de poser la question qui me brûle les lèvres.
- Qu'est-ce que vous êtes venue faire ici? Et comment vous avez su où était ma chambre?
Je vois qu'elle est gênée. Elle hésite, puis me répond enfin.
- Je t'ai vu sortir de cette chambre un matin. Je me suis doutée que c'était la tienne.
Je lâche un rire sec.
- Bien sûr. Qu'est-ce que vous me voulez?
- Chloé... Tu pourrais me tutoyer... Je suis venue parce qu'on doit parler.
- Pas du tout. Je n'ai rien à vous dire. Je ne vous connais pas. Vous êtes qu'une espèce d'inconnue.
Je sens qu'elle est blessée et un peu énervée aussi.
- Chloé, tu vas me parler sur un autre ton, je suis ta mère et tu me dois le respect.
- Vous n'êtes pas ma mère! je crie. Vous n'êtes rien pour moi, vous ne savez rien de moi, vous m'avez abandonnée! Vous ne représentez absolument rien! Vous ne méritez pas le titre de mère, vous n'avez jamais été là pour moi, vous ne savez rien de moi! Où étiez vous quand j'étais malade? Quand j'étais triste, que je pleurais parce que vous me manquiez? Quand j'ai passé mes examens, pendant mes spectacles? Hein, où étiez vous toutes ces années? Toutes ces années d'absence, où j'ai finalement appris à vous détester. Parce que vous m'avez laissé. Puis plus tard, j'ai compris qu'en réalité je ne vous détestais pas. Vous m'étiez juste complètement indifférents. Juste deux inconnus, dont au final je n'avais rien à faire. Je n'ai pas eu besoin de vous tout ce temps, je n'ai pas attendu pour être heureuse. Je ne vous doit absolument rien, vous n'avez jamais rien fait pour moi.
Au fil de mon discours, je l'ai vue se décomposer. Quelques larmes lui ont même échappé. Je ressens une légère culpabilité de l'avoir fait pleurer, mais elle ne dure pas. Cette femme qui se prend pour ma mère, m'a abandonnée. Pendant seize ans j'ai vécu sans elle, d'abord en ressentant la douleur de son absence, puis en la détestant pour m'avoir laissée, et au final en me rendant compte qu'elle n'était qu'une inconnue et que je ne ressentais rien pour elle, ni amour ni haine. Et maintenant, elle revient, pensant que je vais l'accueillir à bras ouverts. Et bien elle s'est trompée sur toute la ligne. Encore en venant aujourd'hui, elle s'est trompée. Elle croyais que j'accepterais de l'entendre me raconter des mensonges sur combien ils m'aiment et combien ils ont fait tout ça pour moi. Elle avait tort. Et je ne me prive pas de lui dire. Elle me fixe, triste et blessée.
- Écoutez Lucie... Sortez de ma chambre et laissez moi tranquille. Je n'ai rien à vous dire. Je ne vous connais pas, et vous ne me connaissez pas non plus. Ça ne sert à rien de plaider une cause déjà perdue.
- On peut très bien apprendre à se connaître... me dit-elle d'une voix chevrotante, quelques larmes coulant sur son visage. Il n'est pas trop tard...
Je m'efforce de garder une voix neutre.
- Si. Seize ans, c'est bien trop tard. Je n'ai pas envie de vous connaître plus que ça. Ce que je sais me suffit. Maintenant, sortez de ma chambre s'il vous plaît.
Je vois qu'elle s'apprête à parler, mais je la devance. Je me retrouve devant elle en moins d'une seconde et la mets dehors.
- Je vous ai demandé de me laisser tranquille, c'est clair?!
Juste avant de refermer la porte, je vois son visage désespéré, et j'aperçois même Julie, à quelques mètres, figée, nous fixant. Je claque la porte et retourne dans mon lit. Je m'allonge, pourtant persuadée que je ne vais pas réussir à retrouver le sommeil. Je tourne notre échange en boucle dans ma tête, en analysant chaque détail. Une émotion indéchiffrable ,mêlée à toute sa tristesse, très faible au début, n'a cessé d'enfler alors que je lui parlait. J'y pense pendant un long moment. C'est alors qu'on frappe à la porte que je l'identifie enfin.
Elle ressentait de la culpabilité.
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