Langage de charretier (ZeProf x Bill)

Elle venait de me plaquer, après toutes ses années... Une énième dispute, j'étais trop proche de ZeProf, cette fois-ci. Elle m'avait déjà fait le coup à deux reprises, avec Aymeric puis avec Aurélien. Mais je savais bien, quelque chose au fond de mon être me le soufflait, que c'était réellement fini désormais. Si j'étais doucement morose et mélancolique, ça n'allait pas plus loin, et finalement cette excuse en valait bien une autre.
Enfin, je ne m'attendais certainement pas à ce qu'elle se mette dans cet état pour Prof. Entre son accent vaguement paysan, son langage de charretier, ses méthodes simplistes et fainéantes... Son flegme avait plus tendance à me taper sur les nerfs qu'autre chose, mais elle était parvenue à le jalouser. Ça semblait bien stupide, de mon point de vue.

Tandis qu'elle criait, sa tristesse l'attirant dans une folle hystérie, je m'étais contenter de baisser la tête de manière à sembler vaguement penaud, et d'approuver ses dires. Mes yeux se fixaient sur mes doigts qui prestement éminçait un oignon, elle m'avait alpaguer dans la cuisine alors que je préparais le dîner. Ma bouche ponctuait ses dires d'approbation plus ou moins distinctes alors que mon esprit était bien loin de l'altercation trop routinière.

Répondre par l'affirmative quand elle m'avait demandé si c'était parce que lui acceptait de pratiquer la fellation avait sûrement été le point de voute de la conversation, et ce qui avait mené à l'effondrement de tout ce que nous avions bâti ensemble. Enfin, l'autre homme vivait au Canada, qu'elle croit une bêtise pareille parce que sa langue avait été plus vite que son esprit était un signe supplémentaire que nous n'avions plus rien à faire tous les deux.

Je soupirais et me focalisais de nouveau sur la route, autant éviter de foncer bêtement dans le décor. La voix féminine et robotique du GPS m'indiqua de prendre la prochaine sortie, et je m'exécutais mécaniquement. C'était une action un peu folle, complètement stupide même, mais je ne supportais pas de rester dans cette maison immense, dont tout l'air semblait résonner du silence lourd de son ex-femme. Alors, de manière totalement inconsciente, j'avais acheté un billet d'avion, loué une voiture sur l'autre continent, et le lendemain je m'envolais pour le Canada.

La nuit commençait à tomber quand je m'engageais sur le parking d'un motel, et je quittais la chaleur poisseuse de l'habitacle de la voiture de location pour m'étirer dans la fraîcheur du crépuscule. Un regard de défi lancé à la voie lactée et je me dirigeais d'un pas sûr vers l'accueil du bâtiment en passant de longs doigts pâles dans mes cheveux grisonnants, lesquels retombaient en mèches fines sur ma nuque.

C'était la troisième nuit que je passais en dehors de l'endroit que j'appelais, autrefois, chez-nous. Je me laissais tomber dans le lit trop ferme avec un soupir usé, fixant le plafond d'un regard vert sombre éreinté dans l'obscurité. Mon estomac gronda faiblement, mais j'étais trop épuisé pour songer à me sustenter, et je sombrais sans peine dans le sommeil.

Le lendemain, je me réveillais en sursaut, sentant mon téléphone vibrer contre ma cuisse. Je le pris avidement, espérant malgré moi qu'elle ai changé d'avis, que peut-être j'avais encore une nouvelle chance, que je lui manquais. Malheureusement, je reconnu bien vite la sonnerie de mon réveil. Avec un soupir morne, je me levais et défroissais mes vêtements. Un froncement de nez m'enjoignit poliment à me doucher avant de quitter la petite pièce sombre, mais peu coûteuse.

Normalement, c'était aujourd'hui que je devais arriver chez l'autre homme... Mon Dieu, que cette idée me semblait stupide à la réflection. Il n'avait aucune obligation de m'héberger, enfin, il ne pouvait pas décemment me laisser dehors non plus. Je me donnais la désagréable impression de mendier, exposant sans fierté ma détresse, ma solitude, pour le convaincre de me prendre en pitié. J'aimais peu l'idée, surtout vis-à-vis d'un homme pareil, au parler populaire, aux manières débonnaires, campagnardes. Enfin, il était un peu tard pour changer d'avis. Je sortis de la douche avec un sourire sincère, heureux de me sentir propre, sans la couche de crasse et de sueur qui s'était accrochée à ma peau ces derniers jours passés sur les routes. J'attachais tranquillement mes cheveux encore humides en queue de cheval, et me mirais avec satisfaction à travers la buée. Un port altier, des pommettes hautes, des yeux d'un beau vert sombre, une peau pâle tirée sur des muscles fermes et entretenus, j'aimais l'homme que je pouvais voir dans ce miroir, malgré quelques rides et des cernes fatigués.

Finalement je quittais la salle d'eau, refermais à clé la porte de la chambre, un maigre bagage sur le dos je me dirigeais vers la salle de restauration. Petite mais chaleureusement décorée avec ses murs lambrissés, de trop nombreux tableaux, quelques plantes et son buffet de petit-déjeuner largement garni, la pièce était agréable. Rapidement, je me servis et m'installais à une table inoccupée, laissant mon regard dérivé sur ce petit grand-père qui lisait un journal en fumant la pipe, un café devant lui, puis passant à cette mère avec ses trois enfants qui semblaient épuisée, tentant tant bien que mal de les faire taire. Un gamin passa en courant, renversant mon thé sur ma chemise.  J'allais crié, mais me ravisais et soupirais simplement en croisant le regard épouvanté de sa mère qui s'excusait dans un flot incompréhensible de mot français comme anglais. Le gamin, petit, maigrelet, roux, le nez retroussé, la face couverte de tâches de rousseurs, des lunettes rafistolées avec du scotch, vint s'excuser de mauvaise grâce, les joues rouges de gênes. Je lui demandais d'aller me chercher une serviette ce qu'il s'empressa de faire, et je le pardonnais alors qu'il tentait de réparer sa bêtise en épongeant mon torse avec une touchante maladresse.

Je repris le volant avec une trace humide sur le pectoral, mais un sourire vaguement amusé flottant sur mes lèvres. Tandis que j'arrivais sur l'autoroute, je me remémorais notre dernière séance sur Civilization. Je tentais de me souvenir si j'avais pu faire une connerie, comme me disputer avec celui qui, je l'espérais, m'hébergerais les prochains jours. Je repassais doucement la session dans ma tête, après tout, j'avais de longues heures de conduite à occuper.

Tout d'abord, il y avait Aymeric qui disait que la pause de Prof devait être pour baiser sa femme, ce qui m'avait fait lever les yeux au ciel, bien malgré moi. Mais tout de même, comment pouvait-il ne toujours pas avoir remarqué que notre ami était gay... Ça me semblait une telle évidence, à moi. Mais je n'avais jamais fait aucune remarque désagréable à ce propos, donc de ce côté, c'était déjà ça.

Sinon, il y avait aussi eu cette phrase qui m'avait troublée contre ma volonté : « Qui est-ce qui me pipe ? ». En réalité, il avait simplement dit : « Qui est-ce qui me bip ? ». Même à moi, cela me semblait absolument pitoyable avec le recul. Mon esprit erra encore longuement sur toutes nos interactions depuis que je côtoyais l'autre homme, et à ma plus grande satisfaction, il me semblait que je n'avais jamais laissé échapper trop clairement ma légère animosité à son égard. L'autre homme n'était pas bien fin, il ne l'avait sûrement jamais remarqué.

Enfin, j'étais arrivé à l'adresse qu'il nous avait donnée un jour, et je constatais avec un grand soulagement que les photos correspondaient, le poids d'un doute que je ne soupçonnais pas se retirant de mes épaules. Je retins avec difficulté un petit cri de joie et sortie prestement de la voiture, ma fierté aristocratique presque totalement disparue. Je toquais doucement à la porte et lui adressais un grand sourire quand il vint m'ouvrir.

« Mon Dieu, Marco, tu ne sais pas comme je suis heureux de te voir...

— Euh, s'vous l'dîtes m'sieur... Mais vous êtes qui en fait ? »

Je le fixais, étonné, avant de laisser échapper un petit rire nerveux. J'avais totalement oublié qu'on ne s'était presque jamais vu, à part peut-être à travers une webcam pixelisée il y a longtemps. Pourtant, je l'avais reconnu sans peine moi. Mais mon enthousiasme m'empêcha de me vexer et j'expliquais avec un sourire :

« C'est moi, Bill.

— Nan, pas possible ! C'est toi vraiment mec ? Entre viens, qu'est-ce que tu fous là ? »

Je lui adressais un petit sourire soulagé et entrais timidement. J'en avais perdu de mon allure moi, les bras ballant au milieu d'une pièce que je ne connaissais pas, la bouche à demi-ouverte mais pourtant muette, ne sachant par quoi commencer. Ma femme m'a largué, tu veux bien m'héberger ? Mon ex-femme est mon ex parce qu'elle pensait que tu me suçais la queux, ça te dis qu'on lui donne raison ? Pitié, je n'avais nulle part où me réfugier, je peux m'installer ici ?

Ses lèvre se posant brusquement sur les miennes pour me sortir de ma torpeur provoquèrent un électrochoc dans tout mon corps, et je me tendis à sa blague stupide. Mais face au naturel badin avec lequel il avait fait ça, sans vraiment réfléchir, je ne sais pas ce qui me prit mais je me jetais sur ses lèvres et répondis à son baiser de manière désespérée. Mes mains s'agrippèrent à son dos tandis que les siennes se perdaient naturellement sur ma chute de reins et je me pressait contre lui, tandis qu'il m'embrassait fougueusement. Sans vraiment comprendre, mais sans s'y opposer. Il avait une ardeur chaleureuse qui me faisait trembler dans son étreinte, une puissance brute bien loin de la douceur guindée de mon ex-femme. Maladroitement, son souffle court s'échouant contre mes lèvres il s'éloigna un peu, pour me demander :

« J't'avoue que j'aurais aucune opposition pour continuer comme ça jusqu'à la chambre à coucher, où ici si tu peux vraiment pas t'nir, mais t'étais pas marié aux dernières nouvelles ?

— Tes nouvelles ne sont plus à jour. »

Je ne m'expliquais pas plus, le foudroyant du regard. Il sembla comprendre qu'on aborderait le sujet plus tard et m'embrassa follement. J'en perdis le souffle, ses mains puissantes me plaquèrent contre le mur alors que les miennes s'activaient à lui retirer son haut. On se sépara quelques instants et il m'entraîna dans sa chambre, avant de me pousser presque violemment sur le lit. Je ne m'en vexais pas et l'attirais encore plus proche, ses lèvres explorant mon cou tandis que ses mains s'attelaient à retirer ma chemise. Le regard fixé sur le plafond, mes mains parcourant son corps, le mien brûlant de désir, je ne regrettais finalement pas du tout ma décision.

Mais mon Dieu, il avait vraiment un langage de charretier, et c'était encore pire quand nous faisions l'amour.

A+ en commes

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top