Chapitre 1
Je sais, nous sommes le 22 décembre et c'est aujourd'hui que j'ai décidé de faire mes cadeaux. Je fais la même chose chaque année, et comme d'habitude, je trouve qu'il y a trop de monde dans les rues, dans les magasins. Mais je suis incapable de m'y prendre plus tôt, de tirer un quelconque enseignement de mes erreurs passées.
Les bras chargés de sacs de toutes les tailles, de toutes les couleurs, je parcours les rues enneigées à la recherche du cadeau de Tata Meryl, célibataire endurcie qui critique tout ce que je fais. Ce n'est donc pas de gaieté de cœur que je le cherche, c'est même tout l'inverse. Je me demande même si je dois lui en acheter un, vu que, de toute manière, elle trouvera à redire. Sauf que ça va peiner ma mère, et ça je ne le veux pas.
Je me rends à la librairie du quartier, elle est un peu vieillotte mais je sais que j'y trouverai une romance bien grivoise pour émoustiller un peu la tata. Avec un peu de chance ça lui donnera des idées pour l'année à venir...
Je m'arrête à deux pas de la vitrine pour l'observer. Comme chaque année, elle est magnifique, elle met en avant les livres de cette période. Il y a de la fausse neige sur le sol, des guirlandes multicolores qui serpentent entre les bouquins. Ils ont installé un Père Noël d'une cinquantaine de centimètre dans un coin. J'adore.
Je n'ai pas le temps de m'extasier plus longtemps, une personne me percute de plein fouet. Avec le sol glissant, je me retrouve sur les fesses et mes sacs s'éparpillent autours de moi.
Une douleur aiguë, partant de mon postérieur au reste de mon corps, me foudroie.
— Aïe ! Putain, ce n'est pas vrai. Vous ne pouviez pas regarder où... le reste de ma phrase meurt sur mes lèvres en même temps que mon regard plonge dans celui de mon assaillant.
Il a les yeux d'un bleu le plus clair qu'il met été donné de voir. Je suis hypnotisée.
— Je suis vraiment navré, mademoiselle. J'étais au téléphone et je ne vous ai pas vu, dit-il d'une voix grave en me tendant sa main pour m'aider à me relever.
Je ne me fais pas prier pour la saisir. Sa paume est chaude, je peux la sentir à travers mes gants. Un frisson se propage dans mon bras, c'est bien la première fois que mon corps me fait ressentir cela.
Une fois remise sur mes deux pieds, je prends un peu de temps pour l'observer. Il ne doit pas avoir plus d'une trentaine d'années, comme moi, les cheveux bruns disciplinés dans un coiffé décoiffé parfaitement étudié. Une mâchoire carrée accentue ses traits masculins. Il porte un costume trois pièces gris sous un long manteau noir ouvert. Un très bel homme.
A ce constat mes joues se mettent à rougir, et pas à cause du froid.
— Ça va ? me demande-t-il.
Je réfléchi bien avant de lui répondre. Je n'ai plus aussi mal, le choc est passé. Je tiens bien sur mes jambes, qui ne tremblent pas et mes pieds sont fermement encrés dans le sol.
— Oui, merci.
— Sûre ?
— Oui, oui.
Rassuré, il me lâche pour récupérer son téléphone qui l'attend sagement sur l'un de mes nombreux sacs. Ce n'est que lorsqu'il amorce sa descente, que je me rends compte du désastre qui m'entoure. Mes cadeaux sont dispersés par terre. Heureusement que je n'ai rien choisi de fragile cette année, sinon j'aurais été bonne pour aller en racheter un.
Je m'empresse de me baisser pour tout récupérer. Il m'aide. Par chance, je n'ai pas acheté de culotte ou autre dessous affriolant, s'il était tombé dessus j'aurais été mortifiée. Quand tout est réuni et rangé, je récupère mes biens qu'il me tend.
— J'aimerai vous inviter à boire un café pour me faire pardonner...
Et comment pourrai-je refuser de passer un moment en si charmante compagnie ? En espérant qu'il soit à la hauteur de mes espérances.
— Avec plaisir.
— Par contre, je ne connais pas vraiment le quartier. Du coup, si vous connaissez un café sympa dans le coin ?
J'ai l'endroit parfait pour ça, pas l'enseigne qui sert à grande échelle. Non, le petit bar intimiste qui propose des grands mugs avec de la chantilly et des chamallows saupoudrés de cannelle. J'en salive d'avance.
— Oui, je connais un petit café très sympa, je lui précise en indiquant la direction avec mon bras.
Le café se trouve dans le sous-sol d'un petit immeuble, il faut donc descendre plusieurs marches avant d'arriver à l'entrée.
A l'intérieur, la magie de Noël est partout. Dans un coin, il y a un petit sapin décoré. Sur le plafond plusieurs guirlandes multicolores illuminent la salle. Des pères Noël de tailles et de formes différentes, dans des positions loufoques sont placés dans toute la pièce cosy.
— Là-bas ? j'indique une table libre au bout de la pièce.
Chance pour nous qu'il en reste une de libre. Durant cette période de l'année, elles sont souvent prises d'assaut.
— Parfait.
A côté de notre table, je dépose tous mes sacs pour pas qu'ils gênent. Face à moi, le jeune homme s'assoit dans le fauteuil et pose gracieusement sa veste sur ses genoux.
Je me dépêche d'en faire autant, mais je suis loin d'arriver au même résultat avec ma grosse doudoune violette. Je crois même qu'une des manche traîne sur le sol. Mais je ne vais pas tout recommencer et passer pour une incapable à ses yeux, j'ai un minimum d'honneur, même s'il a été mis à mal aujourd'hui. A l'aide de mon pied, je la rapatrie sous ma chaise pour pas qu'il s'en rende compte.
Il s'empare de la carte et l'étudie. Quand il relève la tête, il semble étonné de ne pas me voir en faire autant.
— Je prends toujours un cappuccino extra large avec de la chantilly saupoudrée de cannelle.
Ce qui le fait sourire.
Rapidement, la serveuse vient prendre notre commande. Lui est beaucoup moins frivole que moi, il commande juste un double expresso. Elle se dépêche de nous rapporter nos tasses fumantes.
A partir de là, un silence gênant s'installe entre nous. Qu'est-ce qu'on dit à un homme qui nous est rentré dedans, nous a fait tomber et qu'on trouve plus que mignon ?
Heureusement, il se charge de briser la glace.
— Excuse-moi encore de t'avoir fait tomber. J'étais au téléphone, je ne t'ai pas vue.
— Ce n'est pas grave, je m'empresse de le contredire même si à ce moment-là je ne pense pas du tout la même chose. Ça peut arriver à tout le monde.
Soyons clair, s'il n'était pas aussi mignon, je n'aurai sûrement pas le même discours. S'il était plus vieux ou plus moche, je serais encore sur le trottoir à le pourrir allègrement.
— ... Et puis j'étais arrêtée en plein milieu aussi. N'en parlons plus, je conclus avec un petit mouvement de la main. En plus je ne me suis fait mal nul part, sauf à mon « amour propre » mais il s'en remettra.
— Tu es sûre ? insiste le jeune homme.
— Oui, en plus tu m'offres un café, c'est bon !
Histoire qu'il comprenne bien le message, j'en bois un peu. Mais bien évidemment dans ma précipitation, je ne pense pas à la chantilly qui recouvre la tasse. Je me retrouve le nez plongé en plein milieu, génial. Au moins, la première bourde que je fais en sa présence sera mémorable, même si je suis capable de bien pire.
Immédiatement, je repose la tasse en attrapant la serviette pour retirer la crème que j'ai sur le visage. En vrai gentleman, il se retient comme il peut de ne pas éclater de rire, ce que je l'en remercie intérieurement. Ce n'est que lorsqu'il est sûr de lui qu'il reprend la parole.
— Au fait, moi, c'est Brian.
— Kelly.
— Enchanté
— De même.
Un silence gênant clôture cette échange d'amabilité. Et comme toute personne normalement constituée, ayant à disposition une tasse à proximité, nous buvons pour éviter de montrer que nous sommes gênés. Qu'est-ce-qu'on ne ferait pas pour se donner un peu de constance ?
Je ne sais pas trop quoi dire. Faudrait que j'apprenne à le connaître, ça serait un bon début. Vu qu'il a débuté la conversation tout à l'heure, ce serait bien que je le fasse à mon tour.
Je prends mon courage à deux mains et me lance sur un sujet bateau. Mais j'aimerais en savoir plus sur lui.
— Tu fais quoi dans la vie ?
— Avocat.
Je suis assez impressionnée. Et en même temps, ça colle parfaitement au personnage, classe et guindé, que j'ai en face de moi. Tout chez lui respire ce métier, le costume, la coiffure, la montre jusqu'au portable dernier cri posé sur la petite table.
— Ça doit être sympa ! je m'extasie.
En tout cas bien plus que le mien.
— Non, je le déteste ! Quand les gens viennent me voir, c'est soit pour faire la guerre à d'autres, soit parce qu'ils sont au bout du rouleau.
Oui, c'est sûr, vu comme ça, c'est beaucoup moins glamour. Il semble même un peu abattu, les épaules voûtées, le dos rond, comme s'il portait tout le poids du monde sur lui. Il me fait un peu de peine.
Sa déclaration entraîne un blanc. Que voulez-vous que je répondre à ça ? Je suis totalement prise au dépourvu. Et puis, plus anti esprit de Noël que ça, c'est un enterrement.
— Je sais. Lorsque je parle de mon travail, j'ai tendance à plomber l'ambiance.
Et pas qu'un peu ! Au moins, il essaie une pointe d'humour pour faire passer la pilule. Sauf qu'il va falloir faire mieux que ça.
— Et toi, reprend-t-il après avoir bu une gorgée de son café, qu'est-ce-que tu fais ?
— Je suis secrétaire médicale. C'est moins glorieux qu'avocat.
Il vient clairement de me faire comprendre que son métier était un sujet sensible pour lui. Et moi, qu'est-ce-que je fais, je le remets sur le tapis. Je peux vraiment être gourde par moment ! Je vous jure quand je stresse, je fais et surtout je dis n'importe quoi. Il serait peut-être temps que je tourne sept fois ma langue dans ma bouche avant de sortir des bêtises pareilles. Ça m'éviterais de me ridiculiser devant ce beau spécimen.
— Il n'y a rien de glorieux à faire ce que je fais.
Je le sens qu'il s'éloigne, qu'il veut mettre un terme à notre rencontre. Il s'est calé dans son dossier pour rajouter une certaine distance entre nous. Alors que moi, je suis collée le plus possible à la table.
Il faut que je trouve un autre sujet de conversation et vite. Car je sens qu'à tout moment, il va réclamer l'addition à la serveuse et mettre les voiles. Or, j'aimerais bien qu'il reste un peu encore.
Et comme à chaque fois que je suis stressée ou que je dois trouver une repartie rapidement, c'est un truc totalement loufoque qui franchit mes lèvres, sans que je sois en mesure de l'empêcher. Généralement, il est trop tard quand je me rends compte de ce que je viens de dire.
— As-tu déjà entendu une blague à deux balles ?
— Non.
— Pan-pan.
Voilà, une blague bien pourrie.
Et le pire c'est que des comme ça, j'en ai à foison, un stock illimité, aussi moisies les unes que les autres. Je les sors quand je ne sais plus quoi dire. Ce qui peut créer des circonstances très particulières où les gens ne savent plus quoi faire.
Brian lui, rit et de bon cœur en plus. A croire qu'il ne l'avait pas fait depuis un bon moment. Au moins, je lui aurais égayé un peu la journée.
Je sais que j'ai réussi à retourner la situation à mon avantage quand il rapproche son buste de la table et qu'il plonge son regard, si particulier, dans le mien. Je m'y noie sans problème.
— Tu es vraiment spéciale, toi.
Je prends ça comme un compliment.
Après seulement quelques minutes en sa compagnie, je m'imagine bien le revoir, lors d'un rendez-vous plus...comment dire, plus romantique, galant.
Je n'ai pas le temps d'apprécier emplement sa compagnie : son téléphone sonne. Je m'étonne qu'il ne l'est pas fait plus tôt.
— Je suis désolé, je vais devoir y aller, dit-il en regardant qui cherche à le joindre sur l'écran de son portable.
— Oui, bien sûr.
Après avoir remis mon manteau, je récupère mes achats et le suis jusqu'à la sortie. C'est donc devant ce petit café que nos chemins se séparent.
Face à lui, je ne sais pas quoi dire. Sauf qu'une fois encore sa sonnerie retentit, elle ne cesse depuis plusieurs minutes.
Je plonge mon regard dans le sien, captivant.
— Je suis désolé de t'être rentré dedans, et en même temps ravi de l'avoir fait. C'est bizarre ?
— Non, je ressens la même chose.
Mon regard descend et contemple ses lèvres qui m'attirent de plus en plus. Faut dire qu'elles sont particulièrement tentantes. Aguichantes à souhait, d'un rouge carmin, ni trop fines, ni trop épaisses, juste ce qu'il faut pour être alléchantes.
Comme mues par leur propre volonté, nos bouches se collent l'une à l'autre. J'ai l'impression de ne plus rien contrôler, mais ça ne me dérange pas le moins du monde. Je le laisse prendre possession de mes lèvres. Forcer le barrage de celles-ci avec sa langue, de valser avec la mienne.
La seule chose qui me frustre, c'est de ne pas pouvoir le toucher, de ne pas parvenir à serrer son corps contre le mien. Car je porte mes fichus cadeaux, j'ai des sacs dans chaque main. Alors que lui n'est pas en reste, ses deux mains sont posées sur chacune de mes joues pour maintenir mon visage dans le bon angle pour qu'il puisse approfondir son baiser.
Ce qui nous oblige à nous détacher l'un de l'autre est le bruit strident de sa sonnerie de téléphone.
Il m'a donné le plus éblouissant, le plus passionné des baisers qu'il m'aie été donné de recevoir. Je vois des étoiles derrière mes yeux clos.
J'en viens à vraiment le détester ce fichu tintement. Je comprends mieux pourquoi il n'aime pas son travail, surtout s'ils ne sont pas capables de le laisser tranquille, quelques minutes, à l'approche des fêtes de fin d'année.
Quand il se décolle totalement de moi, je n'en n'ai pas eu assez, j'en redemande. Je dois prendre sur moi pour ne pas revenir à la charge, les lèvres en avant.
— A bientôt ! dit-il.
Avant que j'ai pu émettre la moindre protestation, ilest parti, englouti par la foule environnante, sans me faire la promesse de serevoir. Je ne connais même pas son numéro de téléphone...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top