10 heures sonnent. Il n'y en aura pas une de plus qui éclatera mes tympans, car la cloche est en train de tomber. Lentement. Il n'y aura pas non plus de minutes, ne serait-ce qu'une, qui prendra son temps -un temps infini- pour s'égrener. Parce qu'une aiguille a fui. Inexorablement. Et le temps s'est arrêté. C'est pourquoi les secondes, maîtresses du temps, ont disparu. Irrévocablement.
   J'aimerais te dire que je ferai repartir le temps mais mon cœur s'est également arrêté. À quoi bon t'attendre, puisque tu ne reviendras jamais. Il me serait ardu de continuer d'espérer si tu ne m'envoies aucun signe. Un adieu net, foudroyant vaut mieux qu'un au revoir flou et plein d'espoir -de faux espoirs.
   Tu as figé mon temps. Mon temps coulait, glissait le long des rues, sautillait parfois et je pensais à toi, à ton sourire, à te revoir. Le temps passa et mon temps se mit à ralentir, à traîner les pieds et je désespérais de nous. Mon temps n'était pas dupe et je compris bien vite que tu m'avais oubliée... Alors, mon temps s'est figé. Tu m'avais trahie. Mon temps s'est brisé. Tu ne m'aimes plus. Et mon temps n'est que poussière, à présent. De la poussière figée dans le temps.
   Parfois, je tousse en marchant le long de ces rues. Je croise des gens qui ne me voient pas, car -souviens-toi- mon temps s'est figé. L'air pur et toxique du temps m'entre dans les poumons et le coeur, me brûle et m'étouffe et me serre, il me fait oublier ; mais après un temps, il me fait y repenser plus fort encore. Alors, je secoue mes souvenirs afin de les embrouiller, alors j'allume puis j'embrasse le temps qui se consume tranquillement, alors j'accueille à nouveau la douleur et la détresse qui me guérissent quelqu'instant de mon mal, si calme, si discret, pourtant si présent. Je crois que mon temps est décidé à ne pas bouger, je vais devoir m'y faire.