Il y a pire que moi

"Il y a pire que moi", c'est ce qu'il se dit toujours lorsqu'il se sent défaillir. Et il ne sombre jamais. Nous avons parlé, lui et moi, de certaines choses, de sa vie et de son passé. Nous avons parlé, mais pas assez, bien sûr. Nous nous connaissons, mais pas assez, c'est évident. Pas assez pour prétendre, en ma qualité d'amie intime, être vraiment proche de lui. Assez, peut-être, pour apprendre de lui que la vie paraît souvent plus dure qu'elle ne l'est. Assez, peut-être, pour apprendre de lui que sourire face à son malheur est sans aucun doute la meilleure façon de le chasser. Ce serait un comble que je parvienne au bout de la leçon, et que je la sache, par cœur, que je l'applique, même ! Oui, un comble, moi qui pleure face à mon bonheur, parfois. Je crois que mon cœur ne sait profiter de la joie un trop long moment. Il doute et croit à tout instant que le plaisir sera gâché, alors il y met un terme de lui-même, pour ne pas être surpris, déçu.
"Il y a pire que moi". Un jour, j'y arriverai. Je la saurai, cette leçon qui ne tient qu'en six mots. Je la saurai, jusqu'au bout, sauf si avant le bout, avant la fin, l'un de nous laisse l'autre. Si l'un de nous, si lui ou moi, nous trouvons une quelconque raison de partir, de quitter le cœur de l'autre. Ou plutôt... de le dégager du nôtre. C'est cru, mais c'est ainsi l'amour. Ça va, ça vient. Ce n'est pas grave. On apprend des amours, de nos amours. Et s'il part, et si je pars, je continuerai d'apprendre. Il ne sera plus dans mon cœur, mais restera, bien au chaud, dans le fond de ma tête.
"Il y a pire que moi". Moi, j'apprends de toi, et j'en suis bien heureuse. Car tu es quelqu'un d'intéressant. Oui, j'ai déjà qualifié pas mal de personnes avec cet adjectif ! Non, tu n'es pas le seul ! Mais vous êtes tous différents et avez tous une particularité qui me plaît, qui m'attire... Est-ce de ma faute si les humains sont fascinants ? Si l'être humain m'intéresse ? Est-ce de ma faute, à moi, si toi, plus que d'autres, tu me donnes l'envie de savoir. L'envie de tout savoir ! Ce que tu penses, ce que tu es, ce que tu veux, ce que tu aimes, ce que tu cherches, ce que tu penses, surtout. Lorsque tu parles, je veux que tous se taisent. Restera, seul, le bruit de la nature, légitime. Puis, tu ouvriras une bouche pleine de l'envie de parler, et de ta voix hésitante, et par ton accent étranger, j'apprendrai. Je veux apprendre, j'ai soif de savoir et je boirai mes leçons à même tes lèvres amoureuses, t'écoutant parler encore et encore.
"Il y a pire que moi". C'est ce que je me dis, parfois, quand mes yeux mouillent pour rien, ou pour pas grand chose. C'est ce que je me dis, depuis qu'il me l'a dit. Depuis qu'il m'a affirmé se l'imposer quand la tristesse frappait à la porte de son cœur, alors qu'elle est légitime, alors qu'il pourrait la laisser entrer, et sombrer, lui qui a tant perdu, lui qui a perdu tellement plus que moi... On ne remplace pas ce qu'il a perdu. Mais je nous sous-estime, comme toujours, je ne devrais pas. Je nous sous-estime, moi, et ma souffrance. Moi, et mes problèmes. Moi, et mes larmes, aussi légitimes que le sont celles qui ne coulent pas sur ses joues. Pourtant, il y a pire que moi. C'est vrai. Je veux être forte, comme lui ! Je veux braver les torrents, en resortir le sourire aux oreilles ! Je veux avoir mal, et serrer les dents, un instant, puis sourire ! Sourire, toujours... Comme avant. Comme Moi, avant. J'aimerais ressembler à Moi, la petite Moi, oui, elle me manque, un peu, parfois.
"Il y a pire que moi". Voyez le potentiel de cette courte phrase. Voyez les mille et uns sens que l'on peut lui donner. Allons, piochons-en un, pour commencer. Il y a des souffrances pires que la mienne qui ne suscitent, elles, pas les larmes. Pourquoi ? Parce qu'il y a pire que moi. Comme on s'amuse ! Voyons voir ce que l'on comprend d'autre. Il existe des gens plus laids que moi. Plus méchants, plus bêtes, plus agaçants, plus arrogants, plus détestables que moi. Et pourtant, la plupart sont aimés. Pourquoi ? Parce qu'au fond, il n'y a que l'amour qui compte vraiment. Mais surtout parce qu'il y a pire que moi. Enfin, je crois avoir cerné une signification plus profonde, moins évidente -que j'ai probablement créée de toute pièce, celle-ci reflétant mes pensées les plus enfouies- de ce proverbe moderne. Moi, ce n'est pas toujours Moi. Je ne suis pas la "Moi" d'il y a quelques instants. Je ne le suis plus. Alors, quand je dis qu'il y a pire que moi, c'est que Moi passée ou Moi future est peut-être pire que Moi. Mais celle qui compte vraiment, ce sera toujours Moi. Pourquoi ? Parce qu'il y a pire que moi.

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