Papi

      Ça me fait tout drôle de prononcer ce nom. J'aurais apprécié poser un visage sur ce doux son.

Papi, penses-tu comme eux, toi aussi ?
M'aurais-tu jugé, toi aussi ?
Ou es-tu, au contraire, pour ce choix de vie ?

J'aurais souhaité te connaître, que tu m'apprennes mille et une choses sur la vie, comme le font les papis.

Mais pourquoi es-tu parti, lorsque le cœur de maman a pris vie ?

Ne voulais-tu pas être papa ? Alors dans ce cas, pourquoi les avoir abandonnées comme cela ? Je n'ai jamais compris quelles étaient tes motivations, et tes intentions.

Peut-être que, finalement, tu as rencontré quelqu'un d'autre et as fondé une famille avec elle (ou il ?).

C'est désolant de savoir que tu n'as même pas conscience de mon existence... J'aurais adoré te rencontrer, passer de bons moments en ta compagnie.

Si je t'avouais mon secret, l'accepterais-tu ? M'aiderais-tu à l'avouer aux parents ? M'épaulerais-tu pour vaincre cette peur du regard des gens ? M'aimerais-tu, tout simplement ?

Je ne sais à quoi tu ressembles, quel son produisent tes cordes vocales, ou encore quelles sont tes pensées et ta manière de vivre.

Mais je ne rêve que d'une seule chose, c'est que tu ne sois pas comme toutes ces personnes dans la rue qui me dévisagent dès lors que j'ose affirmer qui je suis.

Me comprendrais-tu si je t'expliquais mon malheur de vivre, mon mal-être permanent ? Ou plutôt, m'engueulerais-tu d'être aussi différent ?

Ma différence était ma seule force, ma carapace qui me protégeait contre tout danger. Seulement, ils ont réussi à la briser. Pourtant, elle était solide comme de la glace...

J'ai mené mon combat à bien, j'ai tenté coûte que coûte de les exterminer ; seulement, j'ai échoué. J'ai jeté les armes à terre et forfait, j'ai déclaré.

Rien ne sert de combattre seul contre tous. Mais j'ai essayé, je peux quand même être fier de moi parce que j'aurais tout tenté.

Papi, si tu savais comme c'est dur de se lever le matin en sachant que je ne rentrerais peut-être pas le soir. Plusieurs fois, on a essayé de me faire disparaître de cette putain de planète !

Te rends-tu compte à quel point ça va loin ? Tenter de m'ôter la vie pour un tel choix ? Ce n'est pourtant pas si grave que cela, j'ai du mal à comprendre ce qu'il ne va pas avec eux !

Et, finalement, il m'arrive d'espérer qu'ils réussissent à me tuer. Ouais, j'en suis à ce point, papi. Ça en devient dingue... Je n'ai pas la force de le faire moi-même, de disparaître de ce merdier de mes propres moyens. Alors, j'espère. J'espère qu'ils finiront par y arriver, par je ne sais quelle façon, mais qu'ils y arrivent, bon sang ! Je. Veux. Disparaître. C'est terminé.

Je me sens incompris, différent, trop différent. J'ai toujours été heureux de ne pas être comme tous ces pigeons, mais peu à peu, je regrette.

Et si j'avais été comme tout le monde ? Je n'aurais pas subi toutes ces moqueries ainsi que ces insultes. Et j'aurais sûrement été heureux. Je n'aurais pas écrit toutes ces lettres qui, probablement, ne serviront à rien. Je n'aurais pas eu cette idée sordide de sauter haut, très haut, pour atterrir dans les étoiles.

Peut-être aurais-je dû te rechercher, trouver qui est cette personne qui a donné vie à ma mère à sa place. Peut-être que toi, tu m'aurais aidé jusqu'au bout, peu importe les difficultés rencontrées. Peut-être qu'en fait, tu étais le seul capable de tout stopper.

Peut-être est-ce de ma faute si j'en suis là aujourd'hui. Peut-être ai-je fait quelque chose de travers, et qu'à présent, j'en paye les conséquences.

Jamais je ne trouverai réponses à mes questions, désormais.

Je ne sais même pas si tu auras la chance un jour de lire ce futile bout de papier froissé, et de découvrir ce que ton petit fils que tu n'as jamais connu, a vécu dans sa vie.

Si jamais tu poses tes petits yeux sur ces mots, prends tout ce que je t'ai dit en compte, et sers-en-toi pour faire en sorte que tes enfants et petits enfants ne vivent pas la même chose. Épargne-leur ces barbaries, pour l'amour de Dieu.

J'aurais aimé éradiquer toutes ces horreurs de la Terre pour que plus personne ne vive ce que moi, j'ai vécu. Mais ça m'est tout bonnement impossible, je n'ai pas de pouvoirs surnaturels ou de baguette magique. Si seulement...

Je suis désolé de ne pas avoir été à la hauteur face à eux, de ne pas avoir réussi à surmonter toutes ces dures épreuves. Mais, dorénavant, il n'y a plus aucun espoir. C'est peine perdue.

J'ose espérer que tu sauras être compréhensif face à cela, et que tu tenteras tout ce qui est en ton pouvoir pour protéger ta famille, la nôtre.

En passant, va voir maman, s'il te plaît. Va voir la merveilleuse création que tu as offert au peuple. Va voir la superbe femme qui m'a donné la vie. Va voir l'extraordinaire personne qu'elle est devenue aujourd'hui.

Et, je t'en prie, ne la lâche plus jamais, papi.

Incompris mais nonchalant, Leny

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