600 heures dans la vie extraordinaire d'Edward Stanton LANCASTER
600 heures dans la vie extraordinaire d'Edward Stanton LANCASTER
Auteur : Craig Lancaster (écrivain et journaliste Américain)
Titre : 600 heures dans la vie extraordinaire d'Edward Stanton
(constitue le 1er tome d'une suite composé de deux autres tomes [qui n'ont jamais été traduit et édité en français] Edward Adrift - 2013 [Edward à la dérive] et Edward Uspooled - 2016
Date de publication : 2009
Mouvement littéraire de l'œuvre : Réalisme contemporain (aborde un sujet de société appliqué à une vie ordinaire, un quotidien)
Genre littéraire : Fiction
Style d'écriture :
- Récit à la première personne très fiable et proche de la façon dont le personnage pense : description des routines avec des termes répétés et structurés, des observations souvent simples mais pertinentes qui induit un humour en finesse de la part de l'auteur.
- Une plume donc réaliste et explorant des émotions douces et touchantes qui parlent à tous.
- Le vocabulaire est claire, simple et directe pour accentuer l'introspective et la sensibilité du personnage. Œuvre qui atteint tout public pour évoquer avec les liens humains, la routine, les réflexions personnelles sans jamais tomber dans la lourdeur et la pitié autour du personnage qui est le narrateur.
- (Si saisissant de réalisme qu'en tant que lecteurice on peut avoir l'impression qui l'histoire est biographique, mais il n'en est rien.)
Age conseillé : Tous les âges. Expliquer avec bienveillance les différents handicaps aux plus jeunes avant de se lancer seul.e dans cette lecture.
Amorce : Thèmes du livre
- Trouble du Spectre Autistique (TSA) à travers le personnage d'Edward Stanton
[L'auteur présente le TSA comme étant le Syndrome d'Asperger, mais que je ne préfère pas présenter ça ainsi car c'est un nom moins utilisé aujourd'hui, mais il est surtout dérangeant. Rappelons que Asperger vient du psychiatre Hans Asperger qui adhérerait en grande partie au régime nazi notamment en faisant partie des médecins de Wehrmacht sous le 3e Reich. Il était maltraitant envers ses patients autistes, par exemple en mettant en place des stérilisations forcées. Il les nommait également « psychopathes autistes ». Je trouve navrant de nommer un handicap sous le nom d'une personne maltraitante. Bref, je ferme cette parenthèse historique et vous invite à faire vos recherches.]
- Relations familiales : l'influence, l'impact de la famille sur les sentiments, les actions notamment à travers la figure paternelle (Ted Stanton) qui est explorée tout au long de la série
- Relations amicales et la communication sont des aspects majeurs du roman illustrés à travers les difficultés d'Edward à comprendre les codes et normes sociales nombreuses. Cette question est toujours traitée avec empathie et humour.
- Les liens que l'humain entretient avec ses émotions, celles des autres et la façon de les exprimer est aussi une question importante et sous-jacente du récit. Le récit est réaliste et optimiste en témoignant de diverses émotions parlantes.
Pour transmettre un rythme au récit qui est intéressant, les routines d'Edward sont décrites. Puis, l'enjeu pour le lecteur sera de comprendre au long de l'histoire comment Edward fait face aux changements qui surviennent dans ses routines qui l'aident et le rassurent.
Les personnages de l'œuvre :
- Edward Stanton : homme autiste de 39 ans qui présente aussi des TOC (Troubles Obsessionnels Compulsifs)
- Dr Buckley : psychiatre qui suit Edward depuis son enfance
- Ted Stanton : père d'Edward
- Kyle : ami d'Edward
- Donna : Mère de Kyle
- Gregory Townes : Avocat de la famille Stanton
Mon avis :
Très émouvant, touchant et atypique !
Un livre très original qui m'a profondément touché. Un livre qui raconte la vie de quelqu'un attaché à sa routine à qui il arrive plein de choses bouleversantes. Un personnage qui mène à réfléchir sur le train-train de la vie, sur la société, les convenances sociales pas toujours évidentes. Très intéressant. J'ai trouvé ça très parlant.
Le premier livre sur des milliers qui m'a pris les tripes et m'a fait rire et pleurer.
Avis daté du 8 février 2023 tiré de mes notes lors de ma lecture
Aujourd'hui encore ce livre est l'un des seules qui m'a fait pleurer. Il m'a fait pleurer de joie, pleurer de par l'humour et la sincérité qui se dégage d'Edward. Le personnage fait preuve d'une grande intelligence à travers ses réflexions logiques et pragmatiques. Le regard est changé sur le handicap mental car le personnage est crédible et nous montre que ce handicap ne comprend pas toujours un retard intellectuel, ainsi il sort des clichés.
Je sais que beaucoup reprocherait à ce livre que le rythme du récit consiste en un quotidien répété et inlassablement routinié. Certains pourrait voir là le contenu d'un livre ennuyeux, qui raconte peu de choses. Moi, au contraire, j'affirme que le soin du détail que le personnage d'Edward ajoute à l'histoire permet que tous puisse s'attacher à lui. Puis, quand on lit des histoires dans ce registre on sait qu'il ne faut pas s'attendre à du suspens, des retournements de situation grandioses et dans la démesure. Selon moi, ce genre de lecture permet une réflexion utile, douce et divertissante car sur fond d'humour. On sait à peu près à quoi s'attendre lorsque l'on ouvre le livre mais ce n'est pas décevant pour autant, car plonger dans la tête d'un personnage neurotypique (fictif – bien que l'écrivain s'est forcément documenté pour l'écrire, ce qui le rend réaliste) est toujours une expérience enrichissante.
Citations et interrogations / réflexions proposées par l'œuvre :
« Quelqu'un qui s'intéresse autant que moi aux faits ne peut qu'avoir du mal à s'intéresser de près ou de loin à la politique. Les candidats à la présidence semblent préférer aux faits ce que j'appellerais la subjectivité opportuniste, soit la distorsion des faits de façon qu'ils leur soient favorables. »
Par cette citation on peut clairement remarquer le talent d'Edward pour la critique pertinente et constructive. On peut aussi se dire qu'à travers sa plume l'auteur diffuse des messages qui permettent d'avoir un regard nuancé et pas seulement clivé sur tout ce qui nous entoure. Vous pourrez également constater, si vous lisez le passage en entier, qu'Edward à ce côté touchant de ne jamais mettre de filtre sur ce qu'il dit ou ce qu'il pense. Mais le plus important c'est qu'à travers ça, on comprend qu'Edward n'est jamais méchant. Il lance des faits parfois drôles, parfois vrais, souvent les deux à la fois. Il rappelle aussi très bien qu'il n'aime pas les conjectures et préfère les faits. Ainsi, le personnage nous parlent en tant que lecteurice car il fait preuve d'humanité et est loin de toutes préoccupations quelques fois futiles de ce que pensent les autres sur certains, sujet, sur sa propre personne. La lecture est donc douce.
« 7 h 38. Cela fait trois jours que je me réveille à cette heure-là ; dix-huit sur les vingt derniers. comme je me couche tous les jours à minuit pile, j'ai l'habitude de me réveiller à 7 h 38, mais il m'arrive parfois de me réveiller un peu plus tôt ou un peu plus tard. »
Edward compile des notes ses habitudes et sa routine. Il y a quelque chose d'humoristique pour le lecteur qui lit ces répétions très précises. On peut vite être intrigué et intéressé par son occupation peu commune. Ainsi on peut s'interroger de plusieurs façon sur ce livre :
- De quelle façon le livre nous fait changer de regard (positivement) sur l'autisme ? (devrais-je dire, au moins sur l'autisme semblable à celui d'Edward, car il y en a des différents et chacun à diverses manières de le vivre). Cela a-t-il effacé certains clichés qu'on pouvait avoir sur ce handicap ?
- De quelles manières on pourrait tous se comporter socialement pour que toutes personnes (quelque soit la difficulté, l'origine, etc.) puissent se sentir toujours inclus (quelque soit aussi le lieu ou les personnes que l'on fréquente) ?
- Qu'est-ce qui fait qu'on se lie d'amitié avec quelqu'un ? Qu'est-ce qui nous rapproche ?
- Pourquoi rechercher la compagnie d'autrui / une présence et pourquoi préférons-nous d'autres fois être seul ?
Ces questions s'appliquent selon moi tout au long du déroulement de l'histoire d'Edward. On le suivra par chaque tome dans des moments importants de sa vie : la famille, l'amitié, l'amour.
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