Le problème avec ma mère (2)

A la fête de l'école, je me suis inscrit à la chorale. Ma mère est arrivée en retard. Elle ne se souvient jamais du trajet pour se rendre à l'école. Son entrée dans la salle a été remarquée par la majorité des parents. Quelle bande de cons ! Pourquoi se retourner vers elle ? De l'estrade où je me trouvais, j'ai perçu sa gêne et son étonnement aussi, comme si elle ne connaissait pas les lieux. Elle semblait ne pas comprendre ce que je faisais là au milieu de mes camarades.

Notre institutrice a levé sa baguette et nous avons entonné un chant. Puis ce fut le solo qui m'était réservé, car la maîtresse trouve que j'ai une très belle voix et que je chante très juste. Ma mère s'est levée et est venue s'agenouiller à mes pieds, me tenant les mains. Je me suis senti mal à l'aise. Je percevais les rires étouffés et moqueurs des spectateurs. Le solo terminé, mon institutrice m'a fait un signe de la tête qui signifiait :<< Quentin, emmène ta mère >>. Nous avons quitté la salle main dans la main sous les regards railleurs des imbéciles. Ma mère était guillerette et chantonnait l'air que j'avais interprété.

Nous sommes rentrés à la maison. Je l'ai aidée à se déshabiller, son manteau et ses chaussures et je lui ai souhaité une bonne nuit. Dans ma chambre, j'ai retrouvé Balthazar installé sur mon lit. Il m'a parlé. Oui, vous avez bien compris, il m'a parlé. << Demain, ta mère déménage. Tu suis le mouvement >>. Il n'a pas voulu m'en dire plus.

Lorsque je suis rentré de l'école, ma mère courait dans tous les sens en remplissant sacs et valises à la va-vite. Il y avait des cartons partout dans l'appartement. J'ai pris Balthazar dans sa caisse, j'ai mis quelques affaires dans une valise pour faire comme ma mère. Elle n'arrêtait pas de gémir en répétant :<< Nous ne serons jamais prêts. Le propriétaire vient chercher les clés à 18H >>.

Nous avons pris un taxi avec nos bagages les plus importants. Ma mère a indiqué une adresse qui se trouvait sur un document que je n'avais jamais vu. Je me suis demandé si cette histoire de déménagement était réelle ou si c'était ma mère qui déménageait dans sa tête comme me l'avait laissé entendre Balthazar. Arrivés à l'endroit convenu, nous avons découvert un immeuble en voie de démolition squatté par des individus à la mine peu avenante. Ma mère s'est adressée à eux et les a priés de quitter les lieux, qu'il était prévu que nous aménagions ce soir-là. Ils lui ont ri au nez ! Ça sentait la vinasse. Je n'étais pas très rassuré, mais ma mère était très ferme dans son discours. Elle leur a dit qu'elle comprenait qu'ils ne soient pas encore prêts et qu'elle leur laissait une demi-heure de plus pour nous laisser la place. L'un des hommes qui semblait le plus éméché l'a saisie par le col de son manteau et lui a demandé si elle voulait avaler son acte de naissance tout de suite ou dans une demi-heure. J'ai paniqué. Balthazar s'est mis à miauler férocement en crachant et j'ai hurlé au secours comme une sirène. Une patrouille de police qui passait là nous a pris en charge ma mère et moi. Ils nous ont reconduits chez nous.

J'ai conduit ma mère dans sa chambre. Elle s'est allongée sur le matelas nu et s'est mise à sangloter en disant qu'elle n'était pas chez elle. J'ai dû faire preuve de persuasion pour qu'elle se calme. Le lendemain matin, je l'ai trouvée prostrée sur son lit. Elle pleurait doucement. J'ai téléphoné à mon père. Il est arrivé très vite. Il m'a dit qu'il s'occupait d'elle et que je pouvais aller à l'école. En pleine dictée, j'ai vu Balthazar à la fenêtre de la classe qui me criait de venir très vite, qu'ils allaient l'enfermer loin de moi. J'ai quitté l'école comme un dératé, Balthazar derrière moi. Lorsque je suis arrivé à l'appartement, il était vide.

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