Le problème avec ma mère (1)
Salut ! Moi, c'est Quentin. Mes copains trouvent que je suis un mec cool mais IRL (ça, c'est mon pote Bastien qui me l'a appris. Il est au collège et il apprend l'anglais), je suis un enfant stressé. Pourquoi ? La faute à ma mère, enfin, c'est pas vraiment de sa faute. Qu'est-ce qu'elle a fait ? Elle est malade, ma mère. Les gens méchants, et ils sont nombreux, disent qu'elle est folle. Je me pose souvent la question de savoir où se trouve la frontière avec la folie. Qu'est-ce qui peut faire basculer une personne dans un monde d'insanité mentale ? Qu'est-ce que la norme ? Vous devez être étonné par toutes ces questions que je me pose, mais j'ai un QI largement au-dessus de la moyenne et je me garde bien de le montrer. J'ai beaucoup lu dans ce domaine. Du haut de mes dix ans, je n'ai malheureusement pas tout compris. Le langage spécialisé s'apparente parfois à de la langue de bois et je n'ai pas les codes.
J'ai perçu en écoutant et en observant ma mère qu'elle était dangereusement sur le fil du rasoir. A l'école, je ne dois rien dire. Ils enverraient une assistante sociale et on enlèverait à ma mère ma garde. Elle ne survivrait pas sans moi. Je suis celui qui la maintient en vie, celui qui donne un sens à sa vie, qui la fait se lever chaque matin. Ma mère et moi, c'est clair, nous ne pouvons être séparés.
Mon père est parti. Ils ont divorcé. Il en avait assez de vivre aux côtés d'une femme complètement barrée, il m'a dit un jour. Pourtant il connaissait la fragilité de ma mère. Elle était déjà un peu "hors norme" avant ma naissance. La maternité l'a fait régresser. Je pense qu'aujourd'hui elle a dix ans comme moi, mais je ne crois pas qu'elle va continuer son développement mental. Il est visible qu'elle a atteint ses limites. Il y a des signes qui ne trompent pas. Elle est angoissée par la moindre nouveauté dans son quotidien, quotidien qu'elle a soigneusement balisé et ritualisé. Elle devrait consulter un spécialiste, devez-vous penser, j'ai tenté de l'emmener une fois, mais elle n'a pas compris pourquoi elle était là et ce qu'on attendait d'elle. Elle a déclaré au psychiatre : <<Je suis ravie d'avoir fait votre connaissance. Quentin se porte très bien. J'aime beaucoup la décoration de cette pièce >>. J'ai jugé inutile de réitérer l'expérience. Il faut dire que le médecin ne m'a pas beaucoup aidé. Il s'est contenté de lui laisser une carte avec ses coordonnées en lui disant qu'elle pouvait revenir le voir quand elle le désirait.
Dans la rue, ma mère m'a achevé en reprochant à cette personne de tenter de la séduire. << Que dirait ton père ?>> m'a-t-elle dit. Elle n'a toujours pas intégré qu'ils sont séparés depuis cinq ans. Elle semble l'attendre. Elle me fait de la peine. C'est lourd à porter une mère innocente et fragile comme un jeune enfant. Elle a une façon de s'émerveiller devant des faits qui n'attireraient pas l'attention d'autres personnes. Elle est capable de s'arrêter en pleine rue pour observer et écouter un moineau piailler, dans un jardin public, se baisser pour respirer une fleur.
L'autre jour, elle est rentrée avec un cadeau pour moi. C'était un chaton siamois. Elle m'a dit très sérieusement :<<Je te présente ton petit frère. Il s'appelle Balthazar >>. Je l'ai remerciée et embrassée. J'ai emporté le mignon petit animal dans ma chambre. Ma mère m'en a confié la garde en disant que je saurais bien mieux m'en occuper qu'elle, que les bébés, elle n'avait plus l'habitude. Je ne l'ai pas contrariée, surtout ne jamais la contrarier sinon elle explose en larmes et elle me demande mille fois pardon. Dans ces moments-là, je la serre contre moi, je lui chante une berceuse et je la câline doucement. Je lui chuchote à l'oreille des paroles réconfortantes. Je lui dis qu'elle est la personne la plus importante dans ma vie et que rien ni personne ne nous séparera.
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