1.8. Être adapté
Les parents veulent que leurs enfants soient heureux. Alors, les parents essayent d'éduquer leurs enfants pour qu'ils soient adaptés au système. Parce que c'est leur meilleure chance de bonheur.
Peut-être que tu m'en voudras un jour pour ça mon bébé, mais ce n'est pas ce que je ferais avec toi. Tu vas naître dans cette fichue secte qui (comme toutes les sectes) ose prétendre ne pas en être une. Quand tu es adapté, c'est là que ça devient le plus dangereux. Quand tu es adapté, c'est là que tu as plus de chances de te laisser endoctriner.
Et d'une certaine manière, c'est ce qui m'est arrivé. Maintenant que j'ai réussi à m'en libérer, croient-ils vraiment que je voudrais que mon fils ou ma fille grandisse pour devenir un joli petit rouage de leur système ; qu'il ou elle grandisse pour être un heureux être aliéné ?
Je ferais mon possible pour te rendre libre. Et je suppose que ça veut dire que tu seras aussi libre de rejoindre cette fichue secte si c'est ce que tu souhaites. J'espère que tu préféreras rejoindre la résistance – aussi inutile qu'elle soit. Je veux te protéger de leur propagande dès les premiers instants de ta vie : ceux où ton cerveau est si malléable, ceux qui te marquerons éternellement.
Tu grandiras en entendant certaines choses d'un côté et d'autres choses de l'autre. Certaines choses de la part de tes parents et d'autres de la part du reste du monde. Tant mieux : avoir plusieurs options parmi lesquelles choisir, c'est ça la liberté.
Tu auras cette liberté que je n'ai pas eue. J'ai honte de l'admettre, mais je défendais le système. Celui de mes parents. Celui de l'école. Celui du monde. Celui de tout le monde. Parce que c'était le seul auquel j'avais été exposée. Et parce qu'il ne m'avait jamais posé aucun problème. J'étais parfaite et c'était là tout le problème ; le problème qu'est l'absence de problème.
Tu arrives à être parfaite dans le système alors tu aimes le système. Pourquoi te mettrais-tu à le questionner ? Tu grandis avec, par hasard, dans tes cartes, certaines qualités qui te rendent adéquate : du self-control, des capacités de concentration, de l'intelligence analytique, le goût des mots, le goût de bien faire, le goût de l'obéissance. Tu es la petite fille parfaite : tu ne fais pas de vagues et tu excelles à l'école. A cette période de ta vie ça suffit pour être parfaite.
Tu fais tout ce qu'il faut faire et ça paye pendant un temps : tu choisis ton diplôme, ton chemin dans la vie, tu te dis que tu peux faire absolument tout ce que tu voudras, faire ce que tu auras choisi. Tu te crois libre, tu te sens libre. Et le système te semble juste : toutes les possibilités sont ouvertes parce que tu as travaillé, tu n'as pas fait de mauvais choix, tu n'as pas fait de bêtises. Tu as été parfaite, tu le mérites.
C'est exactement ce que je ressentais en finissant le lycée et choisissant ma voie dans le domaine du cinéma et de la télévision. J'étais libre, je pouvais faire ce que je voulais : j'avais eu un peu de chance et beaucoup de mérite. J'avais gagné le droit d'être heureuse et j'allais l'être.
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