Chapitre 9 - Solitude d'une autre vie


Richard ouvrit les yeux. Il voyait du blanc. Il essaya de se lever, et il découvrit une immense salle.

« -Alors, bien dormi...? demanda une voix. »

Richard tourna la tête dans tous les sens. Il découvrit étonnamment l'homme vêtu tout de noir.

« -Mais que me voulez-vous à la fin ? A quoi bon ? demanda-t-il peu rassuré.

-Oh... Ne t'en fais pas, dit-il tout en regardant le lointain horizon par la large baie vitrée. Ce monde, ce monde dans lequel tu vis, c'est moi qui l'ai créé de toutes pièces...

-Ne faites surtout pas un excès d'orgueil...

-Bref... Ce monde est entièrement sous mes ordres. Et ce que tu as fait : survécu à la guerre nucléaire, échappé au système, réussi à venir jusqu'à moi... Je suis impressionné... 

-Attendez..., dit Richard tout en se levant. La guerre nucléaire... C'était vous ? s'exclama-t-il tout en le pointant du doigt.

-Au risque de te décevoir... Oui. Le « vieux » monde, était un système à bout de souffle. Qui ne permettait aucune entorse à la règle. De même, la forte montée de la violence gratuite, ne faisait que d'empirer les choses... Il fallait réagir... Et à présent, le monde est parfait... Mais il me manque quelqu'un... Quelqu'un dans mes rangs, que pourtant j'ai sauvé du pire...

-Les messages c'était vous également...? questionna Richard bouche bée.

-Également oui... Maintenant, viens... Il faut que je te fasse visiter « l'empire », comme je l'appelle... »

Richard obéit, il se dirigea vers l'homme. Il regarda une dernière fois la vue par la fenêtre et il franchit la porte de la pièce. Il arriva dans un très long couloir métallique qui lui rappela Derilière. Les murs étaient constitués de très larges colonnes métalliques, et de lourdes portes blindées.

« -Au fait, comment-vous appelez-vous ? Si je puis me permettre...

-Tu devrais déjà le savoir... On m'appelle Anton Legrand. Mais appelle-moi simplement Anton...

-Très bien... Bon...

-Ici, tu es au cœur du système. Il fonctionne sur le noyau Glass-Soft...

-Glass-Soft... ? Vous devez être de ma génération pour utiliser ce système, et les codes de cinquième génération ? Ils sont beaucoup moins lourds et amplement plus simples à traiter.

-Tu es vraiment un très bon encodeur... Je n'en ai pas encore parlé à mes ingénieurs programmeurs...

-Et... Où sont situés tous les serveurs de calculs ?

-Dans une tour... Non loin d'ici... »

Le couloir débouchait sur une salle remplie de machines. Toutes assises derrière un écran. Elles tapaient des milliers de caractères pour programmer l'immense logiciel qui contrôlait le monde entier.

« -Richard, je te présente le nouveau noyau de Glass-Soft. Fruit des nombreuses heures de travail de mon équipe de création. Cela fait une petite année que ce programme est en phase de test sur plusieurs secteurs du globe. Malheureusement, quelques erreurs se sont glissées dans le code. Et cela est très long pour les retrouver. Surtout quand il y a treize milliard de lignes codées... Bon passons... »

Richard était une fois de plus bouche bée devant tant de technologie et de programmation. Il suivait tranquillement Anton. Ils continuèrent leur chemin sur une longue passerelle métallique qui traversait la salle. Sous leurs pieds, la puissance de calcul du silicium fut en plein fonctionnement. La chaleur générée demeurait énorme.

Il y eu un autre grand couloir. Et au fond une porte, semblable à celle du coffre où Richard avait volé le Væng. Il devenait de plus en plus inquiet. Anton, ouvrit. Et ce fut la stupéfaction. Un immense bureau se dévoila à ses yeux. Une gigantesque baie vitrée donnait une très grande vue panoramique sur la cité du désert. Les hautes tours brillaient dans le soleil du matin. Tout le sol de la pièce était composé de dalles froides. Les murs de rubans lumineux et d'un Smart-Wall sur le plus grand d'entre eux. Richard se précipita. Il plaqua ses mains métalliques sur le verre.

« -Alors, impressionné ?

-Plutôt un peu effrayé... Suis-je tombé dans un rêve, où est ce que c'est encore ce temps suspendu ?

-Non, tu ne rêves pas Richard... Ce monde est à présent la réalité. Les hautes tours, les buildings, tout est vrai. Les machines dans les rues, la technologie actuelle, tout est vrai. Le monde entier, les villes flottantes, tout est vrai...

-A ce propos... Quel utilité de mettre les survivants sur une île à l'écart de tout ce monde merveilleux ?, demanda-t-il naïvement. »

Anton s'arrêta net. Richard venait d'aborder un sujet sensible. Même s'il ne voyait pas son visage, il sentait que ses paroles l'avaient médusé.

« -Eh bien... Ce que j'essaye de t'expliquer depuis un petit moment... C'est que cette société est entièrement robotique... Robot, signifie « pas d'Humains »... Et donc les cloîtrer sur ces îles ! Triple imbécile ! L'Homme n'est pas parfait ! Je veux la perfection et rien d'autre ! Compris ? Ne pose plus de question de ce genre ! D'accord ?! »

Richard hocha la tête lentement. Il regardait Anton qui faisait le tour de la pièce pour calmer ses ardeurs.

« -Regarde Richard, que vois-tu dans cette ville ?

-Des robots..., dit-il tout en haussant les épaules.

-Bien... Ça commence à venir... L'Homme peut être imbécile comme brillant, il ne peut pas être parfait par définition... Moi, je veux un monde parfait, rien qui ne sort des rangs... Rien !

-D'accord... Alors pourquoi suis-je ici... ?

-Car tu es tout simplement parfait ! Tu es le modèle parfait de l'ingénieur superviseur que je recherche depuis si longtemps ! La branche robotique de ma cité mérite quelqu'un comme toi à sa tête ! Personne d'autre... Et surtout pas ses Humains idiots comme des bêtes ! En plus, tu es très doué... Je le sais déjà...

-Attendez, avec tout le respect que je vous dois, êtes-vous certain que je serais plus productif que vos machines ?

-Humm... Ce n'est pas si bête..., déclara Anton. La productivité et la modernité sont les maîtres mots... Programme, recalcule le coût horaire et la production de Richard avec les nouvelles données...

-Tout de suite Maître...

-Attendez, vous aussi vous possédez Programme ?

-Tout à fait. Quel est le problème ?, demanda Anton.

-Il était omniprésent dans le « vieux monde » comme vous dites. C'est un miracle qu'il n'y ai pas que moi qui le possède !, dit-il tout en riant. »

Anton le regarda lourdement, signifiant qu'il devait se taire.

« -Programme, c'est long, est-ce oui ou non pour la rentabilité ?

-Tous les signaux sont au vert Maître.

-Richard assied toi... Il faut que l'on parle sérieusement à présent. »

Ils s'assirent tous deux, chacun à une extrémité de l'immense bureau en bois qui trônait au centre de la pièce.

« -Richard, devient mon associé, et tous deux, nous pourrons faire des merveilles. Et surtout... révolutionner le monde tout entier ! Réfléchis bien, c'est même certain, ta vie n'est-elle pas tourmentée depuis quelques temps ? Ne serait-ce pas le moment de trouver une nouvelle voie dans ta vie ? Tu n'as plus de famille... Peut-être que oui... Alors à quoi bon ? Changeons le monde et sois de nouveau heureux dans une ville comme celle-ci ! Ta réponse sur ce bout de tablette... Tiens... Enfin, si tu sais écrire... »

Richard attrapa la Crystal-Tab, et lu attentivement l'intitulé de la coopération. Il regarda chaque mot, la façon dont il était placé dans la phrase, afin de dévoiler une possible arnaque. Il posa la tablette sur le bureau et sortit de la pièce. Il referma délicatement la porte derrière lui. Anton se pencha sur son bureau afin de saisir l'objet. Il découvrit le choix.

« Qu'on appelle la sécurité sur le champ... »

Le fugitif arriva et traversa un immense hall, entièrement vitré, laissant apparaître le magnifique panorama de la cité. Le soleil éclairait de pleins feux le sol brillant gris. Il demanda son chemin pour sortir d'ici au premier robot qui passa. Prenez le premier ascenseur que vous voyez, et tournez à gauche, disait la machine.

Il suivit les instructions et se retrouva dans la rue en quelques minutes seulement. Anton l'observa depuis son bureau. Richard semblait perdu dans l'immensité de la cité au soleil levant. Les gratte-ciels et les rues s'animaient lentement. La signalisation lumineuse sur la chaussée s'éteignait délicatement.

« -Programme ! Traces l'itinéraire le plus rapide pour rejoindre la colline d'où nous nous sommes posées hier soir ! Le plus rapidement possible ! Hurla Richard dans son casque.

-Très bien Monsieur. Alors continuez tout droit. La cible se situe à environ deux kilomètres d'ici, non loin des tours jumelles. »

Richard ne courrait pas. Il ne marchait pas non plus. Il avançait à une vitesse convenable pour échapper aux troupes de sécurité ambulantes. Un fin brouillard de chaleur apparaissait irrégulièrement dans le chaud désert urbain. La froideur du métal au sol, rendait chaque pas plus bruyant que le précédent.

Alors qu'il s'enfonçait dans une autre avenue, il tourna la tête, et découvrit qu'on le suivait de très près, un groupe de trois robots armés le regardait. Il se mit à courir. Les machines également. Il vit au loin un arrêt de Tranvias. Un véhicule était justement en phase d'approche. Il avança rapidement. Les machines commencèrent à tirer sur Richard. Un tir frôla sa jambe.

« -Monsieur, le Tranvias vous déposera directement au pied de la colline, mais il ne vous attendra pas si vous le manquez !

-Je le sais... Programme !, dit-il essoufflé. Mais... Je cours là ! Vois-tu ! »

Il était à une cinquantaine de mètres de l'arrêt. Les portes du tram s'ouvrirent aux passagers. Il prit ses jambes à son cou. Il grimpa les marches de la station deux à deux avant de chuter violemment sur le sol métallique. Il se releva et entra de justesse dans la rame. A l'intérieur, les robots étaient alignés au pas militaire. Pas une seule machine ne dépassait. Richard eu soudainement une idée.

« -Programme, est-ce que le wagon est pressurisé ?

-Pour la vitesse, mais l'air n'est pas filtré.

-Combien de temps cela prendrait-il pour retirer ma carte électronique d'identification ?

-Celle... Dans votre casque ? Celle qui dit de vous que vous êtes un Homme ?

-Mais oui celle-là... Il n'y en a pas cinquante. Qu'en penses-tu ?

-Cela est dangereux Monsieur, je vous conseillerais plutôt de retirer celle qui donne votre nom et prénom...

-Sauf que c'est la même carte. Bon allez, à la une, à la deux... »

Il appuya sur le bouton de décompression de son casque, et le retira d'un geste sec. Il retint sa respiration et détacha le cache de protection du système électronique. Les pensées bouillonnaient dans son esprit. Il devait faire vite, sinon les dégâts de l'air vicié seraient irréversibles sur son système neurologique. Avec ses lourds gants de métal, il arriva à arracher la puce. Il referma le tout et remit le précieux équipement sur sa tête. Essoufflé, il reprenait sa respiration. Il se mit à tousser, tel un lourd fumeur.

« -Monsieur... Monsieur..., s'époumonait le logiciel.

-Oui... Bah... Vois-tu... Je... Viens... De respirer... Un air... Qui m'étouffe... laisse... Moi deux... Secondes... Si tu veux... »

Il ne cessait pas de tousser. Pourtant, il se tut lorsqu'il vit que la rame arrivait à grands pas vers la station au pied de la colline. Sa carte d'identification trônait sur le sol crasseux de la voiture. Il reprit ses esprits, et bondit du Tranvias lorsque les portes s'ouvrirent.

« -Programme, c'est bien cette colline ?

-Tout à fait Monsieur.

-Que c'est haut ! On n'est pas du tout rendu... Bon, c'est parti tout de même... »

Il commença l'ascension. La pente entièrement faite de sable orangé, brillait sous le feu du soleil. Plus personne n'était à sa poursuite. Mais il voulait quitter rapidement cette cité de machines dopées aux ordres immondes d'un dictateur informaticien. Il tomba à maintes reprises dans le sable brûlé par le soleil grisé du ciel.

Alors qu'il arrivait au sommet de la dune, une explosion survint dans son dos. Il s'agissait du Tranvias dans lequel il se trouvait encore il y a quelques minutes. Il commença à chercher partout la Væng. Mais le vent chaud du désert avait dû ajouter une nouvelle couche de sable frais pendant la nuit. Même ses traces de pas avaient disparues.

« -Programme, les coordonnées géographiques de l'atterrissage s'il te plait !

-Très bien Monsieur, alors faites deux pas sur votre gauche, puis dix devant vous...

-Bon... Si tu le dis... Et que dois-je faire à présent ? Regarder la ville ridicule qui s'offre à mes yeux ?

-Absolument pas voyons... Creusez dans le sable maintenant...

-Bien... Et tu crois que l'aile est enterrée ici ? Il n'y a rien ! On fait quoi ?

-Prenons la fuite vers l'Ouest.

-D'accord... Mais... Quoi ?! Tu veux que l'on s'échappe en marchant ! C'est peut-être moi qui ai retiré mon casque, mais c'est quelqu'un d'autre qui en a subit les dégâts...

-Alors continuez à chercher dans le sable.

-Toujours rien... Oh... Attend un peu... »

Il découvrit un morceau brillant surgissant du sable. Il fouilla autour de ce morceau de métal et découvrit l'aile tant recherchée. Il l'accrocha dans son dos, et commença à dévaler la pente de la dune. Mais il ne décollait toujours pas.

« -Un problème de réacteur ?, dit Richard inquiet.

-Non Monsieur, un manque de vitesse. Avoir retiré votre casque n'a pas arrangé les choses... Vos performances physiques ont diminuées.

-Oui bon... Je fais quoi à présent ?

-Gardez l'aile, mais il va falloir marcher. Seul solution possible. »

Richard soupira longuement. Il décrocha l'aile, et la traîna à présent dans le sable. Il se mit en route vers l'Ouest. Vers la fraîcheur de l'océan. Un décor sublime s'offrait à lui. La ville tentaculaire dans son dos, et face à lui, la grandeur du désert, et les couleurs magnifiques des massifs de roches chaudes.

Pas une trace de pas. Partout où il passait, il était un des premiers à avoir foulé ce sol. Le vent torride apportait avec lui des bourrasques de sable, qui frottait régulièrement sur le scaphandre métallique de Richard. Le soleil se levait progressivement et l'éblouissait lentement. Son état de santé déclinant doucement. Il avait de plus en plus de mal à marcher. Programme activa l'aide à la marche, mettant en œuvre les moteurs des jambes de Richard, l'aidant à avancer. La chaleur du midi l'écrasait un peu plus, il commençait à avoir un rythme de marche vraiment lent.

Chaque dune était beaucoup plus haute que celle qui la précédait. Le sable se dérobait sous ses pieds. Parfois, des cavités entières se formaient à la suite de son passage. La cité s'éloignait lentement dans son dos. Les dernières antennes des plus hautes tours disparaissaient progressivement dans les mirages de chaleur. Le reflet du ciel sur le sable de plus en plus fort, lui donnait mal aux yeux. Plus il avançait, plus Richard croyait voir l'océan se former devant-lui. Mais il savait que tout cela n'était qu'hallucination. Le système de refroidissement de sa tenue fonctionnait à plein régime.

Le crépuscule vint, et apporta avec lui d'immenses bandes de couleurs magnifiques dans le ciel. Malgré la présence d'une couche de poussière en suspension, la voûte céleste arborait d'admirables teintes. L'obscurité tombait rapidement. Richard alluma les lampes dans son casque. Elles éclairaient suffisamment loin pour voir quelque chose à une cinquantaine de mètres.

La fraîcheur de la nuit permettait à Richard d'avancer plus vite, et plus confortablement. Rien ne semblait vouloir l'arrêter dans sa course. La seule chose qui le maintenait encore debout, c'était la rigidité de son scaphandre. Il somnolait littéralement.

Il marcha toute la nuit, en continu. L'énergie qu'il dépensait, fut récupérée par les articulations de sa tenue pour charger sa batterie. La chaleur fut moins étouffante car un vent fort soufflait depuis l'Ouest. Il observait le paysage, et commençait à se poser des questions simples. Qui avait bien pu sculpter un tel paysage lunaire ? La bombe atomique ? Le vent ? L'érosion ? Chacune de ces réponses pouvait être la vraie. Mais rien ne permettait de le savoir.


***

Voilà ! Ce chapitre est à présent terminé ! J'espère que ce voyage vers le futur vous aura plu, si oui continuez-le dès à présent ! Vous êtes de plus en plus nombreux à nous suivre et nous lire ! Merci !

Rédigé par Focus.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top