9-Galères

Résumé des chapitres précédents :

Merlin et Lancelot sont dans les camps ennemis sur un quiproquo. Merlin vit son premier chagrin d'amour en même temps qu'il découvre son homosexualité.

Ses pères croulent sous les soucis et son chien Carlin est malade.

Stan l'ennemi public du lycée, l'évite, sans doute pour lui laisser une chance de faire ami avec les autres. Merlin traine solitaire au lycée.

Il lui arrive quand même des trucs sympas, il s'amuse pendant ses cours de kitesurf et l'aide-soignante Mariam qu'il aime bien va s'installer chez eux.

Personnages principaux :

Merlin Dambreville,

Lancelot Joubert

Stan Bervange

Personnages secondaires :

Gaspard et Nine Dambreville ses pères vétérinaires

Son grand père Anatole, son oncle Charles, Mariam

Les animaux

Stave le prof de kitesurf

Les profs du lycée : Raberton, le proviseur.

Les élèves du lycée : Romain, Annabelle

Deux garçons qui ne sont plus là :

Malo et Lucas

***

Merlin

─ Enlevez ces lunettes jeune homme !

─ Non, j'ai mal aux yeux.

C'est faux, ce sont des lunettes roses fantaisie. Avec ma couleur d'yeux si particulier, ce vert clair étrange qui évoque un fantôme et mes cheveux à la couleur orange, je suis naturellement remarquable, alors les couleurs j'aime. Je me déteste !

Une semaine déjà que je suis dans ce lycée pourri et demain c'est le weekend. Il ne me reste plus que quelques heures de cours avant de m'évader. Un bonheur gâché par l'idée qu'il faudra revenir dès le lundi.

La prof d'histoire, notre prof principale, évoque le harcèlement. Je soulève un sourcil surpris. C'est marrant de sa part, sachant qu'elle qui vient de me critiquer à propos de mes lunettes et qu'elle ne me surnomme que le nouveau. D'ailleurs elle parle de moi.

─ ...par exemple, le nouveau peut garder ses lunettes, qui font parler pour rien. Je vous rappelle qu'il est interdit de frapper les faibles, parce qu'ensuite les parents se plaignent.

Sa formulation est étrange, je devine sans mal que mes pères ont dû appeler et elle m'affiche ainsi devant la classe. Je sais qu'ils ont voulu bien faire, mais ils ne m'aident pas là !

─ Pauvre chou, tu t'es plaint à maman, rigole un gars devant moi quand la prof s'assoit après nous avoir donné un texte à analyser.

─ Je me suis plains à papa, je rectifie machinalement.

IIs s'en donnent à cœur joie de me traiter de débile et de cafard. Cela vient de partout et je fais l'unanimité dans la haine.

Nous terminons par anglais et les « be quiet » de la prof d'anglais se perdent dans une marée de sarcasmes.

Stanislas ne me quitte pas le midi et propose qu'on mange ensemble. J'y vois surtout la résignation sur mon statut de paria. Il a admis que mon cas est désespéré. Nous sortons du lycée pour aller trainer sur le port. J'aime cette liberté de sortir les midis, sauf qu'avec mon budget, j'en ai un peu marre des menus sandwichs.

Je le fais rire en lui racontant que je compte les jours. Je lui montre le décompte que j'ai mis en place sur mon téléphone : Cent cinq jours en tenant compte des week-ends et des vacances à tirer.

─ C'est cool, ça veut dire qu'après tu vas pouvoir vivre !

Il est résigné et je crois que c'est le pire. Dans cette simple petite phrase, il a tout dit. Lui, n'a pas besoin de décompte, il ne compte pas vivre et il ne sortira pas de cet enfer. Mais pourquoi ?

Comment on peut être aussi désespéré si jeune ?

Je tente de l'interroger, mine de rien, puis j'y vais franchement et maladroitement. Sans succès ! Il m'envoie promener gentiment ou m'ignore. Il lève un sourcil quand ma question le gêne, ce n'est pas compliqué, je dirais que toutes mes questions le gênent.

Il est sympa, amical, mais il sait marquer la ligne route de ses secrets et malgré toutes mes tentatives, ne me laisse pas la franchir. J'ai juste réussi à savoir que sa mère est pharmacienne, parce que nous sommes passés devant la pharmacie de la grande rue et il a détourné la tête. J'ai vu une femme étrange un look gothique avec des cheveux noirs et un collier de chien, des vêtements noirs sous une blouse blanche.

Il m'a précisé que c'était sa mère.

***

Le week-end est passé trop vite, à bricoler avec mes pères en enlevant des tuiles du toit et joué avec mes animaux. J'ai été faire une grande balade dans les landes avec les chiens. J'ai tenté de faire bouger Carlin, mais il reste près de moi sans courir, alors que les trois autres courent comme des dératés. Le dimanche après-midi, mes pères ont été voir mon oncle à l'hôpital, pendant que j'ai surveillé mon grand-père. Heureusement que j'ai les animaux qui le canalisent et m'aide à lui faire entendre raison. Il n'a toujours pas réalisé que son fils ainé n'est pas à la maison. Sur le bureau de mon oncle, des documents du fisc indiquent que la Société été saisie, mon oncle a tout perdu alors qu'il est encore dans le coma.

***

Le lundi matin nous commençons avec Raberton, l'horrible prof de math qui donne un cours hyper simple, il interroge la classe sans que personne ne réponde. Pour ma part, je n'ai nulle intention de me manifester. J'ai imprimé des cours de révision de ma prépa veto dans mon livre de math et j'avance sur mon programme de l'an prochain. J'ai failli me faire griller, quand le prof m'a interpellé.

Il a maugréé quand j'ai avoué mon ignorance. Il semblait furieux et attendre, je n'ai pas flanché.

Lancelot m'ignore royalement, au moins il ne me harcèle pas. Je ne le regarde plus et lui n'a jamais fait attention à moi. Nous avons installé un rideau de fer virtuel entre nous deux, qui coupe la classe avec une zone neutre inaccessible. La différence entre nous deux c'est que moi je crève d'envie de regarder alors que lui s'en fout.

Il me plait tellement que cela me désespère. J'ai réussi à résister à l'envie d'aller l'admirer ce week-end. Je me demande quand mon attirance pour lui va enfin daigner passer. Dire que j'étais si tranquille avant de craquer pour lui, il m'a détraqué mon univers et en plus m'a ridiculisé. Je suis obsédé par lui, je rêve de le toucher et de l'embrasser. Je lui en veux de me plaire, je tourne en rond dans ma tête. Même quand il est ridicule en cours, il m'attendrit. Il s'est fait interroger en physique et j'ai pu apprécier combien il est nul. La seule matière dans laquelle il se débrouille c'est l'anglais. Son nom est en plein milieu du classement débile de Raberton, pas de quoi se vanter !

Ma marque sur le visage est toujours visible et douloureuse.

***

Le mardi, nous n'aurons pas permanence, la prof de SVT est revenue. Mademoiselle Radier est une femme à l'allure sèche, avec un gros chignon gris. Elle me fixe ahurie, alors que j'allais m'assoir à ma place au fond.

─ L'huluberlu avec les lunettes roses. Vous vous vous croyez où ? Vous n'êtes pas chez vous ! Vous êtes qui d'abord ?

Je voudrais la rassurer et lui dire que je ne me sens pas chez moi. Je retiens aussi ma remarque sur le fait qu'elle ne me connait pas puisqu'elle était absente. Pour une fois, je suis d'accord avec mes camarades de classe et je comprends pourquoi ils la détestent.

Elle me désigne une mini table, sur l'avant droit de la salle de classe qui sert à entreposer des livres.

─ Revenez ici, mettez-vous dans le coin là et remplissez-moi une fiche avec les coordonnées de vos parents et leurs téléphones et professions.

─ D'accord Madame.

─ Mademoiselle, je suis une jeune fille.

Berk, je frissonne, peu soucieux de connaitre sa vie privée. Quel pensum ! On est à l'ère de l'informatique et tout est déjà dans les bases de données du lycée. J'ai songé à mettre des conneries, avant de me raisonner et de lui rendre ma feuille quelques minutes plus tard. Alors que je m'apprête à retourner à ma place, elle m'interpelle.

─ Pourquoi vous avez mis deux pères et où est le nom de votre mère ?

Comment annoncer à toute la classe qu'il y a un sujet croustillant avec moi.

─ Je n'en ai pas !

─ Comment est-ce possible ? Vous croyez sortir du saint esprit ?

C'est visible que l'idée que deux hommes soient ensemble la débecte. Sa jalousie, son énervement sont palpables, je ne peux rien pour elle cependant.

J'ai envie de répondre, mais je me raisonne, conscient que je ne vais pas arranger l'humeur à la maison avec mon renvoi. Sa méchanceté flagrante me saoule.

─ Il y en a qui n'ont pas de père et moi je n'ai pas de mère.

─ Alors ne mettez qu'un seul père, ce n'est pas compliqué ! rétorque la fielleuse.

─ Moi, j'en ai deux !

Elle jette ma fiche à la poubelle, en me virant de la classe. Son air revanchard qu'elle ne dissimule pas, l'air triste de Stanislas et les ricanements des autres, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Je quitte le lycée. En théorie, quand elle m'a hurlé dehors, cela voulait dire : allez voir le CPE pour y récupérer une punition. J'ai décidé d'aller prendre l'air en ville. Je suis désolé pour mes pères, mais là je n'en peux plus.

Je marche au hasard avant de réaliser que je ne suis pas loin du club de boxe-thaï que j'avais repéré sur internet. Il a l'air cool et on peut s'entrainer tous les soirs. Des grandes portes de bois ouvertes, donnent sur un entrepôt ou on entend des bruits de coups et des jurons. Des gars s'entrainent quand j'arrive, ils ne bossent pas eux ?

J'ai coupé le son de mon téléphone, ça vibrait sans arrêt. Je suppose que le lycée m'appelle et ils ont dû prévenir mes pères maintenant. J'ai loupé le cours de treize heures et quitté le lycée en douce.

Un immense molosse se tient devant le club.

─ Tu veux quoi gamin ?

─ Je voulais me renseigner sur des cours, heu... débutants.

─ C'est écrit sur le site internet, tu peux venir tous les soirs, les entrainements sont libres et tous niveaux.

─ Même archi-débutant ?

─ Même looser, oui.

Sympa la mention et terriblement d'actualité.

─ Tu t'es pris une correction, non ?

Je porte la main à ma blessure, avant de la reculer car même un léger contact me fait mal.

─ Oui, un coup de poing dans la tête, ça fait mal. Je n'ai même pas eu le temps de réagir. Il faut dire que je ne me suis jamais battu avant, enfin, j'ai dû arrêter à la maternelle, je pense.

Il rigole.

─ Il faut esquiver, ce sera le premier truc qu'on va t'apprendre.

─ Comme fuir en courant, quoi !

─ Oui, c'est un peu l'idée, mais tu n'apprendras pas que ça. Tina ! hurle t'il me faisant sursauter.

Une petite bonne femme minuscule arrive. Il l'enlace et me la désigne du menton.

─ Tu vois jeunot cette nana, crois-moi sur parole, j'irai à reculons pour me battre contre elle.

─ Cool, je fais admiratif.

─ Tu ne devrais pas être à l'école ? me fait la bonne-femme-pas-con.

Euh, merde ! je n'ai pas prévu de baratin.

─ ...Euh ...J'ai pas cours, je balance finalement après avoir fait marcher mes rouages au ralenti.

─ Pas cours hein ? Moi aussi des fois, je n'avais pas cours ! je sais ce que c'est ! Elle me fait un clin d'œil.

─ Si tu veux t'inscrire voilà le formulaire avec les prix des formules, qui peuvent être annuelle ou trimestrielles, intervient le costaud.

─ Il y a une grosse différence ! je ne peux m'empêcher de discuter.

─ Viens ! On va faire un essai gratuit, monsieur j'ai-pas-cours, rigole Tina.

─ Apprend lui à esquiver ! ce lui sera utile, glisse le gars costaud moqueur.

Tina m'entraine dans une grande salle avec des miroirs d'un côté, le sol est couvert de tatami, des rings un peu plus loin, des barres et des sacs de boxe complètent l'endroit.

Deux gars s'affrontent torse nu et en short, trempés de sueur, un des rings et ils sont impressionnants de rapidité.

Elle me laisse découvrir les lieux un moment sans rien dire avant de reprendre :

─ Le prix c'est pour inciter à choisir l'année bien sûr. Il faut bien qu'on gagne notre vie nous aussi, Enlève ton blouson et on va faire un échauffement.

─ Attention à mon visage, j'ai super mal.

─ Ne t'inquiètes pas je vais juste te montrer quelques trucs, promis je ferais attention. Je t'indiquerai une crème qui devrait te soulager et promis.

Et voilà, au lieu d'être au lycée à me faire chier, j'ai eu droit à un super cours de boxe. Elle m'a montré quelques gestes à répéter pour accroitre mes réflexes, c'était drôle et j'ai aussi assisté à une démonstration de Tina contre deux mecs. Elle m'a convaincu que je peux me défendre contre n'importe qui.

Peu désireux de rentrer je suis allé faire du repérage au club de plongée, j'ai un paquet de messages en absence, mes pères ne rigolent pas.

─ Tu n'es pas en cours ? demande le prof de plongée.

Je grince des dents, de quoi je me mêle !

─ Non les profs ont une réunion, c'est une journée libérée.

Je progresse dans mes mensonges. Si je continue de sécher, je vais être le roi pour fournir les bonnes réponses.

─ Ok fait le bonhomme qui cillent des yeux. Pour ton initiation à la plongée, tu me donne tes créneaux libres et je te mets en liste d'attente. Je n'ai personne d'autres, mais dès que j'ai un autre élève, je peux ouvrir un entrainement. Il faudra vous mettre d'accord sur les horaires.

Je me balade dans les rues de La Rochelle il commence à faire froid et il fait nuit. Il est déjà dix-huit heures, cependant je n'ai aucune envie de rentrer.

Finalement le froid et la faim me font plier. Avant d'aller voir mes pères, je passe un moment avec mes animaux avant de me diriger vers la maison le cœur lourd. Ils sont devant la télévision et regardent un reportage vétérinaire. Papa arrête la vidéo sans rien dire.

─ Très bien, Ok ! J'en avais marre voilà. Si vous voulez m'engueulez allez-y et après je me couche. Ça saoule !

─ Très bien ! Alors tu n'as pas le droit de quitter le lycée quand cela te chante ! rétorque Gaspard.

─ Et tu nous as fait peur, ajoute Nine.

─ Nous avons eu un appel du proviseur. Tu as été insolent en classe, et ensuite tu as quitté le lycée et depuis pas de nouvelles.

─ J'ai médité.

─ Le proviseur était super énervé, il a fait vite, il a commencé à parler de conseil de discipline.

La vache il ne fait pas de cadeau.

─ Normalement les conseils de discipline sont pour les trucs plus graves que ça. Il est malade ce proviseur. La prof nous a insulté. Et je sais que vous êtes déjà intervenu pour m'aider, ma prof principale vous a balancé devant toute la classe.

─ Je me doute qu'il y a une raison, fait Gaspard en se frottant les yeux. Je n'en ai jamais douté, mais cela ne justifie pas tout ! Tu dois continuer l'école pour devenir veto, ton rêve. Je ne veux pas savoir ce qu'elle a dit comme méchanceté, quoi que ce soit, je m'en fous. Bien sûr qu'on a appelé le lycée pour tenter d'arranger les choses. Je n'ai pas terminé, je vais contacter mon cousin Mathieu, c'est le préfet et il connait bien le recteur. On a besoin d'un peu d'aide je dirais.

─ Le préfet rien que ça ? je souffle ébahi et c'est quoi le recteur ?

─ Le chef du proviseur. Je ne rigole pas avec ton bien être et ton dossier scolaire. Pour cette fin de semaine tu vas rester à la maison, ta joue est un prétexte tout trouvé.

─ OK.

─ Et Merlin ?

─ Quoi encore ?

─ Nous t'aimons plus que tout, si nous pouvons faire quelque chose ?

─ Un scooter pour que je puisse rentrer les midis à la maison ?

Ils soupirent en chœur.

─ J'ai tenté, c'est de bonne guerre.

Ils rigolent et viennent m'enlacer. Je me sens enfin bien. Même le pincement au cœur à l'idée d'y retourner ne me gêne pas. N'empêche entre mes galères, le grand père gaga et l'oncle atomisé, mes pères ne sont pas aidés non plus.

Je les regarde, soudain inquiet pour eux. Pour l'instant ils encaissent ensemble,c'est ce qui doit les aider à tenir.

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