8-La combinaison

Résumé des chapitres précédents :

Rien ne va pour la famille Dambreville en ce moment. Les pères sont sous l'eau avec tous les soucis, heureusement que leur amour est à l'épreuve des chocs car ils sont chahutés et s'ajoute désormais leur fils en terminale qui ne se plait pas à l'école.

Merlin a cru voir que Lancelot est celui qui a envoyé Romain le frapper. La haine s'installe entre les deux garçons. Merlin est blessé dans son premier chagrin d'amour en même temps qu'il envisage d'être gay.

Personnages principaux :

Merlin Dambreville,

Lancelot Joubert

Stan Bervange

Personnages secondaires :

Gaspard et Nine Dambreville ses pères vétérinaires

Son grand père Anatole, l'oncle Charles et Mariam l'aide-soignante.

Stave, le prof de kitesurf

Les profs du lycée : Raberton, le proviseur.

Les élèves du lycée : Romain, Annabelle

Deux garçons qui ne sont plus là :

Malo et Lucas

****

Merlin

Le vent souffle polaire dehors et l'air est glacial, le temps a changé complétement en une semaine. Il caille dans la maison que nous n'arrivons pas à chauffer.

L'ambiance au petit déjeuner est tristoune, mes pères font la tête. Ă tous les coups, ils se sont engueulés à cause de moi. Je ne sais pas trop quoi dire pour arranger les choses et hésite à mettre les pieds dans le plat.

Même les chants des perruches dans la pièce à côté ne nous distraient pas.

Papy nous parle d'une fête qui a eu lieu dans les années soixante et mon père marmonne en s'efforçant de lui répondre.

Caroline est sur mes genoux, la tortue navigue entre son terrarium et le potager.

Un de nos chiens, le plus âgé, Carlin a vomi dans la nuit, nous réveillant tous. Il a dormi dans la cuisine et ce matin j'ai été ouvrir à tous nos chiens et les chats sont là aussi. Carlin est un berger allemand de douze ans. Ensuite, nous avons recueilli Sam un épagneul breton, Djumbo un labrador et Quick un chien sans race. Carlin s'est installé à mes pieds, soucieux de ne pas me quitter.

Si on m'écoutait, je ferais rentrer les ânes et les poules aussi.

─ Tu aurais pu aller à l'infirmerie, ta joue est violette. Tu sais bien que l'homme est un animal, il attaque toujours les faibles, rouspète Gaspard.

Je grogne maussade et agacé, pas près à supporter la morale à sept heures du matin. Il m'a fait la théorie en maternelle et je sais, oui merci ! Les guêpes piquent là où il y a une piqure, les animaux sentent la peur et attaquent ceux qui ont peur ou les plus faibles. Même face à un lion, quelqu'un qui n'a pas peur et se grandit peut gagner, cependant il ne gagnera pas contre une meute de loups.

Je connais la théorie, arriver au lycée avec des marques de coups, cela fait de moi une victime. L'homme sociabilise et verbalise, mais derrière, il reste un animal. C'est toujours la loi du plus fort qui revient ! Jamais bien loin.

Mon père est vétérinaire comportementaliste, obnubilé par le sujet.

Je caresse Caroline que j'ai mise sur la table, ce qui énerve encore plus papa. Les chats se sont couchés sous la table, ainsi que les chiens. Ils semblent se terrer, ils doivent sentir que l'ambiance n'est pas joyeuse.

─ Je vais prendre des cours de boxe.

Je fais chauffer mon lait, met une tonne de chocolat et de sucre dedans. Je partage ma tartine de pain avec Caroline, en admirant la vue sur les arbres qui entourent la maison.

Je réalise que ma déclaration leur a coupé le sifflet.

─ Tu devrais plutôt retourner au théâtre et te faire plaisir avec tes cours de dessin, insiste Nine, qui n'avait rien dit jusqu'à présent.

Je secoue la tête en grommelant, je ne compte pas faire aucune de ces activités ici. Je veux juste apprendre à me battre pour pouvoir me défendre contre le gros lard qui m'a claqué hier. Que des nouveautés dans cette ville de merde.

Je reviens à mon sujet de préoccupation du moment, Carlin.

Je n'ai pratiquement pas dormi cette nuit entre la douleur et les soucis, du coup, j'ai parfaitement entendu que notre chien a encore vomi.

─ Il faut faire des analyses pour Carlin, tu aurais pu y penser quand même ! C'est quand même malheureux que le chien d'un vétérinaire ne soit pas soigné.

─ Qu'est-ce que tu aurais demandé comme analyse ?

Voilà, il joue au professeur.

─ Passe-moi une de tes ordonnances, je marmonne.

Une fois qu'il s'est exécuté, je rempli la liste des analyses qui me semblent nécessaire. J'en rajoute d'autres un peu chères, par précaution.

Mon père lit l'ordonnance et hoche la tête me signifiant sans doute que c'est bon.

─ Tu vas lui faire faire ?

─ Oui promis.

Mon père soupire et me prend dans ses bras. Je n'aime pas ça du tout ! Enfin j'aime bien ! quand il me serre dans ses bras, sauf que ça n'arrive plus jamais ! Depuis que je suis adolescent, il a trop la trouille qu'on lui reproche un truc. Pourtant, je le sais moi, qu'il m'aime comme mon père, enfin je disgresse !

S'il éprouve le besoin de me câliner c'est qu'il y a un problème, où alors c'est juste à cause du coup que je me suis pris ?

Notre moment de tendresse est interrompu car on frappe à la porte.

Mariam l'aide-soignante de papy, qui travaille chez nous, arrive en avance avec des valises. Nous la regardons tous surpris. Elle a un cocard elle aussi sur sa peau noire qui se voit autant que moi. Nous nous adressons un sourire de solidarité.

Papa se lève pour l'accueillir.

─ Vous m'avez proposé de rester un peu plus et j'ai besoin d'un logement, j'avoue que je suis en galère, explique-t'elle.

─ Votre agresseur ne viendra pas vous chercher ici ? s'inquiète ce sans-cœur.

─ Non pas de danger, il ne sait pas où je travaille. Je vais changer d'écoles d'infirmières et le tour sera joué. Vous voulez bien.. ?

─ Choisissez votre chambre, ce n'est pas la place qui manque. C'est un arrangement provisoire, le temps que mon frère se réveille. On ne vous demande pas de loyer, mais en échange vous nous aider à surveiller le papy, négocie le même qui ne perd pas le nord.

─ Bien sûr et merci beaucoup.

Je réalise que Mariam était à la rue.

Papa la fait assoir à côté de moi et elle prend un café, souriante, visiblement soulagée. Nine lui sert du pain et lui apporte du jus de fruits.

Je pars presque souriant, papa m'a donné de l'argent pour m'acheter un sandwich. Ils sont enlacés, déjà réconciliés tous les deux. Cependant ils ont l'air ennuyés.

Ce n'est pas à cause de Mariam quand même ?

Ma pommette vire à l'aubergine et on dirait que j'ai tenté de la peinture sur la moitié de la face avant de m'arrêter. Je ne me maquillerai pas pour camoufler la marque ridicule, mais ce n'est pas l'envie qui m'en manque.

J'ai mis des lunettes de soleil rose pour cacher mes yeux, une tenue ultracolorée, pull vert, pantalon rouge, chaussures jaunes et manteau bleu, je suis dans la provoc. Je vais leur monter à cette bande de ploucs, ce que c'est qu'un mec qui aime les couleurs. Il ne va pas trop falloir me chercher avant que j'explose.

Oiseau des iles ! J'entends ce surnom toute la journée. Personne ne m'appelle par mon prénom, ils ne doivent même pas le connaitre. Je m'en fou, occupé à lire sur mon téléphone, je les ignore et ils me le rendent bien. Stanislas reste à l'écart, il est bizarre et semble ivre, il s'est pris un mur en marchant et à un moment deux gars l'agressent et il se prend des coups. Décidemment, la haine prévaut dans ce lycée de cauchemar. Sur l'heure du déjeuner, comme hier, il est parti de son côté, il arbore une lèvre amochée et son tee-shirt est déchiré.

La prof de SVT est absente, ce mardi après-midi. Ils l'appellent la vieille chouette. D'après leur bavardage, elle est souvent absente et ils ne l'aiment pas. Ils partent tous, sans un regard pour moi et je ne compte pas les suivre de loin. Je ne sais pas où me poser.

Stanislas semble aller mieux et être redevenu lui-même, il est resté à mes côtés en m'expliquant que nous avons le choix entre trainer à la bibliothèque au deuxième étage ou en permanence à côté du réfectoire. J'allais opter pour la bibliothèque quand il m'invite à le suivre.

─ Les gradins du gymnase sont accessibles et chauffés, surtout il n'y a personne ! pas mal non ? Nous pouvons rester là tranquille.

J'approuve, en hochant la tête.

Il grimace à un moment en touchant sa lèvre abimée.

─ Ouch ça fait mal rigole t'il. Mais rassure-toi je leur ai fait mal aussi.

Stanislas prend une BD, il n'a pas envie de discuter, message reçu.

Je n'insiste pas et sors mon téléphone. Dessus, j'ai mes cours et révise mon programme de science pour l'année prochaine. De temps à autre, je jette un regard sur mon mystérieux rockeur, cette deuxième journée m'a convaincu qu'il est l'ennemi public du lycée, détesté par tous les élèves, même ceux des autres classes. Des gars le bousculent, les filles le regardent comme un cafard et tout le monde s'éloigne quand il approche.

Je ne vois pas pourquoi les autres ne l'aiment pas. Ce n'est pas parce qu'il est cancre quand même ? En plus il n'a pas l'air con, pourtant il met un point d'honneur à torpiller sa scolarité.

Pourquoi ?

Quant à son attitude étrange de ce matin, la seule explication c'est la drogue. Il file un sacré mauvais coton.

Il me tape l'épaule pour me faire signe d'y aller.

─ Il va être l'heure d'aller en philo. Le prof est un allumé, tu verras il est si étrange.

Je découvre l'énergumène qui nous autorise même à faire autre chose pendant qu'il donne son cours. Sa théorie : Nous ne sommes pas vraiment ensemble, ce n'est qu'une illusion ...alors pourquoi s'embêter.

Je regarde un plan sur mon téléphone, nous terminons à seize heures aujourd'hui et j'ai prévu d'aller m'acheter les accessoires que m'a conseillé Stave pour mon cours de kite surf.

Stanislas regarde mon écran, un sourire narquois sur les lèvres.

─ Et toi, tu fais du surf ?

─ Non, je déteste l'océan.

Je sens qu'il y a plus derrière ces mots que la peur de l'eau, il y a un secret, palpable dans l'air, effrayant.

Qu'est-ce que ça peut signifier ?

***

La boutique a une grande devanture verte, avec des combinaisons et des planches en vitrine. La sonnette tinte quand je rentre et le vendeur, qui a le total look cool, avec chemise hawaiienne, cheveux longs et short au milieu des décorations de noël m'accueille.

─ Sympa tes lunettes, je peux quelque chose pour toi ?

Je lui indique ce qu'il me faut.

.

Il y a une joyeuse cohue à l'intérieur, des gars qui regardent du matériel, d'autres font réparer le leur.

J'aperçois l'océan agité au loin, qu'est-ce qu'il m'a pris de m'inscrire à ce cours ? Je ne vais jamais arriver à rentrer dans l'eau demain.

Plus tard, quand j'arrive à la maison, chargé avec mes achats, je remarque que Carlin boite et tous les animaux l'entourent. Les ânes me font ma séance de câlin quotidienne, mécontents de ne pas pouvoir rentrer dans la maison avec moi. Plus tard, je fais rentrer les chiens et les chats dans ma chambre, ainsi que Caroline pour m'aider à bosser.

J'entends du bruit en hauteur, mes pères doivent être sur le toit pour préparer les travaux.

Les animaux se collent tous à moi, soucieux d'avoir leur part de caresse. Ils me font du bien.

Mon père redescend du toit, un peu plus tard alors que je bosse mes cours de prépa veto par correspondance. Mes devoirs pour le lycée ont été une formalité vite expediée. Il fixe les animaux entassés dans ma chambre, sur mon lit, en se retenant de rouspéter, alors que Caroline tente de manger mon livre.

─ Ça a été l'école ?

Ça n'ira jamais ! Question débile.

─ Joker !

─ C'est quoi tous ces sacs ?

─ Mon matériel pour tester le kitesurf.

─ Il ne prêtait pas ?

─ Non, ils prêtent la combinaison, pas le reste. Si je n'accroche pas, je serais bon pour les revendre sur internet.

─ Espérons que cela te plaise ! Tu travailles sur quoi ?

─ Les classifications osseuses.

─ Viens avec moi, je vais t'interroger dans le salon. Fais sortir toute la ménagerie.

─ Ce sont tes animaux tu pourrais les câliner.

─ Ils savent que je les aime, mais c'est chacun chez soi quand même.

Le lendemain j'ai retrouvé le prof de math détesté, il a passé la moitié de l'heure à menacer les élèves du résultat de son contrôle.

Il m'a regardé un moment, mais comme j'ai baissé la tête il a sans doute décidé qu'il m'avait assez charrié. Je fixe fasciné mon sac de sport, il contient mes affaires pour mon cours d'essai avec Stave.

J'y vais à reculons, car il bruine et les températures ne sont pas loin d'être négatives. Heureusement, quand j'arrive Timber me saute dessus pour m'accueillir, je me sens mieux. Les autres élèves du cours ont une dizaine d'années, ils sont encore en primaire et il y a des grands en sixième, Stave n'avais pas exagéré.

Ma baraka je te déteste !

Les gamins se débrouillent mieux que moi. Pour la plupart et ils ne sont pas tellement admiratifs de mon statut de terminale. Ils me charrient et me mettent à l'écart, jusqu'à ce que nous rentrions dans la cahute chercher des voiles. Timber nous saute dessus et je gagne des points avec eux en le faisant obéir. Je fais la morale au chien intelligent, en lui expliquant que ce n'est pas bien de terroriser les gens, il baisse la tête.

Le prof nous apprend à gérer le vent, le maniement des voiles sur le sable, puis avec de l'eau au mollet. Nous ne nous occupons pas encore de l'équilibre sur la planche. Une heure plus tard, je suis lessivé, conscient que nous n'avons pas tellement progressé.

Il n'y a pas grand monde sur la plage, en dehors de nous. Il fait trop froid sans doute.

Ă la maison, mes pères cuisinent ensemble et mon grand-père lit, allongé dans sa chambre. C'est trop calme et toutes les fenêtres sont grandes ouvertes, avec une odeur de cramée intéressante.

─ Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

─ Ton grand-père a voulu cuisiner. Il a allumé le gaz, puis préparé une casserole avec du beurre, avant d'aller se recoucher, alors que nous étions sur le toit. Il s'en est fallu de peu qu'il mette le feu.

─ Et Mariam ?

─ Elle était partie faire des démarches administratives pour se séparer de son conjoint violent.

Je repère la perceuse et les outils de mes pères. Ils vont mettre une serrure sur les portes de cuisine, pour empêcher papy d'y rentrer, quand ils ne sont pas là.

Je suis heureux de retrouver ma chambre et mon lit, après ma séance de kite.

Mes copains de Sens, avec qui je tchate en ligne, trouvent que j'ai trop de bol et moi je les envie d'être dans notre campagne paisible. Comme quoi on n'est jamais content !

Je ne leur ai pas tout dit ! C'est trop dur pour moi de leur parler du harcèlement que je subis ici. Ils ne savent pas que je rase les murs au lycée sous les regards de dégout des autres, les coups d'épaules. Je ne leur ai pas décrit l'ambiance étrange et ne parlons pas du fait que je n'ai aucun ami. Je rectifie mentalement, j'ai Stanislas et Stave et les sixièmes de mon cours de kitesurf.

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