19-Tempête

Résumé des chapitres précédents :

Merlin et Lancelot se sont offerts des roses à la Saint Valentin, en secret, mais ils ont deviné que c'est l'autre. Ils n'en sont pas à la réconciliation, mais ils portent leur échange comme un espoir.

Lancelot se sent coupable vis-à-vis de Malo qui était souvent ingérable et regrette de ne pas l'avoir écouté.

Personnages principaux :

Merlin Dambreville,

Lancelot Joubert

Stan Bervange

Personnages secondaires :

Gaspard et Nine Dambreville ses pères vétérinaires

Son grand père Anatole. Son oncle Charles, Mariam

Stave le prof de kitesurf

Les profs du lycée : Raberton, le proviseur.

Les élèves du lycée : Romain, Annabelle, Alexandre le meilleur

Sophie Bervange la mère de Stan pharmacienne

David Joubert, Alexandra Joubert la grand-mère de Lancelot et Patricia la nouvelle petite amie de son père

Deux garçons qui ne sont plus là sont évoqués :

Malo a disparu en mer la veille de noël l'an dernier il se serait suicidé et Lucas un brun a disparu à la sortie du lycée

***

Merlin

Je recrache l'eau glacé salé après m'être encore planté après avoir pris trop de vitesse. Comme je n'arrive pas à virer de bord la seule solution est de plonger. Stave nous apprends à naviguer avec des voiles distendues, c'est plus dur et permet de mieux comprendre l'importance du vent, parce qu'à la moindre erreur, la voile s'écroule.

J'ai l'impression d'avoir bu des litres d'eau salé. Pourtant j'ai fait des progrès en kite.

Tout en nageant pour rejoindre le bord, en luttant contre les vagues puissantes, je repense à ma surprise hier et plus que tout j'ai apprécié notre connivence, comme une promesse.

Est-ce vraiment Lancelot qui m'a offert ces roses ?

Je dirais que nous avons tous les deux compris que nous nous sommes offerts des roses. C'est notre petit secret, sauf si je m'illusionne complétement.

Une série de vagues me fait couler, j'accélère pour rejoindre le bord.

Dans la cabane avec le chauffage qui souffle à fond, Stave nous préviens qu'une tempête arrive et interdiction d'aller sur les plages les deux prochains jours.

Quand je rentre à la maison mes pères sont occupés à terminer de bâcher le toit avec les ouvriers.

Nous sommes la veille des vacances de février, je réalise que je n'ai toujours pas parlé à Stan du mot que j'ai trouvé dans le perfecto. Je l'appelle, mais quand il décroche il me dit des bêtises au téléphone, il a encore pris un truc louche, clairement, ce n'est pas le moment de lui en parler.

***

La tempête a été costaud, il est tombé un déluge, toutes les routes sont inondées et les vacances scolaires ont commencé plus tôt puisque nous n'avons pas eu cours pendant deux jours. Le toit d'une des écuries qu'on venait juste de le poser s'est envolé.

Stan est parti au ski dans les Pyrénées. Il ne voulait pas y aller, mais sa mère l'a menacé de l'emmener en croisière sur un bateau. Elle sait comment lui parler.

J'adore skier, mais nous n'irons pas cette année, mon oncle vient de se réveiller et mes pères sont occupés avec la toiture de la maison.

J'ai mon concours à préparer, ce sera des vacances studieuses et solitaires.

Une fois en allant à l'océan pour faire des photos des vagues monstrueuses, j'ai reconnu la voile noire de Lancelot.

Je ne devrais pas l'admirer, car sinon je suis bon pour fantasmer sur lui toute la nuit et c'est nul. Je me dépêche de repartir alors qu'il rejoint le bord, on dirait qu'il m'a reconnu.

Mon père est au téléphone. Il discute un moment avant de raccrocher pour venir enlacer Nine.

─ Qu'est ce qu'il se passe ? demande Nine.

Je les regarde tous les deux si amoureux, je ne râle plus pour qu'ils aillent dans une chambre. Je suis désormais rêveur, est ce que moi aussi je connaitrais un jour ce bonheur ?

─ Un vétérinaire a fait un burn-out dans la ville à côté. Ils en savent encore peu, mais la commission départementale vétérinaire me demande d'assurer son remplacement pour trois mois et j'ai accepté.

Je vois bien que mon grand-père va mieux depuis que nous vivons avec lui, il perd moins la tête. Parfois, il disjoncte et dis des bêtises, il suffit de le ramener dans sa chambre pour qu'il se ressaisisse.

***

Pendant ces vacances, nous avons été invité dans la famille de mon père, chez le frère cadet de papi. Je découvre toute ma famille d'un seul coup.

La surprise c'est qu'une des filles d'un des cousins de mon père est dans mon lycée. J'aurai dû m'en douter, elle a la même couleur de cheveux que moi. Ce blond tirant sur l'orange, n'est pourtant pas banal.

Elle sourit, en me regardant, alors que je porte la main à mes cheveux.

─ Nous sommes de la même famille ? nous nous exclamons en cœur.

Elle s'appelle Léa et elle est dans une autre terminale.

Les adultes bavardent sans s'occuper de nous.

─ Tu aurais dû tilter avec mon nom de famille ou au moins les cheveux, j'insiste rancunier.

─ je n'y ai pas pensé.

J'avoue que je suis un peu gêné à l'idée de la revoir au bahut.

─ Si tu veux... on n'est pas obligé de dire que l'on fait partie de la même famille ?

─ Snobinard ! Je n'ai pas honte de toi !

─ Je ne suis pas snob ! Mais avoue que l'accueil que vous m'avez fait au lycée, c'était quelque chose.

─ je viens de tilter que tu as fait intervenir oncle Mathieu ! J'y crois pas !

─ Mes pères ont pensé à ma scolarité. Pour le concours que je vise, il vaut mieux un bon dossier. J'ai été harcelé et pris à partie depuis mon arrivée.

─ C'est vrai, il faut dire que dans ta classe, ils ont eu un nouveau pénible l'an dernier et avant ...bref ! ils ont été un peu échaudés.

─ Super logique de rejeter le nouveau qui n'y est pour rien !

─ Bon surtout, tu es proche de Stanislas et celui-là c'est un vrai sale type !

─ Explique-toi, pourquoi tu dis ça ?

Léa m'entraine dans une chambre pour parler tranquillement. Je découvre un repère de fille comme je les imagine, des murs roses, une coiffeuse et le lit recouvert d'une couette rose. Des tableaux avec des femmes en robe longues sur les murs, une commode avec des bougies complète la pièce cosy.

─ Tu habites ici ?

─ C'est ma chambre quand je viens chez mon grand-père.

Elle s'étale sur le lit, la tête appuyée contre le mur et je m'assois intimidé sur le bord.

─ Idiot, approché ! Elle me tire et me voilà allongé à côté d'elle.

─ Qu'est-ce que tu sais de tout ce bordel ?

─ Pas grand-chose, Stan est une tombe et Sandy n'ose rien dire. Je sais que ça concerne deux garçons qui s'appellent Malo et Lucas.

─ Tu aimes bien Stan, tu réalises que je vais te foutre en l'air ton amitié ?

─ Franchement je le connais depuis presque deux mois et je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi malheureux. Il s'est déjà bien puni tout seul, quoi qu'il ait fait.

Elle me regarde et semble réfléchir avant de me balancer son info.

─ Il sortait avec Malo, je les ai vu.

Je n'ose rien dire, digérant la nouvelle que j'avais deviné, il me semble. Le chagrin de Stan est trop gros, trop intense et j'ai le petit mot dans le blouson de Malo.

─ OK ! Bon Stan et Malo et comme par hasard Lucas dont on en reparlera et un autre gars dans ta classe étaient des super copains. Des surdoués en voile, qui gagnaient toutes les courses.

Je hoche la tête, faisant le lien avec la photo que m'a montré Stan.

─ Tu fais de la voile toi ? je demande à Léa.

Elle me fait les gros yeux parce que je l'ai interrompue.

─ je me débrouille. Rien à voir avec Malo et Stan. Malo était génial, il dégageait une présence, c'était un original farfelu. Lucas était plus raisonnable comme Lancelot qui est dans ta classe et que tu dois connaitre. Tous les quatre étaient inséparables Et puis Malo est devenu de plus en plus étrange, je dirais qu'il a basculé du côté obscur je ne vois pas comment le dire.

─ Essaye de m'expliquer, car j'imagine Dark Vador ?

─ Je vais te montrer. On a fait un spectacle pour le téléthon. Elle manipule son téléphone pour fouiller dans les fichiers et me montre une vidéo ou un gars chante. Il est déchainé, surexcité et chante une chanson paillarde en se trémoussant.

─ C'est Malo très classe hein ? Il a gâché le spectacle avec ses conneries et les profs ont arrêté le concert après. Ce soir-là il s'est engueulé avec Stan, je les ai vu se battre. Je suis partie en les laissant et puis j'ai eu des remords et j'ai fait demi-tour j'étais décidé à les séparer et...

Elle s'est interrompue et reste silencieuse.

─ Et ?

─ Et ils étaient en train de s'embrasser. Il n'y avait plus besoin de les séparer.

Elle soupire, jouant avec ses doigts pour reproduire les motifs de la couette.

Soudain la porte de la chambre s'ouvre sur nos pères.

─ A vous êtes là ? On vous cherchait.

─ Vous auriez pu frapper, râle Léa.

Mon père me fait un clin d'œil.

Qu'est-ce qu'il a cru ?

─ On passe à table dans dix minutes, indique papa qui s'attarde avant de daigner repartir.

Léa soupire, puis me regarde.

─ Tu as su que des photos ont circulé ? C'était en décembre.

─ J'ai cru comprendre que c'est à cause de ses photos qu'il s'est suicidé.

─ Ce sont des photos pornos. Je ne les ai plus, mais franchement c'était lamentable et j'avais honte pour lui.

─ Carrément ?

─ Oui tout le monde s'est foutu de lui. Tout le lycée était choqué, les profs, ses parents, la police. Les rumeurs ont enflé, disant que c'est Stan qui était responsable, qui avait obligé Malo à poser et qui les avait balancés.

Inutile de dire que quand Malo est mort, ils ont tous voulu la peau de Stan.

─ La police n'a pas trouvé qui a envoyé les photos ?

─ A priori non. Ensuite ça a été les vacances de noël et j'ai appris que Malo avait disparu en mer. Je n'en revenais pas ! ce mec était un dieu de la voile il allait ou il voulait, il n'a pas pu rater une manœuvre. Tout le monde a dit que c'est Stan qui l'avait poussé au suicide. Il parait que Malo avait laissé un message de dénonciation sur son bateau avant de mourir, un message qui aurait été effacé, tu vois ce que cela veut dire ?

─ Non, enfin si, est ce qu'il a changé d'avis ?

─ Non pas du tout. Tout le monde pense que Stan a été le rejoindre en bateau et soit il l'a tué, soit il a constaté sa mort et pour se protéger il a effacé le message.

─ La police l'aurait arrêté !

─ La police n'a pas trouvé qui a diffusé les photos et n'a rien pu prouver. On a pas mal parlé au lycée et je sais que Stan avait un alibi. J'ai vu le bateau quand ils l'ont ramené. Je faisais du shopping avec mes copines et j'ai une photo. Tu veux voir ?

─ Oui je veux bien.

Elle prend mon numéro et me l'envoie.

Sur le cliché que j'agrandis, je découvre, sous un jour gris, des policiers à bord d'un bateau qui tire un voilier. J'agrandis l'image du bateau, il a bien tout un côté couvert de peinture rouge.

─ Ils n'ont pas pu déchiffrer le message ?

─ Non.

J'agrandis la photo pour afficher le nom du bateau.

─ Oui le Malotru comme Malo. Ses parents le gâtaient trop, marmonne ma nouvelle cousine.

─ Et l'autre disparition ? L'autre élève ?

─ Lucas a sans doute fugué. C'est arrivé le jour de la rentrée des classes de janvier, l'ambiance n'était pas joyeuse. Pour beaucoup, que c'est la preuve que ce serait lui qui a envoyé les photos ou que Stan et lui étaient complices pour abuser de Malo. Le plus étonnant c'est que tu as débarqué pile un an après !

Nous soupirons en chœur.

─ C'est une drôle de coïncidence quand même. Enfin plusieurs, je soupire.

Quelqu'un tambourine à la porte.

─ On mange qu'est-ce que vous faites ? demande un des garçons de Mathieu qui repart en nous faisant les gros yeux.

─ Mais qu'est-ce qu'ils croient qu'on fait ? marmonne Léa agacée.

***

Mes pères ont commencé leur remplacement. C'est plus compliqué que prévu, l'endroit est une zone de guerre. Ils estiment que j'ai assez grandi sans doute, car ils m'ont raconté le drame de leur confrère. Il était en plein burn-out quand son épouse a voulu le quitter, ce qui a été le coup de grâce. Il s'est tiré une balle dans la tête pour en finir. Un réflexe instinctif lui a sauvé la vie, la balle n'a qu'effleuré son front.

Papa se tourne vers moi.

─ il faudrait que tu viennes nous aider les week-ends et les soirs.

Je hoche la tête, Stan pourra me remplacer à la SPA.

Clarisse lui fait du bien et je soupçonne qu'elle arrive à le faire parler quand je ne suis pas là.

Gaspard cogite ferme sur l'organisation et comment améliorer les choses.

Je découvre mes pères sous une nouvelle facette. Ils sont descendus de leur piédestal de papas pour devenir deux hommes malmenés par la vie, mais qui se battent ensemble. Je ne les en aime que davantage.

Cette histoire m'alerte quand même sur un aspect moins fun de mon futur métier. J'aime soigner les animaux, je ne veux faire que ça, il ne faudra pas que ce soit au détriment de tout le reste.

Mon père a insisté, l'emplacement du collègue était idéal, le cabinet aurait dû être une affaire prospère, géré par plusieurs personnes en bonne intelligence. En réalité, la clinique animale a été victime de son succès. Les vétérinaires ne s'entendaient pas entre eux, les salariés en pâtissaient avec des horaires impossibles. En quelques mois, il y a eu une série de démissions et d'arrêts maladies. Puis le vétérinaire associé a jeté l'éponge.

Celui qui a fait une tentative de suicide passait plus de quinze heures à la clinique tous les jours de l'année. La première tâche de mes pères, va être de faire revenir les employés, sans perdre tous les clients.

En théorie, il faudrait une dizaine de personnes pour faire tourner la clinique sur un rythme normal et ils ne sont que deux. Leur avantage, c'est qu'ils sont sur la même longueur d'onde et toujours amoureux.  

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