Partie 3 - Chapitre 6A


Athéna ne bougeait pas, elle continuait de me serrer contre elle. Elle respirait lentement mais son coeur, que je sentais très fortement, battait à une vitesse folle. Ses cheveux sentait délicieusement bon, j'espérais mourir avant elle, je ne voulais pas la voir partir.

Une nouvelle rafale, mais cette fois pas du même côté. Une dizaine d'hommes pénétrèrent dans l'avion. C'étaient les hommes d'Herbert. Les tirs des soldats cessèrent, étant obligés de se mettre à couvert.

— Visez le centre du bouclier ! hurla Herbert, tout juste apparu dans l'embrasure de la porte de chargement.

Chacun de ses agents arma et visa précisément le centre des boucliers de l'armée.

— Chargez le régulateur, ordonna Herbert. Trois de ses hommes embarquèrent, tirant une espèce de mitrailleuse modifiée avec un bout en parabole et un écran d'ordinateur...

Ils se placèrent à l'extrémité de l'allée principale, pianotèrent sur le clavier de l'ordinateur et appuyèrent sur la gâchette. Il y eu un simple déclic métallique dans tout l'appareil.

— Débarquez-les tous ! ordonna Herbert à ses hommes. Le reste de l'armée est en chemin, il ne leur faudra pas cinq minutes pour arriver et eux, seront bien plus lourdement armés que ceux-là ! Nous avions un avantage, l'effet de surprise, désormais, ils ont le dessus. Bougez-vous !

Athéna et moi nous regardâmes étonnés. Herbert le remarqua.

— Nous avons mis le régulateur au point. Il permet théoriquement de désactiver les armes dans un secteur choisi. La technologie a du bon mais pas tout le temps.

— Théoriquement ? s'étrangla Athéna. Et pourquoi ne pas l'avoir utilisé sur la piste ? Cela vous aurait évité tant de perte !

— C'est la première fois que nous nous en servons hors de notre camp d'entraînement... Un test. Il est un peu long à charger, environ dix minutes, voilà pourquoi nous ne nous en sommes pas servis avant, répliqua Herbert. Ses hommes, une arme blanche sous le cou des soldats, sortirent un à un et attachèrent les soldats entre eux derrière un conteneur.

Ares nous rejoints au pas de course. Il écarquilla les yeux devant la scène et nous interrogea du regard.

L'un des derniers hommes de main de Herbert posa le pied au sol avec un soldat de la bulle.

— On y va, chuchota Herbert à l'oreille d'Ares. Celui-ci fila dans les allées jusqu'au cockpit. Une minute plus tard, alors que les troupes de Herbert prenaient le chemin du retour et montaient presque dans l'appareil, il trembla vivement, Athéna se retint à une caisse mais Herbert n'eut pas cette chance et s'écroula sur la rampe de chargement.

— Traître ! hurlèrent les hommes qui voyaient l'avion décoller sans eux. Ils se ruèrent sur Herbert et le tirèrent hors de l'appareil. Une bagarre s'engagea. Certain essayant de monter dans l'engin qui avait déjà décollé d'environ un mètre, d'autres essayaient simplement de tabasser Herbert.

Ares arriva au bon moment. Il fit passer par-dessus bord chaque homme qui essayait de franchir la porte. Je l'aidais comme je le pouvais. L'un d'eux, debout, pointait un revolver vers moi. Je saisis un tuyau au plafond, m'y suspendis et, pieds joints, donnai une impulsion sur le sol avant de les abattre sur le torse de l'homme qui chuta dans le vide et fit une chute d'un mètre. Un coup de revolver se fit entendre.

Herbert se dégagea de l'étreinte de l'un des hommes, celui qui m'avait tenu en joug toute la journée, et prit appui sur la plateforme d'embarquement. A la force de ses bras, il se hissa dans l'appareil, Ares hésita à le faire passer par-dessus bord mais il ne fit rien. J'hésitais aussi mais je ne le poussais pas non plus. Je ne saurais dire pourquoi.

— Maintenant ! ordonna Herbert alors qu'il se hissait toujours sur le tremplin de chargement. Nous étions désormais à deux mètres de la terre. Athéna l'aida à monter et ils nous rejoignirent au pas de course. Il tira brutalement sur un levier près de la porte d'embarquement des marchandises pour qu'elle se referme. Il avait un talkie dans les mains et hurlait des ordres à Noah.

Herbert prit les commandes de l'avion.

— Ce n'est pas très compliqué, comme un jeu vidéo je suppose ! hurla-t-il euphorique alors que l'appareil prenait de l'altitude, ses ailes hélices, à l'horizontale.

— Je suppose ? répéta Athéna en chuchotant, pâle de peur et de désespoir.

Adonis et Charly soignaient la malade et le blessé, dans la salle de transport de troupes, jouxtant le cockpit. Ambroise poussait d'atroces cris de douleur. Athéna et Sol et moi vinrent aider Charly, nous maintînmes notre ami en place. A même le sol, alors que l'avion prenait de l'altitude, nous avons désinfecté la plaie avec le matériel trouvé à bord. Athéna et Charly avaient fouillé les caisses de marchandises et avaient trouvé de quoi opérer Ambroise, à l'agonie.

Nous quittions la base quand l'avion fut secoué. Herbert souffla d'agacement.

— Je l'avais oublié..., ronchonna-t-il en sortant la tablette de sa poche.

Une deuxième secousse. Ambroise qui se faisait balloter hurla de douleur. Charly tomba à la renverse et se cogna contre les sièges accueillant normalement les fessiers des soldats de la bulle.

— Vous avez oublié quoi ? s'agaça Noah qui maintenait comme il le pouvait l'appareil le plus droit possible.

— Oh, pas grand chose..., dit-il nerveusement.

— Que se passe-t-il ? s'énerva Ares qui nous rejoignait. Nous essuyâmes une nouvelle secousse.

— Eh bien, il se trouve que mes hommes disposent toujours d'armes puissantes et qu'actuellement, ils nous tirent dessus. De plus, les soldats de la bulle viennent de rejoindre la base et commencent à faire décoller leurs avions de chasse.

— Pardon ! Vous avez oublié cette possibilité ! s'emporta Athéna.

— Je peux toujours te coudre les lèvres, princesse ! hurla Herbert en donnant de grands coups sur le tableau de bord.

C'est à ce moment précis que je me dis que quelque chose dans ma vie avait raté. Comment avais-je pu être aussi bête. Aussi stupide pour faire confiance à un homme que je ne connaissais pas, atteint d'une maladie qui rend potentiellement dangereux. Et je n'avais pas pensé aux avions de chasse ? Mais qu'est-ce qui m'était passé par la tête ? Cette capsule m'avait donc aspiré une partie du cerveau !

Noah redressa les hélices malgré notre basse altitude ce qui déclencha chez Herbert une rage incroyable.

— Nous sommes trop bas ! beugla-t-il en prenant le contrôle du manche de pilotage.

— Nous n'avons pas le temps de prendre de l'altitude, partons au plus vite.

— Idiot ! Prenons le plus d'altitude possible, les avions de chasse ne pourront pas nous atteindre et les armes au sol non plus !

Noah le regarda empli de haine et nous prîmes de l'altitude.

Encore et encore. Jusqu'à ce que les armes au sol et les avions de chasse ne puissent, comme Herbert l'avait prédit, ne plus nous atteindre. Les premières étant trop bas, les seconds ayant pas les mêmes hélices que notre appareil.

Une fois cette haute altitude atteinte, nous mîmes le pilotage automatique jusqu'à une ancienne cité que je ne connaissais que de nom, Las Vegas, connue pour avoir été une cité balnéaire, destinée aux jeux et à l'amusement. Il est bien évident que je n'y avais jamais mis les pieds, le voyage étant réservé aux très riches comme Athéna à l'époque. Elle m'a avoué, alors que nous explorions la soute à marchandise, y avoir passé quelques jours mais ne pas avoir aimé son séjour. Elle était restée dans son hôtel, la température étant insupportable. Problème climatique d'après guerre oblige. Elle y avait joué aux cartes toutes les journées, était rentrée plus riche qu'elle ne l'était avant mais avait vu un homme perdre toute sa fortune en une partie de poker.

Elle m'a ensuite expliqué en quoi consistait ledit poker, car je n'en avais jamais entendu parlé. J'ai jugé préférable de ne jamais m'y essayer. De toute manière, j'étais toujours pauvre, d'ailleurs, nous l'étions désormais tous. Personne n'avait reçu le million promis ! Sauf nos familles, si tel avait été notre demande et explicitement indiqué sur le contrat. Je savais qu'Adonis avait fait le même choix que moi, à savoir, donner sa fortune à sa famille, du moins au début de l'expérience, avant la visite de sa mère. Kaya avait transféré à son père. Athéna et Nadir avaient tout gardé pour eux. Pour les autres, je ne savais pas. Je n'arrivais pas à savoir ce que Sol avait choisi...

En y réfléchissant bien, je me demandais si l'argent avait toujours de la valeur dans ce monde qui brûlait à petit feu.

Le trajet était long. J'ai aussi pensé à ma mère, ma soeur et mon frère. Comment avaient-ils vécu après mon départ. Si mes voeux avaient été respectés et que Charles avait tenu sa promesse, ils avaient coulé des jours heureux dans le centre ville et avaient sûrement fini leur vie correctement. Mais comment étaient-ils morts ? De vieillesse ? C'était le plus probable. La famine ne les guettait plus, ni les maladies ou le froid, ni même les gangs et leurs règlements de comptes. Le virus était arrivé trop tard. Je les imaginais, dans un appartement luxueux, devant un bon repas. Ma soeur faisant de grandes études, mon frère avec un petit animal de compagnie.

Il en avait toujours voulu un. Mais cela faisait une bouche en plus à nourrir, nous ne pouvions pas nous le permettre à l'époque.

Herbert, en plein milieu du vol, m'a rejoint dans la salle de transport de troupe. Comme promis, je l'ai laissé prendre de mon sang, Athéna aussi. Par chance pour lui, et pour mon plus grand désespoir, l'appareil transportait du matériel médical et Hélios et Athéna qui avaient suivi le plus assidûment les cours dans le laboratoire avant de rentrer dans les capsules, furent ceux qui nous installèrent de quoi faire une perfusion.

Nous restâmes assis un long moment, chacun avec une aiguille et un petit tube dans le poignet.

La perfusion me donnait le tournis.

— Vous vous sentez mieux ? demandai-je à Herbert qui s'assoupissait. J'avais espoir que cela fonctionne, qu'il aille mieux, ainsi, je ferai la même chose avec Kaya, elle serait guérie. Je voyais bien qu'elle l'espérait aussi. Elle nous regardait avec envie, quand ma question lui parvint aux oreilles, elle s'agita aussitôt sur son siège et prêta attention à la réponse d'Herbert.

— Non, me dit-il sèchement.

— Vous vous sentirez mieux ?

— Je n'en sais rien, grogna-t-il en ouvrant faiblement les yeux.

— Alors à quoi cela sert-il ? Je me vide de mon sang, j'absorbe le vôtre, mes veines et artères me brûlent..., il me coupa.

— Ecoute petit, je ne sais pas si cela fonctionnera. J'ai espoir mais je ne suis pas médecin. Je fais confiance à la légende qui vous concerne, voilà tout.

Plusieurs larmes coulèrent le long des joues de Kaya. Elle se laissa retomber dans son siège et étouffa un sanglot. Adonis saisit sa main qu'elle serra tendrement. Elle avait perdu du poids, d'importantes cernes lui tombaient sous les yeux, sa peau et ses cheveux étaient devenus ternes, ses yeux étaient rougis et toutes ses veines ressortaient plus ou moins. En particulier sur sa gorge et ses bras, son visage n'était pas encore trop atteint.

Cela faisait une trentaine de minutes que mon sang circulait entre les tuyaux et le corps d'Herbert et que le sien se mélangeait au mien quand une douleur fulgurante me fit arracher l'aiguille de mon bras. Cela me brûlait partout intérieurement et mon coeur battait beaucoup trop vite à mon goût. Athéna se précipita vers moi alors que je compressais inutilement ma main contre ma cage thoracique. Ma vision fut soudainement trouble et une migraine me donna l'irrésistible envie de me couper la tête pour que la douleur cesse. Je tentai de me lever, Athéna me fit m'assoir avec l'aide de Sol.

— Adam, sa voix douce résonnait dans mon crâne, elle répéta mon prénom ou alors était-ce mes oreilles qui décuplaient les paroles. C'était comme un écho constant.

Il m'était impossible de parler. Ma trachée me brûlait comme si j'avais avalé de l'acide. Je voulais me lever, avoir de l'air frais. Je me fichais que nous soyons dans un avion, je voulais sauter sans parachute.

— Ses veines, Athéna ! J'avais l'impression que Sol venait de hurler ces mots dans mes oreilles. Je regardai mes mains, bien que les images fussent saccadées, je distinguais bien mes poignets aux veines gonflées et violacées.

Je m'effondrais, à genoux sur le sol, impossible de tenir plus longtemps sur mes jambes. Puis ce fut le néant.

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