Partie 3 - Chapitre 3


 Sol et moi nous sommes éclipsés du hangar numéro trois avec une facilité déconcertante. Nous avons pris au passage, de l'eau potable et de la nourriture pour Kaya. Le soleil était brûlant, il se réverbérait sur les vitres des façades et nous cramait la peau. Les rues étaient délabrées, les routes recouvertes de gravier, des ponts s'étaient effondrés sur les avenues, des immeubles s'étaient écroulés et certains menaçaient de s'effondrer et tenaient grâce à la pression qu'ils exerçaient l'un contre l'autre.

Nous avons aisément retrouvé notre abri de la veille, les hangars étant près de la tour, elle-même proche de notre dortoir provisoire de la nuit passée.

Le silence était pesant et la drôle de pression qu'il y avait entre Sol et moi n'arrangeait rien. Nous marchions côte à côte, il fuyait mon regard et à chaque fois que j'essayais d'engager la conversation, il trouvait quelque chose à faire, comme chercher des choses utiles dans les gravats ou escalader des ruines pour trouver un chemin plus court.

— Bon, dis-je à un moment alors que nous arrivions près de notre refuge de la veille, criblé d'impacts de balles. Sol, parle-moi, je t'en prie, je ne t'en veux pas...

— Adam, je suis désolé, me dit-il en passant au-dessus d'un bloc de béton brut d'où sortaient des pieux, drôle de barricade.

— Mais, je ne t'en veux pas, je veux juste comprendre...

— Il n'y a rien à comprendre ! s'emporta-t-il.

Je décidais de ne rien répondre pour que nous ne nous disputions pas une nouvelle fois.

Rien n'avait bougé, la porte derrière laquelle était cachée Kaya et le cheval était toujours fermée.

Je l'ouvris avec appréhension... J'avais si peur de retrouver le cadavre de mon amie derrière. Le corps tout pâle et couvert de sang de la jeune Kaya.

A peine la porte ouverte, une odeur âcre me donna la nausée. C'était une infection. J'entendais sangloter. Sol me regarda inquiet et se pinça le nez. Il sortit son couteau et le tendit devant lui. La pièce était sombre et le rayon lumineux que la porte entre ouverte laissait entrer, donnait sur le fond de la pièce, le mur y était couvert de sang.

Sol donna un grand coup de pied dans la porte qui laissa entrevoir un carnage. Les murs qui donnaient sur la rue étaient criblés de balles, celles tirées par le groupe d'Herbert, la veille. Je pensais retrouver le corps de Kaya, morte la veille, touchée par un impact !

Le carrelage était ruisselant de sang noirci par la poussière, il y avait un cadavre, celui du cheval, et Kaya, recroquevillée sur elle-même, dans un coin, sa tunique grise couverte du liquide rouille. Dans le creux de sa main, un couteau dont la lame n'était plus argentée mais brune, souillée par le sang. Elle nous regardait avec frayeur, son petit canif bien serré dans son poing ; elle agita le couteau devant elle pour nous faire peur.

Nous nous précipitâmes vers Kaya, faisant abstraction de l'odeur qui empestait. Sol lui prit son couteau des mains et le rangea dans son sac à dos. Nous portâmes Kaya jusqu'à la salle aux murs écroulés. Elle nous regardait avec dégoût.

— Je suis vraiment désolée..., pleurnicha la jeune fille en observant le cheval dans la pièce communicante. Je ne sais pas ce qui m'a pris, ajouta-t-elle en sanglotant.

Sol récupéra les malles de vaccin et lui en injecta une dose.

— Pourquoi fais-tu cela ? lui demandai-je. Elle ne montre aucun signe, elle n'a pas de convulsions.

— Juste au cas où, dit-il en glissant l'une des mallettes dans son sac. L'autre, il me demanda de la mettre dans le mien.

Kaya pleurait toujours, silencieusement, elle fermait les yeux et refusait de lever la tête.

— Nous allons partir ce soir, il faut que nous te déplacions plus loin..., elle me regarda soudain dans les yeux. Le regard comme implorant. Je pensais alors à ce qu'elle m'avait dit durant la nuit. Je ne voulais pas... Comment pouvais-je faire une chose pareille ? Puis, son expression changea. Elle nous regarda tour à tour et son visage devînt mauvais, comme animé par la haine.

— Vous m'avez abandonnée ! hurla-t-elle. Sol se raidit soudain, il la regarda buté, comme après que nous nous étions battus.

— Non, dit doucement Sol. Nous avons fait en sorte qu'ils ne te trouvent pas ! Ne nous remercie pas surtout ! s'emporta-t-il. Ils palabrèrent encore un bout de temps avant que je n'intervienne.

— Pourquoi le cheval est-il...? Comment est-ce arrivé ? réussis-je à caler dans leur discussion mouvementée. Ils se turent tous deux et Kaya me dévisagea butée.

— Je ne sais pas, c'est arrivé, voilà. C'était incontrôlable. Je pensais être en danger. Et je pensais que vous m'aviez abandonnée... Le tout m'a comme transformée... Mon cerveau a complément disjoncté.

— C'était plus fort que toi ? demanda Sol en lorgnant sur le cadavre gisant dans la pièce d'à côté. Il observa ensuite Kaya, ses cheveux étaient crasseux de sang coagulé. Mais, tu es une arme incroyable alors !

Elle lui donna un petit coup sur l'épaule et sourit faiblement. Les veines avaient gonflé un peu partout sur son corps mais elle paraissait, légèrement, en meilleure forme que les jours précédents.

— Tu as tué un cheval avec un poignard ? dis-je sans y croire.

— Il était déjà blessé, plusieurs balles s'étaient enfoncées dans son estomac, il respirait à peine.

Nous avons aidé Kaya à se nourrir puis à se nettoyer. Nous avons par chance trouvé une source d'eau non potable derrière un bâtiment, sûrement anciennement une piscine municipale, en témoignaient les grands bassins creusés et les toboggans en ruines, couverts de lierre.

Nous l'avons laissée se changer, j'ai enroulé un foulard autour de son cou et je l'ai rabattu sur sa tête de même que la capuche de son manteau brun foncé. Elle allait avoir chaud mais au moins, elle ne serait pas arrêtée tous les trois mètres par un drôle de type dans le marché.

Nous sommes retournés dans le hangar numéro trois sans passer par les deux précédents. Nous sommes entrés par une faille assez large dans un coin du bâtiment.

Les retrouvailles ont été chaleureuses, surtout entre Adonis et sa belle. Nous avons récapitulé le plan et avons laissé Adonis et Kaya rejoindre un hamac, ainsi, Kaya allongée serait bien moins visible.

— Elle a tué Roger-Zorba ! s'insurgea Ares. Mais vous avez vu sa taille comparée à la sienne ! Athéna lui fit signe de baisser d'un ton. Non mais c'est vrai, reprit-il, elle est toute menue alors que le cheval était colossal, imaginez ce qu'elle pourrait nous faire !

Un long débat sur notre sûreté et la confiance que nous pouvions avoir en Kaya s'en suivit, l'arrivée d'Adonis que nous ne voulions pas embêter ou peiner, clôtura notre discussion.

Nous avons joué aux jeux de société durant la fin d'après-midi, je gagnais une partie de cartes, en binôme avec Sol, contre Athéna et Ares, quand un homme, svelte, le teint pâle, les yeux presque transparents tant ils étaient bleu clair vînt à notre rencontre.

— Suivez-moi, m'ordonna-t-il en posant fermement sa main sur mon épaule. Je me levai sans poser de question et suivit l'homme, deux têtes plus grand que moi.

Nous rejoignîmes la tour de verre, nous montâmes à l'étage que nous avions quitté plus tôt dans la journée. c'était beaucoup moins prestigieux que la sublime pyramide de McGwen, beaucoup moins même que nos appartements dans la bulle. Aucun effort de réhabilitation n'avait été fait...

Herbert était assis à même le sol, sur la moquette miteuse. L'homme blafard me fit signe de rejoindre son « chef ».

Le soleil se couchait, le départ était prévu pour dans quelques heures, l'avion partait à trois heures du matin. La nuit englobait déjà une bonne partie de l'horizon et les lumières du coeur de la bulle s'allumaient déjà. C'était très beau de l'extérieur, plus que quand nous y étions.

Je m'assis près de lui, les pieds dans le vide, le vent soufflant sur mes chevilles comme sur le toit de l'immeuble du laboratoire avec Athéna, il y avait bien longtemps. Il attrapa une bouteille de bière dans une caisse près de lui, la décapsula et me l'a tendit. Il but une grosse gorgée dans la sienne et la posa entre ses jambes. Je bus une gorgée de la mienne. Je n'avais jamais eu l'occasion de goûter. Ce n'était pas super bon mais c'était buvable et rafraîchissant.

— Si vous avez la force de frappe nécessaire, vous ne voulez pas vous venger ? demandai-je en observant les lumières vacillantes de la ville sous son dôme. J'ai vu les voitures sous le hangar, ainsi que les armes, vous pourriez vous en servir.

Herbert haussa les épaules et soupira.

— Au début... C'est vrai, j'y ai songé. Mais tu sais Adam, les intentions de McGwen sont louables... Il ne veut que protéger le plus de gens possibles... Oui, j'ai été séparé de ma femme et de mes trois enfants et les premiers jours, j'ai bien cru que j'allais tuer McGwen de mes propres mains, mais j'ai vite compris que s'il ne m'avait pas mis dehors, ma famille serait morte à cause de moi.

« Et une guerre ? Encore ? Tu ne penses pas que les humains en ont assez fait ? En ce qui concerne les voitures, nous n'avons pas assez d'essence pour les faire rouler sur de longues distances. Nous conservons le peu de combustible pour le transport de médicaments et vivres, du port à la ville. »

— Si nous sommes si spéciaux, pourquoi ne pas nous échanger pour entrer en France ?

— Parce qu'ils ont déjà un vaccin en France, pas Le Clan. De toute manière, je n'ai pas envie de rejoindre les français. Les dernières nouvelles ne sont pas bonnes, leur présidente vient de mourir de l'infection...

— Mais, le vaccin ? demandai-je confus.

— Il ne serait que temporaire, ça devient l'anarchie là-bas aussi... Ils n'arrivent plus à produire de fioles, or, la population augmente chez eux et le virus, bien qu'il se soit affaibli avec le temps, subsiste toujours... Traquer les malades dans une cité est une chose, dans un pays, c'en est une autre !

— Temporaire ? répétai-je.

— Oui, enfin, pas vraiment, c'est plutôt le virus qui a muté alors tous les vaccins jusqu'alors mis au point deviennent obsolètes...

— Alors nous ne servons à rien ! Notre vaccin est obsolète aussi, assurai-je à Herbert.

— Oui, possible, mais ça, personne ne le sait ! Cette information est confidentielle, je suis le seul homme en contact extérieur avec la France. Même Le Clan ne communique pas avec eux.

— Pourquoi me faites-vous confiance comme ça ? Je pourrais très bien révéler ceci au Clan ou à votre population.

— Tu ne le feras pas, dit-il fièrement en souriant béatement.

— Pourquoi pas ? lui dis-je en haussant les sourcils.

— Parce que si tu le fais, je tuerais de ma main chacun de tes amis, et je commencerais par la malade. Kaya, c'est bien son prénom ?

Je failli m'étrangler avec ma bière dont je venais de prendre une gorgée. Il éclata d'un rire dément.

— Tu pensais vraiment que le virus m'avait ramolli le cerveau ? Adam..., il me tapa dans le dos, mon coeur fit un bond dans ma poitrine tant j'eus peur de tomber, mes pieds étant toujours au dehors au bord du vide.

« Vous êtes des gamins intelligents mais, sur ce coup-là, vous n'avez pas été très malins... Vous pensiez que je vous laisserais avec seulement ma bande d'idiots pour vous surveiller ? Premièrement, ce secteur est quadrillé de caméras de ma propre invention, dans des insectes volants robotisés. Ingénieux non ? »

« Deuxièmement, j'ai glissé un micro dans la doublure de la veste de ta copine, la jolie demoiselle, la princesse de mon royaume. Ainsi que deux autres, dans ton foulard, je pensais que tu t'en apercevrais mais j'ai appris à mes dépens que le plus évident est souvent le moins flagrant, et un autre dans la capuche de monsieur gros bras, Ares, il me semble... »

Je le regardais avec haine et colère. Contre lui, contre moi, comment avais-je pu être aussi stupide ! Nous qui pensions avoir une longueur d'avance !

Je déroulai le foulard autour de mon cou et le secouai. Je vis le petit micro. Pas plus grand, ni plus épais qu'une brindille, un fin tube noir de quelques centimètres de haut, retenu entre les mailles de mon foulard grâce à une pince, ridiculement petite. Je l'enlevai et la lui tendis avec dégoût.

— Je suppose que vous savez..., il me coupa avant que j'ai pu finir ma phrase.

— Que vous avez comploté contre moi, que vous êtes tentés de prendre le contrôle de l'avion cette nuit ? Evidemment ! Le plan du petit n'était pas mauvais, un peu suicidaire, mais intéressant. Je ne vous en veux pas, j'aurais moi aussi voulut m'échapper à votre place ! avoua-t-il.

— Qu'allez-vous faire ? dis-je en lançant ma bouteille de toutes mes forces dehors. La chute fut rapide, le verre de la bouteille s'éclata sur le toit d'un immeuble plus bas.

— Je pensais vous droguer et vous emmener sans que vous vous en rendiez compte, mais, cela aurait nécessité trop de moyens, humains et matériels. Alors, je t'ai fait venir, pour parler affaires. Vaccin plus précisément, ajouta-t-il.

Je le regardais intrigué, que voulait-il ? Je passai une main fébrile sur la bretelle de mon sac à dos, là où se trouvait la fiole et le mot de Kaya. Voulait-il que je le lui donne le reste des fioles de vaccin, celles qui maintenaient en vie notre amie, auquel cas, je me serais jeté dans le vide pour éviter d'avoir à prendre une décision.

— J'étais pilote. Je t'assure gamin, sans moi, cet appareil ne décollera pas.

Il fut décidé qu'en l'échange de fioles contenant mon sang et celui d'Athéna et d'une transfusion directe dans l'avion entre lui et moi, il nous aiderait à monter dans l'avion sans aucun de ses sbires et il nous déposerait dans une zone de sureté non pas au Clan.

Il était persuadé que j'avais en moi ce fichu vaccin. A dire vrai, je l'espérais moi aussi et je me souvenais de l'intérêt que nous portaient, à Athéna et moi, les scientifiques.

Mais comment était-ce possible ? Nous n'étions pas là lorsque le virus était apparu. Comment aurions-nous pu avoir un vaccin contre une maladie inexistante ? Et cette plaie à la cheville qui me brûlait atrocement, était-ce le virus qui m'infectait ? Cela, Herbert ne le savait pas.

Je fis part de notre discussion à tous mes compagnons de route et chacun d'entre eux, bien que déboussolés par ce revirement de situation, acceptèrent tous les conditions émises par Herbert.

Avant de partir vers la base aérienne de la Bulle qui n'était pas à plus de trois kilomètres, je suis retourné avec Kaya dans le hangar numéro deux. J'ai cherché la femme à qui j'avais parlé plus tôt, elle n'était pas là. Je me suis donc adressé à un homme d'une trentaine d'années. Je l'ai informé de l'état de santé de Kaya, de ses symptômes. Il a paru surpris et l'a regardée avec attention. Il a examiné les veines sur ses poignets et sa gorge.

— Je n'ai jamais ni vu, ni entendu ce genre de symptômes, m'a t-il avoué. Il parlait de l'agressivité et de la colère ainsi poussées. Un frisson m'a alors parcouru. je venais de faire le rapprochement entre le virus mutant et Kaya. Elle n'était donc pas atteinte du virus original mais de celui dont m'avait tout juste parlé Herbert.

Je lui donnais une fiole de vaccin de la bulle contre l'une des nouvelle fioles françaises. Il injecta le nouveau sérum à Kaya et s'éclipsa alors qu'une petite fille plus loin, hurlait à l'agonie. 

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