Partie 3 - Chapitre 1


 Hors de la bulle, en périphérie, de l'autre côté de notre dépôt par le train, la partie de la ville presque entièrement détruite. Balayée par les tempêtes de neige et de sable, les édifices tombaient en ruines et il y régnait une atmosphère angoissante. Une légère brise faisait voler des étoffes accrochées pour combler le vide d'une porte ou d'une fenêtre.

Kaya avait les yeux rougis et des cernes qui lui descendaient jusqu'aux pommettes. Ses lèvres étaient violacées et les veines par endroit sur son corps formaient des protubérances.

Quand nous sommes entrés dans la ville, Noah nous a prévenus qu'il fallait faire très attention car nous étions en zone infectée alors la moindre coupure pouvait nous être fatale. J'ai tout de même trouvé cela étrange de ne rien avoir comme symptômes car je savais que je m'étais fait plusieurs petites écorchures dans la montagne et sûrement dans d'autres endroits. Et Athéna qui s'était ouvert le front dans la ville-robot, elle n'avait pas contracté le virus pour le moment. et si tout était une question de temps ? J'avais peur que cela soit la vraie réponse, que nous étions tous contaminés et condamnés à mourir sous peu.

Noah nous a aussi demandé de ne pas faire trop de bruit car nous nous baladions du côté des bains de la Bulle et que s'il y avait des survivants, ils nous voleraient probablement. Il fallait être discret. Nous avions un avantage, le soleil, brûlant ce jour-ci, d'après Noah, les infectés n'appréciaient pas particulièrement le soleil et encore moins les températures élevées. Or, cette journée fut caniculaire. Heureusement que nous avions de bonnes chaussures et que j'avais un foulard pour protéger mon crâne et ma nuque...

J'ai demandé à Noah s'il n'y avait que des contaminés ici et il m'a avoué ne pas trop en savoir sur le sujet. McGwen n'était pas très communiquant à propos de la périphérie. Il m'a confié que beaucoup d'infectés étaient mis dehors seuls mais que parfois des familles entières suivaient le malade et quittaient la ville mais que leurs chances de ne pas être contaminés ici étaient infimes.

— Je me suis fait une raison Adam, m'a-t-il dit. Je savais que j'allais mourir un jour, comment ? Je ne pouvais le deviner. Mais c'est une fatalité, les gens meurent et il se trouve que je mourrai infecté. Si jamais je deviens comme elle, au moindre signe, supprimez-moi, avait-il conclu en s'éloignant, son imposante arme entre les mains.

Nous nous sommes aventurés dans les ruines d'un édifice en pierre. L'intérieur était en piteux état. Un trou immense s'était formé au premier étage, les rayons du soleil entraient par les murs et plafonds écroulés et des détritus pourrissaient d'un bout à l'autre du bâtiment.

Nous avons nourri notre fidèle Roger-Zorba et avons allongé Kaya pour qu'elle se repose. Au moindre signe de convulsion, nous lui donnions une dose de vaccin. Malheureusement, nous savions que nous n'en n'aurions pas éternellement, que le vaccin ne faisait que ralentir la contamination, que Kaya ne guérirait pas.

Nous avons décidé de nous arrêter ici pour la nuit, de toute manière, nous n'avions nulle part où aller. Nous savions que nous voulions, malgré les plaintes de Noah, rejoindre Los Angeles pour y chercher de potentiels survivants mais comment rejoindre la Côte-Ouest ? Cela allait prendre des mois ! Sans compter que nous n'avions pas de carte et que nous allions devoir faire le trajet avec pour seule indication, une boussole. Il allait aussi falloir éviter les villes-robots et celles tenues par Le Clan or, si nous écoutions Noah, Le Clan avait son point central à Los Angeles.

Le seul repas qui nous restait dans l'estomac était celui que nous nous étions pressés d'ingurgiter dans le train. Une petite collation que nous avait fait préparer McGwen. Nos malles étaient presque vides, la viande de la vache était putréfiée et avait fait moisir nos céréales et autres aliments capables de combler nos estomacs. Néanmoins, nous fîmes cuire les restes d'un pot de riz et des herbes telles que de la sauge et de la menthe sauvage, que nous avions cueillies dans la forêt et gardées dans nos sacs à dos, non dans la malle.

Je prenais le premier tour de garde seul, il était tard mais je n'avais absolument pas sommeil et de toute manière, rien ne servait d'être à plusieurs pour surveiller ce soir là. Pas un bruit, pas un piaillement, ni bruit de pas ne déchirait le silence.

Je tâtais régulièrement le pouls de Kaya qui respirait toujours aussi étrangement.

Cette nuit-là, j'ai remarqué qu'une égratignure sur ma cheville était couverte de terre. J'ai eu beau la frotter, elle est restée aussi sale et probablement était-elle déjà infectée. J'ai soupiré. J'étais désormais condamné, la maladie allait se déclarer et malgré ce que nous avait dit Noah et McGwen, je n'avais aucun souvenir sur un soit-disant vaccin que nous auraient injecté les scientifiques. Et puis, comment auraient-ils pu nous injecter un vaccin avant l'apparition du virus ? Un test ? Tout s'embrouillé une fois de plus dans mon esprit. Où était la vérité, le mensonge ? A quoi était réellement destinée l'expérience Mercure ? Je n'en avais plus la moindre idée.

— Adam... Je sursautai et regardai autour de moi. J'étais assis sur le rebord d'une fenêtre et je taillais un bout de bois en observant la ville morte. C'était Kaya, à l'autre bout de la pièce, enroulée dans son sac de couchage, les yeux brumeux.

Je la rejoignis et observait son visage abimé.

— Trop chaud, dit-elle en gesticulant faiblement. J'ai rabattu son duvet jusque ses cuisses et je lui ai pris la main. Une main brûlante et moite. Elle me remercia d'un faible sourire.

J'allais me lever et rejoindre la fenêtre par laquelle je surveillais l'extérieur et par laquelle j'arrivais à avoir un minimum d'air frais mais Kaya me retînt.

— Adam... Je ne peux pas le supporter encore longtemps et je ne veux pas le voir souffrir, dit elle d'une voix tremblante en fixant le visage d'Adonis endormi plus loin. Quand le moment sera venu..., elle posa alors son regard sur les valises de fioles, je t'en prie, fais-le... Elle glissa une petite fiole avec un papier enroulé à l'intérieur, dans le creux de ma main. Donne ceci à Adonis une fois que ce sera fini, il doit savoir. Même si lui, te donne l'ordre de ne pas le faire, fais-le. Même si sur le coup, je te défends de le faire, tu sauras que c'est le moment.

Je la regardai, elle avait les yeux brillants de larmes et de fièvre.

Elle me suppliait presque de l'éliminer et c'était insupportable à entendre.

— Kaya..., soupirai-je en mordant mes lèvres.

— Tu le feras, il te détestera, alors tu lui donneras cette fiole. Toi seul peut le faire, j'ai assez de confiance en toi, ne me déçois pas. Tu sais que tu me le dois.

— Mais, le vaccin, je... Elle me coupa une nouvelle fois.

— Tu ne peux pas comprendre et tu ne le pourras jamais Adam, mais ce virus me détruit, je suis fatiguée, promets-le moi, souffla-t-elle. Je secouai la tête de gauche à droite. Promets-le moi ! dit-elle un peu plus fort et irritée.

— Je... Pas moyen de finir ma phrase que sa main se crispa sur la mienne mais pas comme si elle avait mal, plutôt comme si elle voulait me faire mal.

— Promets-le moi ! m'agressa-t-elle en serrant si fort ma main que je commençais à y sentir des fourmillements.

— Je te promets, finis-je par chuchoter. La pression de ses doigts se fit moins forte et elle sombra dans un sommeil profond.

J'observai de longues minutes la fiole à la lumière de la lune et la rangeai délicatement dans une poche se trouvant sur la bretelle de mon sac à dos, que désormais, je me promis de ne plus quitter.

En observant le dôme plus loin, j'ai songé à notre geste, celui d'avoir laisser sans rien dire à personne, Kaya à l'intérieur. Un sentiment de honte et de culpabilité m'a rongé et m'a donné une crampe dans l'estomac. A cause de nous, de notre égoïsme, certains habitants allaient potentiellement tomber malade. J'espérais au plus profond de mon âme que Kaya n'avait rien contaminé et nous non plus.

Nous avons pris notre petit-déjeuner tôt pour organiser notre périple. Noah a grossièrement dessiné une carte du pays et y a placé les villes-robots et zones contrôlées par Le Clan. Nous avons allongé Kaya dans une salle plus loin, à l'écart, pour qu'elle y soit au calme. C'était la seule salle pouvant se fermer et c'est assez égoïstement que nous avons pensé que la mettre à l'écart nous protégerait du virus. C'était dans cette même salle que nous avions installé Roger-Zorba et nos affaires pour la nuit, nous avions voulu éviter d'attirer les potentiels pillards, voleurs.

— Nous avons de la visite, s'écria soudain Charly en sautant de l'appui de fenêtre alors que Noah nous proposait un itinéraire.

Des tirs à l'arme automatique furent entendus tout près, j'étais certain qu'ils nous intimidaient en tirant en rafale sur les pierres de l'édifice.

Noah braqua son arme vers la véritable ouverture de l'ancienne porte, pas vers l'un des trous formés à cause du temps. Il y avait eu une vieille porte en métal et vitraux qui était tombée et qui avait formé une espèce de tapis qui nous invitait à entrer dans ce lieu.

Un homme est apparu dans l'embrasure de la porte, les mains en l'air. Noah a gardé son arme braquée vers la porte et nous nous sommes tous regardés avec incompréhension.

C'était un homme massif, bien bâti, une quarantaine d'année. Des cheveux bruns mi longs lui tombaient dans les yeux, des yeux espiègles. Sa peau était vieillie par le soleil et son sourire annonçait qu'il préparait un mauvais coup.

Il portait de vieux habits et plusieurs couches malgré la chaleur. Un foulard se balançait autour de son cou à cause de ses pas lourds.

— Bien le bonjour mes petits lapins, dit-il calmement. Baissez-moi ces armes, dit-il en laissant tomber ses bras avec lassitude.

— Qu'est-ce que vous nous voulez ? Pourquoi ces coups de feu ? s'enquît Noah en bougeant légèrement d'angle de tir.

— A toutes mes unités, dit-il, ses mains en porte voix, je répète, à toutes mes unités, dit-il une seconde fois. Rassemblement, R-A-S, R-A-S !

Armées lourdement, des silhouettes se dessinèrent dans toutes les embrasures de portes et les trous béants des fenêtres et murs écroulés.

— Ah ! soupira-t-il. J'ai toujours rêvé de dire ça un jour ! Tel un flics de séries, ajouta-t-il avant de partir dans un fou rire, seul.

Chacun d'entre nous fut braqué par un pistolet et Noah étant le seul à pouvoir répliquer, lâcha son arme et leva ses mains en signe de capitulation.

Adonis loucha sur la porte derrière laquelle se trouvait Kaya. Chacun d'entre nous essayait de cacher son inquiétude. Fallait-il les prévenir qu'elle était ici, le garder pour nous ? Nous décidâmes de ne rien dire pour éviter qu'ils ne la tuent voyant son état.

Ils nous regroupèrent dans un immeuble à la façade anciennement en verre mais qui avait perdu les trois quart de ses carreaux.

On nous fit mettre en demi-cercle dans une pièce à un étage élevé. Nous pouvions voir la bulle et sa ville.

L'homme qui avait plus tôt mené la petite opération, paraissait le plus âgé. Il fit irruption dans la pièce aux cloisons presque toutes détruites, tout sourire, les bras levé tel le messie ! Regroupés, une arme pointée dans le creux de notre dos, d'autre types avec le même aspect mais certains visiblement malades.

— Oh... Regardez-moi mes nouveaux petits lapins..., s'exclama l'homme en nous regardant un à un, les autres gloussèrent.

— Vos petits lapins ? railla Sol en soupirant.

Ambroise le foudroya du regard, comme s'il lui intimait l'orde de se taire sous peine de représailles. Moi, je ne repris pas Sol, se fiche de tout était partie intégrante de sa personnalité, j'avais fini par m'y faire.

— Oui ! Mes petits lapins. ici, mon territoire. Donc vous m'appartenez désormais ! Celle-ci est jolie comme un coeur, ricana-t-il en caressant la joue d'Athéna. Elle le regarda d'un air mauvais. On n'a pas l'habitude de voir des jolies petites dames comme toi ici... Les nôtres sont... Elles sont comment les nôtres ? beugla-t-il à l'intention de ses hommes.

— Comme elle ! cria l'un d'eux en attrapant une femme au crâne couvert de croûtes et aux veines proéminentes sur tout le corps, vêtue de guenilles. Il l'a serra contre elle et ils s'embrassèrent de façon répugnante. Le groupe rigola de bon coeur mais leur chef les rappela à l'ordre.

— Je me demande si je ne vais pas te nommer princesse de mon royaume, dit-il en passant son bras autour de sa taille et en l'attirant vers elle. Athéna le repoussa violemment mais il l'attrapa une seconde fois et la serra dans ses bras. Je m'apprêtais à m'avancer vers lui, de même que Noah visiblement, mais le type qui enfonçait son arme dans mes côtes passa aussi un bras autour de mon cou, me tira en arrière et m'étrangla. Noah était dans la même position délicate que moi. L'homme lâcha Athéna et se tourna vers nous.

— Elle a déjà ses preux chevaliers, si c'est pas mignon... Nous avons une princesse, deux chevaliers et un bouffon, dit-il en faisant un clin d'oeil à Sol qui lui lança un regard si haineux que j'ai pensé que l'homme mourait de peur.. Il nous manque des rôles, nous verrons.

Il éclaircit sa voix et nous contempla.

— Nous sommes les bannis. Vous devez savoir que quand un habitant de la bulle tombe malade ou qu'il est blessé, il est mis dehors en dix minutes. Inutile de se cacher, le « danger » est retrouvé et s'il montre de la résistance à quitter la ville, il est tué sur le champ. Une balle dans la tête et son corps est balancé hors de l'enceinte. Il désigna le paysage sous la tour et jusque les fondations en béton de la bulle. Devant nous, s'étendait un immense cimetière avec de simples croix en bois comme sépulture. Comment ne l'avais-je pas remarqué avant ?

— Nous avons décidé de rejoindre Le Clan. Seulement, la route est balisée de villes et villages aux mains des robots et mes hommes ne peuvent pas entreprendre de voyage à pied. C'est pour cette raison que nous allons, ce soir, voler un avion à McGwen.

Sol regardait la scène d'un oeil amusé.

— Oui, bien-sur, et comment allez-vous faire cela ? demanda-t-il en le défiant du regard.

— Grâce aux communications radios, nous savons que l'un des avions décollera ce soir, c'est votre jour de chance ! Vous avez été mis dehors au bon moment mes lapins ! Pas d'attente dans ces ruines, vous partez avec nous !

— En quoi tout ceci nous intéresse-t-il ? demandai-je en gigotant, le type m'étranglant trop fort. Pourquoi nous vouloir à ses côtés pour Le Clan ? Nous n'étions que des gamins, or d'après ce que l'on nous en avait dit, nous n'avions pas un profil pouvant intéresser Le Clan.

— Eh bien mes lapins ! Vous, vous êtes ma monnaie d'échange pour entrer dans Le Clan. Ils vont m'accueillir comme un roi ! Il s'approcha une nouvelle fois d'Athéna et fit glisser ses doigts sur son cou. Il empoigna son collier et le serra dans son poing. Voila ma clé pour le paradis, affirma-t-il avec son sourire crasseux.

— Patron ! Patron ! C'est quoi ? C'est quoi ? demanda le type qui m'étranglait. Il avait une haleine fétide, un mélange de courgettes, de vomi et de sang. Il postillonnait sur mon oreille droite et serrait continuellement.

— Ça mes amis, c'est la preuve que ces enfants valent des millions... Mes petits lapins sont les enfants de Mercure. Preuve vivante qu'un vaccin et un traitement existent.

Le groupe hurla de joie et le type qui me tenait embrassa ma joue que j'essuyais de suite et frottais avec la manche de mon haut avec vigueur.

— Non, c'est..., commença Charly. Il s'arrêta net quand le coude de Sol lui explosa les côtes. Surement allait-il avouer que nous ne savions rien de toute cette histoire, que Kaya était malade, que nous n'avions pas ce foutu antidote.

Pourquoi tous pensaient-ils cela !

L'homme nous regarda amusé et haussa les épaules.

— Vous ne rentrerez pas dans le hangar, s'exclama Noah en se démenant.

— Mes hommes ont un uniforme et une carte, ceux d'un ancien pilote, arrivé il y a deux jours et mort cette nuit.

— Il vous faut un code et une empreinte digitale, différents du détenteur de la carte.

— Eh bien nous avons la carte du pilote, le code grâce aux radios et bonnes fréquence et... il s'approcha maintenant de Noah qui le regardait avec méfiance. Et tes mains, dit-il en faisant une moue satisfaite.

— Ils désactivent les cartes des bannis et leurs empreintes ! s'emporta Noah en riant à moitié.

— Nous essayons la manière douce, que je viens de t'exposer et si elle ne fonctionne pas, nous emploierons la manière forte. Sachez que nous disposons d'une force de frappe supérieure à celle de la bulle. Nous n'aurons qu'à user de nos canons à ondes et alors la barrière volera en éclats.

— Vous n'y arriverez pas, se lamenta Noah.

— Amenez-les en bas, donnez-leur à manger et à boire, dit-il aux hommes et femmes derrière nous. Le type derrière moi, qui me maintenait à genoux, me fit me relever.

— Qui êtes vous ? demandai-je alors qu'on me poussait dehors. La blessure à ma cheville me démangeait soudain, c'était horrible, j'avais envie de me couper le pied, me scier le tibia, tant la démangeaison était forte.

Il me regarda avec sympathie, me fit un sourire de ses dents noires et s'écria joyeusement.

— On m'appelle Herbert, roi des morts, mon lapin ! Il partit dans un fou rire dément en dansant sur un pied puis l'autre, le type derrière moi rigola à en perdre la tête et me força à sortir de la pièce à la moquette miteuse.


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Ah ah !! Vous l'attendiez ! Eh bien voila ! J'espère que vous aimez !! Suite dans 2 jours ! 

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