Partie 2 - Chapitre 3


J'étais avec Athéna dans le laboratoire, je le savais car elle tenait ma main fortement dans la sienne. Il faisait si sombre que je me demandais si j'avais les yeux fermés ou non. Elle m'a demandé si elle pouvait voir la feuille une dernière fois pour être certaine de ne pas commettre d'erreur. Le petit rayon d'une lampe poche m'a éclairé le visage, j'ai sorti une feuille A4 de la doublure de mon pantalon et l'ai dépliée. Je l'ai défroissée du plat de ma main, Athéna s'en est emparée et l'a parcouru rapidement des yeux.

— Alors c'est bien cela, nous devons les en emp...

J'ai passé mon visage sous l'eau froide, si froide qu'elle m'a soudainement paralysé les lèvres et tous les muscles de la face. Encore une fois, ce rêve paraissait si réel qu'il en était troublant.

En y réfléchissant bien, j'ai fouillé dans la doublure de mon bas, celui que j'avais sur moi dans la capsule mais je n'y ai rien trouvé et c'est à ce moment précis que j'ai su qu'il s'était passé quelque chose entre notre coucher et notre réveil. Je me souvenais vaguement de notre mise en capsule. En fait, je ne me souvenais plus des quelques jours avant de partir. Je me souvenais bien de deux semaines et demi mais les quelques jours qui précédaient notre départ m'étaient inconnus. Impossible de me souvenir de ce qui m'était arriver avant de partir.

Je n'ai fait part à personne de mes impressions. Je commençais à me méfier de tous. Quelque chose me disait de ne pas leur faire confiance.

J'ai plié toutes mes affaires et je les ai entassées dans mon sac à dos en plus de deux bouteilles d'eau et de paquets de fruits secs et biscuits.

Impossible d'emporter les produits surgelés, nous les avons presque totalement consommés mais en avons laissé un peu dans le congélateur au cas où nous serions revenus.

Il faisait si froid que j'ai enfilé la veste en jean et le manteau en daim beige qui nous avait été fournis. Nous avions tous gardé notre chaîne indiquant notre prénom, nom, matricule, excepté Sol qui l'a balancée du haut de la terrasse avec rage au moment de partir.

Nous nous sommes tous munis d'une arme blanche. Sol et moi nous sommes levés tôt pour nous assurer d'avoir des armes décentes. J'ai pris un couteau de boucher, sûrement le plus aiguisé de tous. Sol en a pris un aussi et les autres ont gardé des petits couteaux à viande. Tous, sauf Ares, machiste comme il était, il a jugé inutile toutes armes. « Mes muscles et mon cerveau suffiront. » nous a-t-il dit.

Kaya nous a suppliés de prendre les couvertures des lits de chacun, nous avons donc entassé toutes les couvertures et les draps dans une malle qui contenait des produits d'entretien. Nous y avons aussi ajouté une marmite que nous avons jugée potentiellement utile, une louche et des objets de petite taille du quotidien.

J'ai vérifié une dernière fois notre itinéraire, les autres attendaient dehors. J'ai regardé une dernier fois la pièce à vivre où un feu de cheminée venait d'être éteint, je suis sorti. J'ai lentement refermé la porte d'entrée derrière moi et j'ai rejoint les autres.

Un sentier aux marches en pierre descendait le long de la montagne et venait s'y enfoncer, tel un passage secret. C'était le seul moyen de quitter ce pan rocheux de la montagne. Je n'étais pas très rassuré. Ares ouvrait la marche, je la fermais.

Ambroise et Charly tenaient chacun l'une des deux anses de la malle aux draps. Quand je me suis retrouvé enveloppé par l'obscurité du tunnel étroit qui avait été creusé dans la roche, avec pour seule lumière, la petite lampe de poche de Sol, trois personnes devant moi, j'ai inspiré et expiré bien profondément pour ne pas paniquer. J'avais peur que le plafond bien bas ne s'effondre, qu'il ne nous engloutisse et que nous suffoquions tous. Athéna a saisi ma main gantée, je ne l'ai pas enlevée alors qu'un drôle de frisson m'a traversé.

— Tout va bien ? a-t-elle demandé, sentant sûrement à quel point j'étais tendu !

— Oui. Je me suis arrêté un instant et je l'ai retenue. Que voulais-tu me dire lorsque nous étions sur la terrasse ? Et lorsque nous nous recueillions sur la « tombe » de Serena.

Le léger faisceau lumineux qui nous éclairait a presque totalement disparu mais j'ai eu le temps d'apercevoir un sourire bienveillant sur son visage.

— Je me suis laissée submerger par mes émotions... Ne t'en fais pas, a-t-elle dit en me forçant à la suivre pour rattraper le groupe déjà beaucoup plus bas.

Je ne savais pas ce qu'elle cachait mais j'étais bien décidé à le découvrir, convaincu qu'elle me mentait. Elle avait cette attitude si inhabituelle.

J'ai marché en silence, la descente m'a paru interminable, mes jambes allaient l'une devant l'autre machinalement, les marches étaient plutôt bien conservées, certaines parois étaient fissurées mais rien de dangereux.

Je pensais à ma mère. Si elle n'était plus en vie, j'espérais qu'elle ait profité de l'argent que je lui avait laissé. Je savais qu'il était impossible que je la revoie mais je l'espérais secrètement. Ma soeur et mon frère ? Avaient-ils fait de grandes études ? Avait-on retrouvé mon père ? J'en doutais fort.

Je réfléchissais aussi à ce qui avait pu se passer. Mais surtout, où étaient Nadir ? Et Anïa ? Pourquoi n'étaient-ils plus avec nous ? Et pourquoi avaient-ils été remplacé par Ambroise et Charly que nous ne connaissions à peine.

Enfin du soleil ! Après plusieurs heures de marche. Il m'a ébloui, j'ai plissé les yeux pour ne pas qu'il me les brûle tant sa lumière dorée était abondante.

Le petit tunnel débouchait sur une grande prairie. Un joli coin de verdure avec un maigre ruisseau qui s'y écoulait et formait une petite mare turquoise plus bas. Il faisait bien meilleur ici, presque doux.

Ambroise s'est allongé dans l'herbe fraîche, Athéna a cueilli une fleur qu'elle a accrochée dans ses cheveux avec une pince, Ares s'est approché du ruisseau et a éclaboussé Hélios qui s'interrogeait sur la potabilité de cette eau. Nous étions tous euphoriques. Même avant l'expérience, aucun d'entre nous n'avait eu l'occasion de se rendre à la montagne ou dans une prairie. Il est vrai que certains espaces verts avaient été aménagés en ville mais rien de comparable à ce spectacle.

D'immenses arbres aux troncs massifs nous invitaient à entrer dans la forêt.

— Bien, ai-je dit, allons-y.

— Je vous rappelle qu'il faut bien inspirer et expirer, nous ferons une pause toutes les trois heures pour boire, nous parcourrons environ quinze à vingt kilomètres par jour, a précisé Hélios.

— Nous serons hors des montages d'ici quatre jours maximum. Au mieux trois, ai-je ajouté pour motiver tout le monde.

J'avais le plan dans la poche, la boussole dans la main, la seule chose que j'espérais, c'était de ne pas faire fausse route et les emmener tous encore plus loin dans la forêt et les montagnes. Il ne fallait que je ne me sois pas trompé.

Heureusement qu'Adonis était un bricoleur hors pair, il avait réussi à réparer la vieille boussole.

La forêt était dense et sans aucun sentier pour nous guider. Nous avons fait notre première pause à l'ombre de grands arbres millénaires. Il faisait frais dans les sous-bois ; en revanche, une fois à découvert, en plein soleil, la chaleur était suffocante. Nous longions un cours d'eau ce qui nous permettait de nous rafraîchir de temps à autre. La malle que nous transportions tour à tour semblait plus lourde et imposante à chaque passage en main, toutes les trente minutes environ.

Les bretelles de mon sac à dos me laissaient d'importantes traces rouges écarlates sur les épaules. A chaque arrêt, je l'enlevais et me dégourdissais les omoplates ; à la troisième pause, nos jambes tremblaient si fort que nous avons décidé de ralentir le pas, beaucoup trop soutenu. Cela faisait un moment que nous n'avions pas vu le jour et nos corps ne le supportaient pas.

A plusieurs reprises, nous avons rempli nos gourdes dans le ruisseau d'eau claire et fraîche. Nous avons ramassé de la menthe sauvages et d'autres herbes, plantes et fleurs comestibles - d'après Hélios qui connaissait chaque arbre, plantes et oiseaux que nous croisions.

La nuit est vite arrivée, nous avons trouvé un petit coin sympathique, sous un large saule-pleureur aux feuilles verdâtres tombant dans l'eau d'un immense lac sombre. La terre y était fraîche et recouverte d'une herbe tendre, idéale pour étendre les sacs de couchage. En dessous, c'était comme si nous étions entourés d'un dôme, nous nous pensions intouchables.

Les filles sont allées se doucher sous une petite cascade plus loin dans la forêt, en attendant, nous avons étendu un drap sur le sol pour tous nous y installer et manger un maigre repas.

Sol et moi avons décidé de partir en quête de bois secs et des plantes comestibles pour agrémenter notre repas.

— Qu'est-ce-que tu as réellement trouvé au sous sol ? a demandé Sol en taillant un bâton en pointe avec son couteau.

— Pardon ? ai-je dit totalement incapable de me rappeler être allé dans un sous-sol.

— Tu nous a affirmé que ce n'était qu'un entrepôt pour robots. Je suis toujours persuadé que tu ne nous as pas tout dit. Sur le coup déjà j'avais des doutes mais depuis notre réveil, j'en suis persuadé.

— Je ne me rappelle même pas y être allé.

— Alors tu y as découvert quelque chose. J'en ai la confirmation.

— De quoi me parles-tu ?

— Adam, j'ai bien réfléchi en marchant. Chacun d'entre nous a un drôle de sentiment, le sentiment d'avoir oublié quelque chose. Certains font même des rêves étranges, qui paraissent réels.

— Oui, je sais, j'en ai faits aussi.

— Que se passe-t-il dans les tiens ? a-t-il demandé plein d'intérêts.

— Il y a d'abord eu cette dispute avec Charles, Athéna a débarqué et m'a pointé un pistolet dessus, puis... Je me suis arrêté de parler !!!

Nous avons entendu des branches se cogner entres elles, des feuilles et des brindilles derrière nous ont grincé. Nous nous sommes regardés en coin et avons scruté l'obscurité naissante. Une ombre est passée entre deux arbres.

— Rentrons au camp, a suggéré Sol.

Nous avons formé un petit tas de brindilles et feuilles mortes et grâce à l'une de nos quatorze allumettes, nous avons allumé un feu de fortune. Nous avons, dans une gamelle en fer, fait bouillir de l'eau, nous y avons ajouté des herbes et du bouillon en poudre. Nous avons eu droit a quelques louches chacune et des fruits secs. C'était peu, surtout comparé au régime alimentaire auquel nous avions eu droit avant de partir. Le truc, c'était de manger lentement et de mastiquer beaucoup.

Sol et moi avons décidé de prendre le premier quart de veille, impossible de nous endormir sans finir notre conversation, entamée plus tôt dans la forêt. Nous avons grimpé dans l'arbre à l'aide des gros rochers agglutinés autour du tronc et nous nous sommes assis sur une branche pouvant supporter nos deux poids.

Nous avions une vue dégagée sur la vallée mais aussi sur le camp où nous allions régulièrement alimenter le feu. Les sacs de couchage étaient plus ou moins excentrés du point de chaleur, les garçons avaient par pure galanterie laissé les filles près du feu. Sol avait trouvé cela injuste de même que Kaya qui avait assuré qu'Athéna et elle n'étaient ni faibles ni douillettes. Il n'empêche qu'elle était la plus proche des flammes et Sol lui en avait fait le reproche.

Il balançait ses pieds dans le vide tel un enfant sur une balançoire.

— Tous ont eu le même genre de rêves... Ce n'est pas une coïncidence. Tous, sauf Athéna.

— Ce n'est pas parce qu'elle ne nous en a pas fait part qu'elle n'a pas eu de rêves troublants !

— Peut-être, mais ce que je veux dire, c'est qu'elle est à chaque fois la « méchante » dans nos rêves. Adam, comme je te l'ai dit, j'ai réfléchi et je me suis dit que peut-être..., Il m'a regardé plein de peur et d'espoir. Ne te fiche pas de moi !

— Non, je t'en prie, je ne moquerai pas !

— Il se peut que nous ayons déjà été réveillés et que l'on nous ait rendormis.

— Et nous ne nous en souviendrions plus ? C'est impossible ! Il doit y avoir autre chose. La capsule a sûrement des effets secondaires.

— Les technologies ont peut-être évolué entre temps !

— C'est... je me suis arrêté, abasourdi par une telle possibilité. Ce... ce serait dingue !

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Ah ah... Suite dans deux jours !! 

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