Partie 2 - Chapitre 12


 — Mais à notre époque on nous aurait mis en prison et on nous aurait battus en prime ! s'emporta Sol en battant l'air de ses bras incontrôlables depuis qu'il avait appris ce qu'il s'était passé.

— C'est exactement ce que je lui ai dit, m'exclamai-je en riant. Je repris mon sérieux rapidement quand je repensai au coup de feu.

— C'était Athéna, me dit Sol en voyant ma mine soucieuse. Comment avait-il su que je pensais à cela.

— Comment ? hoquetai-je. Athéna ? J'en restais totalement bouche-bée.

— Oui... Quand elle a entendu l'autre idiot compter, elle a sorti une arme de sous sa veste et a tiré en l'air. Elle même a paru surprise qu'elle fonctionnât. Encore quelque chose qu'elle nous a cachée.

— Sol... Je ne voulais pas entendre parler de complot.

— Et Kaya qui devient folle et qui l'accuse de tous les maux ! Tu ne trouves pas cela étrange, minauda-t-il.

Après une petite sieste, je me réveillai, obligé de rejoindre McGwen. Je ne pouvais pas me permettre de ne pas venir à ce fichu rendez-vous.

Je traversais la ville aussi facilement que durant la nuit et rejoignis le district 2, destiné aux tribunaux, casernes, mairie, palais résidentiel et musées. Un district plus riche culturellement que les autres.

Je fus accueilli par plusieurs grooms à l'entrée du seul immeuble moderne du district. Ce n'était pas vraiment un immeuble... C'était une pyramide de verre. A chaque étage, une terrasse en faisait le tour. Il y « coulait » des plantes vertes telles que des lianes ou du lierre. Une pyramide en fer forgé et verre réfléchissant les alentours. Autour, une vaste pelouse avec de nombreuses statues de marbre et des fontaines sculptées.

L'intérieur était tout aussi sublime. C'était épuré et la vue sur l'extérieur rendait les bureaux et couloirs infinis.

Je pris un ascenseur jusqu'au sommet de la pyramide et je déboulai dans un bureau à la vue panoramique et dont le plafond était une pointe. Pas une seule cloison. Que du verre. Au centre de la pièce, la cabine d'ascenseur, au nord, un bureau en verre et cuivre, au sud, un salon composé de fauteuils et d'une table basse, plus à l'est, un mini-bar et à l'ouest, le seul meuble massif de la pièce, une commode en bois d'acacia. Patinée et décorée à la main de peinture couleur cuivre. Le tout était tout simplement époustouflant. Toutes les vitres qui faisaient office de mur pouvaient coulisser et laisser toute personne sortir sur un balcon qui faisait le tour.

— Adam ! s'exclama McGwen en levant la tête d'un dossier sur lequel il était concentré derrière son bureau.

— Vous vouliez me voir ?

— Effectivement. Je ne vais pas tergiverser. Il faut que je prélève de ton sang, c'est très important. Si ce n'était pas une question de vie ou de mort, je ne te le demanderai pas.

Je soupirai un long moment et lui tendit mon bras. Au vue de tout ce qu'il avait fait pour nous, je lui devais bien cela.

— Faites-vite, je hais les aiguilles ! Il parut surpris et se pressa jusqu'à la commode. Il en extirpa une mallette dont il sortit une seringue.

McGwen fit cela proprement et rapidement. Je ne sentis presque rien.

Assis dans le salon, un verre à la main, il m'expliqua le fonctionnement de la ville, de la bulle, il me fit aussi un petit cours d'histoire et au détour d'une conversation, il demanda soudain de façon totalement désinvolte.

— As-tu pardonné à ton père ?

Je le regardai un long moment, n'étant pas sûr d'avoir bien entendu.

— Mon père ? répétai-je pour avoir la confirmation que c'était bien de lui que nous étions en train de parler.

— Oui, ton père, acquiesça McGwen en sirotant son verre de cristal.

— Non. Evidemment que non ! Mais comment..., pourquoi, enfin je veux dire...? Comment le connaissez-vous ? Et comment me connaissez-vous après tout ? m'emportai-je. Le premier jour vous dites mon prénom alors que je ne vous l'ai pas donné, aujourd'hui vous me parlez de mon père ?

— Je connais ton dossier. Ton père était un homme bon, avec de bonnes intentions.

— Comment osez-vous porter un jugement sur quelqu'un que vous n'avez même pas connu ? Je ne l'ai pas connu moi-même ! C'était un lâche. Il m'a abandonné. Il nous a abandonné... Je le déteste !

— C'était un homme bon, répéta McGwen en soupirant. Il me fixait de ses yeux si familiers. J'avais l'impression de parler à Charles avec quelques années de plus.

— Vous ne savez pas de quoi vous parlez. Et dire que vous me paraissiez sympathique... Vous êtes comme tous les autres.

— Vous êtes égoïste, me dit-il en haussant les sourcils et en s'avachissant dans son fauteuil.

— Et vous n'êtes qu'un menteur ! Je me levais et bousculais malencontreusement le bureau duquel un ordinateur tomba et se brisa au sol. Je le regardais désolé, McGwen ne paraissait pas dérangé plus que cela, au contraire, il souriait stupidement. J'avais l'impression qu'il me jugeait et qu'il se fichait de moi. Je sortis de son bureau en traînant les pieds, la tête haute.

Toujours mon père et cette manie de l'idéaliser ! Il m'avait abandonné ! Pourquoi tout le monde m'en parlait constamment ?

Je retrouvai Athéna assise sur la place, un bouquin entre les mains. Le soleil tapait sur son visage et la faisait resplendir telle un ange.

— Adam, me salua-t-elle sans lever les yeux de son livre.

— Athéna, répondis-je en m'asseyant à ses côtés. Comment va Kaya ? lui demandai-je soucieux. Je n'avais eu que de vagues nouvelles de la part de Sol.

— Mieux. Quand tu es sorti de notre cachette, elle s'est agitée. Nous l'avons maintenue comme nous le pouvions. Le vaccin que nous lui injectons calme les crises à chaque fois que l'une d'entre elles commence. Mais nous n'en n'aurons pas éternellement.

— Combien de temps ? J'appréhendais la réponse qu'elle s'apprêtait à me donner.

— Une semaine, sûrement moins, assura Athéna sans le moindre sentiment.

— Alors il faut rejoindre Le Clan. Eux ont des fioles de vaccin, si ce que Noah a dit est vrai. Oui, elle ne survivra pas, mais donnons-lui le maximum de temps.

— Essayons de voir aux sous-sols de la mairie avant tout, proposa-t-elle en fermant son livre et en le glissant dans une sacoche.

— Oui... Essayons.

— Je m'organiserai aujourd'hui avec Noah pour savoir exactement où se trouve les sous-sols et comment y accéder.

Je n'étais pas enchanté à l'idée qu'elle retrouve une nouvelle fois Noah mais la vie de notre amie était en jeu... Elle se leva. Je lui saisis la main, elle parut surprise et se rassit.

— Le pistolet Athéna ?

— J'ai paniqué quand...

— Non, je m'en fiche, tu as bien agi, mais où l'as tu trouvé ?

— Le matin où je suis allée prier. Dans un commerce. Je ne voulais pas vous faire flipper, j'ai préféré garder cela en cas d'urgence.

Je l'ai regardée dans les yeux, longuement, ses superbes yeux bruns. Ils avaient des reflets verdâtres à la lumière et le soleil de ce-jour la rendait sublime. J'ai déposé un baiser sur sa joue et je me suis levé.

— Tu aurais pu nous sauver, tous, hurlais-je.

— Non, personne ne le pouvait, pas même moi. Les ordres étaient les ordres. Ils venaient de bien plus haut, pas de Charles, de bien plus haut.

— Quand bien même... Un seul bouton à presser et nous étions tous hors de danger.

— Ils m'auraient tué.

— Une vie contre des milliards d'autres. Égoïste, je crachais au visage de l'homme face à moi. Qui était-ce ? Impossible de savoir. Toute sa face n'était que néant.

Encore un rêve étrange ! J'en venais à appréhender le sommeil ! Et qui était cet homme ? Je ne reconnaissais ni son attitude ni sa voix. Je venais de m'endormir devant un film. Un vieux film dit « culte », avant la guerre de 50, pas moyen de me souvenir du nom. J'ai emprunté quatre films à voir plus tard, Breakfast Club, La folle journée de Ferris Bueller, Inception et Dunkerque. Ma mère avait dû m'en parler, les noms m'étaient familiers.

Je ne savais pas qu'ils avaient ce genre d'antiquités ici. C'est totalement par hasard que j'ai découvert une bibliothèque quelques rues plus loin de la place. De vieux livres, de vieux films, des vieilles séries et même des jeux vidéos. Le tout en libre service. J'ai trouvé cela sympa. J'y ai passé la journée. C'était le genre d'activités que je ne pouvais pas faire dans la cité. Réservé aux classes moyennes et riches.

Il faisait presque nuit quand j'ai quitté cet édifice formidable. J'ai rejoint mon appartement et j'ai retrouvé Sol. Nous avons décidé de nous introduire dans la mairie le soir même. Ainsi, si nous n'y trouvions pas de fioles de vaccin, nous pourrions partir au plus vite vers Le Clan. Nous n'en avons parlé à personne. Il fallait que cela reste entre nous, pour éviter toutes réprobations ou contre demande. Athéna était la seule au courant et elle nous a promis avant de partir qu'elle assurerait nos arrières si quelqu'un venait à nous demander.

Elle avait effectivement parlé à Noah et ce fervent chevalier lui avait assuré qu'il nous accompagnerait.

Ainsi, à vingt-trois heures, devant l'immeuble, Noah nous attendait, tout de noir vêtu.

Atteindre l'office militaire ne fut pas compliqué. Long mais pas compliqué. Dans le district 1, où se regroupaient les casernes de pompiers et militaires. L'édifice en plein milieu du camp militaire était le mieux gardé et le plus surveillé. En-dessous, apparemment, la salle d'archives, accès le plus rapide jusqu'à la salle où les vaccins étaient gardés.

— Nous allons passer par les souterrains. Passer par le camp serait plus rapide mais beaucoup plus risqué. Il faut juste que vous enfiliez un uniforme au cas où nous nous ferions attraper dans les sous-sols. Je n'ai pas pu en prendre car je n'étais pas de permission aujourd'hui et cela aurait été louche que je traîne ici, mais, des amis à moi qui me devaient un petit service ont laissé leur badge et uniforme derrière des buissons.

Nous les avons cherchés et effectivement, sous l'un d'entre eux, proprement emballé, deux uniformes et leurs badges.

Enfin prêts, habillés en soldats de la bulle, un casque noir masquant nos visages, Sol et moi suivions Noah dans le dédale du sous-sol. Nous étions entrés par une petite trappe dans la cave d'un appartement. Près d'un infecte local à poubelles.

— Presque personne ne connaît cet endroit, je l'ai découvert en rangeant l'inventaire. La porte était derrière une armoire en tôle et bois, débordant d'archives. Je m'y suis aventuré et le couloir que je pensais infini et sans intérêt se trouvait déboucher dans le hall de cet immeuble et au beau milieu, vous verrez, il y aura une porte blindée, elle n'est étrangement pas fermée, elle ne l'a jamais été. Dans ce coffre-fort, des centaines de valises avec des fioles de vaccin.

— Pourquoi le sous-sol débouche-t-il dans cet immeuble en particulier ? demandai-je.

— Cet immeuble est celui dans lequel McGwen a grandi. Et quoi de mieux que de dissimuler une trappe dans un local à poubelles quelconque ? a dit Noah en vérifiant qu'il n'y avait personne alors que nous arrivions à un tournant.

La porte blindée était proche, il n'y avait pas un bruit mis à part celui des gouttes d'eau qui tombaient et faisaient une petite mélodie, dans de grandes flaques. Sol montait la garde à la porte.

La pièce était entièrement englobée de plaques de métal. Sur des étagères, une multitude de valises chromées, fermées.

Noah en a saisi une au fond de la pièce.

— Evitons d'en prendre plusieurs, leur absence pourrait être remarquée. Nous en prendrons au fur et à mesure de vos besoins.

J'approuvais Noah. Nous sortîmes en vitesse sans claquer la porte pour de potentielles futures expéditions.

De retour dehors, nous nous arrêtâmes dans un parc. J'ouvris la mallette et en sortit trois fioles sur les quinze qu'elle contenait. Je les donnais à Noah qui les glissa dans sa poche.

— Merci..., dit il en souriant. Je ne l'appréciais pas forcément mais il nous avait bien aidé tout de même...

— Tu es certain que Le Clan en a ? demanda Sol en examinant l'une des fioles qui contenait un liquide blanchâtre.

— Je pense que Le Clan en a de meilleures, mais je n'ai rien pu leur prendre lors de notre dernière mission. Ils gardent tout dans les sous-sols d'une imposante tour en verre dans une ancienne cité de la Côte Ouest. Notre prochaine intervention là-bas n'est même pas programmée. J'ai eu la chance de m'y rendre une fois, il y a quelques mois pour un échange commercial. J'ai réussi à récupérer quelques informations sur les plans et les prochaines actions mais ce qui m'a été le plus utile, c'est de constater la bonne santé du peuple du Clan. Il n'y a pas de certitude quant à la vérité de mes informations, les seuls espions envoyés ne sont jamais revenus...

— La ville fait des échanges commerciaux avec Le Clan ? demandai-je perplexe.

— Oui, enfin, pas officiellement. Mais le Maire doit continuer d'entretenir de bonnes relations avec Le Clan, ils sont plus puissants que nous. Evidemment, cela, mis à part les militaires de terrain comme moi, personne ne doit le savoir. Secret défense.

— Pas si secret, ricana Sol en reniflant une fiole de vaccin.

— Vous devez être informés de ce genre de chose avant de pactiser avec McGwen. Si vous êtes réellement les enfants de Mercure, il n'hésitera pas une seconde à vous utiliser comme des rats de laboratoire, ou il vous vendra au Clan pour un sacré paquet d'argent.

Sol et moi nous nous regardâmes avec effroi. Nous ne serions donc jamais tranquilles... Et j'avais donné un échantillon de mon sang le matin même à un type prêt à faire des expériences sur moi et à me vendre...

La place ! Nous y étions enfin. Sol et moi nous débarrassâmes de nos déguisement que nous redonnâmes à notre guide.

— Pas encore, chuchota Sol en se laissant tomber sur le sol, las. Troupe militaire droit devant, nous informa-t-il en haussant les sourcils.

— Oh..., si je me fais prendre je vais perdre mon poste ! Je ne peux pas me balader hors du district 1 ou 12 la nuit, s'étrangla Noah en essuyant son front brillant de sueur.

— Et bien, il va falloir que nous fassions diversion une fois de plus Adam.

— Non, je vais faire diversion, tu dois rentrer avec la mallette sans qu'ils la voient. Noah, pars, contourne la place, dis-je. Il me fit un brève signe de la tête et s'éclipsa.

— Pourquoi se serait à toi de faire diversion ? me demanda Sol en haussant les épaules.

— Je ne sais pas, je ne veux pas que tu aies des problèmes...

— Tu veux jouer les héros ! C'est normal, tu essayes de t'affirmer auprès de ta princesse Athéna, mais sache que moi aussi j'ai envie de faire diversion. L'adrénaline me manque cruellement, ricana-t-il.

— Nous sommes en train de nous battre pour savoir qui va avoir l'honneur de se faire arrêter ?

— Ou pas, justement. Hier, tu as été mauvais. Je te parie que je peux faire diversion et leur échapper, assura Sol en me défiant du regard. Il y avait ce jeu entre nous, cet esprit de compétition stupide et permanent. Ce n'était pas sérieux évidemment, un simple jeu d'enfant. Mais c'était plus fort que nous.

— Impossible, je cours plus vite que toi, affirmai-je. Il hocha la tête de haut en bas lentement en faisant la moue.

— Celui qui gagne fait diversion, annonça Sol en me présentant son poing. Une partie de pierre, feuille, ciseau en trois points.

En grand vainqueur, je lui fis un petit sourire narquois qu'il me rendit rageusement.

— Nous réglerons la question de la course plus tard, me défia-t-il. J'acquiesçai avec un large sourire.

Sol se posta dans la rue la plus proche de l'appartement, une vingtaine de mètres le séparaient de la porte d'entrée. Je fis le tour de la place par des petites ruelles et me posta à l'opposé de Sol. Je saisis un pavé déchaussé et respirai profondément. C'était vraiment par obligation, je ne voulais absolument pas faire cela mais il le fallait pour attirer autant que possible l'attention des soldats au nombre de cinq.

Je balançai le pavé sur un soldat, le plus proche, qui observait son reflet dans la vitrine d'un magasin d'habits. Je ne voulais pas le blesser, encore moins le tuer mais il fallait qu'il me remarque.

Rien ne se passa comme prévu. Le pavé ne frôla même pas le militaire. Il explosa la vitrine. J'écarquillai les yeux en ouvrant, béat, la bouche. C'était pire encore que de blesser légèrement le soldat. Je pensai au commerçant qui allait se lever, venir travailler et constater les dégâts, il devait avoir une famille, il allait devoir fermer et alors il perdrait de l'argent, deviendrait pauvre... Il y eut un moment de flottement, je vis Sol déjà avancé sur la place, sous un lampadaire, se tordant de rire. Il leva un pouce en signe d'approbation et courut jusqu'au hall de l'immeuble. Tous les soldats avaient les yeux rivés sur moi.

Ni une, ni deux, je détalai. Je me retournai pour savoir ce qui se passait, les cinq soldats étaient à mes trousses. Je bifurquai à l'angle d'un boulevard beaucoup trop éclairé à mon goût. Les soldats braquaient leur armes sur moi et parlaient à toute vitesse dans leur talkie-walkie.

Je tournai aléatoirement dans les rues mais toujours dans l'optique de rejoindre la place, j'étais certain d'en faire le tour. Epuisé, tout haletant, je m'arrêtai dans une impasse. J'avais réussi à les semer. J'escaladai plusieurs poubelles, passai au-dessus d'un mur et atterrit de l'autre côté.

Je marchai pour récupérer et en arrivant sur la place, je regardai notre immeuble, une fenêtre seulement avait ses rideaux ouverts, Athéna me faisait de grands signes, je la voyais à peine, mais étant le seul point de lumière de toute la façade, il était possible de l'apercevoir.

Je sentis quelque chose heurter l'arrière de mes genoux, je tombai à terre instantanément. Un autre coup eut pour effet de m'assommer.

-------------------------------------------------------

Merci à tous ! Je vois une petite baisse des lectures, j'espère que cela vous plait toujours ! Bonne journée ❤️

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top