Partie 2 - Chapitre 1


 J'ai revu la lumière après un long sommeil sans rêve, ni conscience, ni lucidité. J'ai senti un picotement au niveau des orteils, tout le long de mes jambes, de mon estomac, de mon torse. Mes doigts ont tremblé, c'était incontrôlable. Mes mains me faisaient terriblement souffrir. J'ai ouvert les yeux mais je ne voyais rien. Tout était terriblement trouble. J'ai compris ce qui se passait quand j'ai ouvert la bouche et que de l'eau s'y est engouffrée. J'ai écarquillé les yeux et j'ai cherché comment ouvrir la boîte dans laquelle j'étais. J'ai trouvé sous la paume de ma main droite, un bouton en relief sur lequel j'ai appuyé.

Ma capsule s'est ouverte et à ma grande surprise, je me suis écroulé sur le sol. Un sol carrelé dur et froid. La capsule était à la verticale, je venais de chuter en avant et étant trop engourdi, je me suis effondré. Le liquide s'est déversé dans la pièce en même temps que moi tel un tsunami. Le carrelage blanc était trempé, la pièce avait des airs de congélateur.

J'ai toussé et haleté bruyamment, incapable de calmer ma respiration. Je ne comprenais rien. J'ai fait rouler mes yeux, bouger mes articulations, je me suis levé comme je le pouvais et j'ai observé ce qui m'entourait.

J'avais froid. Une pile de sachet plastique contenant des couvertures étaient devant moi, dans une armoire aux portes battantes dégondées. J'ai avancé doucement, j'ai saisi un sachet, l'ai arraché et me suis enroulé dans une couverture grise, adossé contre un mur au fond de la pièce, là où le sol n'était pas mouillé, essayant de me rappeler.

C'était une minuscule pièce, contre les quatre murs, des capsules semblables à la mienne, alignées à la verticale.

L'une d'elle s'est ouverte et elle en est tombé de la même manière que moi. Comme si elle avait été démembrée. Heureusement pour elle, elle a réussi à atterrir sur les genoux et les avants-bras.

Elle tremblait de tous ses membres. Quand j'ai croisé son regard apeuré, je me suis souvenu. Je me suis rappelé de certains aspects de ma vie d'avant, pas tout mais certaines grandes lignes, des détails aussi. Il y avait en moi, une espèce de vide, de sentiment d'oubli, de manque.

— Adam ? Que ce passe-t-il ? a-t-elle dit tremblante. De froid ? De peur ? Des deux ? Impossible de savoir. Je l'ai questionnée du regard incapable de dire un mot.

Les scientifiques ? Le comité d'accueil, mon million ? La jolie chambre promise au réveil ? Je me rappelais bien avoir participé à cette expérience, je me souvenais en quoi elle consistait.

« Tu t'appelles Adam Winston, tu avais 16 ans, tu es né le 5 mars 2054 et tu t'es endormi en 2070. » C'est ce que je me répétais encore et encore, les seules choses dont j'étais certain à ce moment là.

— Je ne sais pas. Je ne sais plus rien, ai-je dit avec peine en frottant mes tempes.

Athéna, je savais qu'elle s'appelait ainsi, je me souvenais de cela, elle s'est levée et enroulée dans une couverture.

— Il est peut-être trop tôt..., a-t-elle suggéré. En quelle année sommes nous ? Les capsules ont peut-être disjoncté...

Quelque chose m'a dérangé avec ces capsules... Je ne savais pas encore quoi. Elle a regardé les capsules une à une et s'est assise près de moi.

Il n'y avait pas de bruit hormis celui que produisait le pauvre néon blanc du plafond.

Trois autres capsules se sont ouvertes simultanément. Kaya, Sol, Adonis. Je me souvenais d'eux aussi.

Quand j'ai vu les capsules s'ouvrir, j'ai senti un malaise et quelque chose avait changé. Ces capsules n'étaient plus les mêmes. Nous avait-on changé de capsule entre-temps les anciennes étant défaillantes ? Je ne savais pas...

Aucun de mes camarades ne comprenait la situation. Une fois mes jambes redevenues valides, je me suis levé et j'ai ouvert avec peine la lourde porte ovale blindée au fond de la pièce dont le sol était désormais totalement recouvert d'eau trouble. Athéna m'a suivi, les autres sont restés enroulés dans leurs couvertures, recroquevillés sur eux-mêmes. Quand la porte s'est entrouverte, un froid polaire s'est engouffré dans la petite pièce.

— Ferme cette porte le Formidable ! a hurlé Sol en me jetant le plastique protégeant une couverture qui voleta légèrement avant de se poser délicatement dans la mare recouvrant le carrelage.

Les jambes nues d'Athéna tremblaient tellement que je pensais qu'elles allaient se briser. Elle ne portait qu'un short et un tee-shirt à manches longues en coton fin. Contrairement à moi, elle n'était pas pieds nus mais ses chaussettes étaient trempées et cela était peut-être pire. Elle grelottait malgré l'épaisse couverture qu'elle avait enroulée autour d'elle.

— Athéna... J'ai voulu la prendre dans mes bras mais il y a eu ce malaise, je ne pouvais pas la toucher ou la regarder de la même façon qu'auparavant.

Pourquoi ? J'étais incapable de le savoir et elle a paru tout aussi confuse.

Sol nous a regardés de travers alors je suis sorti sous ses plaintes et ses reproches. Ses réveils étaient difficiles, je me souvenais de cela aussi.

Athéna a légèrement refermé la porte derrière nous. Je lui ai proposé ma couverture en plus de la sienne mais elle n'en a pas voulu.

Nous étions dans un long corridor dont les murs et le plafond étaient faits de verre brisé par endroit. Le sol en dalles noires était parsemé d'éclats de verre tombés de la vitre protégeant sûrement le couloir auparavant. Le plafond était désormais inexistant, un couloir à ciel ouvert. Un ciel bleu parfait. Les vitres bien que fissurées tenaient encore le choc et étaient couvertes d'un givre épais qui nous empêchait de voir l'extérieur. Tout ce que nous savions, c'est qu'il faisait beau mais un froid polaire.

Le couloir débouchait sur un trou béant, autrefois une porte vitrée, désormais explosée.

Nous sommes entrés tous les deux dans une pièce en bois et pierre, comme ces chalet de montagne que je voyais sur les panneaux publicitaires lumineux des agences touristiques en ville.

Au centre de la pièce sombre, au sol jonché de verre et de débris naturels comme du bois et des feuilles, une immense cheminée entourée d'un bar et de chaise hautes. Sûrement y faisait-on chauffer de la guimauve en famille ?

— Mais que s'est-il passé ? a demandé Athéna tremblante. Une fois encore, sans savoir si c'était de trois ou de peur !

J'ai haussé les épaules sans pouvoir lui répondre de vivre voix. Chacun de mes pas faisait crisser les feuilles mortes et je devais déjà avoir plusieurs entailles à cause du verre même si je faisais mon possible pour les éviter.

Le vent soufflait fort et me rappelait le hurlement d'un loup. Il y a avait aussi le cliquetis de gouttes d'eau tombant à intervalles réguliers.

— Tu restes près de moi ? ai-je demandé à Athéna qui s'enfonçait dans l'ombre des murs.

— Suis moi... a-t-elle dit en me faisant signe de la main.

— Attendez nous ! a crié Sol depuis le couloir vitré. Nous nous sommes arrêtés et ils nous ont, Kaya, Adonis et Sol, rejoints.

Sol s'est plaint du piteux état des lieux, Adonis a fait tomber une étagère en l'examinant ce qui nous a tous fait sursauter.

J'ai ouvert un long rideau de flanelle pourpre et j'ai découvert que l'ancienne longue fenêtre qui était présente auparavant, avait été murée par des briques rouges.

— D'autres se sont-ils réveillés ? ai-je demandé à Sol qui examinait les larges pierres jaunies des murs.

— Non, pas que je sache... Toi aussi tu as ressenti ce... Il n'a pas fini sa phrase, il ne m'a même pas regardé dans les yeux, il a fixé une pierre fissurée face à lui puis il s'y est adossé, les bras croisés, et a regardé Athéna.

— Ce sentiment étrange avec Athéna ? ai-je demandé pour être certain qu'il parlait bien d'elle.

— Oui, a-t-il soupiré. C'est étrange Adam... Pas seulement avec elle, avec tout le monde. Il y a un petit quelque chose qui m'empêche de leur parler comme avant.

— Je comprends... Mais le pire reste avec Athéna. Il y a un bloquage, je ne comprend pas pourquoi. Je ne comprends pas grand chose à vrai dire... Tout mon esprit est embrouillé...

— Le mien aussi, je...

Quelqu'un a fait irruption dans la pièce.

— C'est quoi ce... ce... ça ! a hurlé Ares toujours autant musclé que dans mes souvenirs.

Derrière lui, un garçon que j'avais dû croiser lors de notre préparation mais dont je n'avais aucune idée de l'identité. Il est entré dans la pièce avec méfiance et nous a tous dévisagés. Sol s'est avancé d'un pas décidé vers le garçon au cheveux de jais et aux yeux largement écartés et lui a sauté dessus. Ils se sont écroulés et Sol lui a asséné plusieurs coups au visage.

Ares les a séparés et j'ai couru retenir Sol prêt à se rejeter sur le pauvre type.

— Mais tu ne vas pas bien ! je me suis énervé. Qu'est ce que tu fais ?

Il a arrêté de se débattre et a fixé le garçon dont le nez était encore plus tordu qu'avant qu'il n'ait reçu les coups.

— Je ne sais pas... je... J'ai eu la terrible envie de le frapper. C'était incontrôlable. Il... il m'inspire du dégoût. Je ne comprends pas...

Il s'est laissé tomber sur une chaise-oeuf et s'est pris la tête entre les mains.

Ares s'est agacé de la situation, Adonis lui a ordonné de se calmer et d'aider le type blessé alors que Kaya essayait d'essuyer avec sa manche le nez en sang du garçon toujours au sol.

Les paroles se sont faites plus violentes, chacun était perdu, Sol était toujours de son côté et ne parlait plus et moi, je tentais d'apaiser le tout sans y parvenir.

— Oh ! nous a interrompus une première fois Athéna. Personne ne lui a prêté attention. Elle a demandé le silence plusieurs fois, alors qu'ils se disputaient toujours. Elle a vivement saisi un vase blanc et bleu posé sur un secrétaire et elle l'a lancé contre un mur couvert d'une bibliothèque.

— C'est bon ! J'ai votre attention ? a-t-elle demandé en nous regardant tour à tour. Vous devriez venir voir, a-t-elle dit en s'enfonçant dans l'obscurité. Elle a ouvert une porte qui donnait sur une pièce baignée par le soleil.

Athéna est entrée, elle a collé ses mains contre la baie vitrée sur tout un pan d'un mur et la moitié d'un autre. Elle a fixé un point dehors.

La pièce, une chambre, au vue du sommier encadré de bois et des tables de chevet vides était plus propre que la salle précédente même si les rideaux en velours pourpre étaient arrachés et que j'avais l'impression que du sang couvrait une partie de la moquette dans un coin de la pièce.

Une porte au fond devait mener à une salle de bain, c'est ce que je supposais. En voyant l'orientation du lit, j'ai imaginé ce que cela devait être de se réveiller le matin et d'avoir la vue totalement dégagée sur le paysage.

Je suis entré sur les pas d'Athéna et j'ai écarquillé les yeux en voyant l'extérieur. Kaya a étouffé un cri de surprise et les autres se sont contentés, comme moi, de rester muet.

Nous étions au creux de deux montagnes se rejoignant. En dessous de nous, le vide. La maison était sur le flanc d'une montagne et j'en étais terrorisé. Athéna a ouvert la porte vitrée et s'est avancée sur la large terrasse en bois qui entourait la chambre et qui s'étendait jusqu'au salon que nous avions déjà visité et dont je devinais que les briques différentes des blocs de pierre, condamnaient une autre baie vitrée donnant elle aussi sur cette grande terrasse.

— Athéna ! Sol l'a rattrapée et arrêtée. Imagine que le bois craque et que tu tombes, il faut s'assurer... Sol n'a pas fini sa phrase, Athéna s'est dégagée de son étreinte et s'est avancée jusqu'aux barrières cuivrées qui sécurisaient le balcon suspendu.

— Tu vois, tout va bien, a-t-elle dit en haussant les épaules. Il fait froid, mais c'est supportable...

La vue était à couper le souffle. Des chaines montagneuses à perte de vue. C'était beau, mais angoissant et cela nous faisait nous poser encore plus de questions. Que s'était-il passé ? Pourquoi étions-nous isolés au coeur de montagnes ?

— Il faut nous organiser, ai-je dit. Tout le monde s'est tourné vers moi et Ares a éclaté de rire.

— Pourquoi nous donnes-tu des ordres Le Formidable ? a-t-il demandé sarcastique et plein de haine.

— Je suggère que l'on s'organise pour comprendre, pour manger, pour boire et pour retrouver les autres.

Ares a gonflé les muscles de ses bras et bombé son torse.

— Je vous propose de retourner de là où nous venons pour examiner les capsules et, pourquoi pas, pour y trouver des survivants et après, nous fouillerons cette maison pour y trouver des vivres et des informations, a-t-il dit satisfait.

Tout le groupe l'a dévisagé et a attendu ma réaction. Je me suis mordu la lèvre inférieure pour me retenir de l'insulter et je suis sorti sur le bacon.

Athéna était assise au bord, les jambes dans le vide, le menton appuyé sur la barrière de sécurité.

L'air me glaçait le visage et les pieds, je me suis assis près d'elle et nous avons observé le paysage sans rien dire. Le ciel était rosé, je supposais que nous étions tôt le matin car la lune disparaissait au loin. Les sommets étaient couverts de neige étincelante.

Je me suis levé et j'ai marché d'un bout à l'autre de la terrasse sans en apprendre beaucoup plus sur notre position. Je savais que les trois quarts de la maison plein-pied était construite dans la roche et que le couloir de verre était suspendu dans le vide comme un pont. Toute la pièce contenant nos capsules avait été construite dans la montagne. Cette maison était située aux trois quarts de la hauteur des deux montagnes. En bas, il avait l'air de faire bien meilleur qu'en haut, où nous chatouillions la neige des sommets.

Je suis retourné auprès d'Athéna.

— Que s'est il passé ? ai-je pensé tout haut.

— Un problème avec les autorités ? Une guerre a peut-être éclatée et pour notre sécurité on nous a mis ici. Peut-être y-a-t-il encore des combats à l'heure où nous parlons...

— Une attaque chimique les a peut-être tous tués ? ai-je dit sans savoir comment j'avais eu une telle idée.

Athéna m'a regardé de travers. Elle a paru aussi troublée que moi par mes paroles et elle a ouvert la bouche pour dire quelque chose mais Sol a surgi derrière nous, et il nous a dit, tout tremblant, qu'il y avait bien dix capsules mais que Nadir n'était pas dans l'une d'entre elles.

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Merci à ceux qui continuent !  

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