Partie 1 - Chapitre 7
Les deux jours suivants étaient, sur nos emplois du temps, destinés à la survie et aux combats. Je n'ai absolument pas compris la nécessité de ce genre d'activités mais si les scientifiques les jugeaient nécessaires, c'est qu'elles devaient l'être.
Mardi matin a été l'un des plus ennuyeux de tout le séjour. Nous avons appris à reconnaître les plantes nocives, celles qui pouvaient être mangées, celles qui pouvaient nous soigner.
— Culture personnelle ! a clamé Anne quand Sol a demandé l'intérêt d'un tel cours.
Sol s'est approché de moi, Anne continuait d'écrire sur le tableau blanc.
— Si tu veux mon avis, ils préparent quelque chose de pas net, a-t-il murmuré un rictus au coin des lèvres.
Lui et moi nous sommes éclipsés de la salle de botanique légèrement plus tôt et avons emprunté l'ascenseur pour rejoindre notre chambre.
— Ils ne sont pas nets..., a dit Sol en appuyant sur le bouton 50.
— Ecoute-moi bien, j'ai trouvé un moyen d'aller au sous-sol. Enfin, j'ai trouvé une entrée autre que l'ascenseur pour aller au sous-sol. La porte B12, ça te dit quelque chose ?
— Je n'ai pas la moindre idée de l'endroit où elle se trouve... C'est une voie souterraine, non ?
— Probable, eh bien, il y a une livraison pour le sous-sol à cet endroit, mardi prochain. Je prévois... L'ascenseur s'est arrêté. Mais pas à notre étage, en plein milieu de la montée.
Sol s'est tourné vers le panneau de saisie d'étages et a appuyé sur le bouton du niveau que nous cherchions a rejoindre.
— Il n'y a pas de bouton d'urgence ? ai-je demandé à Sol qui ne paraissait pas confiant.
— Attend, j'essaie. Il a pressé l'interrupteur d'urgence. Celui-ci a grésillé et une légère fumée s'en est échappé. L'ascenseur a tremblé légèrement et il nous a fallu un regard pour comprendre ce qui allait suivre, nous ne savions pas exactement mais nous avions une idée, nous savions que nous étions dans le pétrin.
Nous avons saisi les poignets de sécurité présentes sur tout le tour de l'ascenseur à hauteur de bassin et comme je le pensais, la cage s'est mise à monter à vive allure. Le choc, quand elle a touché les mécanismes du plafond nous a secoués.
Sol a hurlé à l'aide, je l'ai imité et j'ai lâché la rambarde. J'ai donné plusieurs coup sur le tableau d'affichage des étages. J'ai appuyé sur tous les boutons à la fois et sur un autre, bleuté avec un F fluorescent dessus. Les petits jets d'eau d'incendie se sont déclenchés dans la cabine. Une eau froide et agressive. Sol m'a rejoint et a donné un coup de pied dans le tableau. La cabine s'est ébranlée, une vive alarme s'est déclenchée et les lumières se sont éteintes. Seule l'ampoule rouge de l'alarme au-dessus du tableau nous éclairés, clignotant à intervalles régulières.
— Mais c'est pas vrai..., s'est exclamé Sol en écartant ses cheveux trempés de ses yeux verts. Une pensée dangereuse a traversé mon esprit.
— C'est de ma faute, ai-je dit. Et j'en étais convaincu. Charles devait avoir appris que j'avais fouillé son bureau et il me le faisait payer. Peut-être essayait-il de m'éliminer parce que j'avais vu quelque chose qu'il ne fallait pas, parce que j'étais trop curieux.
— Mais qu'est ce que tu racontes ? L'alarme a faibli jusqu'à retentir seulement lorsque la lumière rouge s'allumait, toutes les dix secondes environ.
— Charles ! Il doit savoir que j'ai fouillé son bureau et que je le soupçonne de quelque chose de pas net. Sol a éclaté de rire. Il a passé une main sur son visage pour enlever l'eau qui y perlait mais les jets continuant de nous cracher dessus, c'était inutile.
— Waouh ! Le Formidable ! Tu te prends vraiment pour le centre du monde. Ce genre de panne arrive souvent. Ce n'est pas de ta faute. Charles ne sait rien du tout, pas de panique, je... La cage a légèrement bougé. Sol et moi nous nous sommes arrêtés de parler et nous avons saisi les rambardes de sécurité les plus proches. Un cliquetis métallique a attiré notre regard vers le plafond.
— C'est mauvais, très mauvais, a dit Sol sans quitter le haut de la cage d'ascenseur des yeux.
Plus un bruit, nous retenions notre respiration, j'en avais le tournis. La cage d'ascenseur a tremblé puis c'est comme si mon coeur était sorti de mon corps, que je l'avais vomi. Mon visage a frappé les portes closes de la cage. Je me suis cramponné à la barre alors que l'ascenseur entamait une descente infernale jusqu'aux enfers. Sol a été propulsé au plafond. Complètement inconscient, il était plaqué contre la paroi, moi, j'étais aspiré vers le haut, mes jambes au dessus de mon visage, mes doigts prêts à céder.
Un grincement surpuissant a retenti dans la cage et la cabine s'est brusquement arrêtée. J'ai atterri violemment et j'ai bien cru que tous mes os s'étaient brisés. Sol a atterri sur moi, était-il mort ? Je le pensais car il ne bougeait plus, sa cage thoracique ne se soulevait plus. J'ai senti un liquide chaud qui contrastait avec l'eau froide, couler sur mon front. Ma vison s'est troublée, un intense picotement au front m'a maintenu éveillé un moment mais j'ai fini par sombrer.
Je me suis réveillé dans une petite chambre d'un blanc parfait. A coté de moi, Sol regardait la télévision, une série qui m'était inconnue.
— Où sommes-nous ? ai-je demandé. Sur la table de chevet à coté de moi, un livre et une bouteille d'eau presque finie.
— A l'infirmerie, a dit Sol en soupirant. Nous sommes des miraculés, cet ascenseur, il aurait pu nous tuer.
— Je n'ai mal nulle part, ai-je dit. Je suis devenu invalide ? J'ai commencé à paniquer, Sol a quant à lui éclaté de rire.
— Mais non le Formidable, c'est l'anti-douleur qui fait cet effet. Ils ont du t'en administrer une bonne dose parce que ton front est bien abimé..., a-t-il dit en me dévisageant. Lui avait le bras gauche couvert d'hématomes. Les jambes et la partie gauche de son visage avait quelques égratignures.
— Quelqu'un est venu nous voir ? ai-je demandé en louchant sur la bouteille et le livre.
— Une infirmière et Charles, m'a-t-il appris. Mon coeur s'est arrêté. J'ai soulevé la manche de mon haut et j'ai vu les inscriptions sur mon bras presque entièrement effacées mais toujours lisibles. Ce n'était pas le tee-shirt que je portais la veille, il les avait vues... Sol a prononcé un autre nom que je n'ai pas entendu, absorbé par mes théories puis il a ajouté : Athéna. Elle a passé la soirée à tes côtés, je lui ai parlé un peu mais elle s'est surtout occupée de toi. Un peu de pommade par-ci, par là, de l'eau, un linge frais... Je n'ai jamais vu quelqu'un veiller sur l'autre de cette façon. Plus que ma mère quand j'avais la grippe l'hiver dernier ! J'ai souri et j'ai regardé la série avec Sol qui a fini par s'endormir.
Une infirmière est passée et a vérifié que tout allait bien. L'horloge indiquait minuit. J'ai eu le droit de manger une purée de légumes peu goûteuse et une compote d'insectes frais.
J'ai toujours aimé les insectes. Pas forcément pour leur goût mais surtout pour leurs apports nutritifs et pour leur prix très bas. Il était facile de s'en procurer dans le bidonville. En bouillie, sautés à la poêle ou en brochettes grillées dans le feu du foyer de la maison. Pas bons en bouche pour certains, mais pratiques !
J'ai ouvert les lourds rideaux qui donnaient sur la baie vitrée. Nous étions à l'arrière du bâtiment et la vue ne donnait sur rien, à part un immeuble de bureaux en face et la rue déserte en dessous.
Je me suis rapidement endormi malgré mes questions quant à ce curieux accident. Charles en était-il à l'origine ? Savait-il que j'avais fouillé son bureau et s'il le soupçonnait, en avait-il eu confirmation en regardant les inscriptions sur mon bras ?
Le lendemain matin, nous avons tous les deux passé quelques examens pour que les médecins soient certains que nous allions bien et nous avons quitté le bâtiment juste après notre déjeuner. A ma grande surprise, aucun de mes membres ne me faisait mal et je n'avais que quelques hématomes et une vilaine plaie au niveau du front et de l'arcade sourcilière.
Nous sommes montés dans un bus et avons rejoint la périphérie de la ville. Il neigeait et je n'avais jamais vu la ville aussi vide. Une drôle d'atmosphère planait dans les rues. Bien qu'elles aient été désertes, de l'électricité et une drôle de chaleur enveloppaient la ville. Peut-être la nouvelle année et ses grandes fêtes qui approchait ! Nous avons emprunté les grandes voies de communications, les autoroutes, pas les petites rues crasseuses des quartiers modestes et pauvres. Les immenses échangeurs à quatre voies que je n'avais jamais empruntés, même pas petit. Les voies étaient déneigées et seuls les camions de marchandises y roulaient. Où donc étaient tous les habitants ?
Nous avons roulé une petite heure et avons atteint le centre d'entraînement militaire. Un immense bloc de béton et de pierre protégé par des barbelés et surveillé par des sentinelles armées.
J'ai fait la route en compagnie d'Athéna. Nous étions dans le fond du bus. Derrière nous, Kaya, Sol, Adonis et Nadir. Certains d'entre nous, peu habitués aux long trajets en ont été malades.
Après de brèves explications sur les rudiments du combat, nous avons choisi un partenaire pour nous battre, je me suis retrouvé avec Sol mais le choc de la veille lui faisant toujours mal, il est retourné à l'infirmerie. Athéna s'est présenté devant moi.
— Non, je ne me battrais pas contre toi, lui ai-je dit. Elle m'a dévisagé et m'a dévisagé de haut en bas.
— Tu as peur que je te batte ? a-t-elle ricané pleine de confiance. J'ai mis au sol tous mes adversaires pour le moment, s'est-elle vantée.
— Je ne voudrais pas te faire mal. Elle a haussé les sourcils et a essayé de me donner un coup de poing que j'ai évité de justesse.
— Quel macho... Je ne te pensais pas ainsi, Adam... Tu me déçois...
J'ai levé un bras et je m'apprêtais à abattre mon poing sur ses avants-bras qui protégeaient son visage quand elle a attrapé mon bras au vol et m'a étranglé. Ma gorge au creux de son coude, elle a ri dans mon oreille.
— Aussi nul que les autres, a-t-elle claironné. Tout le monde nous regardait et mon ego en prenait un coup.
J'ai passé ma jambe derrière la sienne et l'ai faite basculer. Elle m'a lâché et est tombée. Je lui ai tenu l'épaule et me suis assis sur son estomac.
J'étais assez bon en combat au corps et ce grâce aux petits tournois organisés dans le bidonville. J'en avais gagné certains et avais ainsi remporté un peu d'argent. Cependant, j'évitais à tout prix ces combats, il suffisait que je tombe sur un gars plus fort que moi et qu'il me casse quelque chose, alors j'aurais eu du mal à travailler à l'usine.
— Alors, tu disais ? je la défiais, c'était plaisant. Je comprenais qu'elle n'avait pas dit son dernier mot. Elle bougeait légèrement le bassin mais j'étais plus grand et sûrement plus lourd.
— Oh... Je vois, tu es faible..., ai-je dit, tu es trop distraite... J'ai écarté une mèche de cheveux de son visage. Elle a soufflé, énervée et sans que je m'y attende, elle a saisi mes poignets, les a tordus et la situation s'est inversée. Elle était au dessus. J'ai mi ma fierté de côté. Elle a embrassé mon front et m'a aidé à me lever.
— J'ai gagné, m'a-t-elle dit alors que je massais mes poignets.
Adonis m'a rejoint et m'a assuré qu'il était impossible de la battre. Qu'il n'avait pas tenu aussi longtemps que moi et qu'il me félicitait de ne pas m'être blessé, lui, s'étant ouvert la lèvre.
Je me suis entraîné avec l'intervenant militaire et une fois certain que mes jambes ne soutiendraient plus mon corps fatigué, je me suis allongé sur un banc dans les vestiaires. Athéna a été contrainte de me rejoindre, son dernier adversaire l'ayant mise à terre en quelques secondes.
— J'ai trouvé un seul "candidat" capable de me battre, a-t-elle dit en regardant d'un air mauvais, Ares, qui gonflait ses muscles près du visage d'une fille dont le prénom m'échappait. Elle faisait partie du groupe 3 et nous n'avions jamais eu l'occasion de nous parler.
J'ai remarqué que je n'avais presque pas communiqué avec les membres des deux autres groupes.
Nous sommes rentrés tard, nous avons eu droit à un bon dîner et nous sommes retournés dans nos chambres, épuisés.
Ma blessure me faisait énormément mal, je ne pouvais pas dormir, même fermer les yeux était un supplice. Je me suis levé et j'ai examiné la plaie sur mon front dans la salle de bain. Elle ne s'était pas réouverte néanmoins, le contour était très irrité. Je décidai de rejoindre l'infirmerie et d'y chercher de quoi calmer la douleur.
J'ai retrouvé Athéna en pleurs, les yeux rougis, le poignet entouré d'un ruban cicatrisant blanc.
— Ath ? Que t'arrive-t-il ? ai-je demandé. Elle s'est jetée dans mes bras.
— Je les déteste, a-t-elle sangloté. Je..., je ne peux plus supporter. Mon corps ne le supporte pas...
— Mais de quoi parles-tu ? ai-je demandé en la regardant dans les yeux qu'elle a détourné des miens.
— Adam, tu sais que nous avons en nous quelque chose qui les intéresse et pour cette raison, j'ai accepté de les aider à trouver quoi. Ils m'ont garanti que c'était sans risque. Tous les soirs je reste avec eux, je les laisse prélever un peu de sang pour qu'ils l'analysent, qu'ils fassent des expériences... Je sais que c'est pour un monde meilleur. Ce soir, ils ont essayé de m'en prendre de force et je refuse que cela se reproduise. J'ai essayé de m'enfuir et ils m'en ont quand même pris et là, je me sens si mal que j'ai l'impression de mourir ! S'il le faut, je quitte l'expérience...
— Non, l'ai-je coupé. Elle s'est arrêtée de pleurer et m'a dévisagé.
— Je refuse de rester ici si je ne peux pas avoir confiance en eux.
— Je prendrai ta place. Je vais les laisser prendre de mon sang, ainsi ils ne t'embêteront plus. Nous avons le même composant, non ?
— Je suppose, a-t-elle dit en haussant les épaules. Mais c'est non. Je... je l'ai légèrement poussé pour pouvoir passer et j'ai rejoint l'ascenseur. Elle m'a regardé sans bouger, les portes se sont ouvertes puis refermées et j'ai vu dans ses yeux fatigués qu'elle était pleine de gratitude.
Comme si j'allais leur donner mon sang ! J'ai débarqué dans le bureau d'Eloir en espérant l'y trouver et j'ai eu de la chance, il y prenait un verre avec une jeune scientifique que je n'avais jamais vue. Je suis rentré sans que l'on m'y autorise et j'ai attrapé son téléphone fixe.
— Adam ? J'ai fait mine de ne pas l'entendre et j'ai composé le numéro de la presse. Il était simple à retenir. Il n'y en avait qu'un, son studio étant en plein centre de la ville.
Un seul homme contrôlait toute la presse, qu'elle fût écrite ou télévisée. Il ne publiait jamais rien de ce que je lui confierai, j'en était certain. La presse était complément rongée par les pots de vin et la corruption. J'étais persuadé que c'étaient même les responsables politiques qui contrôlaient réellement les chaînes et les journaux. Comme c'était étrange qu'aucun scandale les concernants n'avait jamais été révélé ? Ces gens n'étaient pas tout blancs, et cela, toute la cité le savait et personne n'y trouvait rien à redire !
— Si vous ne la laissait pas en paix, je dévoile tout à la presse.
— Je ne sais pas de quoi tu parles, commença-t-il. Inutile d'utiliser ce téléphone, il ne fonctionne pas, c'est de la décoration. Un vieux modèle comme celui-ci vaut un fortune, fais attention, s'il te plaît. Il s'est levé et m'a doucement pris le combiné des mains.
— Athéna. Vous l'avez blessée. Elle parle même de quitter le laboratoire.
— Elle ne peut pas. Et en ce qui concerne ses incidents, j'ai fait en sorte qu'ils ne se répètent plus. Il n'y aura plus ces expériences sans que l'on me consulte avant.
— Vous mentez, pour tout, et tout le temps ! Il m'a dévisagé et a soupiré.
— Retourne te coucher Adam, les journées sont longues. Tu pourras me faire un procès un autre jour, mais pour le moment, je ne suis pas d'humeur. Reviens demain, je te promets que nous parlerons et nous serons bien plus efficaces après une bonne nuit de sommeil. Sache que je ne suis pas à l'origine de cette expérience clandestine, Charles en est le seul et unique responsable et je vais faire en sorte qu'il soit puni pour cela.
J'ai froncé les sourcils et je me suis dit que cela me laissait du temps pour trouver comment lui dire que Charles était un fou. Je devais trouver des arguments et un plan d'attaque au cas où il ne m'écouterait pas.
— Très bien, je serai ici, demain, à la première heure, ai-je dit en claquant la porte derrière moi.
Je ne voulais pas faire cela, j'appréciais Eloir, c'était un homme respectable. Un amoureux des sciences. Un peu étrange mais sympathique. Je ne savais pas si je pouvais lui faire confiance. Il n'avait pas non plus l'air de porter Charles dans son coeur, avait-il le pouvoir de s'en séparer ?
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