Partie 1 - Chapitre 6
Lundi 22, je me suis rendu dans le bureau de Charles, je connaissais le chemin par coeur désormais, je l'avais emprunté de nombreuses fois. Quand je suis arrivé dans le couloir des bureaux importants, un robot sur chenilles qui tenait une petite feuille de classeur déchirée a foncé jusqu'au bureau de Charles et celui-ci en est sorti à toute vitesse. Je me suis plaqué contre l'un des murs et la poutre bien que peu épaisse m'a caché. Charles est entré dans l'ascenseur, le robot avec lui et ils sont descendus. Soit j'attendais Charles devant son bureau soit je repartais, sois... j'entrais et je cherchais des informations sur le sous-sol... Le plus incroyable c'est que c'était le seul étage sans une seule caméra de surveillance. J'ai saisi l'opportunité. J'ai vérifié que personne ne regardait et je suis entré dans l'immense bureau aux murs clairs et à la vue dégagée sur la ville et l'océan.
Je prenais un risque énorme, si je me faisais prendre, je n'imaginais même pas ce qu'on me réserverait... J'ai doucement fermé la porte derrière moi, pas totalement pour être certain d'entendre si quelqu'un approchait.
J'ai hésité un long moment mais je me suis lancé quand même. J'ai ouvert le tiroir le plus en bas du bureau. Pas un seul papier, un téléphone et un ordinateur. Mot de passe, pas moyen de me connecter. Deuxième tiroir, une tablette nouvelle génération, sûrement un prototype, tout en verre avec une simple puce électronique au centre et quelques fils dorés qui partaient dans tous les sens. Je l'ai prise dans mes mains et elle s'est allumée. Un hologramme a été projeté devant moi et j'ai eu un mouvement de recul. Une femme, la présidente du pays avec en bas, son numéro de téléphone. Je suppose que si j'avais appuyé dessus, je l'aurais appelée.
Troisième tiroir, un carnet et un stylo, rien d'autre. J'ai feuilleté le carnet, totalement vierge.
Sous le plateau du bureau, un tiroir fin. Fermé à clé. J'ai donné plusieurs coups dedans, j'ai regardé sous le bureau si la clé n'y était pas collée, j'ai cherché dans la bibliothèque ainsi que sur les étagères. Pas de traces de cette clé. J'ai entendu du bruit dans le couloir et j'ai été pris de panique. Impossible de sortir du bureau sans être vu, ni sans que se soit suspect. Je me suis hâté de rejoindre la partie salon légèrement surélevée par rapport au bureau en lui même par quatre marches à gravir et je me suis mis face à la ville, les mains dans le dos le front collé à la baie vitrée.
— Très bien alors, injectez plus et cherchez-en du coté de l'Asie ! Les chinois nous doivent un service, demandez-leur de nous en envoyer une dizaine pour le mois prochain, ceux-là ne tiendront pas longtemps... J'ai entendu la porte s'ouvrir derrière moi. Adam ? La voix de Charles s'est complètement brisée. Il y avait une espèce de mélange entre la surprise et la peur.
— Mon emploi du temps me dit que nous avons rendez-vous. Un robot ménager m'a dit d'entrer et de vous attendre ici, ai-je menti. Je ne sais pas comment tous ces mots sont sortis aussi naturellement de ma bouche mais j'ai été soulagé de ne pas perdre mes moyens.
Il a paru apeuré et a fait un geste de la main derrière la porte signalant à je ne sais qui de partir.
— Bien, bien...
Il m'a invité à m'assoir face à lui, derrière son bureau et il a commencé à me parler des analyses de sang ainsi que de la possible trace retrouvée de mon père. Il a tiré une toute petite clé de la poche de sa blouse et a ouvert le tiroir de sous le plateau. Il en a sorti un dossier qui contenait ma photo et l'a lu rapidement. Il m'a montré un tas de données provenant d'analyses sanguines que j'avais peine à comprendre et il a rangé le dossier, puis refermé à clé qu'il a glissée dans la même poche.
— Viens voir, m'a-t-il dit en se levant. Il a retiré sa blouse et l'a accroché au porte manteau derrière lui.
Nous avons gravi les marches vers le salon, il a disposé cinq petits cubes noirs et lisses sur la table et a appuyé sur celui du milieu. Les cinq se sont mis à briller et un globe terrestre holographique bleu pâle s'est projeté dans l'air. Environ un mètre de circonférence, il tournait sur lui même.
Il a commencé à m'exposer son plan pour retrouver mon père mais la porte s'est ouverte. Il a poussé un soupir agacé et s'est empressé d'aller à la rencontre du même robot que précédemment. Charles a grogné, m'a constaté, j'ai cru qu'il savait que j'avais fouillé et menti mais non, il m'a dit de ne pas bouger et il s'est précipité hors de la pièce.
J'ai dévalé les escaliers et j'ai attrapé la clé dans sa blouse toujours pendue. Je n'en croyais pas mes yeux, la clé était entre mes doigts.
J'ai ouvert le fameux tiroir. A l'intérieur, des dossiers en pagaille, beaucoup moins bien rangés que le reste du bureau ! J'ai trouvé un fin dossier, le mien et un autre en dessous, celui d'Athéna. Aussi, une lettre écrite à la main, signée de notre chère présidente, ordonnant de chercher un remède au plus vite. Mais un remède pour quoi ? Ce n'était pas mentionné. Alors que j'allais refermer le tiroir, j'ai passé mes doigts sous le plateau du bureau, un post-it y était collé, je l'ai saisi.
Livraison sujets à destination du -1, en provenance d'Afrique. Porte B12, 301270, 1140.
J'ai attrapé le premier stylo qui me passait sous la main et j'ai recopié mots pour mots les informations sur mon avant-bras aussi vite que possible. Des bruits de pas dans le couloir. Oh, il marchait à une vitesse impressionnante. Mon coeur s'est mis à battre si vite que je l'entendais. Plus que quelques mots, un dernier petit chiffre...
J'ai recollé le petit papier carré et j'ai fermé le tiroir, j'ai remis la clé là où je l'avais trouvée et je me suis assis exactement comme quelques minutes plus tôt. Les pas se sont intensifiés et je me suis calmé.
J'ai louché sur la corbeille à papier près de moi. Dedans, la feuille de classeur froissée que tenait le robot plus tôt. Elle était désormais déchirée mais j'étais certain qu'avec un peu de temps, je la déchiffrerai.
Trop tard, Charles est entré et a soupiré. Il a balayé la pièce du regard et m'a faussement souri.
— Je suis désolé Adam, je dois te congédier, tu as ta journée de libre, je ne peux pas rester. Il a enfilé sa blouse et m'a invité à sortir devant lui.
Je me suis empressé de rejoindre ma chambre et j'ai recopié les informations prises sur une feuille que j'ai cachée dans la housse de mon oreiller.
J'ai vigoureusement frotté mon bras à l'eau et au savon pour en enlever toutes traces de stylo sans grand succès.
Destination du -1. C'était le sous-sol, j'en étais certain. Porte B12. Il fallait que je trouve un plan du laboratoire. 301270. Il s'agissait forcément de la date si j'avais bien compris, le rendez-vous avait lieu le mardi 30, soit, un jour avant notre potentielle mort. 1140. J'avais des doutes. Il se pouvait que ce soit un code, celui du sous-sol ? A moins que ce ne fut l'heure, 11h40 ? Je penchais pour la deuxième option. Elle me paraissait plus probable.
J'ai eu beau me doucher plusieurs fois ce jour-là, impossible d'enlever le stylo dans son entièreté. Il me fallait donc porter des hauts à manches longues tous les jours suivants.
J'ai mangé sans grande faim durant le repas et j'ai passé l'après-midi avec les autres dans le laboratoire. Nous nous sommes baladés, frustrés de ne pas pouvoir sortir du bâtiment. Je n'ai pas vu Athéna de toute la journée. Je me demandais où elle pouvait être mais je n'ai pas eu de réponses.
Charles pouvait-il savoir que j'avais fouillé dans ses affaires ? Non... Impossible qu'il ait pu l'apprendre.
J'ai rejoint, en fin d'après-midi, Nadir dans le laboratoire de mécanique. Il y passait la plupart de ses journées.
— Qu'est ce que tu fabriques ? ai-je demandé alors qu'il venait de jeter une plaquette de fusibles à travers la pièce au sol jonché de fils et d'outils.
— Je tente de recréer un robot comme celui que j'ai fabriqué chez moi mais avec de meilleurs matériaux.
— Pourquoi ? Nous avons déjà une flopée de robots pour nous servir ici.
— Oui, mais moi je veux un robot hors circuit. Impossible à tracer. Un robot qui puisse nous aider sans être contrôlé...
— Nous aider ?
— Il est plus simple de discuter et de dire ce que l'on veut sans être surveillé... Tu vois ce robot là-bas ?
Il a pointé son index vers un robot voyageur qui filait à toute allure dans le couloir. Les robots voyageurs étaient de petits robots qui existaient sous deux formes, sur roues ou avec hélices. Ils distribuaient des notes en interne, si les réseaux téléphoniques et internets étaient surexploités.
— Oui, il transporte une fiche pour quelqu'un, et donc ?
— Ce mot va être lu et vérifié par l'une des secrétaires. Il est programmé pour cela. Moi, je ne veux pas que mes notes soient lues et cela pourra toujours nous servir ici... Je n'ai pas forcément confiance en ces gens, je pense que ce robot pourra nous aider à communiquer. Il sera sur roues mais je vais lui ajouter un « bébé », un petit drone en plus.
— Remarquable... NAD-EXP-2070, j'ai lu à haute voix, le code inscrit sur le « torse » du futur robot. Il était gravé dans le métal et repassé de peinture rouge vive.
— Oui, pas très original, je n'étais pas très inspiré et puis, il fallait qu'il se fonde dans la masse des autres robots, pas de nom farfelu pour lui. Celui chez moi s'appelle SW-HP-HG-DL et celui que j'ai construit pour les tâches ménagères, GOT-DA.
— Moi, l'intelligence artificielle qui nous aidait à la maison s'appelait T-70s-Sf. Nadir m'a regardé de biais sans comprendre les références. Toute la fin de la soirée et une bonne partie de la nuit, je les ai passées avec lui à construire son robot. Il pouvait nous être bien utile...
Depuis la fenêtre de notre chambre, je pouvais apercevoir le bidonville. Il était plongé dans le noir, les lampadaires étant éteints à partir de minuit dans la périphérie du centre-ville. Je pouvais toujours voir s'échapper des toits en tôle, une épaisse fumée pour les chanceux qui avaient une cheminée.
Je pouvais aussi voir les clôtures au grillage électrique surmontées de barbelés qui entouraient la ville entière. Il m'arrivait de passer sous l'une d'elle pour aller chercher de quoi nous nourrir dans les près et bois aux alentours de la cité.
Mes yeux se sont une nouvelle fois arrêtés sur le bidonville. Je pensais à ma mère, ma soeur et mon frère. Ils n'avaient plus longtemps à souffrir.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top