Partie 1 - Chapitre 3
Charles m'a conduit dans une grande salle de conférence. J'y ai pris place, au milieu, vraiment, la place la plus au centre. J'ai eu le temps de compter les fauteuils, j'étais certain d'être tout juste au centre.
Chaque fauteuil avait sur son dossier, une petite ampoule rouge qui passait au vert lorsque la chaise était prise.
Je suis resté dans cette grande salle pendant deux heures. C'était spacieux, les sièges étaient à environ un mètre l'un de l'autre et avait une petite table dépendante. Sur chaque table ronde, un bloc note, un stylo, un dossier vierge, une bouteille d'eau et une barre de céréales.
L'estrade devant les douze rangées de douze sièges était en bois et les coulisses couvertes de chaque côté par une paire de rideaux en velours bleu roi.
Sur cette petite scène, une longue table avec quatre micros argentés.
La salle s'est remplie petit à petit. La fille de l'ascenseur est entrée quelques secondes après moi et a pris place au premier rang.
Il y avait ce petit gars maigrichon aux cheveux courts bruns et bouclés, un gars pas bien gros qui, à en juger par ses chaussures usées, venait du bidonville comme moi. Il avait l'air perdu, complètement seul et désorienté. Il est entré dans les derniers, le regard fuyant. Avant lui, une fille aux cheveux blonds coupés au carré. Elle était d'une maigreur sans nom et marchait tête baissée. Impossible de deviner d'où elle venait.
Je me suis dit que je pourrais bien m'entendre avec ces deux -là, et aussi avec ce garçon placé à ma gauche. Il s'était assis alors que la salle était complètement vide. Un gars aux cheveux mi-longs, blond foncé, aux yeux verts, brillants de malice et d'intelligence. Lui, il devait venir des lotissements, ceux pour les classes moyennes, entre le centre ville et les barres d'immeubles de la périphérie. Il portait une veste en daim avec un col en laine, le genre de manteau qui coûtait assez cher, trop cher pour moi, pour les banlieusards, pas assez cher pour le centre ville.
Il y a ce petit gars qui est entré, confiant, la tête haute, les cheveux impeccablement coiffés, le dos bien droit, il s'est assis juste à coté de la fille de l'ascenseur et a entamé une conversation avec elle. Bon, cette conversation, je voyais bien qu'elle n'avait pas envie de la poursuivre, elle faisait que de sourire poliment et dire des formules toutes faites comme « pourquoi pas », « intéressant », ou « oui, je vois ». Je dois avouer que j'ai eu un peu pitié.
— Eh, toi ? J'ai tourné la tête vers le garçon assis à ma gauche.
— Oui ? ai-je dit en observant ses yeux verts qui m'invitaient à parler avec lui comme si je le connaissais depuis toujours.
— Tu sais ce qu'on fait ici ? Le principe de l'expérience ? a-t-il demandé en tapotant nerveusement son pied.
— Non, j'en ai pas la moindre idée, j'ai à peine fini ma phrase qu'il a enchaîné.
— Je m'appelle Sol, et toi ? Je suis certain que ton prénom ne te va pas du tout, quelque chose comme Abel ou Adam.
Je l'ai regardé en ouvrant la bouche, il a explosé de rire.
— Je plaisante L'incroyable, j'ai vu ta fiche d'inscription sur le bureau de la femme qui m'a sélectionné.
— L'incroyable ? Je lui ai dit en y réfléchissant à deux fois.
— Oui, je pense que je vais t'appeler comme ça. Si ta fiche était ouverte dans un coin de son bureau d'ordinateur, c'est que tu dois être important. L'incroyable ou Le Formidable ? murmura-t-il. Il commença un débat intérieur.
— Pourquoi... J'allais lui demander pourquoi « Sol » comme prénom, mais il m'a encore coupé. Cela ne m'a même pas énervé, au contraire, j'ai trouvé que c'était drôle.
— Tu as l'air d'un type bien Adam, ça te dit qu'on devienne amis ? J'ai haussé les épaules, la lumière dans la salle s'est éteinte, Charles et trois scientifiques ont gagné la scène et se sont assis derrière la table bleue.
Le silence s'est fait dans la salle. Alors Charles, assis en bout de table, a pris la parole, la voix rassurante.
— Bonjour à tous, je m'appelle Charles Hawkins, je suis médecin, chercheur pour EXP. Vous êtes ici car vous avez les qualités requises pour participer à l'expérience que nous avons nommée Mercure. Vous êtes 100, il n'en restera que trente d'entre vous à la fin de cette présentation. Un murmure a traversé les rangs.
Une jeune femme à l'autre bout de la table s'est levée.
— Je me présente, Mary Marguling, je suis chercheuse en technologies spatiales pour EXP, et je vais aujourd'hui vous présenter le projet auquel vous allez peut-être participer.
« Nous envisageons de vous entrainer à la survie et de vous lâcher dans une forêt pour être capables de comprendre l'instinct et les racines animales chez les Hommes. Vous serez envoyés dans une zone noire ainsi nous pourrons savoir si elles sont de nouveau habitables. » A-t-elle dit calmement. J'étais stupéfait. J'ai observé la réaction de tous les autres et c'était la même pour tous. Nous étions sous le choc. Les zones noires ? La survie ? Mais... Cela n'avait aucun sens.
Quelqu'un, un garçon au premier rang a éclaté de rire et s'est levé.
— Hors de question que je risque ma vie dans une foutue forêt en zone contaminée pour ce genre d'expérience bidon. Il a rejoint la porte suivi d'une cinquantaine d'autres personnes. Un sourire amusé s'est dessiné sur le visage des quatre scientifiques et j'ai su que c'était du bluff. Impossible qu'il envoie des adolescent en zone noire et pour ce genre d'expérience inutile. Des machines existaient pour analyser le taux de particules des zones noires. Sol à côté de moi s'est levé. Je lui ai attrapé le poignet.
— C'est du bluff, assieds-toi. Ils font le tri. Sol a observé la scène, m'a regardé avec méfiance et s'est rassis.
— J'espère que tu as raison Le Formidable, a t-il dit en plongeant ses yeux dans les miens. Je l'espérais aussi.
Un nombre de sièges incroyables est passé de vert à rouge.
Les portes du fond se sont refermées et Mary Marguling a applaudi. Charles s'est levé et a ajusté une oreillette. Ses cheveux étaient si bien coiffés que je me demandais ce qu'il pouvait bien utiliser.
— Maintenant qu'un écrémage a été fait, il ne reste que les courageux, a dit Charles en nous souriant de toutes ses dents. Je vais laisser la parole à celui qui a mis en place le vrai projet et pas cette petite mise en scène pour vous tester, Eloir Mousk !
— Merci Charles, bonjour à tous, je me présente, Eloir Mousk, scientifique pour EXP depuis sa création en 2046. Avec mes trois collaborateurs, nous travaillons à la sauvegarde de l'humanité. Je ne vais pas attendre plus longtemps avant de vous dévoiler le projet.
Un écran holographique est apparu derrière lui et grâce à un petit stylo, il pouvait contrôler la présentation.
« Comme vous le savez, ou pas, la population de la Terre augmente et elle n'est pas prête de se stabiliser. Nous souhaitons donc mener des expéditions spatiales, seulement, elles risques d'être longues et c'est pour cette raison que nous avons besoin de vous. Il nous faut des tests, des cobayes. »
Des images de l'espace et de vaisseaux spatiaux passaient à l'écran, des pointillés nous apprenaient leurs trajectoires. Puis, des espèces de capsules en verre et métal nous ont été présentées. Eloir a légèrement déplacé son stylo et le visuel des capsules à l'écran nous est apparu en trois dimensions au-dessus de nos têtes. Le plan du prototype a tournoyé dans l'air dans une lumière bleutée.
« Ce sont des capsules de préservation humaine, nous les avons crées pour qu'elles puissent garder un corps humain pendant des décennies, des siècles. Une fois le corps plongé dedans, il est dans un sommeil artificiel sans rêves ni pensées. »
— Vous voulez que nous entrions dans ces boites ? a demandé quelqu'un au bout de la salle.
— Précisément, a répondu Eloir en souriant avec bienveillance.
— Combien de temps ? a ajouté Sol en levant la main.
— Entre une cinquantaine et une centaine d'années, d'ici là, nous estimons que la population aura augmentée de deux milliards, peut-être plus. Nous ne pourrons plus vivre et il faudra entamer l'évacuation de la planète. Nous voulons savoir au bout de combien de temps, les capsules tiendront. C'est une expérience de longue durée.
— Quels sont les risques ? a demandé la jolie fille de l'ascenseur avec une pointe d'incompréhension dans la voix. Parce que personnellement, voir le futur sans vieillir ne me semble pas être un sacrifice qui vaille 1 million.
— Eh bien, pour certains, ne plus voir leur famille peut poser problème, mais le vrai risque est celui-ci, comme je l'ai dit, c'est une expérience, vous serez les premiers, les réglages techniques viendront avec le temps alors il se peut que certain meurent dès les premières heures dans la capsule.
Un brouhaha a envahi la salle.
— Que ceux qui souhaitent quitter la salle se dirigent vers la sortie, a dit Charles.
Hors de question que je quitte cette salle, peut-être que j'allais mourir, mais cet argent, ma mère en profiterait, ma soeur et mon frère aussi.
Sol a haussé un sourcil en voyant le nombre de personnes se lever.
— On prend le risque Le Formidable ? J'ai fait oui de la tête, il a croqué dans sa barre de céréales et a bu une gorgée d'eau. Alors je te suis !
Une vingtaine de personnes ont quitté la salle. Des lumières vertes ont indiqué les places toujours occupées. J'en comptais trente deux. Les portes se sont une nouvelle fois fermées.
Eloir a vivement donné un coup dans ses mains, les lumières se sont allumées et il a éteint sa présentation en rangeant son stylo dans sa blouse.
— Voila, nous sommes enfin avec la crème de la crème, les plus courageux, ceux prêts à se sacrifier pour l'humanité. Il a marqué une courte pause. A moins que ce ne soit pour l'argent, beaucoup dans la salle ont ricané.
Le dernier scientifique était une scientifique et elle s'est levée d'un bond. C'était une jeune femme très avenante avec un brushing parfait et un chemisier bleu rentré dans une jupe mi -longue noire.
— Anne Mason, je suis ravie de voir que nous avons encore de l'espoir et que nous pouvons compter sur notre jeunesse, notre futur. Une fois que vous aurez rempli et signé le contrat qui se trouve sur votre gauche, vous ferez officiellement partie du projet et l'argent promis sera vôtre.
Malgré la possibilité de mourir, ce projet me semblait superbe. Le futur ? Mais c'était dingue !
Elle s'est assise et j'ai saisi le dossier.
Nom, prénom, date de naissance, lieu de résidence, lieu d'étude, niveau d'études (diplômes), vaccins... Numéro du sujet.
J'ai pris un moment avant de comprendre la signification de cette case puis j'ai vu Sol tourné son poignet et plisser les yeux pour voir l'inscription qu'il portait. J'ai fait de même, ma gommette était violette et portait le chiffre 1.
En haut à gauche, une future photo de nous. Les champs étaient tous obligatoires. Je les ai remplis de ma plus belle écriture et à la fin de la première page, une signature obligatoire. J'ai inventé un gribouillage, un mélange de A et de W vaguement entremêlées. Après, douze longues pages de conditions et d'explication du projet écrit en petits caractères avec des alinéas, des parties et des sous-parties, c'en était fini. Je les ai lues. Pas en entier, c'est vrai, mais je les ai commencées. C'était d'un barbant ! A la toute fin du dossier cette petite phrase :
J'ai lu et ai pris connaissance des conditions de l'expérience du projet MERCURE.
Je n'avais pas lu ni pris connaissance mais j'ai signé quand même.
Nous étions trente deux, trente deux gamins à espérer ne pas mourir. Anne est passée dans les rangs récupérer les dossiers puis elle nous a demandé de la suivre.
Nous avons quitté la salle au son de ses talons qui faisaient un bruit d'enfer sur le carrelage des longs couloirs du quatrième étage.
J'étais dans le fond du troupeau qui la suivait avec Sol. Devant moi, la fille de l'ascenseur et une jeune fille aux cheveux incroyablement frisés et volumineux. Sa peau ambrée avait un éclat solaire.
— Je vais vous conduire à la salle des préparations, nous nous retrouverons après pour que je vous fasse découvrir vos dortoirs, la cafétéria, votre nouvelle maison ! a-t-elle dit surexcitée.
— Qui va prévenir nos parents que nous sommes sélectionnés ? a demandé le garçon aux yeux bleus.
— Vous aurez un coup de téléphone chacun ce soir et si vous n'en avez pas chez vous, alors nous enverrons quelqu'un.
Nous avons passé l'après-midi entier dans une grande pièce, sûrement un auditorium habituellement aménagé pour l'occasion en une salle de préparations. Des coiffeuses, esthéticiennes, couturières et un photographe.
J'ai toujours fait attention à mon hygiène et mon physique. Je détestais les barbes mal rasées et les cheveux mal coupés alors la seule personne qui s'est occupée de moi était le tailleur qui a pris mes mesures. J'ai enfilé un tee-shirt à col rond blanc et on m'a invité à prendre place sur un tabouret devant le photographe. Il m'a fait assoir bien droit devant un fond gris et a pris trois portraits. Profil droit, face et profil gauche. Je n'ai pas souri.
— Tu aurais au moins pu sourire Le Formidable, m'a dit Sol en prenant ma place. Lui non plus, il n'était pas passé entre les mains des coiffeurs et esthéticiens, il avait enfilé un tee-shirt à manches courtes en coton semblable au mien mais rouge avec trois petits boutons sur l'encolure.
Il s'est contenté d'un mince sourire malin et m'a rejoint dans un petit salon destiné aux jeunes déjà prêts. Un salon semblable en tout point à la salle d'attente après la première sélection, le premier test.
J'ai admiré l'océan que l'on voyait d'ici aussi. Il était aux alentours de seize heures, je regrettais de ne pas avoir emporté la barre de céréales de la table voisine à la mienne dans la grande salle de présentation. Je commençai à avoir faim et soif de surcroît.
La fille de l'ascenseur est arrivée alors que Sol et moi imaginions le futur.
Sol était certain que tout le monde posséderait un vaisseaux spatial, que nous pourrions nous téléreporter et que nous serions immortels, moi, je lui ai dit que je n'avais pas du tout envie de quitter la Terre et que j'espérais simplement qu'elle devienne plus verte et qu'il n'y ait pas de guerre à notre réveil.
— Salut Sol, garçon de l'ascenseur, a-t-elle dit en faisant une légère révérence. Comment se connaissaient-ils ?
— Il s'appelle Adam mais tu peux l'appeler Le Formidable, a ricané Sol.
— Pourquoi « Le Formidable » ?
— Je... Sol a scruté la salle et a louché sur la caméra dans le coin de la pièce, il a repris plus bas, je t'expliquerai plus tard.
— Alors vous vous connaissez ? ai-je dit en passant furtivement ma langue ma lèvre inférieure étrangement sèche.
— Athéna Twaithes, je n'ai parlé à Sol que quelque secondes dans la salle d'attente après le premier entretien, nous ne nous connaissons absolument pas. La jeune fille qui l'accompagnait dans les couloirs a fait irruption, vêtue comme Athéna d'un haut bleu ciel et d'un pantalon noir. Contrairement à Athéna, elle n'avait pas eu besoin de faire des plis au bas du sien presque trop court.
Ses cheveux avait été légèrement coupés et j'ai découvert son visage aux traits fins et aux milles taches de rousseurs sur les joues et le nez.
— Adam, Sol, je vous présente Kaya, a dit Athéna en se laissant tomber dans un canapé face à la baie vitrée. Elle nous a fait un grand sourire et nous a salué d'un signe de la main avant d'aller s'assoir près d'Athéna qui observait songeuse la ville et l'horizon.
Nous étions dix dans la salle quand la jeune femme, Anne, est entrée en chantonnant.
— Vous serez le groupe A, suivez-moi je vous prie, a dit Anne en rajustant le col de son chemisier en mousseline.
En plus d'Athéna, Kaya et Sol, le garçon pas bien grand du bidonville aux cheveux bouclés et aux grands yeux bleus, la fille au carré blond qui semblait si fragile que personne ne l'approchait, le type incroyablement athlétique qui avait discuté avec Athéna avant la présentation, un petit gars à lunettes, une fille aux cheveux si courts que de loin, elle paraissait chauve et ce type tout bonnement banal.
— Vous logerez dans le bâtiment, nous avons des appartements au dernier étage. Vous trouverez dans vos chambres un nécessaire de toilette, un règlement intérieur et demain matin, de nouveaux habits. Un planning vous sera distribué chaque jour.
— Quand serons-nous placés en capsule ? ai-je demandé.
Parce que finalement, nous n'en avions aucune idée. Nous avait simplement été exposées les grandes lignes de l'expérience.
Nous nous sommes arrêtés devant un ascenseur de taille conséquente et Anne a appuyé sur le bouton d'appel.
— Toi, tu n'as pas lu entièrement ton dossier, a-t-elle dit en me pointant du doigt. Qui peux lui répondre ?
Personne n'a levé la main, chacun a regardé ailleurs. Ne le savaient-ils vraiment pas ou étaient-ils solidaires ? Je leur en était reconnaissant, cela m'évitait de passer pour un idiot.
— Je vois..., a soupiré Anne en levant les yeux au plafond. Eh bien, je vous ferai parvenir le dossier et vous le lirez, je vous interrogerai demain après-midi.
Les lourdes portes de l'ascenseur se sont ouvertes et nous sommes montés au dernier étage du bâtiment. Celle-ci n'a duré qu'une petite minute.
Les porte se sont rouvertes sur un large hall circulaire. Au milieu, un canapé rond capitonné, de couleur crème. Le sol était une moquette blanche qui paraissait neuve et les murs couverts de papier peint à bandes verticales plus ou moins foncées. Ils étaient aussi illuminés par des appliques murales agrémentées de franges dorées. Rien à voir avec le reste du bâtiment. Pas de larges couloirs, ni de vitres ou de bureaux au mobilier moderne.
Du hall, six chemins à emprunter. De gauche à droite, le premier menait à la salle commune, un salon. Le suivant menait à la salle d'étude, ensuite, le réfectoire, puis, les trois suivants menaient aux dortoirs. Un couloir pour chaque groupe. Nous étions dix, les deux autres groupes se composaient de onze personnes.
Les chambres contenaient quatre couchettes et il y en avait trois par couloir. Les filles se sont mises ensemble, Sol et moi avons ouvert la première porte. C'était une petite chambre minimaliste avec deux lits superposés, quatre casiers et une salle de bain. Un robot boîte de conserve aspirait le sol et s'est précipité dehors à notre vue.
Sol a grimacé devant ce confort très spartiate.
— On est prêt à mourir pour eux et voila à quoi on a droit ! a-t-il pesté.
— Tu sais quoi, on est deux, estimons nous heureux, on a le choix des lits, j'ai dit pour relativiser.
— Je prends la couchette du haut ! s'est exclamé Sol en sautant sur le matelas du lit gauche. Il a balancé ses pieds dans le vide puis s'y est allongé.
Je faisais le tour de la salle de bain quand quelqu'un a frappé à la porte. J'ai entendu Sol sauter au pied de son lit et ouvrir.
— Salut, a dit une voix qui m'était inconnue. J'ai passé la tête par l'entrebâillement de la porte de la salle de bain et j'ai vu le garçon aux grands yeux bleus. Je peux me joindre à vous ? a-t-il demandé timidement.
— Plus on est de fous, plus on rit ! ai-je dit. Sol a ouvert la porte et lui a fait une révérence avec un grand geste du bras l'invitant à entrer.
— Comment tu t'appelles ? a demandé Sol en sautant sur la couchette qu'il avait quittée.
— Adonis et vous ? Il est resté au milieu de la pièce sans bouger, les mains derrière le dos comme un enfant puni.
— Lui, j'ai dit en désignant la couchette où il était allongé le nez en l'air, c'est Sol et moi, Adam.
— Tu peux l'appeler "Le Formidable", a dit Sol en se redressant. Adonis a ouvert la bouche pour poser une question mais je lui ai fait signe que cela ne servait à rien.
— Il est possible que Nadir nous rejoigne, les deux autres garçons sont insupportables... De vraies premières classes qui se croient meilleurs en tous points. Ils se pensent supérieurs à nous tous...
— Qui est Nadir ? ai-je dit en m'installant sur la couchette du haut face à Sol qui m'a coupé.
— Foutue première classe ! Ils me font rire ceux-là, avec leurs grands airs guindés, Adonis et moi nous nous sommes regardés intrigués, moi qui pensais que les classes moyennes ne critiquaient pas les plus aisés, peut-être que Sol n'était pas un classe moyenne ? Je ne le savais pas encore.
— Nadir est le garçon d'origine libanaise, celui avec des lunettes et des cheveux très noirs, le teint olivâtre, a dit Adonis en faisant abstraction de la remarque que Sol venait de faire.
— Qu'il vienne ! s'est exclamé Sol. Choisis vite ta couchette, on ne sait jamais, Nadir pourrait vouloir celle que tu désires.
Adonis s'est assis sous mon lit et a hoché la tête en signe de satisfaction.
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