La lettre de Motoko

Aujourd'hui, c'est samedi.

Motoko a fini sa lettre. Elle a rempli quatre feuilles avec sa grosse écriture tordue et adorablement sincère, et elle sait elle-même qu'elle a sans doute fait beaucoup de fautes, même si elle ne sait pas où elles sont, ni comment les corriger.

Alors, comme elle sait que maman Tamoga est à la maison aujourd'hui, et que c'est maman Angèle qui est sortie avec le reste de la famille, elle va dans le salon, et y trouve, comme elle s'y attendait, sa mère brune, toujours en train de lire son magazine auquel elle est abonnée depuis de nombreuses années. Maman Tamoga met plusieurs secondes à lever la tête et à la voir enfin devant elle.

La petite fille a les pieds plantés dans le sol, ce qui n'empêche pas ses genoux de se fléchir avec un rythme rapide, comme si elle se retenait de sautiller. Son regard est joyeux et son visage illuminé, elle semble très heureuse, et fière de quelque chose. Dans sa main gauche, elle tient toujours fermement Doudou par la nageoire dorsale, comme si elle ne l'avait jamais lâché que pour le changer de poigne. Dans sa main droite, elle tient un feutre gris clair et un petit tas de feuilles blanches, noircies - ou plutôt grisées - de mots, qui pointe le sol. Tamoga devine bien évidemment pourquoi sa dernière fille est ici, et lui demande :

"Alors, ça y est, tu as fini ta lettre ?"

"Oui !"

"Tu me la montres ?"

"Oui, tiens ! Tu peux m'aider pour mes fautes ? Je ne les vois pas..."

"Et bien, ce n'est pas grave, moi je vais les voir et te les corriger sans problème."

Motoko et Doudou s'installent alors à côté de Tamoga, et la petite tend ses feuilles, qu'elle a pris soin de ranger dans le bon ordre, à sa maman brune. Celle-ci s'extasie avant de se mettre à lire :

"Wow, tu as écrit tout ça ?"

"Oui ! Tu as raison, j'ai plein de choses à leur dire."

Tamoga, déjà conquise, trace un sourire émotionné et commence enfin à parcourir les mots. Elle sourit et prend un stylo noir qui traîne sur la table-basse depuis des semaines pour corriger la première faute, dès le premier mot. Pendant une minute, elle se passionne pour la lettre de sa fille, même si elle lui demande quelque fois ce qu'elle a voulu dire par telle ou telle phrase qu'elle ne comprend pas, faute de maladresse avec la syntaxe.

Mais rapidement, à mesure que son regard attentif dévore les mots de Motoko et qu'elle corrige, humble et patiente, les fautes de langue les unes après les autres, quelque chose de bien plus fort naît en elle. Sa bouche s'entre-ouvre de stupeur, ses yeux se remplissent de larmes, et ne quittent plus les feuilles, même quand les mots sont flous. La petite fille est étonnée de voir sa maman pleurer, et lui demande, tout bas :

"Pourquoi tu pleures ?"

"C'est ta lettre, ma chérie... Elle est... attends, je termine de la lire et je t'explique tout, d'accord ?"

Motoko hausse les épaules avec sa petite bouche en o, et tourne la tête vers Doudou qu'elle tient dans ses mains, le faisant onduler devant elle, comme s'il pouvait vraiment nager, en attendant que maman Tamoga ait fini.


Maman Tamoga a fini de lire la lettre de Motoko. La petite fille en est alertée lorsqu'elle la voit reposer les feuilles sur la table-basse. Elle tourne la tête vers elle, et la voit toujours aussi larmoyante, si ce n'est même plus. Immédiatement, Tamoga prend Motoko et Doudou sur ses genoux, et serre sa dernière fille dans ses bras. Elle songe, tout bas, près de l'oreille de l'enfant, la voix tremblante d'émotion :

"Ta lettre est magnifique, Motoko... Elle est superbe. Elle est très triste, et tu vois, en même temps, tu as mis beaucoup de compassion et d'espoir dedans. Elle est tellement belle qu'elle me fait pleurer..."

"Ça veut dire quoi, compassion ? questionne la petite, tout bas, en prenant sa petite bouche en forme de o, étonnée."

"La compassion, c'est, comment dire... c'est quand tu es très gentille avec les autres, mais parce que tu es capable de comprendre leurs problèmes et de ressentir ce qu'ils ressentent. Ça veut dire que tu sais très bien te mettre dans le cœur des autres, et que tu comprends très bien ce qu'ils ressentent."

Motoko serre un peu plus fort sa maman dans ses bras, presque plus fort que Doudou, tandis que celle-ci toise fixement son magazine posé sur la table, songeuse. Elle finit par questionner encore son enfant, tout bas :

"Motoko ? Est-ce que ça te dirait que j'appelle un rédacteur que je connais, et que je lui demande s'il peut mettre ta lettre dans le prochain magazine que je lis ?"

La petite s'exclame, ravie, tandis qu'une lumière de joie s'est glissée dans ses pupilles :

"Ah bon ? Tu pourrais faire ça ? Tu crois que comme ça, les gens qui ont fabriqué Doudou vont pouvoir voir ma lettre ?"

"Peut-être, peut-être..."

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