L'ombre partie (III)
La nuit... Déjà ? Combien de temps me suis-je laissée prise par les songes ? Combien de temps fallut-il pour me remettre de cette immobilité lancinante ? La nuit... Magnifique. Je m'arrête ici. Tu sais ? Je n'ai plus envie de tout mettre à plat, et d'expliciter toute pensée qui me traverse. Je veux juste m'arrêter, et dire, maintenant que j'ai pour moi le lyrisme – car je ne l'ai pas toujours eu – que j'ai envie de perdre mon temps, tout plaquer, et juste rester ici à regarder, voir loin, très loin, sans ces liens qui me retiennent, sans ces bâillons que l'on se force à arborer avec sourire. Je regarde les étoiles ; rien qui puisse empêcher d'observer la grande communauté. Une pléiade, des constellations... Aucune artificialité sinon la pensée elle-même...
Ce que je regarde est loin de figurer dans la même grille de considération qu'un quelconque voyageur en quête de lumière et de belle vue. Je vois la nuit, je la sens et la vis ; je vois les étoiles, mais je contemple l'astre, invisible qui abandonne les siens. L'ombre, sortie d'une constellation, partie la solitaire, en quête de pureté – celle qui n'a jamais brillé, qui n'est ni le centre du monde ni de l'intérêt – partie. On ne la retient pas, comme elle le désire, fantôme du monde, sans attache, filante et frivole, silencieuse et maladroite.
Fleurs célestes, entendez-moi ! Je suis l'âme noire, la déliquescence et le manque ! Je suis celle qui demande et celle qui lit, celle qui parle et celle qui ennuie ! Je sais bien que tu m'entends ou me lis, même si je ne sais par quelle malédiction tu y parviens ! Qui es-tu pour ainsi avoir la malchance d'entendre mon existence ? S'enquérir d'une pétale maudite ?
Mon cœur palpite. Fraîcheur somnolente, noir désirable, antre en attente, voix perdue, désespoir défiguré – quand la nature des choses est transfigurée. L'ombre est partie. Et je me rapproche du cœur. De mon cœur.
L'arche s'approche, le portique aussi. Et l'austérité de la modestie ambiante ; ce lieu simple, celui qu'il m'a été autorisé de visiter une dernière fois... éveille ma curiosité et un instinct qui dépasse l'entendement. Qui suis-je pour avoir ainsi le droit de passage ? L'ombre partie, perfide, sans excuses... Qui peut pardonner l'immatérielle pour son arbitraire ? Je veux être ombre, vieille et sénile et puérile et invisible et foutrement excessive. Et quoi ? Excédée
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